interrogation rivista internazionale di ricerche anarchiche - revue internationale de recherche anarchiste - revista internacional de investigaci6n anarquista - international review of anarchist research Les transnationales, ou l'impérialisme sans drapeau U.S.A. : The lllusion of capitalist self-transformation Espaiia, con Franco o sin Franco Il movimento cooperativo. Dall'utopia ai nuovi padroni Un samizdat Parallèle entre les systèmes économiques « occidentaux » et « soviétiques » Sept. 1975 Set. ALBERT MEISTER SYLVIA KASHDAN RAMON PUIG ROBERTOAMBROSOLI M. S. AGOURSKY 4
INTERROGATIONS revue internationale de recherche anarchiste trimestrielle le numéro el numero single copy una copia ) (X) ) ) ) Abonnement 1 an Suscripci6n 1 afio Subscription 1 year Abbonamento annuale Par avion By airmail ) ) 10 francs français 1000 lire 80 cents UK 2 dollars U.B. ) (XX) ) 4 fois le prix veces el precio times the price volte il prezzo ) ) + 50 % Administration et versements Administraci6n y pagos Amministrazione e pagamenti Management and payments ) ) ) ) ) Georges Yvernel, 32, passage du Désir, 75010 Paris Compte chèque postal Paris 724369 Rédaction Redacci6n Editing Redazione ) IX) ) (,<X) ) ) " ) ) ) Louis Mercier Vega 3, rue de Valenciennes 75010 Paris · ou l'équivalent en monnaie nationale. o su équivalencia en moneda naciona1. or the ~quivalent in the country currency. : .: (• .. ;✓ o l'eguivalente in moneta nazionale.
INTERROGATIONS Septembre / September Septlembre / Settembre 1975 Les transnationales, ou l'impérialisme sans "'apeau U.S.A. The illusion of capitalist self-transformation Espana con Franco o sin Franco 1:1 movimento ~perativo Dall'utopla ai nuovl padroni N° 4 5 ALBERT MEISTER 20 SYLVIA KASHDAN 30 RAMON PUIG 53 ROBERTO AMBROSOLI Parallèle entre 76 M. S. AGOURSKY les systèmes GOffiRooGIULIAN Castello, 3297 - tel. 26659 so122 VENEZI.A
Dans ses tout prochains numéros / En sus muy proxlmos numeros / In the very next issues / Net prossimi numeri INTERROGATIONS publiera / publicara / will publish / pubblicherà Nicolas Faucier La classe ouvrière des chantiers navals de Salnt-Na:r:aire René Fugler : Minorités ethniques t"t nationalismes Carlos de Fonseca : Les jeux des pouvoirs au Portugal Pierre Clastres : Fonction, autorité et pouvoir dans les sociétés dites primitives Will Watson : Hemingway and Dos Passos ln Spain D.avid Thoreau Wieck : The Negativity of anarchism Pedro A. Barcia : Radiografia del sindicalismo argentino « Letter » from Japan « Carta » de Peru Toute reproductton de l'un ou l'autre des textes publiés dans le présent numéro est soumise à autortsatton écrite préalable de la rédaction. Collaborateurs, administrateurs et rédacteurs sont bénévoles Colaboraciones, administraciôn y rédacciôn son voluntarios Contributions, managing and editing are voluntary Collaborazione, · amministrazione e redazione sono volontarie
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APRES UN AN Avec ce numéro 4, nous bouclons notre première année de par11tion. Une rencontre entre animateurs, collaborateurs et amis se tiendra prochalnement à Genève pour évaluer les résultats de ce premier ialop, et préparer la suite. Les suggestions des lectems seront prises en compte, dans la mesure où lls nous les feront parvenir. Le.s premiers abonnements, partant du numéro 1, arrivent à expiration. Il est Indispensable que les abonnés les renouvellent, et cela sans que l'administrateur ait à les solliciter. (Nous n'orraniserons pas de concours, ni offrirons des primes, ni ferons miroiter aucune perspective mirobolante.) Le coup de main des lecteurs, c'est leur abonnement, et la recherche d'autres abonnés. Nous en avons besoin. Pour l'instant, nous maintenons le prix de l'exemplai.re et celui de l'abonnement, malgré que nous ayons fourni un nombre de pages exceptionnel, mals il est probable que nous aurons à les arrondir prochainement. Signalons enfin que Je soutien financier à la revue n'est nullement interdit. ABONNEZ-VOUS. REABONNEZ-VOUS. FAITES-NOUS DES ABONNES. DESPUES DE UN ANO Con este mimero finallza nuestro primer aiio de publlcaci6n. Proxlmamente tendra lugar en Ginebra un encuentro entre animadures, colaboradores y amigos, al objeto de eval11ar los resultados de este primer reeorrido y preparar la eontinuaci6n. En la medlda en que los lectorcs nos envicn sus sugestiones, no dejaremos de tcnerlas en cuenta. Las primeras suscripciones, inicladas con el nûmero 1, vencen ahora. Es indispensable que los suscrlptores las renueven, sin que el administrador de la revista tenia que sollcltarlo. (No orranizarcmos concursos, ni ofreceremos premios, ni deslumbraremos con pro mesas.) La ayuda de los lcctores consiste en su suscripcl6n y en la biisqueda de otros suscriptores. Nos son necesarios. Por el momento, mantenemos el precio del ejemplar, asi como el de la suscrlpc16n, nu obstantc haber ofrecido un nûmero de paginas excepcional; pero, e.s probable que tengamos que aumentarlos pr6xlmamente. Seiialemos, por ùltimo, que no esta prohlbldo el sostener econ6micamente a la revlsta. SUSCRJBASE - RENUEVE SU SUSCRIPCION - HAGANOS SUSCR1PTORES ENTRE SUS AMIGOS. 4
Lestransnationales (*) AlbertMeister La dilution de l'impérialisme américain EN TANT qu'Européens, nous sommes surtout sensibles à l'intégration des économies européennes et du Marché commun dans l'ensemble occidental et notre perception du changement est souvent vi1ée à cause d'une réaction épidermique à l'« américanisation>> croissante de notre vie quotidienne. Il faut toutefois montrer que l'intégration dans le nouvel ensemble économique peut être tout aussi pénible pour les Etats-Unis eux-mêmes. De fait, le point de vue que j'essaierai de développer ici est que la force de pénétration et de domination capitalistes qui a été longtemps l'apanage de l'impérialisme américain s'est transférée au système transnational. Grâce aux firmes multi-nationales, l'impérialisme est le fait de tout le système et comme les pays européens participent de plus en plus à ces firmes sur un pied d'égalité avec les Américains, on ne peut plus guère dire qu'il y a impérialisme américain en Europe - mais aussi, et pour les mêmes raisons, il n'y