N. 53. LONDRES.-- VENDREDI., 28 DECEMBRE1855. 2eANNEE. -SCIENCE.- ' -iOLJDARITB.- JOURNALDELADEMOCRATIEUNIVERSELLE. Ce Jo1n•nal 1>a1•ait une t'ois Jtar se111alne. Toutes lettres et correspondances doivent être affranchies et adressées à l'Administration dujo1m1all'llo1111ne, à LoNDRES, 2, Inverness Place, Queen's Roaù, Bayswater. - Lee manuscrits déposés ne seront pas rendus, LA BANDE DE DÉCEMBRE. Alexandre avait ses lieutenants, César ses tribuns, Charlemagne ses preux, Henri III ses mignons, et M. Bonaparte a ses valets. Il en a perdu quelques uns qui de cette terre sont passés dans l'Olympe, et nous commencerons par ces vétérans : - le premier salut on le doit aux morts : faisons l'appel : Le colonel Parquin? Pauvre soldat, son âme s'est envolée avant le retour des aigles. Il avait l'esprit court, mais la main loyale, et quand l'étoile de Boulogne l'eut conduit en prison, il ne se gênait guères pom démasquer les intriguants et les lâches; aussi· M. de Persigny ne se ruinera pas, nous en sommes certains, pour lui faire dire des messes ... Madame Gordon ? Morte aussi, presque de misère, et quand la :fleur fut tombée. Cette pauvre femme avait intrigué, quêté, couru, raccolé, cinq ou six ans, pour le " prince", et elle n'a pas même un galet sur sa tombe .. souvenir de "prince"! Le lieutenant de Querelle? Enlevé dans sa pleine force et tombé comme le vieux Bouffé de Montauban, colonel sybarite, ayant beaucoup plus aimé les truffes que la gloire: mais celui-là, du moins, avait été nanti dans ses vieux jours, et il avait eu le temps de mordre à la grenade impériale, tandis que l'autre n'avait pu même deviner dans la nébuleuse de Ham la comète sanglante du Deux-Décembre. Le général Montholon? Il avait commarnlé de si fortes divisions ..... de créanciers, que de droit lui revenait le gouvernement de Clichy, s'il eût vécu. Mais la Parque jalouse ne l'a point permis, et cette fois, il a fallu payer le protêt. Saint-Arnaud, ex-lieutenant accoucheur et marécnal <l'Empire ? Le héros, comme on sait, a disparu sous la néphrétique : il y avait dans son agonie :flux de sang et :flux de crimes. Le docteur Conneau? Présent! Il est aux Tuileries, l'intime de la garde-robe et le praticien ..... pour les secrets domestiques. Il en pourra conter celui-là, s'il fait jamais ses mémoires! Le lieutenant Aladenize, le docteur Lombard, le lieutenant Laity ? Trois anciens serviteurs dans les mauvais jours, et des meilleurs, en vérité. Le premier qui était naguères consul à Nice a déjà gagné du terrain. En 1849, il commandait un bataillon de la garde mobile: il se disait républicain ardent, et c'est lui qui brisa son épée au nez de M. Changarnier, alors tout puissant : depuis le 2 Décembre, il a fait peau-neuve, et il grignote, de son mieux, au budget-monstre. Le second, Lombard, ancien recruteur bonapartiste aux écoles et dans les casernes de Paris, s'était déclaré républicain pur en 1848; il travailla même au NATIONAL,et quoiqu'il eût, autrefois, en 1849, cherché à " prendre" la colonne de Boulogne, sa conduite en Révolution avait à ce point fait tâche, que l'Empire mécontent a payé ses longs services ... et "certains secrets," d'un mauvais petit consulat dans une des Républiques du Sud (à Guatimala, !:'auf erreur.) - Le dernier est, aujourd'hui, préfet à Pau, la ville du soleil et des grands monts. " Républicain," comme ses deux frères d'armes, il s'est tenu quelque temps à l'écart, après Décembre; mais " on revient toujours à ses premières amours," dit la chanson, et le voilà qui porte la livrée des aigles. Ces jeunes gens n'étaient point cruels et pourris comme le maître. Aussi ne furent-ils guères· que les comparses de la conspiration, et nul d'entre eux n'entrera jamais dans le conseil privé. Les trois privilégiés de ce cénacle sont Troplong, Baroche et Morny. Troplong, que l'opposition libérale appelait jadis le " savant" Troplong, est un des hommes le~ plus haineux, les plus vains et les plus lâches qu'aient jamais empoisonné les sèches études de la bazoche. Sous les d'Orléans, il se disait méconnu, maltraité, repoussé, 1 On s'abonne: LONDRES, à l'Office du Journal, 39, Rupert St., Haymarket, JERSEY, 19, Dorset Street. LIVERPOOL, chez B. Colin, 33, M:yrtl.: Street, South. 1 BELGIQUE, Lecomte, rue des Malades, à Bruxelles. ESPAGNE, Casimir Monnier, libraire à Madrid. parce qu'on ne l'appelait pas au gouvernement, et sa rancune anonyme s'est vengée clans l'exposé des motifs qui a précédé l'acte de confiscation exécuté par Bonaparte. Cet homme a, comme Dupin, le génie du sophisme juridique ; il excelle à masquer, à parer le vol sous toutes ses formes, et pareil serviteur est un précieux compagnon dans les temps d'Empire; aussi estil de l'intime conseil et des petites soirées, ce Fouché de la loi qui en remontrerait à Caïphe ! L'autre qui s'appelle Baroche a sa mission spéciale et fait un service particulier. Il est chargé de smveiller de haut l'administration impériale et qu'on pounait dire " orléaniste ; " car il n'y a guères, dans toutes les hiérarchies, que des serviteurs de l'anciennP, maison. Billault fait espionner les socialistes et Baroche les autres : puis on condense les notes, et Baroche fait les rapports. Comme espions et comme traîtres, il n'y a rien de mieux que les anciens amis ! , Quant à Morny, sa spécialité dans ce gouvernement de nuit, c'est " l'industrie :financière." Compagnies de chemins de fer, mines, places, crédit mobilier et crédit foncier, assurances, banques, travaux privés et travaux publics, il écrême tout : c'est le grand prêtre des concessions, des fusions, des baux.... et part à deux .... comme en Décembre .... Il faut bien songer aux mauvais jours! Dans la coulisse et derrière les tapisseries, se cachent deux secrétaires intimes, génies familiers de la la maison, intriguant, calomniant, espionnant, deux vrais eunuques ayant toute l'habileté de la profession. Le premier qui appartient au maître est le vieux Mocquart, ex-favori de la reine Hortense, et dont la vie s'est passée, depuis 1815, à faire les petites commissions de la famille : c'était le pigeon voyageur de la maison exjlée, dispersée, et nul mieux que lui n'est au courant de la politique privée. Il connaît à fond surtout les mystères de la Hollande, et M. Bonaparte qui l'a pris ou subi de bonne grttee ne pouvait pas trop l'écarter; car il est de ces confidences qui pourraient tuer comme les fioles des Borgia ! M. Mocquart est un ancien, très ancien " gracieux, " un chérubin sexagénaire, pomadé, luisant et parfumé ; c'est quelque chose d'horrible à, voir. Chef de service au département des ordres secrets, il écrit les petits billets pour les invitations à. dîner ou pour la guillotine, pour les expéditions ù. Cayenne ou pour les spectacles par ordre, avec la même grace et la même tranquillité. Qu'on lui dicte pour le sang ou pour les fètes, c'est le sourire éternel de l'affranchi serviteur, et les " cousins " qui le connaissent redoutent ses courtoisies comme des poisons. L'autre secrétaire aux commandements, celui de Madame, s'appelle Damas-Hinard. Il écrit à peu près l'espagnol, et c'est là. ce qui le fit nommer, après Décembre. la langue du Cid étant peu connue en-deçà de la Loire. Cet officier de la plume impériale était jadis l'un des plus farouches collaborateurs de la REVUE REPUDLICAINEqui se publiait en France il y a vîngt ans de cela; et ce n'était point péché de jeunesse, ardeur de sang, sève trop généreuse ..... L'hidalgo n'était pas entraîné par les folles nu:1aces de son printemps, car vous le trouYerez plus hardi, plus téméraire en 47, avant la Révolution, et c'est lui qui remplacera Quinet comme suppléant à la chaire du Collégc de France ! - Edgar Quinet, l'aYait accueilli, l'avait patroné comme un honnête homme, serviteur ardent du peuple et des idées. Pauvre Quinet ! quand il partit de France, expulsé, proscrit, lui le maître éloquent et le républicain loyal, son disciple se faisait valet ; il