C. SEMPRUN-MAURA. moins cohérents, moins révolutionnaires, plus éloignés de la vérité, ainsi de suite. Il se peut que le travail collectif au sein des groupes ou organisations, crée, au début, des émulations et suscite des initiatives. Mais outre que le travail collectif peut se réaliser hors des groupes et organisations, l'expérience démontre que cela ne dure guère et que les rapports entre membres d'un méme groupe se figent, des strates apparaissent, l'expression individuelle s'amoindrit et les porte-paroles du groupe parlant de plus en plus au nom de tous - et surtout de ceux qui ne parlent pas - inventent un nous proche du langage bureaucratique, qui liquide progressivement le je, c'est-à-dire l'expression individuelle, l'initiative individuelle. Le problème des tàches et des corvées se pose également, car un groupe pour exister doit avoir une activité qui ne soit pas uniquement la rédaction d'un bulletin ou d'une revue. (Je me demande bien pourquoi, d'ailleurs, on ne pourrait pas se réunir pour faire une revue, quitte à évi=mtuellement se séparer pour faire autre chose.) L'activité première de ces groupes, meme les plus intéressants, méme ceux qui ont laissé une empreinte, est le groupe lui-méme, la « vie du groupe », qui prend beaucoup de temps et est souvent ennuyeuse, quand ne se melent pas les problèmes personnels, inévitables lorsqu'on vit ainsi en vase clos et qui tournent souvent au délire pur et simple. Quant aux tàches militantes (méme si on refuse ce langage) l'expérience démontre que la rotativité, idée séduisante certes, ne suffit pas à liquider au fil du temps, l'ennui, la sclérose, et un certain degré de « spécialisation ». Il en est de méme du rapport à la réauté qui, filtrée par la théorie, s'éloigne bien souvent, et plus on s'en éloigne plus se crée au sein du groupe, une exigence de « rigueur », de « pureté doctrinale ». Bref, un sectarisme. Je ne caricature rien, au contraire. L'expérience concrète des groupes révolutionnaires, y compris les plus anti-hiérarchlques, prouve que mes réserves sont bien faibles par rapport à la réalité. « L'organisation des activités » n'est pas une panacée. Il n'y a pas de panacée, en cette matière comme dans les autres et 11faut toujours tout remettre en question. Je prétends simplement qu'entre le groupe (ou l'organisation), qui, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, est· toujours contraignant, et la solltude, il y a une autre vole ; qu'on peut, comme cela a été fait en mai 68 - et ailleurs - organiser des activités de toutes sortes, de la « bataille des idées » (revues, coopératives d'editions, etc.) aux grèves sauvages, à la lutte contre la dictature - en Espagne 88
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