a plus d'idée et de volonté européennes susceptibles de s'opposer à ces tendanées ! De même, j'essaierai de montrer qu'à l'égard des sous-développés, l'impérialisme trans-national est tout autant britannique que scandinave et même est-européen que nordaméricain - même si ce dernier est davantage présent et continue de remplir la fonction bien utile de bouc émissaire. Cette dilution de l'impérialisme américain dans le système trans-national intervient précisément au moment où l'Europe a rattrapé les Etats-Unis, tant au point de vue des niveaux de consommation, que de la productivité et de la puissance des entreprises. La crise monétaire internationale reflète les conditions nouvelles du dialogue entre Etats-Unis et pays Européens, au moment où ceux-cl parviennent à un seuil de puissance qui (*) Les deux textes qui suivent font partie de l'étude que l'auteur publiera Incessamment aux Presses Universitaires de France (P.U.F.), dans la collection Economie en Liberté, sous le titre Grâce à l'lnDatlon - Essai sur les fonctions socio-poJltiques de l'inflation. 5
ALBERT MEISTER les incite à modifier les termes des accords antérieurs. Et cette même crise signifie pour les Etats-Unis qu'ils sont désormais intégrés dans un ensemble plus vaste, non plus seulement composé de pays où ils continueront certes de jouer le rôle de premier plan mais dans lequel ils ne seront plus le seul leader. En d'autres termes, la crise monétaire actuelle doit être considérée en fonction des modifications dans l'équilibre des relalions internationales et de la croissance des firmes multinationales qui - et c'est la caractéristique du système transnational - sont de plus en plus parties prenantes dans la définition de cet équilibre. Une brève incidente historique sur la façon dont s'était réglée la précédente crise monétaire devrait permettre d'éclairer ce point. Le système monétaire issu des accords de BrettonWoods de 1944, à la veille de la paix, reflétait l'intérêt des Etats-Unis pour un redémarrage rapide du commerce international avec le minimum de restrictions. Le dollar s'impose tout naturellement comme monnaie de réserve et, grâce à leur situation de créancier de tous les autres pays, ils peuvent imposer une discipline monétaire afin de maintenir des parités fixes et la convertibilité. Ce système permet la reprise du commerce international et l'on peut dire qu'il fonctionne bien tant que les pays restent dépendants et débiteurs des Etats-Unis, c'està-dire jusque dans le début des années 1960. Depuis cette époque les déficits de la balance américaine des paiements s'accumulent et les anciens débiteurs devenus créanciers renâclent devant la perspective de devoir couvrir des déficits de plus en plus importants ; on sait déjà qu'à terme il faudra changer un système qui ne tient plus compte des nouveaux rapports de puissance. Plutôt que d'examiner le problème du double excès d'émissions monétaires (en dollars par les Etats-Unis pour faire face à leur déficit et en monnaies européennes par les créanciers pour racheter ces surplus de dollars) à la lumière du regain de popularité qu'en a reçu la vénérable théorie quantitative de la monnaie, il semble préférable de s'interroger sur quelquesunes des tâches assumées par les Etats-Unis et dont, avec le temps, ils ont fait partager la charge par les autres pays : 6 - ils ont assumé la protection européenne et ont pu s'opposer au grignotage communiste aux marches du monde occidental, prenant le relais de puissances secondaires (cas de la France en Indochine, par exemple) ; - ils ont supporté le poids principal des institutions internationales créées pour légitimer et prolonger le partage
LES TRANSNATIONALES du monde résultant de la deuxième guerre mondiale, assumé une grande part des charges de l'assistance aux pays sous-développés et pris en charge des opérations de police (notamment en Amérique Latine) visant la protection des intérêts de l'ensemble du monde occidental; - ils ont pu développer la recherche scientifique là où elle était le plus facilement organisable et efficace, c'est-àdire chez eux, tous les autres pays en devenant tributaires; - enfin, à partir de la reconstitution du potentiel économique européen, les grandes compagnies américaines ont pu investir massivement et favoriser la concentration capitaliste et le rapprochement des grands partenaires sociaux (Etats, grandes entreprises, organisations professionnelles). Comme on le sait, avec le temps, de tels investissements ont d'ailleurs été de plus en plus financés par l'activité locale des sociétés déjà installées puis par le marché des eurodollars créé par le déficit commercial américain. Le financement du déficit américain par les autres pays occidentaux correspond à leur quote-part aux frais de ces opérations et services. Certes, si l'on s'en tient à une optique purement nationale, ces quote-parts peuvent être considérées comme des excès d'émissions monétaires sans contrepartie visible, tangible pour les pays ; mais il faut se dégager de cet esprit de clocher et envisager la réalité des prestations américaines à l'échelle de !'Ensemble occidental. Si l'on songe, en outre, que les Etats-Unis ont assumé seuls l'impopularité - certes toute relative et bien tardive - de certaines de ces tâches, comme la guerre du Vietnam, la répartition des coClts n'a somme toute pas été trop pesante pour les pays bénéficiaires. Bien sClr, des protestations s'élèvent, comme chaque fois qu'il faut payer. Elles sont un peu plus fortes dans un pays comme la France, qui tente de prolonger son passé de grande puissance dans des programmes de défense et de prestige coClteux (et eux· aussi sources d'inflation) et qui, de ce fait, se trouve moins solide pour affronter le poids inflationniste supplémentaire de sa contribution internationale. Plus réalistes, d'autres pays, comme l'Allemagne, la Suisse· ou la Suède acceptent sans contester le leadership américain en matière de recherche et, tout en pensant qu'il devrait être possible de mater les Vietnamiens et les autres rebelles à un prix moins élevé, admettent sans broncher la nécessité de la protection de leurs intérêts commerciaux et 7