marchait comme un page dans cette bouc et clans ce sang ; il entrait aux livrées de l'Espagnole, après avoir bégayé de la lèvre les grandes langues de la Révolution et de la poésie. S'il avait trouvé sur ses pas, le bienfaiteur, le témoin, le juge, nul doute qu'il ne l'eût fait écarter, ou qu'il ne l'eût livré : les drôles n'aiment pas le souvenir ! Ce M. Damas-H:nard écrit aux veuves de la grande 1 GENÈVE, Corsat, libraire, rue Guillaume-Tell. NEUCHATEL, Couhé, à Ch:rnx-de-Fonds, NOUVELLE-ORLÉANS, Paya & Comp., 56, rue de Chartres, 1 MEXICO, Isidore Devaux, libraire. '.l'ous les abonne111eu■ ae 1•aient •l'avance. armée, aux sociétés de bienfaisance, aux écoles de filles dont la dame est patronessc, aux littératems, aux poètes à dédicace : il fait les cornets de charité, rédige les bons de soupe et distribue la manne budgétaire à tons les pourceaux de la muse : c'est là sa fonction. Mais il est intrigant, rusé, doucereux; il sait flatter, et son influence, quoique masquée sous la courtoisie servile, est grande, dit-on, auprès de la dame qui a ses rêves, ses superstitions, ses pressentiments. On le redoute chez les Jérôme, et le secrétaire de Monsieur, le vieux Narcisse lui-même, a peur de eet autre Pallas ! Ce ne sont pas là des influences officielles, publiques, responsables ; mais dans un gouvernement sans tribunes, sans contrôle, sans pouvoirs sérieux, sans autre volonté que le caprice d'un seul, l'inspiration vient des coulisses, des alcôves, des antichambres, et cette inspiration fille du regard, du soupir, du conseil timide, cette note-murmure est à la longue décisive. Parmi les ministres, il n'y a que M. Vaillant qui pèse et compte un peu dans le conseil. La conduite générale de la guerre et les décisions souveraines ne le regardent pas ; mais on le consulte dans les détails, et certaines opérations lui sont soumises. Quant aux affaires majeures, on envoie les aides-de-c:1mp courriers, pour vérifier sur place, et le télégraphe emporte les ordres. M. Fould, cet Iscariote des d'Orléans, est tout entier à, son gouvernement des grands théâtres. Il est le Mécène des Therpsicores maigres ou grasses, et c'est merveille de le voir au milieu de ses bayadères : ses mains ne tiennent pas le gant ; il pose comme le chandelier à trois branches, et sa richesse exhale une odeur de juiverie qui ferait peur même à M. Véron! M. Magne, autre parvenu de la branche cadette des Bourbons, fait son ménage, sans bruit, comme un homme qui prévoit d'autres destinées: il parle parfois à quelques amis de l'exil royal, s'excuse comme un serviteur du pays qui subit les nécessités du temps, et déclare qu'après tout on a tué le monstre-Révolution et sauvé l'Europe, ce qui est la plus grande victoire du siècle et des siècles.- Ce M. Magne est le fils d'un ex-méchant petit bourgeois du Périgord qui n'aurait pu fournir, il y a trente ans, six chemises à l'apport social. 0 Montmorency de la balle ! Fortoul, lui, fait le Fontanes; il n'écrit plus à Madame Sand, comme autrefois dans la revue Encyclopédique, pour lui demander ,: ce que pense Lélia." Il ne prêche plus l'adultère, ni 93, ni le communisme : il est replet, gourmand et pimpant. Mais les jésuites qui le tiennent lui rendent parfois la vie dure. Il faut toujours céder, s'humilier, signer, et malgré cela les avanies se succèdent! Il ne souffre pas trop, pourtant : car c'est un valet, c'est le dernier des valets, y compris l'Abattucci qui tient la justice, comme les Corses le poigna rd · Au-dessous, il n'y a que la prétorienne de second ordre, les hommes d'exécution ou d'espionnage ; or cela nous mènerait jusqu'à. la rue de Jérusalem, jusqu'au grand égout. Arrêtons-nous et saluons, en passant sur la place ~fotre-Damc, l'apostat Sibour qui porte l'encensoir du règne. C'est un saint homme, qui a enrôlé son Dieu dans la poli.cede Bonaparte ! Crr. RrnEYROLLEs. LA GUERRE. Pourquoi parler, aujourd'hui, de la guerre, et rappeler cc nom sinistre, puisque la paix est en fleur? Toutes les chancelleries jouent de la flûte pastorale; tous les gouvernements sont ~L l'églogue, et les bourses, les salons, les feuilles publiques chantent en chœur l'hymne des frères. L'Autriche, dit-on, a trouvé, cette fois, un moyen sûr de conciliation ! L'Angleterre et la France ont adhéré religieusement, et M. le comte Esterhazy, organe du verbe sacré, est depuis longtemps sur la route de Saint-Pétersbourg.
L'HOMME,--VENDREDI, !38 DECEMBRE 1850. -------------- ,-,;=--------------------------------,-------------------------~··,,:,::;-•• L'an dernier, en décembre, eut lieu la même comédie; l'Autriche avait, comme aujourd'hui, la paix dans ses mains, et la RuMie ne pouvait xefuser à sa vieille sœur le cordial acquiescement qu'on lui demandait au nom de l'Europe émue, troublée. L'on sait ce qu'il advint, pourtant, et ce que donna, comme dernière conséquence, la diplomatie de l'hiver : -une campagne de six mois, acharnée, les flottes et les armées en travail constant de guerre, les milliards et les régiments engloutis, et _tout cela pour un pan de ville ruiné ! • Cette diversion pacifique, à ce qu'il paraît, a paru bonne à la sainte-alliance du continent, et l''Jn va re-· nouveler le même intermède, afin qu'au printemps la France et l'Angleterre s'épuisent encore de sang et d'or. L'an dernier, l'Autriche, par le traité du 2 décembre, s'était engagée, s'il y avait obstination russe, et refus officiel, à prêter un concours actif aux forces combinées de l'ouest. Cette déclaration lui valut les deux principautés danubiennes. ,Une fois nantie, l'Autriche interprèta sa signature et ne fit rien, ne vouhnt pas sans doute affaiblir les· gloires de l'Occident. Cette fois, il n'est plus question, en cas de refus péremptoire et formel, de s'engager activement dans l'alliance, mais l'Autriche déclare que, si elle échoue, elle rappellera son ambassadeur de Saint-Pétersbourg, en signe de disgrace pour le Russe ! C'est ainsi que la maison d'Autriche comprend l'amour et pratique le progrès dans les alliances. Elle signe au début un contra_t fraternel pour la guerre et puis le viole, quand elle a pris ses arrhes : au second acle, elle revient à ses chers amis, fait de nouveau son ihème de paix, et menace l'adversaire commun, s'il persiste, de rappeler sa livrée ! Nous comprenons ce jeu de l'Autriche, puissance ruinée, sans vie, sans force et sans autre influence que celle de ses ruses, Formée d'éléments divers, déchirée dans ses entrailles, minée comme une prison assise sur des cariatides humaines, l'Autriche ne peut rien tenter, rien oser qui soit décisif, et la diplomatie tortueusa, louche, ténébreuse ne serait point dans son caractère, sa tradition, ses mœurs, qu'elle y serait condamnée par les nécessités politiques. Elle a bien assez de garder ses gibets et ses cachots! Nous comprenons l'Autriche. Mais il nous est impossi_ble, en vérité, de comprendre le gouvernement anglais qui, depuis deux ans, dupe et victime de ces stratégies diplomatiques, s'y prête encore et va perdre son hiver en protocoles ; il nous est impossible de comprendre, comment M. Palmerston qui est l'aigle de l'at home, n'exige point, avant toute nouvelle tentative, que l'Autriche s'engage, et cette fois sans équivoque, au concours actif et sérieux pour le printemps prochain, au lieu d'accéder à cette misérable conclusion, à cette moquerie : le rappel d'un ambassadeur ! Le peuple anglais, s'il veut la guerre sérieusement, est, il fant le dire, étrangement mystifié ; mystifié à Vienne, mystifié à Paris, mystifié à Londres 1 Et maintenant, quelles sont ces savantes combinaisons qui doivent amener la paix, quand-même? On demande à la Russie, que la mer Noire soit neutre, que toutes les fortifications disparaissent à jamais de la côte, comme les flottes de guerre de ses eaux, que les bouches du Danube soient libres et qu'il y ait des consuls-espions dans ces parages pour dénoncer au besoin les chantiers de construction 'Oud'armement. Sébastopol