Interrogations - anno II - n. 2 - marzo 1975

C. SEMPRUN-MAURA donc, la nécessité du parti d'avant-garde qui conduit -- et en fait se substitue à - la classe. On peut aisément imaginer que l'opportunisme uni au dogmatisme de Lénine et consorts a fait surgir cette thèse audacieuse - ainsi d'ailleurs que celle qui soutient que l'idéologie révolutionnaire doit ètre introduite au sein du prolétariat du dehors, gràce à on ne sait quel clystère fortement tenu par les blanches mains des dirigeants du parti-, devant les difficultés qui se sont présentées à eux dans leurs tentatives d'encadrement et de direction de la classe ouvrière. Le prolétariat s'étant révélé une mauvaise pàte à modeler, 11fallait se substituer à lui, !aire du parti le représentant historique de la classe, le seul en qui toutes les « vertus potentielles > de la classe pouvaient s'exprimer, le propriétaire de la révolution, le chef historique du prolétariat. De là, avec la victoire du « socialisme > dans de nombreux pays, il n'y avait qu'un pas à franchir, allègrement franchi partout, pour que la thèse sur la dictature du prolétariat de Marx, devienne la réalité de la dictature du parti sur le prolétariat de Lénine, Staline, Mao et autres Rakosl. Par allleurs, 11est également important de noter une évolution sensible tant du prolétariat (les travallleurs salariés de !'industrie, des transports, des servlces, les ouvrlers agrlcoles, etc.) que du mouvement ouvrier (partis, syndicats, Malsons du Peuple, associations diverses, etc.). S'll est impossible de confondre l'un et l'autre, 11est tout aussi impossible de nier l'évolution de l'un et de l'autre. Le prolétariat du XIXe siècle, formé, en gros, de paysans fuyant la misère · de la terre et d'artlsans ruinés, parqué dans des manufactures-prisons, sublssant la misère et l'exploitatlon parfois à partir de huit ou dix ans d'àge, sans aucun drolt, vivait dans une sorte de ghetto misérable et un abtme le séparait du reste de la soclété. Aujourd'hui, une bonne partie de la classe ouvrière des pays industriels modernes s'est lntégrée aux valeurs et aux tabous des sociétés dites de consommation et forment, trop souvent, les noyaux les plus conservateurs de la majorité sllencieuse. Quant aux partis et aux syndicats, lls sont devenus, au fil des années, ctes luttes et de l'évolution des sociétés modernes, des 1nstruments d'intégration des travallleurs à ces sociétés. ' Je ne donnerai qu'un exemple, directement lié à Mai 68: La grève. Au xix• siècle, la grève était -considérée par la bour- · geoisie comme le scandale des scandales. Si on admettait que• les ouvrters cessent le travall (ce sacrement !), on admettait 1 72

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