ALBERT MEISTER du c monde libre ,. D'une ta.çon générale, ·tous les pays concernés reconnaissent la valeur des services rendus mats, bien que respectant l'usage qui veut que l'esprit d'initiative soit récompensé, ils se bornent à rechigner devant l'ampleur de la commission prélevée par l'entrepreneur de ces services - comme cela a été le cas en 1973 quand les pays à monnaies fortes refusèrent d'épauler le dollar et laissèrent flotter leur monnaie, la réévaluant de tait. Notons aussi que la tin de la guerre du Vietnam ne signifie pas que les charges de la sécurité commune seront diminuées. S'accrochant à leur rôle de leader de l'Occident, les Etats-Unis ont plus d'une fois réaffirmé (1) leurs intérêts et responsabilités planétaires - par opposition aux intérêts seulement régionaux des pays européens - et l'on ne s'est pas tait faute de remarquer que les pays à monnaie forte sont aussi ceux qui, grâce à la protection américaine, peuvent consacrer une plus faible partie de leur budget à la défense (2). La menace des divisions soviétiques sur l'Europe centrale est périodiquement brandie et de nouveaux foyers d'insurrection dans le TiersMonde sont toujours possibles : le chantage à la sécurité a donc bien des chances de continuer d'être un atout majeur dans le jeu américain. Il lui est d'autant plus nécessaire pour conserver une position de leadership dans le système trans-nattonal que les entreprises multinationales tendent potentiellement à se dégager de leurs origines nationales et que la crise monétaire a démontré la fin du type de dépendance économique hérité de la guerre. Forts de leur récente puissance économique, les pays européens et le Japon entendent devenir des partenaires à part entière. Toutefois, et c'est ce qui complique singulièrement l'analyse, le jeu politique entre pays, ouvert, dramatisé et qui distrait l'attention, masque le jeu sllencteux, souterrain, et à long terme unificateur des prises de participation et des interconnexions des grandes firmes. Comme tous les autres pays lorsqu'ils se sont trouvés en position de force (11est vrai qu'll y a longtemps que ce n'est plus arrivé aux pays européens et c'est pourquoi nous l'avons un peu oublié), les Etats-Unis ne se sont jamais tait faute de rompre (1) Et encore récemment au printemps 1974, devant les vélléltés des Neuf de mettre sur pied une politique énergétique commune, Nixon les a mis en demeure de ne pas se liguer contre Washington et menacé d'un retrait des forces américaines. (2) Déclaration de Robert Trlffin devant une commission du Congrès des Etats-Unis, citée par Ph. Slmonnot, Le Monde du 21 juin 1973. a
LES TRANSNATIONALES leurs engagements quand ils y avaient intérêt. Les critères de la Realpolitik ont seuls joué quand, en août 1971, Nixon annonce la renonciation à la convertibilité et une surtaxe de 10 % sur les importations - deux décisions en complète contradiction avec les accords internationaux, mais deux décisions rationnelles et cohérentes du point de vue de l'intérêt national. En d'autres termes, la discipline instaurée par les accords de Bretton-Woods ne correspond plus aux intérêts américains du début des années 1970 (3) : le monde occidental que les EtatsUnis entendaient unifier autour d'eux à la fin de la guerre est finalement bâti, mais ils y ont perdu leur position avantageuse en cours de construction, et ils doivent donc faire sauter le carcan qu'ils avaient inventé à leur profit. Pour notre propos, les décisions d'août 1971 signifient que les énormes balancesdollars accumulées au cours des ans sont considérées par les Etats-Unis comme la contre-partie des autres pays aux tâches indiquées plus haut, en dernière analyse aux frais de construction de !'Ensemble occidental. A cet égard, on semble avoir trop peu souligné que les balances déficitaires américaines constituaient une inflation déguisée et, puisque correspondant à ' des frais engagés· pour !'Ensemble, prise en charge par tous les bénéficiaires. Encore une fois, il faut désormais renoncer à· una optique « parochiale » qui considérerait que le taux réel d'inflation nord-américain devrait comprendre non seulement uné inflation rampante, au reste faible, mais aussi cette inflation déguisée et épongée par la solidarité des autres pays ; au contraire nous envisagerons ici cette inflation comme effet du système trans-national en construction et donc non imputable à une économie particulière. Deux conséquences doivent être dégagées, sur le plan commercial d'abord, sur celui des investissements ensuite. S'agissant du commerce, les dévaluations successives (environ 50 % en quatre ans par rapport au DM) favorisent les produits américains et l'on s'aperçoit que, s'ils ont perdu la totale suprématie financière, les Etats-Unis n'en apparaissent que plus forts sur le plan commercial. Ayant constamment gardé l'initiative et ayant réussi à acculer leurs partenaires à une politique passive de soutien de leur monnaie, les Etats-Unis sortent vainqueurs de l'opération et même si le Mark apparait comme la nouvelle monnaie dominante ils n'en affirment pas moins leur puissance (3) Cf. Paul Fabra, Le Monde du 18 janvier 1972. 9
ALBERT MEISTER commerciale (4). Le débiteur a gagné la partie sur le plan commercial : le concordat qu'il a forcé ses créanciers à lui consentir rétablit sa trésorerie en même temps qu'il affaiblit les autres dans leur patrimoine. Et bien sû.r, ce sont les créanciers les moins solides qui en pâtissent le plus (notamment la GrandeBretagne). En incidente, il faut attirer l'attention sur le mercantilisme brutal qui est toujours à la base des relations internationales et qui, puisque chacun veut vendre davantage et est tenté de se protéger pour acheter moins, s'oppose fondamentalement à toute tentative sereine et concertée pour résoudre la question monétaire, reflet des rapports de puissance. En effet le fondement de la crise n'est pas à chercher dans la monnaie, mais bien dans l'inégalité des puissances. Et, en dépit des plans généreux pour la recherche d'un nouvel étalon monétaire, les évènements récents nous montrent qu'une monnaie de référence ne se définit pas par la concertation : tout comme l'étalon dollar défini en 