pris tout entier et rasé, la Crimée conquise, la Russie envahie, de telles conditions ne seraient ' pas acceptées sans débat; et l'on espère que la Russie intacte dans son territoire, n'ayant perdu que la moitié d'une ville,_ après dix mois de siége, on espère que la Russie irritée, mais à peine blessée, passera sous la fourche et sacrifiera son influence, son presLige de deux siècles, parce qu'elle a perdu Malakoff! Les hommes qui connaissent l'ambition du czarisme et les fortes espérances de la race slave, savent très bien qu'une telle démission ne sera pas donnée. La lune de miel ne durera pas longtemps; un dernier fait, d'ailleurs. vient de modifier, profondément, la situation de guerre. Kars, après d'héroïques efforts, et cinq mois de siège, vient de se rendre, par famine ! Les alliés a:ix armées si puissantes, aux flottes si nombreuses, ont laissé tomber cette ville dévouée, cette garnison vaillante. Elles sont mortes d'inanition, l'arme dans la main. Allez maintenant proposer à la Russie les conditions de la défaite ; elle a entamé la Turquie d'Asie, et le clairon sonne, ô peuple anglais, sur le chemin des Indes! CH. R. I A NOS ABONNES. Des difficultés sans nombre nous ont arrêté, depuis notre expulsion de Jersey, et la régularité du servie~ ne nous sera possible qu'après avoir tout aplani. Voilà pourquoi, les deux premières années étant pleines et réglées, nous commencerons la 3ème, au 1er février prochain, dans toutes les conditions d'exactitude et de durée, bien certains que nos amis se prêteront aux recouvrements. Pour que la propagande ne cesse pas nous publierons, dans le mois de janvier, !'Almanach de l'EX'il (1856), et la démocratie européenne y trouvera ses noms les plus aimés, S'adresser pour les demandes au siége de l'Administration. oi6 à lc6 librairie polontiise, 39, Rupert-street, Hayrnarket. ANGLETERRE. Depuis quinze jours personne ne parle plus en Angleterre, saufM. Bright qui assiste à des meetings particuliPrs et continue sa guerre contre la guerre. A ces meetings, ou soirées de tM, l'on applaudit M. Bright, comme un ami de fa famille : mais s'il abordait les grandes plate-formes, même à Manchester, son berceau de gloire, il sel'ait très compromis, tant l'esprit public est décidé contre le Russe. L'esprit public a-t-il tort? Non certainement. La guerre ouverte est à poursuivre jusqu'au dernier écu, jusqu'a,1 dernier sang. Il ne faut pas que le despotisme du Nord puisse éteindre le pen de lumières qui éclairent encore l'Occident. La cause est sacrée dans la donnée de civilisation à défendre. Mais, en vérité, coh1ment l'esprit anglais qui est, dit-on, si libéral et si 1'étifaux gouvernements absolus, comtnent cette voix de la conscience humaine flpplaudit-elle, depuis l'alliance, à la tyrannie qui s'est faite son alliée, mais qui n'en est pas moins la tyrannie? Comment l'esprit anglais qui ost, dit-on, avec la Pologne martyre, avec la Hongrie décapitée, avec l'Italie suppliciée pa~·les rois et les prêtres, comment, cette grande âme de Mtlto~ et <leHampden, ne comprend-elle pas que son aristocratie la trompe, qu'elle a engagé sa fortune, c'est-à-dire ses trésors et son, sang, dans une querelle d'ambitions princières, qµe les pouvoirs sortis du crime et de la trahison ratifieraient demain tous les grands attentats commis contre les Nationalit~s ou_laissésimpunis par l'Europe, et qu'enfin, on ne voudra Jamais, on ne peut pas vouloir que les Patries servent dans la lutte engagée, parce qu'on a peur des Patries! M. Bright a tort dans son c&.ntiqueéternel de paix et de prospérité tranquille; il faut tuer les loups si l'on veut garder le _troupeau : mais le peuple anglais a tort, quanciil veut poursmvre la guerre avec et par les gouvernements despotiques : les tyrans ne sont jamais entr'eux d'irréconciliables ennemis. Ils ont la religion commune, la maladie de la force, et l'Angleterre, avant que l'hiver n'ait donné toutes ses neicres b • l' ~ • ' ' E O ' verra corn ien on a 1ascmee, trompee. ◄ lie restera, comme l'ont dit nos amis, sans un allié, sans un principe! Que pense la Cour de tout cela? Rien. Inquiétude de peuple n'est point son affaire : elle a les garanties du Nord. La Cour est cependant fort perplexe. Un document curieux vient d'être mis au jour, c'est la pétitiol\, à la reine des chefs-officiers de ses gardes. Ces gentlemen demandent qu'on leur octroie l'avancement de faveur, et ils oublient de rappeler au public qu'ils sont non seulement nourris hors ligne, aux frais du budjet, décorés et vêtus comme des Satrapes; ils oublient non seulement les nombreux et considérables priviléges qui les comfortent et les parent, mais ils ont le courage de réclamer contre leurs frères de la ligne qui se font tuer, là bas, comme des héros en Cr~mée! La J?arade )~l?use 1~ bataill_e, et comme il y ~ des pnnces parmi les petlt10nnaires, quoi qu'en disent las voix populaires, le Morning Advertiser, le Daily News,. le Reynold'~, il est fort probable que le trône acquiescera. Cette caserne anglaise est une miniature de l'Inde, au temps de:; Mogols. C'est une hiérarchie de grades qui défie l'absolu des castes, et ses parias sont les masses! Le peuple ~nglais qu~ s'ét:;t!t réveillé, ces jours derniers, sur une question de droit et d honneur, celle des proscrits, le peuple anglais semble de nouveau s'endormir, et cela est grave. Il est impossible, disent les citoyens de ce pays, q:.i'il se trouve, non pas un gouvernement, mais un ministre qui ose demander en plein Parlement l'Alien-Bill contre les étrangers: il n'y aurait qu'un terrible haro dans toute l'Angleterre! Nous aimons cette fierté nationale, mais nous devons déclarer aux fiers Bretons et Saxons que l'Allien-Bill est une con'!ession faite, qu'on le proposera, pour la forme, au p,ulement, et que c'est un dividende de l'altiance, dividende qui sera payé. Le senl moyen de barrer le passage et d'enclouer la batterie-Palmerston, c'était de multiplier les meetings, et d'organiser une ligue nationale, comme celle de Manchester. En agitant le pays, en rappelant toutes ses grandeurs, en excitant toutes ses fiertés, on aurait pu conjurer l'orage et détourner_la honte. Mais si l'on se contente des petits défis et des petites assemblées, on sera surpris par la politiquP.de concession, et l'Angleterre ne sera plus qu'un satellite du continent ! Ù. R. , LE COUP-D'ETAT DE JERSEY. Pendant le cours d'une guerre que l'on dit entreprise pour la défense de la liberté et de la civilisation nous venons de voir des manifestations d'intolérance, de fanatisme et de bru_talit~dirigées con,tre les champions les plus avancés de la hberte et <lnprogres. On est venu jusque chez nous provoquer les sonpçons, les calomnies, les appels à la Lynch Law, et les proscriptions contre les meilleurs des hommes, contre des hommes qui patriotes et exilés avaient un double droit à notre protection et que les plis du di-apea11anglais n'ont pu préserver de l'insulte et de l'outrage. La terre de " liampden, de Milton, de Sydney est, hélas! bien loin encore d'être en réalité une terre libre. La tentative insenséepeut-être devrais-je dire l'atroce conspiration-des Urquhartistes pour détruire la réputation politique de Mazzini et de Kossuth méritait la plus sévère reprobation. Comment une réunion plus ou moins nombreuse d'Anglais a-t-elle pu s'oublier à ce point de prêter l'oreille, ne fut-ce qu'un moment, aux calomniateurs de l'illustre Italien et du grand Hongrois? Il y a à Newcastle-on-Tyne quel~ues demi-douzaines de disciples "des vérités Urquhartistes ' qu'on eut dt\ lestement et ignominieusement expulser du meeting dans lequel ils ont osé accuser publiquement Mazzini et Kossuth. Leurs criailleries ont cessé, ils ne trompent plus personne; et si je reviens à ce sujet, ce n'est que pour remercier M:. Georges Jacob Holyoake d'avoir fait taire les" amis de l'Autriche;" cette Autl'iche maudite, rouge du sang de ses innombrables viètimes ; cette perfide Autriche, infectée de la lèpre du mensonge et du parjure; cette ignoble Autriche, près de laquelle la Russie avec son despotisme effronté paraitrait décence et honnête. " Sauvez-nous, grand Dieu! " comme disent les livres de prières, des coquins et des esclaves, des tyrans et de leurs suppots; mais par dessus tout sauve.a-nous des "amis de l'Autriche!" Plus récemment on a fait retentir des dénonciations contre Mazzini, Kossuth et Ledru-Rollin à l'occasionde leur dernier manifeste. Il est bien entendu que je ne veux pas parler ici de l'éloquente critique écrite par Louis Blanc. 