L'EMPLOI DU TEMPS Je m'en prends ici aux deux parties : au livre de Duelos, combien d'anars n'ont-ils pas répondu en blanchissant Bakounine, en le sanctifiant, ou en citant des marxistes de pires infa.mies? Et les modestes moyens des périodiques anarchistes, le courage des éditeurs militants malgré leur faible audience, leur refus de la carriere et des bénéfices personnels sont des qualités, certes : pas plus que le nombre d'années de prison, ils ne sont des preuves de la justesse de la cause. Quand un mensuel anarchiste titrait, voici quelques années, « Le vrai visage du marxisme » pour parler des exactions bolchevistes en Hongrie, il ne volait pas plus haut que n'importe quel Duelos. De ce Duclos-ci, peu de choses dans le gros volume : une centaine de pages sur Bakounine accompagnées de cent cinquante pages de citations, avec en prime la Confession en annexe, et suivies de cinquante pages sur l'anarchisme depuis la Deuxieme Internationale jusqu'a Cohn-Bendit, l'ennemi dernier. Travail de compilation, ~n majeure partie fait de textes copiés sans critique (une bonne soixantaine de pages, en outre, sont reprises téxtuellement d'un ouvrage antérieur du méme auteur : La Premiere lnternationale, paru aux Editions sociales en 1964 !). Cela a pour résultat que l'exposé historique, les commentaires personnels et les sous-titres mis a part, est conforme a la vérité proposée par l'organe directeur de l'A.I.T.: comme si depuis cent ans les historiens n'avaient pas fait de recherches, comme si ríen n'avait été complété, réévalué, réfuté. Si je songe a la vie de Bakounine, j'y vois deux temps forts : 1848 et l'A.I.T. Dans l'intervalle il est en prison, en exil; il écrit, par l'infime espoir de pouvoir sortir de la forteresse ou il perd ses dents et ses cheveux, la Confession au tsar, ou les Duelos voient le parangon de l'avilissement et de la trahison. Comment peut-on se laisser prendre au piege? Je propose une autre lecture. L'humilité de Bakounine n'est pas contrefaite : il a été formé a l'école des pages, il sait comment on parle au tsar, et qu'il ne sert a rien de se moquer de l'adversaire. Ne rien dire, ou tout dire en sachant que la lutte ouverte est. pour plus tard, et par d'autres moyens. Tout dire, sans trahir personne. Les vertus du soldat · ne s'oublient pas si aisément. Alors, qu'un Duelos vous insulte, quelle importance. Et puis, n'est-ce pas l'occasion d'écrire enfín : les lettres a la famille passent par la censure, ce n'est pas la qu'on pourra faire le point, se remémorer, tacher d'expliquer le cheminement 1.18
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