1944 s'était naturellement (c'est-à-dire par la puissance comme dans la nature) imposé aux économies affaibltes par la guerre. Il n'y avait et il n'y a pas à choisir ; pas plus qu'on ne peut revenir au passé et à la sécurité des métaux précieux. Mais si, dans l'immédiat, le dynamisme commercial des Etats-Unis sort vivifié de la crise grâce au coup de fouet donné aux exportations, et si la dévaluation elle-même n'a pas été sensible dans le pays (5), les conséquences à long terme risquent d'être différentes sur le plan des investissements. La dévaluation du dollar favorise en effet l'investissement aux Etats-Unis et cela d'autant plus que certaines monnaies ont par ailleurs été réévaluées (DM. Yen, Franc suisse). Au lieu d'exporter plus difficilement. les firmes européennes et japonaises trouvent intérêt à investir dans le marché américain et. par là-même, à se munir contre un retour au protectionnisme. Les quelque quatre-vingt milliard de dollars flottants trouveront ainsi à se résorber et un nouvel équilibre monétaire peut être envisagé. En fait, les investissements étrangers directs aux Etats- (4) Cf. Ph. Slmonnot, Le Monde du 17 juillet 1973. (5 t Le commerce extérieur ne représent!mt environ que 5 % du PNB, la hausse des prix des Importations n'a qu"une très faible Incidence sur le niveau général des prix. Par ailleurs, du fait de la taille du marché, les perturbations Internationales se trouvent amorties. Notons en outre que la crise pétrolière affecte bien moins les produits américains que ceux des autres pays industriels ; grâce aux prix plus élevés du pétrole, les EtatsUnis peuvent également reconquérir leur autarcie en matière énergétique, les gisements négligés et de nouvelles sources devenant désormais rentables. 10
LES TRANSNATIONALES Unis se sont accrus constamment durant ces dernières années et, déjà en 1970, on les estimait à 13,2 milliards de dollars (6). Certes, en comparaison, l'investissement américain direct en Europe reste bien supérieur, avec plus de 21 milliards en 1970 (7) ; encore qu'on ait noté que ces dernières années les investissements européens aux USA s'accroissaient plus rapidement que les investissements américains à l'étranger. Les investissements directs ne représentent cependant qu'une part (30 %) des investissements totaux. Si l'on tient compte des investissements en portefeuille, le total des investissements européens en Amérique est à peu près égal au total des investissements américains en Europe. Certes, les investissements en titres ne confèrent pas nécessairement pouvoir, sauf pour ce qui est des gros porteurs. L'égalité dans les montants totaux est donc trompeuse et, avec les mêmes sommes, les Américains contrôlent davantage. Cependant, même sur le plan du contrôle des firmes, les choses sont en train de se modifier. Alors qu'il y a vingt ans 75 % des filiales américaines à l'étranger étaient propriété exclusive des maisons mères, cette proportion a diminué aujourd'hui à 40 %. Par ailleurs, déjà plus de 700 entreprises américaines de transformation, surtout dans les industries chimiques et pharmaceutiques, sont détenues par des sociétés étrangères (8). En indiquant cette tendance, je ne prétends pas suggèrer un certain partage du pouvoir économique entre pays ou sociétés ou ressortissants américains et européens, et cela d'autant plus que l'argument défendu ici est que le contrôle sur les firmes est en train d'échapper aux uns comme aux autres (9). Ce sont en effet les firmes multi-nationales qui opèrent ces prises de contrôle. Grâce à leur implantation sur plusieurs marchés nationaux, elles avaient pu se protéger contre la dévaluation du dollar, et même au besoin spéculer contre lui. Leurs trésoreries, comme leurs bilans consolidés ne sont guère affectés par la (6) Levinson, p. 76-77. Selon les statistiques officielles américaines, les capitaux européens Investis directement dans l'économie américaine se montaient à 13,7 milliards de dollars (y compris 3,3 milliards d'investissements canadiens). D'après Jay Mc Culley, Le Monde du 21 juin 1973. (7l Levinson, p. 71. Quant au total de l'investissement américain à l'étranger, Il est estimé à près de 90 milliards de dollars (pétrole compris). (8) Ibid., p. 116 et 76. (9l Par ailleurs, Il ne s'agit que d'une tendance en train de s'amorcer et qui ne met pas encore en danger le contrôle réalisé par les capitaux d'Outre-Atlantlque sur plus de 35 % de la production globe.le des pays occidentaux non-américains (chiffre cité par Jacqueline Ore.pin, Le Monde du 27 Juillet 1973). 11
ALBERT ME/STER crise monétaire et elles en sortent avec une situation favorable pour de nouvelles prises de participations ou des créations de nouvelles firmes en association de capitaux. A long terme, le résultat des tendances indiquées est un accroissement des liens et des interdépendances dans le sein de !'Ensemble occidental (10). Comme les prises de participation les plus importantes supposent la plupart du temps l'autorisation des gouvernements ou des complaisances de la part des pouvoirs publics, les administrations nationales en viennent peu à peu à constituer des acteurs habituels dans les négociations de ces interdépendances. Comme en le verra plus loin, du fait de la disparition de la distinction public-privé, les hommes des entreprises ou les hommes des administrations, les PDG et les ministres ou les hauts fonctionnaires deviennent interchangeables. Ce sont ces liens entre firmes multi-nationales et administrations nationales (et parfois partenaires sociaux ou organisations), cette trame invisible d'accords, d'intégrations' et d'exclusions, que j'appelle le système transnational. En précipitant le courant d'investissements vers les EtatsUnis, la crise monétaire a constitué un puissant facteur d'unification de !'Ensemble occidental. C'est pourquoi il est de plus en plus difficile en Europe de parler d'impérialisme américain - mals, en même temps, dans la mesure où l'ensemble occidental se renforce, l'impérialisme à l'égard de ceux qui en sont les exclus devient bien plus pesant, car il est l'impérialisme de tout un système, bien plus anonyme et bien plus rationnel que les impérialismes nationaux dont il émane. Il faudra y revenir, après avoir évoqué quelques unes des conséquences de l'émergence du transnational dans les économies européennes et socialistes. La percée transnationale dans les économies socialistes SI L'ESSENCE des firmes multi-nationales est de se dégager des liens de nationalité, on pourrait de même supposer qu'elles font facilement abstraction des différences idéologiques et qu'il ne leur en coQ,te donc pas de s'allier avec des 00) Selon Levinson, on peut penser qu'en 1985 deux à trois cents sociétés contrôleront environ 80 % des moyens de production du monde occidental (op. cité, p. 30). 12