1 e ne parle que du Times, du Post, etc. Des trois signataires du manifeste, Ledru-Rollin est celui sur lequel nos journalistes anti-républicâins ont le plus deversé leur venin. Les grossièretés du Times, du Post, etc., contre un tel homme ne peuvent surprendre personne. Mais, je dois l'avouer, j'ai été surpris de voir le Lloyd's Newspaper faire cause commune avec les insulteurs du tribun français. Ce journal affirme faussement et avec méchanceté que le peuple anglais regarde Ledru-Rollin comme une espèce de Blueskin (l'un des personnages de Jacques Sheppard, roman d'Ainsworth), comme un patriote ~rmé d'une "pince-monseigneur." Ja~ mais on n'avait imprimé une insulte plus grave et plus gratuite. Une réponse adressée à Douglas-J errold a été mise de côté ; manière aisée et brève de se débarrasser de critiques importunes. A Londres, à Birmingham, à Manchester, à Leeds, à Newcastle, à Glasgow, partout enfin où le peuple anglais se trouverait réuni en grand nombre, Ledru-.Rollin serait accueilli avec l'enthousiasme le plus cordial et le mieux senti. Cette comparaison avec "Blueskin" n'est pas moins outrageante pour le peuple anglais que pour l'homme dont le bon vouloir peut devenir un jour si important pour l'Angleterre. La "pince-monseigneur" est une vieille figure de Douglas-J errold par laquelle il a maintes fois désigné le sceptre de M. Bonaparte. Pourquoi le satyrique de Salisbury Square enlève-t-il à l'empereur son instrument convenable et favori pour le mettre aux mains d'un autre ? LedrnRollin repousse un pareil cadeau. Rendons à César ce qui appartient à César. Combien de temps régnru:ait un Bonaparte s'il était privé de son arme ? C'est Douglas-J errold qui, le premier, a salué Bonaparte du titre de Napoléon du Deux-Décembre. Pourquoi ? A cause de ses exploits avec la " pince-monseigneur." L'invasion nocturne et avec effraction du Palais législatif; la violation du sanctuaire de 'la Justice, la profanation du temple de la Liberté, le pillage du trésor public; l'envahissement du domicile privé, l'effusion sur les pavés de Paris du sang et de la cervelle d'hommes, de femmes et d'enfants, voilà des actes qui peuvent attester l'habileté de M. Bonaparte à se servir de la " pince-monseigneur." Douglas-Jerrold s'est-il jamais demandé comment Ledru-Rollin avait été contraint de s'exiler? Il a si vite oublié les événements de Décembre 1851, que vraisemblablement il n'a pas un souvenir plus exact de ceux de Juin 1849. Mais d'autres se rappelleront que lorsque Bonaparte, avec la "pince-monseigneur," s'ouvrait une voie à travers ies murs de Rome pour écraser la République romaine et voler ail peuple romain sa jeune liberté, ce fut alors que LedrnRollin, à la tête d'un certain nombre de dévoués représentants du peuple, risqua sa vie pour sauver l'indépendance de l'Italie et l'honneur de la France. Il échoua, mais il osa et fit tout ce qu'il put, et au-dessus de toute comparaison, sa • gloire est plus brillante que les trophées de ceux qui ont élevé leur réputation sur les ruines de la liberté. Avec l'aide et la connivence de Russel et Palmerston, Bonaparte a réussi,-pour l'éternel deshonneur de la France, la honte de l'Angleterre et la misère indescriptible du peuple romain. Le défenseur des lois et de la liberté a échoué, et on le désigne clanf;l'exil comme but aux flèches de la calomnie. Le voleur de nuit a réussi et s'est assis sur un trône avec sa " pince-monseigneur " dorée en guise de sceptre, et les laquais dorés et les adorateurs du succès s'unissent pour lui témoigner leur respect, - mais Marcellus proscrit est plus heureux que Cél,ar avec des sénateurs à ses pieds. Le temps marche, et en dépit des flatteurs et des méchants l'avenir amènera la justice pour l'empereur et pour l'exilé. Le-coup-d'état de Jersey est plus important et demande plus d'attention ........................ . L'outrage dont Jersey a été le théâtre est trop sérieux pour n'exciter qu'une indignation temporaire. Cet outrage n'est que le précurseur d'une atteinte plus grave au droit d'asile. Le Reasoner a dit : "Nops sommes certains que le peuple anglais ne permettra pas un Alién-Act." Mais le gouvernement, sans prendre grand souci du peuple anglais, fait bien des choses en opposition avec l'esprit des masses et en laisse bien d'autres à faire que réclame la sympathie générale. Il ne faudrait pas trop faire fi des menaces d'Alien-Bill. Certaines personnes qui pourraient faire mieux s'excusent de leur indolent marasme en disant que Palmerston n'oserait outrager ainsi le sens moral et le caractère de la nation britannique. On eût répété à coup sûr Je même argument spectique si, il y a deux mois, quelqu'un eût prédit l'expulsion des PROSCRITS de Jersey. . . . . . • . . . . . . . . . On argue que le Lieutenant-Gouverneur de Jersey n'a pas le droit légal d'expulser les étrangers suivant son bon plaisir. Qu'il ait ou non ce droit, il le prend avec l'appui du gouvernenment britannique et l'expulsion de près de quarante proscrits est un fait accompli. En politique comme en guerre, on est exposé à des surprises, mais c'est une faute inexcusable de ne pas se mettre en .gardecontre une attaque prévue. Nous sommes amplement avertis par les expulsions. de Jersey, par les articles du Times, du Post et par les correspondances de Vienne (écrites peut-être à "Downing street ") prédisant un" alien bill" et une clause spéciale pour la dé-
L'HOMME.-VENDREDI, 28 DECEMBRE 1855. portation des "individus dangereux " sur la demande de leurs (?) gouvernements respectifs. On .pourrait ajoute~·~ ces avertissements la conversation authentique entre le mm1stre des affaires étrangères (comte '\iValeski) et un parent rapproché de Victor Hugo, dans le cours de laquelle le mi_ni~!re déclara savoir que le gouvernement de Palmerston avait 1mtention cleprésenter l'alien Bill au Parlement,-ajoutant que Lord Clarendon et lui même (Waleski) étaient parfaitement unis d'esprit et d'intention. . Certes, si l'homme bien averti est bien armé, le peuple doit être bien préparé à combattre et à empêcher toute tentative d'alien Bill. Malheureusement, l'apathie politique et l'oubli des devoirs publics sont tels que, en dépit des avertissements ci-dessus, le ministère peut à ce moment compter sur la facilité qu'il trouve à abroger notre ancien droit d'asile, malgré les meetings de Londres, Newcastle, Glascow, etc, Des meetings publics qui n'ont pour résultat que quelques résolutions sont presque une dérision, et le pouvoir s'est habitué à dédaigner ces populaires exhibitions. Ce n'est qu'en lui faisant bien voir que le peuple est prêt, que le pouvoir peut être corrigé de ce dédain. Il faut que le gouyernement comprenne ,bien qu'on ne permettra pas l'alien Bill, qu'une telle mesure, s'il la propose, éprouvera une résistance complète par tous les moyens - quelque péril qui en résulte pour le gouvernement et pour l'alliance française ! Les meetings publics, tenus pour protester contre les expulsions de Jersey et contre les menaces d'alien Bill, devraient désigner des comités pour veiller sur le droit d'asile et prendre les mesures néce;issaires pour la protection de ce droit. Dans le cas où un alien Bill serait porté au parlement, une délégation nationale devrait à l'instant même se réunir à Londres pour exercer une pression sur la législature et la contraindre au rejet d'un tel Bill. Les comités dont j'ai parlé devraient être autorisés à choisir de tels délégués, et pour les villes où des meetings ont eu lieu, telles que Londres, Ne,;castle, Glascow, etc, les comités qui ont réuni ces meetings pourraient eux-mêmes choisir des délégués. Il serait trop tard après la présentation du Bill pour réunir des meetings pour protester et élire des délégués, car de tels Bills passent toujours dans l'espace de peu de jours. Pour que l'action publique soit productive, elle doit être prompte. Un délai accordé par le peuple assurerait le triomphe de l'ennemi. Ce n'est pas seulement Newcastle, Londres, Glascow, etc., qui doivent prendre la parole, elles doivent être imitées par toutes les grandes villes de l'Angleterre, et doivent faere savoir à Lord Palmerston et à son impérial car.fédéré que le peuple Britannique ne permettra de soumission à aucun pouvoir étranger et moins qu'à tout autre à ceux de Bonaparte et de François-J osepé; qu'il ne permettra aucun alien Act; qu'il restera debout pour défendre et protéger tous ceux qui combattent et souffrent pour la justice et pour le droit. G. Julian HARNEY. 