JEAN BARRUt est singullèrement décevante : il oppose le travail complexe du technicien et du savant au travatl élémentaire du manceuvre et pose en principe que le travall complexe est une puissance du travall élémentaire. Cette formulation à allure scientifique n'est autre que la reconnaissance a priori du bien-fondé de la hiérarchle des salalres, mais ne la justifie pas. La question est, en réalité, beaucoup plus simple. Depuis des siècles on pose en principe qu'll existe un fossé infranchlssable entre le travail intellectuel qui conduit aux professions llbérales (jadis réservées aux hommes libres) et le travail manuel, mécanique et servile. La noblesse du premier s'oppose à la bassesse du second, et dans une société fondée sur l'argent, comment peut-on mieux récompenser la noblesse qu'en lui assurant un revenu supérieur ? Malgré les discours hypocrites, les hommages rendus aux ouvriers, on admet la suprématie du cerveau sur la main, et tout se passe comme si le salaire était inversement proportionnel à la quantité de travail manuel tournl. Une malédiction pèse sur le manouvrier qui a tout juste droit au salaire minimum garanti. Tant qu'on ne reconnattra pas que l'homme est à· la fois un cerveau et des mains, qu'll est à la fois intellectuel et manuel, que la division du travall rend également nécessaires et respectables ces deux tormes d'activité, on ne fera pas dispara1tre cette scandaleuse inégalité des salaires, fondement de la société industrielle. Cela suppose une transformation de certaines habitudes de pensée et par conséquent une réforme profonde de l'éducation. L'abstracteur et J'ai.rtomate O N A vu plus haut comment Saint-Simon organisait l'enseignement dans la société industrielle : instruction ouverte à tous, respect des vocations, recherche des aptltudes et grandes écoles spéclalisées. Ce système qui, dans ses grandes lignes, prévaut actuellement, tend à former de futurs producteurs selon leurs capacités, des membres utlles de la société industrielle. Une telle éducation maintient la distinctlon fondamentale entre travail intellectuel et travail manuel : les futurs manuels sont ceux dont on n'a pas jugé suffisantes les aptitudes intellectuelles et, sachant d'avance qu'lls sont voués à de médiocres rémunérations, ils ont conscience d'une certaine déchéance. Le manuel, c'est celui qui n'a pas pu fa.ire autre chose ! Dès le jeune àge, l'inégalité des salaires apparatt comme la sanction de l'inaptitude au travail noble de l'esprit. Pour remédier à l'inégalité trop criante des rémunérations 28
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