LES TRANSNATIONALES entreprises socialistes. Ce serait cependant une grave erreur de raisonner ainsi, car le point principal est qu'il n'y a pas ou plus d'entreprises organisées selon des principes socialistes. Il est donc facile pour les firmes occidentales de s'unir avec elles car elles sont organisées selon les mêmes principes de management, et la Harvard Business School et ses émules sont actuellement aussi populaires dans les pays socialistes (Chine exceptée) qu'elles l'étaient voici une vingtaine d'années en France. Je ne chercherai pas à établir ici quels pourraient être des principes socialistes de gestion des entreprises, et me bornerai à constater les ressemblances des entreprises des pays socialistes avec leurs soeurs de l'Occident : pas de différences dans les organigrammes, même contraintes quotidiennes dans la production, les rythmes et les relations de travail et les systèmes de rémunération, même souci de rentabilité des capitaux, même stratiflcation sociale entre employés et ouvriers et entre cadres et exécutants. Sur tous ces points, même l'entreprise autogérée de type yougoslave ne montre pas de différences significatives et ce malgré les structures de participation (11). Certes, les entreprises des pays socialistes sont plus dépendantes des systèmes d'allocations des ressources et de planification. Mais ces derniers se sont progressivement assouplis et les entreprises, ou, mieux dit, les directions des entreprises, ont une plus grande liberté de mouvement. D'où la popularité des idées d'organisation « scientifique» du travail. Les échecs mêmes d'une planification trop rigide au moment où ces économies doivent répondre à une demande plus forte et plus diversifiée de biens de consommation, ont favorisé la volonté de collaboration avec les entreprises occidentales et leurs modes de gestion plus souples et plus efficaces. Comme les sociétés socialistes sont par ailleurs en pleine crise idéologique et prennent conscience de leur caractère de sociétés de classes, il n'existe plus auéun empêchement à la collaboration avec les firmes occidentales (12). D'un côté comme de l'autre, les valeurs sont les mêmes : l'argent, le succès, la puissance. En outre, les managers occidentaux ne sont pas sans apprécier l'autorité dont (11) L'existence de ces structures ne préjuge pas, en effet, des fonctionnements concrets. Sur ce point voir Où va l'augestlon yougoslave ? Paris, Anthropos, 1970, 386 p. (12) Quant au résultat de cette collaboration, il est permis de douter que : « La coopération avec les entreprises capitalistes dans des sociétés mixtes peut aider à l'édification du socialisme en Roumanie» (ou ailleurs). Déclaration de M. Nicolas Ceaucescu, Président de la République Roumaine, Le Monde des 5-6 mai 1974. .13
ALBERT MEISTER disposent leurs partenaires socialistes, qui n'ont pas à se préoccuper des réactions des partis ou des oppositions et même du syndicalisme. Les accords avec eux sont plus faciles à négocier, puisque la politique ne s'en mêle pas . . . et ce n'est pas par hasard que les grandes firmes s'entendent si bien avec les pouvoirs forts, et, comme en le verra à propos des pays neufs, avec les dictatures : la puissance se reconnait dans la puissance, le pouvoir joue le pouvoir. On doit, en effet, rappeler que la fructueuse coexistence pacifique coïncide en Union Soviétique avec un regain de répression contre les déviants de toutes sortes et l'affirmation sans vergogne de la bureaucratie néo-stalinienne. Les témoignages de bonne entente se multiplient : les EtatsUnis bénéficient de la bénédiction de Moscou lorsqu'ils font taire les vélléités d'un jeu européen concerté et relativement indépendant d'eux, de même que quand ils laissent (ou font) écraser le socialisme chilien, dont le caractère démocratique constituait assurément une hérésie majeure aux yeux des deux partenaires ; attachée au statu quo, ,l'Union Sovietique encourage Castro à se réconcilier avec Washington et ne fait pas mystère de ses préférences pour une victoire de Giscard lors des présidentielles de 1974 ; enfin, il n'est pas exclu que les Occidentaux n'aient demandé aux Russes de calmer les appétits des pays pétroliers au moment de la crise de 1973. Réalisés sur les bases de la pratique occidentale, les accords de participation entre firmes multi-nationales et firmes ou organismes financiers de l'Est se sont multipliés durant ces dernières années, et des sociétés se sont constituées pour créer des entreprises afin d'exploiter le << know how » occidental ou bénéficier des coû.ts plus faibles de la main d'oeuvre d'Europe orientale ... désormais les meubles dits danois nous viennent de Pologne, les appareils ménagers autrichiens de Tchécoslovaquie, les équipements sanitaires italiens de Hongrie, certaines pièces de nos voitures Renault de Roumanie et de Yougoslavie, etc ... (13) ; pour être en règle avec les lois interdisant le profit capitaliste et son transfert à l'étranger, des systèmes ingénieux ont été mis sur pied (sous-évaluation de la valeur à l'exportation, par exemple) ; à la suite de la Chase Manhattan Bank, plusieurs autres banques ouvrent des filiales dans les pays de l'Est ; quant aux banques soviétiques en pays occidentaux, elles jouissent d'une excellente réputation chez leurs consoeurs ; (13) On lira avec intérêt les pages que Levinson consacre à ces développements, de même que l'article de Michel Bosquet dans Le Nouvel Observateur du 15 octobre 1973. 14