4 Décembre 1855. TABLETTES DE L'EXIL. Lors de l'attentat de Bellemare (qui, on se le rappelle, tira un coup de pistolet sur l'une des voitures impériales à l'entrée de !'Opéra-Comique, et qui par suite fut déclaré fou et envoyé à l'hôpital de Bicêtre) le gouvernement craignant que cet attentat ne fut le résultat d'une conspiration, ordonna l'arrestation d'un grand nombre de jeunes gens appartenant pour la plus grande partie à la jeunesse des écoles. De ce nombre se trouvait M. Ranc, fils aîné d'un homme respectable, ancien magistrat, ancien juge de paix dans le ressort de la Cour de Poitiers. On ne trouva aucune preuve contre ce jeune homme complètement occupé alors de ses travaux littéraires. Néanmoins, en dépit de cette absence de preuves M. Ranc fut retenu eu prison au dépôt de la préfecture de police. Quelques mois s'étaient écoulés sans que le prisonnier pt1t obtenir soit des juges soit sa mise en liberté, quand, il y a quelques jours, un commissaire de police vint le trouver à la prison et lui signifia une décision du conseil des ministres en vertu de laquelle M. Ranc au lieu d'être mis en liberté devait être transporté à la colonie pénitentiaire de Cayenne. M. Ranc père qui en ce moment se trouvait à près de deux cents lieues de Paris, informé par le télégraphe de la décision qui frappait son fils, revint immédiatement et s'adressa à l'un des ministres pour obtenir le rapport de cette sentence ; mais la décision étant irrévocable il demanda que son fils fût transporté non à Cayenne-pays éloigné dans un climat mortel-mais en Algérie, colonie plus saine et plus rapprochée. Le ministre refusa, alléguant que l'Afrique était comme la France infostée de sociétés secrètes et que le gouvernement était résolu de n'y plus transporter personne. Le père alors demanda que son fils ne. fut pas transporté mais simplement banni en Amérique. Le ministre répliqua que l'on accorderait i M. Ranc le banissement comme commutation clepeine, à la condition qu'il renoncerait, par une déclaration écrite et signée de lui, à ses opinions républicaines. Le père transmit ces conditions à son fils qui refusa noblement une déclaration qui eut été une apostasie. En conséquence l'ordre va être exécuté et M. Ranc, jeune homme de 24 ans va être transporté à la Guyane. Le navire doit quitter le port de Toulon du 15 au 20 courant, et on m'assure qu'un certain nombre d'autres personnes arrêtées à la même époque vont être également transportées à la Guyane sans jugement. Cette monstrueu~e tyrannie q?i supprime les hommes et cumule tous les cnmes est, depuis quatre années, la loi, le gouvernement de la France : et cette Providence-là ne se permet pas seulement l'horrible, elle descend jusqu'aux plus petits détails; elle se joue même des passeports qu'elle a délivrés. Nous racontei;ons, à cet égard, dans notre prochain Numéro, l'histoire d'un docteur allemand et de l'admin_istrationbonapartiste: l'espace nous manque aujourd'hui. Nous insérons avec bonheur les lignes suivantes, qui honorent un des meilleurs soldats de la cause italienne : On lit dans le journal du gouvernement de Buenos-Ayres les lignes suivantes : Hier à son débarquement le colonel Olivieri a reçu une ovation des plus brillantes et des plus spontanées. Reconnaissant des services rendus au pays, par ce brave militaire, dans les tristes jours de sa lutte pour la liberté, et désireux de lui faire oublier ses souffrances dans les horribles cachots, où vient de le retenir pendant dix-huit mois le pouvoir pontifical, le peuple s'était porté en masse au lieu du débarquement et reçut le colonel avec des acclamations enthousiastes. Le port était tellement encombré que le colonel eut peine à arriver jusqu'à sa voiture. La foule l'accompagna ju,qu'à sa maison où il fut visité par toutes les notabilités du pays. Toute la journée la foule circula sous ses fenêtres en répétant avec enthousaisme le cri de Vive l'Italie auquel le colonel répondit par celui de Vive la République argentine. Il serait trop long de décrire tous les détails de cet.te ovation faite au proscrit qui retrouve sur la-terre argentme une patrie nouvelle dont le dévouement adoucira pour lui les regrets et les souvenirs de la patrie mère ! Le t.tavail qui suit, a été lu au meeting ùes socialistes polonais, le 29 novembre : Citoyens, Il y a quelques jours, il se fit dans les régions officielles de ce côté-ci du globe comme un bruit étrange : l'air y retentit d'imprécations et de clameurs sinistres, le ciel s'y obscurcit, le sol y trembla, l'horizon s'y couvrit de teintes lugubres, et tout ce qui vit, ta.ut ce qui respire dans les sphères du pouvoir et du privilége y frémit d'é;.>0uvante. Qu'était ce donc? Quel fléau, quel cataclysme s'était déchaîné sur notre planète ! Quelle révolution s'était opérée dans notre existence sidérale ! Quelle comète nous menanaçait de ses ftux dévorants ! Rien de tout cela : mais un groupe de socialistes s'étaient 'réunis pour accomplir un devoir pieux, pour fêter l'anniversaire d'une date glorieuse et offrir à la mémoire de leurs pères le tribut de leurs hommages et de leurs respects. Ces socialistes, en outre, sans ménagement pour le mensonge et l'hypocrisie, fussent-ils même couverts de la pourpre, avaient osé apprécier à sa valeur l'alliance des pouvoirs d'Occident et qualifier selon leurs mérites les faits et gestes de cette politique de fourbes qui, sous les masquPs de civilisation et de liberté, fait de tout un peuple abusé l'instrumwt du despotisme. Ils avaient fait plus, ils avaient professé leurs doctrines, proclamé leurs espérances, tracé la ligne du devoir et la voie de salut ; ils avaient montré du doigt sur le cadran de l'éternelle vérité, l'heure de la justice !...... C'en fut assez ! Aussitôt monarchies et aristocraties, aussitôt tous les représentants du passé, toutes les institutions de la routine et de la violence sonnèrent le tocsin d'alarme, et leur fureur égalant leur panique, ils nous dénoncèrent par leurs journaux, comme autant de cannibales; ne pouvant nous signaler à la Yiudicte des lois, ils nous vouèrent à l'exécration publique et convièrent tous les honnêtes gens à nous courir sus ! Quels vents souffiaient donc toutes ces tempêtes? Où visaient toutes ces charitables colères ! A ces questions la réponse est facile. Au nombre des despotes dont le joug funeste .et maudit s'appesantit encore à cette heure sur le genre humain, il en est un qui, entre tous et par-dessus tous, frissonne de terreur et de rage à chaque nouvel écho de la pensée libre, il en est un dont le pouvoir criminel issu de la nuit et engendré dans le sang ne peut se maintenir que par le sang et à la faveur de la nuit, il en est un qui non content de baillonner la grande voix de la Franc6) avec le sabre homicide de ses sbires, qui non content de plonger tout un peuple dans les horreurs de la