MARIANNE ENCKELL ne me trompe, Marx lui-meme faisait la critique de l'idéologie : c'est meme ainsi qu'il avait lu Hegel. Cent ans plus tard, n'est-il pas temps d'avoir compris? Les Partis communistes n'offrent pas de lieu a cette critique, figés qu'ils sont dans un programme réifié, une tactique réactionnelle et un électoralisme pret a toutes les mésalliances. La seule histolre qu'lls peuvent produire, elle est justification, amalgame et magico-phénoménisme. L'histoire que font les anarchistes, hélas, elle est généralement flatterie, auto-glorification, célébration des grands hommes : ce qui est aussi de l'idéologie. Ils savent parfois raconter bien leur propre histoire ; il est rare qu'ils fassent l'histoire des courants et des conflits sociaux, des forces en présence. L'historiographie anarchiste semble hésiter entre le statisme (l'histoire n'a pas de sens), le naturalisme (les sociétés humaines doivent se conformer a l'équilibre des sociétés animales), le sclentisme (l'évolution des sciences et techniques résoudra les problémes sociaux), l'idéalisme (ce sont les idées, non les faits sociaux, qui ménent le monde et font les révolutions), et l'éclectisme pur et simple. Les instruments d'analyse, la méthode sociologique et économique qui sont des soucis actuels, c'est chez Marx que nous en trouvons des éléments, c'est avec luí ou contre lui que nous pouvons exercer notre critique, quitte a laisser de cOté ses propositions tactiques et ses comportements autoritaires. Chez Bakounine, chez les anars, on trouve autre chose : le diable au corps, et un foisonnement d'idées subversives. Le débat placé a un autre nlveau. Si Marx reconnaissalt que Bakounine était un des rares a avolr comprls Hegel (lettre du 4 novembre 1864), celui-ci dlsalt que Marx comme penseur et économiste était lnsurpassable. La productlon de Duelos s'en prend délibérément au renouveau actuel de l'anarchisme. Que Bakounlne alt été ou non un agent conscient du tsarisme, il sert aujourd'hui a la bourgeoisle pour détoumer les masses populaires de la lutte réelle pour le socialisme, paratt-11... Tout ce qu'il faudrait dlre de ce livre, au fond - et je m'en débarrasse un peu comme d'un pensum - c'est qu'il lalsse dans l'ombre le débat entre Marx et Bakounine et jette une lumiére de plus sur les bornes de !'esprit d'orthodoxie. Jacques Duelos: Bakounlne et Marx, ombre et lumiére ; en annexe, La Confesslon de Bakounlne a Nicolas ¡er <tradulte du russe par Andrée Robe!) ; [Par!s], Llbrairle Pion 1974, ·479 p., lll.h.t. 121
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