LES TRANSNATIONALES l'Union soviétique possède une usine de montage de voitures en Belgique, des raffineries de pétrole à Anvers et au Brésil, une participation dans une société française ; la Pologne et la Hongrie possèdent des entreprises minières au Canada ; l'Autriche devient le siège de nombreuses sociétés occidentales désireuses de commercer avec les pays de l'Est voisins; la Comecon Investment Bank, organisme d'Etat créé par les pays membres, se propose de lancer des emprunts sur les marchés internationaux; les entreprises autogérées yougoslaves ont déjà signé une centaine d'accords de participation avec des firmes étrangères, des accomodements ayant été trouvés pour permettre l'entrée des représentants des investisseurs dans les entreprises d'autogestion ; un des plus grands producteurs d'armements américains, General Dynamics, signe même un accord technique qui pourra se traduire par la fabrication de ses produits en Union Soviétique et leur exportation (14) ; enfin, l'International Institute of Applied Systems Analysis créé à Vienne est présidé par un gendre de Kossyguine et dirigé par un professeur de management de Harvard, comprend des représentants des pays occidentaux et de l'Est et se propose la diffusion des techniques de gestion occidentales (15) ; etc ... Pour les entreprises multi-nationales, l'URSS représente un marché considérable qui pourra fournir en contrepartie les matières premières et l'énergie dont les économies occidentales et le Japon auront de plus en plus besoin. Pour l'URSS, la coopération internationale est non seulement nécessaire pour son développement industriel et pour répondre à la demande de biens de consommation, mais aussi pour aider l'insuffisant développement agricole. Le comportement soviétique tout au long de la crise monétaire et son soin de ne faire aucun geste qui aurait pu nuire à la devise américaine montrent son désir de coopération ; en contrepartie, il est vrai qu'elle a déjà averti que la réforme monétaire internationale devrait être discutée avec elle - comme l'écrit Jacques Mornand, << cette réforme devra être acceptable pour l'URSS et constituer une structure d'accueil satisfaisante pour elle, le jour où elle jugera opportun d'y devenir l'une des parties prenantes» (16). Cette porte ouverte, ainsi que les quelques exemples donnés plus haut, montrent les progrès de la compénétration des (14) Cité par Ch. Levinson dans Le Monde du 8 janvier 1974. (15) Cité par Irving Louis Horowitz « Capitallsm, Communism and Multl-natlonallsm », Society 1974, 2, p. 32-43. (Hl) Nouvel Observateur du 27 aoüt 1973. 15
ALBERT ME/STER deux systèmes. Bien qu'elle privilégie nettement l'interlocuteur américain sur le plan politique, la diplomatie soviétique pratique sa politique d'ouverture économique à l'égard de tous les pays. Elle a d'ailleurs parfaitement compris la logique transnationale et s'adresse aussi bien aux pays qu'aux firmes, et à tous deux elle fait des offres de coopération « mutuelle fructueuse ». Et c'est également en fonction de cette logique que les pays socialistes ne se soucient pas de s'allier avec des firmes qui ont simultanément des intérêts en Israël et en Egypte, en Espagne et en Hongrie, que la Pologne et l'Autriche ont réalisé naguère des investissements communs dans la Grèce des colonels, etc ... Seuls, les idéologues attardés et chagrins y trouvent encore quelque chose à redire et s'insurgent à l'occasion ... ainsi quand la Pologne, en 1970, livre du charbon pour aider le gouvernement espagnol à réduire la grève des mineurs des Asturies. Dans le long terme, car la coopération n'en est qu'à ses débuts, les firmes « trans-idéologiques » (17) apparaissent donc comme des instruments de rapprochement Est-Ouest, et de fusion des deux impérialismes dans le système transnational ; c'est ce que nous verrons ci-dessous à propos des pays fournisseurs et sous-développés. A plus court terme cependant, et pour réaliser un tel programme, la demande de capitaux pour l'investissement va se maintenir à son maximum, avec les conséquences inflationnistes correspondant aux sur-prix infligés aux consommateurs occidentaux ; ou par des mesures de sousconsommation au détriment des consommateurs des pays planifiés (18). < 17) Selon l'expression de l'un de leurs avocats, Samuel PiSa.r, dans J,e Monde du 1er septembre 1973. (181 Le surprix, ou épargne indirecte, prélevé pour la croissance des investissements est en fait aussi une sous-consommation, le consommateur devant payer les produits plus chers qu'lls ne vaudraient sans l'incorporation d'un fort « cash flow ». Théoriquement les systèmes planifiés ont davantage de possibilités de constituer l'épargne car 11speuvent décider de ne pas fabriquer cerhins biens considérés comme superflus. ou limiter les revenus individuels. A noter toutefois que de telles mesures, caractéristiques de la croissance des économies socialistes, sont bien plus dltriclles à prendre aujourd'hui : la différenciation des revenus n'a plus de sens si les gens bien payés n'ont pas la possibilité d'acquérir des biens de consommation <voitures par exemple) et il n'est plus possible de limiter cette dl!férenclation car, en raison de l'affaiblissement des stimulants idéologiques, elle constitue l'unique Incitation à l'effort. Le rapprochement avec l'Occident et la pénétration de ses modes de consommation vont encore accentuer la demande de biens de consommation et de services ; biens et services qu'il faudra bien offrir car la demande émane précisément des couches de la popuhtion qui détiennent les revenus les plus élevés et qui sont les garants de la productivité des entreprises. Ne pas accroitre la gamme des biens offerts ou diminuer leurs pouvoirs d'achat signifierait une chute de la 16