faim et l'abrutissement du silence, rêve .sans doute l'empire universel du néant, et voudrait ensevelir dans un mème linceul l'humanité tout entière. Pour celui-là surtout la vérité est un remords, la lumière un supplice et un danger! Or ce despote, poursuivant sa mission de crime et de ténèbres, veut éteindre à tout prix ce foyer intellectuel de l'exil qui, en dépit du gendarme et du mouchard, rayonne sur la France : ce foyer dont les émamations fécondantes, parce qu'elles sont puisées aux grandes principes, sources de vie, s'en vont se mèler là-bas aux aspirations du sol natal!.. .. C'est pour atteindre ce but qu'il a depuis longtemps mis en garnison sur le sol anglais toute une di rision <le cette vaste armée d'espions et d'argousins, l'orgueil de sen règne, estaffiers de tous étages, depuis ceux qui souillent la presse de leur plume vénale, jusqu'à ceux qui écoutent aux portes ou assomment les gens. • Il fallait donc s'attendre à le voir un jour ou l'autre, sous un un prétexte ou sous un autre, lâcher sur nom, toute sa meute policière; il fallait s'attendre à Yoir tous ces bulldogs de la rue de Jérusalem, excités par l'odeur d'une double pâtée, aboyer, hurler contre les proscrits, contre les socialistes, les menacer de leurs crocs, griffonner contre eux, en traits de fiel et de calomnie, des articles ou des placards, en un mot, faire tant et si bien des griffes et des dents que 1 maints esprits de bonne foi s'y sont un moment laissés prendre et se sont abaissés jusqu'à leur faire chorus! Cependant, il advint que tant de zèle fut tout d'abord, à peu de chose près, dépensé en pure perte. On avait voulu provoquer une Saint-Barthélomy de Républicains, on n'avait abouti qu'à faire expulser trois de nos amis de leur domicile élu, expulsion illégale et brutale, il est vrai, mais qui était loin, bien loin de satisfaire les appétits féroces de M. Bonaparte. C'est alors que, démasquant ses batteries et s'armant d'un nouveau prétexte, celui-ci, par un coup décisif, exigea et obtint la proscription de Jersey. Pendant le même temps, un autre Empereur, le digne émule de Bonaparte quant à l'astuce et à la cruauté; un despote dont la précocité tient du phénomène; qui, à l'âge juvénile des tendresses et des pai::sionsgénéreuses, n'a que des instincts de carnivore, parait se délecter dans le sang et faire du gibet son idéal, le flfau de la Hongrie, de l'Italie et de l'Autriche, François-Joseph enfin, puisqu'il faut l'appeler par son nom, adressait, touchant accord, des requêtes semblables au gouvernement d'Angleterre; requêtes auxquelles ce gouvernement n'a pas encore obtempéré. Mais les c~ars sont insatiables et vous le savez; il s'ourdit en ce moment dans les chancelleries une trame plus étendue; il exista même une machine toute prête, qui a nom "AlienBill," à laquelle il ne manque plus qu'un nouveau brevet du Parlement, machine armée pour tout républicain dont la présence sur ces rivages menacerait de troubler le repos de MM. les monarques du continent. Voilà, citoyens, en résumé, les traits pri:1eipaux du Jersey Outrage, événement qui a si justement soulevé l'opinion publique et qui est loin d'avoir manifesté toutes ses conséquences. Mais derrière cet outrage, citoyens, derrière ses causes immédiates, auteurs ou instruments, il existe tout un ensemble de causes générales, tout un système dont je n'ai pas cru hors de propos de vous entretenir dans la circonstance solennelle qui nous unit. J'ai pensé que tout en laissant la défense des libertés de l'Angleterre à leurs champions les plus naturels, il entrait dans nos attributions, à nous exilés, de rechercher en quoi l'atteinte qu'on vient de porter à ces libertés se rattache à la politique générale, de l'apprécier dans sa plus haute portée historique, non comme citoyen d'un état, mais comme homme, et socialiste. Dans ce but, j'ai besoin d'élargir mon sujet, car dans la vie des sociétés comme dans celle des individus, tout se tient, tout s'enchaine. . Je veux d'abord, par une synoptique d'histoire sommaire, établir aussi brièvement que possible les caractères distinctifs de l'âge social où nous vivons. Un de ces principaux caractères consiste en ce fait que la société contemporaine, loin d'être bâsée comme les sociétés des âges précédents, sur l'asservissement des peuples les uns par les autres, est bâsée au contraire sur leur indépendance réciproque et sur la communauté de leurs intérêts. Je vais essayer de le démontrer : Chez les anciens, où toute vie politique procédait de la conquête, la civilisation, mouvante et instable, se portait d'un point à un autre, à Babylone ou en Perse, en Egypte ou à Athènes, en Macédoine ou à Rome ; chaque nation occupant ainsi, tour à tour la scène du monde, vivant des dépouilles de la guerre, et du travail des autres peuples réduits par elle à l'esclavage. Aussi toutes les lois, toutes les philosophies, et même les religions de l'antiquité, y compris celle de J\lfoïse, furentelles empreintes du caractère d'antagonisme des races, glorifiant la guerre et développant 'cet. esprit d'égoïsme et d'idolâtrie de la force qui distingue les mœurs de cet âge. Avec le christianisme, il est vrai, surgit la protestation de l'homme contre le citoyen, de l'humanité contre la patrie mais, restée à l'état de sentiment, cette protestation ne s'élev~ nulle part à la hauteur d'un fait rationnel; l'humanité adolescente ne pouvait dégager et affirmer à l'état de science les vérités constitutives d'un ordre social supérieur. D'ailleun, à peine le christianisme fut il sorti des épreuves de la persécution, à peine eut-il acquis une existence officielle, que ses propagateurs perdirent sa tradition originelle et se retournèrent contre le progrès. Soufflant le fanatisme dans l'âme des peuples, ils firent d'un dogme d'affranchissement et de paix, un ins.rument de servitude et de guerre. A l'antagonisme des races, ils ajoutèrent l'antagonisme des sectes. Sans doute, le dogme chrétien avait été une force révolutionnaire, car, par lui, l'esclavage, au moins dans sa forme la plus avilissante, avait disparu; mais son rôle déterminé une fois rempli, il se pétrifiait et se dressait comme une borne devant l'humanité. qui toujours marche. Il faut ajouter que l'âge chrétien, c'est-à-dire le moyen• âge, tourmenté par l'instabilité des races, ne fut qu'un mélange incohérent et confuc,de peuplades diverses, une sorte de creuset où les éléments des nationalités modernes s'analysèrent. Mais grâce à leurs énergies natives et au travail des siècles, les sociétés européennes se constituèrent, chacune d'elles manifestant de plus en plus ses aptitudes spéciales. Le travail n'y étant plus une dégradation, elles profitèrent des répits que, de guene lasse, leur laissaient parfois le mon~r9-ue ~t l_eprêtt:e, po~r se livrer aux arts de la paix. A cote de 1artiste, qm ornait les temples et les palais des maîtres, s'eleva l'ouvrier fabriquant les choses simples et utiles à tous. La propriété d'abord presque entière aux mains des chefs de la conquête, vit s'agrandir peu à peu le cercle de ses détenteurs pri".ilégiés; les populations augmentèrent et avec elles les besoms de consommation et le désir du bienêtre, et l'intelligence, abîmée trop longtemps dans les controverses religieuses, s'en détourna graduellement pour s'appliquer à la philosophie, aux lettres, aux sciences, au commerce et au perfectionnement des arts et métiers. Néanmoins, ce ne fut qu'après bien des efforts et des sacrifices humains que la raison put triompher du préjuo-é religieux, braver l'anathème des papes, substituer le drgit de la conscience aux décisions des conciles et saper !a puissance autrefois si formidable du trône et de l'autel! Enfin, cet immense mouvement révolutionnaire commencé par la philosophie des derniers siècles et. continué depuis à travers tous les accidents de notre Yie politique nous conduit à l'âge du socialisme pour l'appeler par u~ nom que l'avenir consacrera. C'est avec