Resumen Mtentras la opinion pûbltca se en/renta en todas partes a los imperia!ismos -mas particularmente al norteamericano---, el desarrollo de las sociedades pluri, supra y transnacionales provoca una profunda transformactôn de los stste.mas econômtcos tradtctonalmente asociados a los Estados nacionales. De hccho, el conjunto occidental, después de haber aceptado la r.egemonia de los Estados Untdos de haberles conftado su defensa prôxima y lejana, y de haberles pagado un precto constderado ahora como excestvo -la infl1tci6n- depende cada dia menas de un solo volo. El juego de los laws y de las interdependencias que establecen las sociedades industrt,ùes y ftnancteras «stn patria ni fronteras» --en cuyo seno se hallan amalgamados capitales japoneses, europeos, norteamericanos, etc.-, hace que el conjunto occidental dependa mas de un tmperialismo anônimo, tnternacional, sin ratces en parte alguna, que de centras nactonales. Sin ntngun lazo co-n los Estados, las Jtrmas multtnactonales no se embarazan de ideologtas, de manera que las reglas de la ractonalidad y de la organtzactôn se aplican con factltdad a las empresas de los patses llamados so.:ialistas. Incluso aparece entre los directores occidentales y soctaltstas una estructura jercirquica tdénttca en los modos de gestiôn. De:1de hace unos afios se han multtplicado los <icuerdos de participacton entre firmas multtnacionales 11organtsmos financieros o empresas del Este. Par una parte, capitales y técntcas occidentales; por otra, bajos prectos -y dtscipdna- de la mano de obra de la Europa oriental. Los dos ststemas se compenetran. Corno consecuencia, la postcion actual de la Untôn Sovtética, que favorece la polttica de «apertura econômtca» en todas las dtreceiones. Y como perspecttva postble, la colaboraciôn provtsional de los dos grandes tmperialtsmos en un sistema transnactonal, es dec!7:i la valoraeiôn -la explotaciôn-, st no comun al menos concerta.a~, del Tercer Mundo.. . extertor e tnterior. productivité des entreprises (dont Ils sont les cadres), ce que les régimes ne peuvent se permettre du fait des impératifs de croissance. De même, Us ne peuvent plus développer la consommation limitée aux seuls groupes les plus utiles au pouvoir (magasins d'Etat réservés aux seuls dignitaires, fonctionnaires et cadres ; et avantages liés aux !onctions occupées), car la relative démocratisation et, sw·tout, l'influence des mass média ont étendu la demande de biens et de services nouveaux à l'ensemble des populations. L'incorporation d'une épargne indirecte dans les prix apparait donc la seule possibilité pour dégager le cash now nécessaire à la croissance, et l'on l)eut donc orévoir à moyen terme l'apparition d'une infiatlon de crolasancë Identique, même si plus limitée, à celle de l'Occident. L'exemple de la libéralisation économique yougoslave, de l'affaiblissement du caractère Impératif des plans nationaux et, conjointement, l'a!!aibllssement de l'emprise idéologique (E,t donc le recours de plus en plus nécessaire aux stimulants matériels) clolvent être tenus à l'esprit pour l'analyse de ces questions. 17
Summary Public opinion is currently alerted against any manifestation of imperialism, especially when it cames /rom the U.S.A.; however, the development of multi-, supra- and transnational corporations creates deep changes within the economic systems tradttionally linked with the national states. The West accepted and entrusted North-American leadership with the defence of its tmmediate and remote frontiers, and paid a price now estimated to be too costly -·inflation-, yet, in fact it depends less and less on a single polarisation. Links and interdependencies established by industrial and financial societies, not limited by frontiers or to nattve lands, amalgamating Japanese, European and North-American capital among others, act in such a way that the Western world depends more and more on an anonymous, international, unanchored imperialtsm than upon national centers. When they are detached from the states, multinational corporations don't burden themselves with ideologies, so that norms of rationality and organization are easily transferred to the enterprises of the so-called socialist countries. Various styles in management but similar hierarchical patterns seem to be emerging among Western and Socialist managers. For man,y years now, agreements between multinational corporations and Eastern financial organizations or firms have increased in number. Western capital and technology, added to the low prices - and discipline, of Eastern European labor are bringing both systems to amalgamation. As a result, the U.S.S.R. is at present in favor of an all-directional policy of «economtc opening-up». One may envisage that in some possible future ttme the two great imperialisms Will te.mporarily cooperate in a corwerted or even common exploitation, within the transnational system of the Third World, - outside and instde. • Riassunto Mentre la pubblica opinione è indirizzata contro glt imperialtsmt, ed in modo particolare contra quello deglt Statt Unitt, lo sviluppo delle società multi, sopra, trans-nazionalt, provoca una profond.a trasformazione dei sistemi economici tradizionalmente legati agli Stati nazionali. Jnfatti il blocco occidentale, dopo aver accettato la leader-ship nord-americana delegandole la sua difesa attuale e futura e pagandole un prezzo,' aggi giudicato eccessivo (l'inflazione), dipende sempre meno da un solo polo. Il gioco dei legami e delle tnterdipendenze che si stabiliscono tra le società industriali e finanziarie «senza vatria nè frontiere» --:- al. cui inte~no si trovano amalgamatt capitalt giapponesi, nord-amer_icani, europei, efc. - /a. si che t Paesi occtdentali dipendano maggiormente da un imperialtsmo anonimo internazionale .disancorato, piuttosto che da centri nazionalt. ' Svtncolate dai legami con lo Stato, le aziende multtnazionalt s'interessano poco aile ideologie, e del resto le regole dt razionaltz18
zazione e di organizzazione si possono f acilmente applicare alle imprcse det Paest detti socialtsti. Una stessa struttura gerarchtca nel modo dt gesttone si palesa tra «managers» occidentali e soctaltsti. Dopa alcuni anni gli accordi di partecipaztone tra le aztende multi11aztonalt e glt organismi ftnanziari o le emprese dell'Est si sono molttplicati. Da una parte i capitali e le tecniche occidentali, dall'altra il basso prezzo - e la disciplina - della manodopera dell'Europa orientale. 1 due sistemi si saldano bene insieme. Conseguenza: l'attuale posizione dell'Unione Sovietica, che favorisce la politica dt «apertura cc,onomtca» in tutte le direztont. Prospetttva possibtle: la collaborazione provvtsorta dei due grandi imperialismi nel sistema transna- ?1onale per la valorizzazione (lo sfruttamento), se non comune quanta mena concertato, del Terza Mon.do ... esterno ed interna. Una estimaci6n referida al afio de 1974 sugiere que unos $ 11.000 millones, o sea el 18,5 por ciento del excedente en cuenta corriente de $ 60.000 m.illones en ese ano de los paises exportadores de petr6leo fueron invertidos directamente en los Estados Unidos en forma diversa, tales como valores gubernamentales y privados, bienes raices y certificados de dep6sito. Se cree que alrededor de $ 7.500 millones, o sea el 12,5 por ciento del total antes mencionado, se invirti6 en el Reina Unido. Por lo menas S 21.000 millones, o alrededor del 35 por ciento del excedente se dirigi6 al mercado de Eurod6lares principalmente como dep6sitos bancarios. Unos S 5.500 millones o alrededor del 9 por ciento, fueron préstamos concedidos por paises de la OPEP a instituciones estatales o semi-oficiales de otros pafses industriales. Alrededor de 2.500 millones, o el 4 por ciento, fueron prestados a pa!ses en desarrollo, y cerca de S 3.500 millones, o el 6 por ciento del lotal, a organismos financieros internacionales. El saldo, o sea unos t 9.000 millones, esta constituido por cuentas de invers16n administradas por terceros, préstamos sectoriales privados y adquisiones de velores de sociedades an6nimas en Europa y Jap6n. A mértca latina en la economia mundial. Banco Interamericano de Desarrollo, Marzo 1975 19
A • v1ew fromAmerica ( ♦) SylviaKashdan EVERYONE is aware that the 1960s began another period of profound crisis and radical upheavals all over the capi- ~ talist world - and not excluding the so-called socialist countries such as Czechoslovakia and Poland nor the so-called underdeveloped countries such as Mexico. The basis of this crisis is the same, although the response has varied in accordance with local conditions. Its roots lie in the inability of commodity society, which has become global in its influence, to permanently or even temporarily (except superficially) satisfy human needs. This inability is manifested on all Ievels for all to witness: from the «national political sphere» to the domain of the economy and not excluding the very persona! daily lives of all individuals enmeshed in the social order. Its recognition is unavoidable at moments of crisis, although 1t continues to be a fact of life when everything seems to be functioning smoothly. Here in the United States the New Deal governmental cooperation with labor unions during the 1930s led many leftist intellectuals to believe that the capitallst class of the U.S. had finally found a way to deliver the goods and satisfy the population without socialism; in the 1940s they agreed with the necessity of the population's putting off satisfaction until after the War's victory and «liberation;» in the 1950s most accepted (•) Part of the continutng ùlscusslon on the contemporary crlsls. • Le thème initial de l'analyse proposée ~t le suivant : considérant que Mai 1968, en t'rance, a signifié un refus total de la société par une fraction imporbnte de la jeunesse, en majorité étudiante, comment entendre le phénomène de récupération - partiel ou général - de ce mouvement par les partis, les syndicats, les institutions, l'ensemble sociétaire ? Quelles sont les limites du récupérable ? Quelles sont les limites des mouvements spontanés? Le cas français est-il semblable à ceux des Etats-Unis, du Japon, de l'Allemagne? 20
A VIEW FROM AMERICA the stereotype of the «average American:t as affluent, of educational and technological development as the keys to the future, of the «new class» of highly educated humane technocrats and administrators (often themselves) as the only hope for the humanization of society. The assertion was made to the effect that the basic structure and character of American society had been transformed through its absorption of liberal reforms, and that thls meant the end of the tradicional role of the proletariat as an agent for revolutionary change - and that in any case most workers had become too pacified and satisfied, and couldn't be counted on to carry it off if their lives depended on it. which they didn't. The vantage point of the new crisis (which was not supposed to be able to happen) has revealed the affluent society and its bulwarks as a myth. Although there have been superficial changes in its operation, the prlmary basis of capitalist society remains the marketplace. The critlcal understanding gained in the Nineteenth Century is still meaningful and relevant today, although lt ls not the last word. The primary character and modus operandi remaln the same, and the reforms have not really satlsfled the vital needs and desires expressed in past revolts. but have only postponed them to a later time and place (and in a sense more clearly defined what constitutes these vital human needs and their satisfaction by demonstrating what they arc not). The truth is that the minimalist perspective of the ldeologues and administrators of reform have never comprehended the full scope of dlssatlsfaction. alienation and hopes of any of us. Reforms, while creating new priviledged bureaucratie strata (convinced of the sufficiency of the reforms because of their new-found functions) have never truly corne near allevlating that which caused the problems in the first place. This is the lesson being learned by the «progressive» employers, who provide their workers wtth comparatively good pay, working conditions, therapy groups, health care and vacations, and allow unionization and even a little self-management, but still find themselves with a restive workforce. In those cases where the much-vaunted reforms have temporarily eftected pacification, it has been through despair and cynicism rather than by satisfaction. We in the United States are partaking of the worldwide crisis and experiencing upheavals, although as yet for the most part not of as far-reaching a scope as elsewhere. American students have rebelled agalnst their unlversities through de21
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