les splendeurs naissantes de ce nouvel âo-e qu'on, voit apparaît~·e au_monde le_fait social sur lequel j~i appele votre attention, Je veux dl!"e la mutualité des peupfes. Voyez en effet: la fusion des races humaines aujourd'hui a cessé de s'opérer par les invasions et les conquètes • elle s'opère par les migrations et les voyages. La guerre, c~nséquemment, n'a plus de raison d'être. La civilis_ation,auj?urd'hui, ne se déplace pas, elle s'élève, elle agrandit son honzon et, portant ses lumières jusqu'aux poin~s les plus rec~lés, Tlle envahit le monde par le seul attrait de ses merveilles ..... . Les peuples, aujourd'hui, savent qu'ils ont un intérêt vital à conserver entre eux des rapports de sympathie .et de concorde, à échanger en paix leurs produits, leurs mœurs et leurs idées. Enfin, ils commencent à se considérer comme autant d'orga~es ?'un même co1:rs, aY:ant chn;cun sa fo_nctionpropre, mais vivant de la meme vie et smvant la 101 de solidarité : Tous pour chacun, chacun pour tous!.. ... Un autre caractère distinctif de notre époque consiste dans la prééminence du fait révolutionnaire. Je m'explique: En sondant les profondeurs ténébreuses de l'histoire des âges antérieurs, on peut y suivre l'éducation de l'humanité . malgré ses lenteurs séculaires, on peut, à travers les servi~ tudes des peuples et les guerres de leurs souverains, tracer la '
L'HOMME.-VENDREDI, 28 DECEMBRE 1855. ligne du progrès, ligne accidentée, tortueuse, plus ou moins visible, jamais interro~pue ! l\fais la résistance ouverte à l'oppression, mais l'effort délibéré des masses pour; l'indépendance, mais leur tendance avouée au bien-être et à l'égalité, tout cela ne s'y trouve pas ou n'y apparaît que dans la pénombre des grandes scène~. L'aspiration vers un meilleur état social existait pourtant, mais sourde, latente, obscure. Chaque fois qu'elle s'isolait du préjugé, national ou religienx, elle passait inaperçue, étouffée, sous le poids de l'ignorance générale. L'ambition des princes et le fanatisme des prêtres remplissent tellement l'existence encore chétive des sociétés antérieures, que leurs annales ont passé sous silence 1G fait révolutionnaire. A peine si le long martyrotage des peuples à quelq nes pages dans l'histaire. Aujourd'hui quelle différence! la Révolution est devenue le C'aractère saillant de la vie puhlique, elle n envahi la scène humanitaire, prouvons que cela devait être. Les deux périodes qui constituent l'enfance de la société étant arrivées à leur terme naturel, et les institutions qu'elles engendrèrent, passées à l'état morbide, étant manifestement hostiles aux conditions de l'âge nom1eau, toutes le::.énergies <lel'organisme social tendent invinl!iblement à les éliminer. Mais les hommes qui bénéficiaient si largement de ces institutions, ignorant sans doule que tout ce qui vit dans l'univers est soumis à des lois de transformation naturelle, se sont imaginés qu'ils pourraient fermer l'ère du progrès et, nouveaux Josué, arrêter la marche des soleils ! Ayant trop longtemps et sans conteste joui de certains priviléges, ils se sont habitués à les considérer comme leur droit, comme leur propriété légitime et inviolable. Ils oublient une chose, c'est que leur prétendu droit n'a d'autre source que la force brutale et que si des contrats sont venus plus tar l le valider, ils étaient, eux, dans ces contrats, juges et parties. Ils devraient savoir que si on a tant tardé à vérifier leurs titres, c'est qu'ils les entouraient de ténèbres et de châteaux-forts. Aujourd'hui les châteaux tombent et la lumière se fait: tant pis pout· eux s'ils s'obstinent à fermer les yeux et s'exposent à périr sous les décombres! Aux aristocraties de la conquête et de l'église est venue s'en joindre nne autre d'origine plus récente: l'aristocratie du capital. Celle-ci se compose d'hommes qui, enrôlés d'abord au service de la Révolution dans une guerre à outrance contre les deux autres classes, désertèrent un jour leur drapeau, emportant avec eux tout le butin de la ,·ictoire; qui, ensuite, pour échapper à la juste revendication de leurs frères d'armes, passèrent à l'ennemi avec armes et bagages. Ceux-ci oublient qu'ils ont avec le peuple des comptes à régler!. .... Enfin, au-dessus de ces trois armées de la contre-rérnlution s'élève le trône qui les domine de son prestige, qui les protège de sa police, de ses geôliers et de ses soldats. Tel est, citoyens, l'état sommaire des forces qui, secor.dées par l'ignorance et l'esprit de routine, se flattent de comprimer l'essor des idées progressives, d'arrêter le courant de la civilisation, de rabaisser le niveau de l'intelligence et de l'éducation publique, de faire échec, en un mot, à toutes les puissances virtuelles de l'humanité!. .... Est-il donc surprenant que la Révolution devienne le fait culminant de l'histoire! Est-il donc surprenant que ses con-' seils, je veux dire les peuples, soient en permanence et se préparent à un effort suprême!.. ... Des caractères sociaux que je viens d'exposer ~·ésnltent de nombreuses conséquences: j'en examinerai un1::seule ..... Les mo:1arques, aujourd'hui, ne pouvant plus jo•Jer, sur le champ de bataiile et aux dépens de la vie des peuples, à qui d'entrP- eux aura l'empire du monde, voient en cela le plus redoutable des instruments <l'oppression leur échapper, leur dernière chance de salut s'évanouir. C'est en vain qu'ils se flatteraient de pouvoir encore, longtemps, armer les peuples les uns contre les autres, de pouvoir les pousser, par un système barbare, à des <>uerres h • d" , • t:> ypocntes, o ieuses, n ayant pas meme, comme celles des temps passés, l'excuse d'une passion vraie; guerres inventées par eux tout exprès pour décimer les jeunes générations et arrêter la sève révolutionnaire qui monte avec elles; guerres prescrites par eux comme un de ces remèdes héroïques, à la .11:laltlius, pour purger les nations de cette population turbulente et affamée, qui convoite les festins du riche et qui a l'au dace grande de vouloir un siége au banquet de la vie sociale! Les gue~-re~i~ternationales enlevées ~u monarqt.es par la force de 1opm1on et des mœurs publiques, ,•oilà ceux-ci ~~li~é~ de détruir~ !es él~l'l}entsrévolutionnaires sur place, à l mteneur; les voila obliges de tourner leurs armées contre les nations qu'ils gouvernent: ils en sont réduits à reconquérir sans cesse leurs propres sujets. Il est vrai que trouvant cette besogne par trop difficile ils ont pu réussir une fois de plus, (un rare concours de cir~ constances aidant)_à récha~ffer les vieux préjugés Pt à rallumer une guerre mternatrnnale; encore, leur a-t-il fallu, chose à remarquer, recourir au prétexte de liberté et de civilisation. C'est l'absolutisme qu'ils combattent, disent-ils au nom de la démocratie et du progrès!. .. mais ce système: déjà, cesse de fonctionner au gré de Jeurs prévi~ions, et, dans tous les cas, il ne sortira de la première ép-euve que complètement usé. Grâce à la Révolution qui veille, l'hi,toire aujourd'hui, n'enregistre pas deu:- fois de tels mensonges. ' Les monarques auront beau fa!l'e, les hommes, ne se divisent plus des considérations de lieux, d'origine, ou de coulf;ur. ~eur;' a~itiés ou lem-s haines se rattachent ~ des principes plus eleves, reposent sur dei:; motifs pl1;s essentiels. Désormais ils combattront ou se donneront la main suivant '"[ ' qu 1 s seront pour ou contre la liberté, pour ou contre la Révolution. En, un mot, citoyens, il n'y a plus dans le monde d'Anglais ou de Français, cl'Italiens ou d'Espagnols, d'Allemands ou de Russes, il !l'y a plus q11eles hommes de l'idée et ceux de la routine; les bommPs du mouvement et ceux de la résistance: d'un côté, la République sociale de l'autre tous les trônes et toutes les aristocraties ! 1 ', ' C'est là, entre ces deux camps,· qu'Pst la <>randelutte <lu siècle, c'est là que gisent les éléments de Îa crise douloureuse, mais nécessaire, qui doit inaugurer l'Ere de paix l'Ere de liberté par l'égalité .1 ..... , 1 ' ~itoyens !_cette crise, cette transformation nécessaire qui doit nous faire entrer dans l'â<>ede Socialisme aura deux objets essentiels à accomplir! 0 1 ° Détruire le monarchisme et a~·racher du sol Européen jusqu'à ses dernières racines. , 1 " 1 J Cette première partie de l'œuvre sera facile et prompte, car l'édificP- monarchiqt.e en dépit de son attitl!de encore• menaçante, est d~jà lézardé et miné dans sa bai!e. > Elle sera facile et prompte, car le principe de la souveraineté du peuple s'est aujeurd'hui imposé plus ou moins à toutes les nations qui marchent à la tête du mouvement civilisateur, et qu'une fois la conquête de l'idée, la plus laborieuse de toutes, ainsi opérée, celle du fait matériel suit inévitablement. 2° Faire disparaître le prolétariat, cette condition inférieure de l'homme, qui est aux temps modernes ce que le servage était au moyen-âge, ce que l'esclavage était à l'antiquité. Ce dernier objet, j'en ai la conviction, ne sera pas moins facile à atteindre, mais, il ne sera pas, il ne peut pas être l'œuvre d'un seul jour. Il ne sera pas l'œuvre d'un jour, car en admettant les meilleures mesures immédiatement prises par les peuples souverains touchant les relations du crédit et les conditions de la propriété, il ne faudsa rien moins qu'une génération entière pour en consacrer les avantages et refaire l'éducation de l'homme; de l'homme, le premier, le pius fondamental de tous les éléments économiques. Mais citoyens, le champ que ce;; considérations ouvrent à la pensée est trop vaste po~~r que j'essaie de le parcourir dans les limites de ce discours. Si j,cn aYais eu le temps, je vous aurais montrP. que le paupérisme, cette lèpre• de l'àge contemporain, va chaque jour s'accroissant, de l'aveu même de tous les économistes, et malgré les palliatifs préconisés par les ,•ieilles écoles et leurs docteurs surannés. Je vous aurais dit comment ce paupPrisme dérive de l'action combinée des privilèges de la monarchie, de l'éducation et du capital, ou plutôt <lela contradiction qui existe entre le maintien de ces privilèges et lP.s conditions normales de notre civilisation industriel:e et scientifique. Je vous aurais prouvé enfin que ce fléau, lui aussi, pousse irrési~tiblement l'Europe à une révolution démocratique et sociale; c'est à dire, qu'après avoir, hélas! creusé tant de tombes, le paupérisme creuse aussi, justice tardive, celle des institutions qui l'ont engendré ! Il est un peuple, je le sais, un des premiers du monde, le peuple anglai::., qui, s'endormant un jour dans l'ol'gueil légitime de libertés précieuses, mais incomplètes, se berçait de l'espoir que cei:;libertés pourraient se développer et fructifier sous l'égide de l'aristocratie et du trône. Erreur profonde, illusion funeste, d'auta11t plus funeste qu'elle pénétrait les masses et que le prolétaire lui-même y vénérait le privilége et professait l'amour des grands seigneurs qu'il nourrit à la sueur de son front! Je n'exagère pas: Jolm Buli aime les lords, a dit Johnson, et je pourrais citer maint exem pie attestant que cette parole, hier encore, était une vérité. Mais voilà que 1:lu sein de ce peuple surgit la foi nouvelle! Des hommes, gloire à eux! doués du plus grand et du rare de tous les courages, celui de braver les préjugés, se lèvent et disent à la foule: Non, vous n'êtes pas libre~! 1 Non, vous n'êtes pas libres, vous, ouvriers, qui en échange des richesses que vous créez si libéralement,· ne recevez qu'un salaire insuffisant, qu'une existence précaire, incertaine; vous qui, vivant à l'état de machines, mourrez sans avoir rien connu des jouissances et des ornements de l'esprit, rien des arts, rien des sciences, rien de tout ce qui fait de l'homme un être supérieur! Vous, surtout, prolétaires, que l'indigence saisit au berceau, à qui· 1a société refuse toute culture, physique ou morale, souvent même une profession, vous qui manquez souvent de gîte et de pain, vous·, enfin, qui traînez une exister.ce chétive et douloureuse jusqu'à ce que prématurément usé par les continuelles angoisses du besoin, vous tombiez d'inanition lente et mouriez au workhouse ou à l'hôpital, quelquefois sur les dalles du trottoir: la Liberté, disent-ils, ne consiste pas dans la faculté de végéter et de mourir de misère sans être troublé par l'ü1tervention d'autrui. La Libe::rtén'est pas seuleme:1t le droit d'aller et de venir tout à l'aise; elle ne s'arrête pas davantage au droit d'exprimer son opinion. La Liberté, dans ton état social aussi élevé que le nôtre, c'est le pouvoir de satisfaire tous ses besoins, de développer toutes ses tendances, de cultiver toutes ses facultés: c'est le pouvoir de vivre dans la plénitude de l'être, et suivant toutes les prescriptions de la nature ! Or, ce pouvoir, vous ne l'aurez que par la possession des instruments de travail et par l'éducation intellectuelle et professionnelle indispensable à leur usage. Voilà ce qu'ils disent avec nous, et leur voix commence à être entendue! Bientôt elle ira au cœur du prolétaire où la vérité trouve toujours des écho,; ! De là à se débarrasser des priviléges qui gênent l'essor de ses libertés, de là à s'armer des éléments producteurs et éducateurs qu'on lui refuse, il n'y pas pour le peuple, l'avenir le prouvera, aussi loin qu'on le pense !..... :En résumé, citoyens, la communauté d'intérêts entre les peuples, l'impossibilité des guerres internationales, la prééminence dei fait révolutionnaire, l'extension du paupérisme, l'invasion de&idées sociales et l'imminence q'une crise, voilà le tableau de la société! Vnilà le tableau de la société, non pas vue à sa surface officielle, mais analysée dans les profonde~rs de sa vie organique. Et maintenant, vous comprenez tout le bruit, tout le vacarme qu'on a fait à propos cl'unf.: lettre; vous comprenez pourquoi nos meetings et nos discours provoquent h:. colère des oporesseurs du monde et l'indignation à gages de leurs valets! Plus qu'on mot et J'ai fini. Les gouvernements du privilége, bénéficiant du progrès à leur manière, ont acccepté, eux aussi, le principe de la solidarité et se sont ligués contre les idées nouvtlles qui menacent leur existence. Cette tactique n'est pas précisément nouYelle et déjà, l'humanité depuis le commencement du siècle, compte plus d'un peuple tombé, plus d'une nationalité ensevelie sous le poids de cette ligue criminelle. Aujourd'hui, à l'exception du roi de Prusse, qui s'allie au despotisme de Saint-Pétersbourg, et l'empereur d'Autriche qui se retranche dans le sien, tous les autres pouvoirs d'Europe s~mblent se ranger sous la bannière encore plus odieuse de Bonaparte. • Je dis plus odieuse, car, si, au fond, tous les despotismes se valent, celui de Boflaparte est doublement criminel d'origine et de fait. 1 • 1 1 'J J J. Oui, doublement criminel, car c'est la F.1:mce, ô douleur! q_ui ~ été sa premièr~ vict!me ; c'~st la France, foyer de civihsat10n et <leprogres, qm par lm, est devenu le chef lieu de la: réaction, le quartier-général de ses forces oppressives! Ah ! citoyens, si notre foi n'était fondée sur l'inflexible logique des lois naturelles, si elle n'allumait en nos âmes ee feu sacré de la conviction qui faisait dire à Galilée• " et pourtant la terre tourne;" il y aurait de quoi fr€:mir â voir les progrès de la croisade réactionnaire conduite par Bonaparte! Qu'ai-je besoin de vous citer Rome, la Suisse, la Belgique ~'Esp~~ne, le J!iémo~t, et pe~~-être 1~ Suède ! Il n'est pa; Jusqu a la Chme, ou elle ·nait porte ses ravaoes et servi l'oppresseur Tartare contre la. Révolution ! 0 L'Angleterre elle-même, ce dernier asile Européen ouvert aux apôtres de la liberté, vient de souscrire au pacte du despotisme! Oui, malgré les énergiques protestations de la Démocratie anglaise, le gouvernement et les organes de l'aristocratie co:1tinueront, je le crains, à sacrifier les libertés du pays aux exigences de la ligue et tle la raison d'état ! ~eut-être même bénisse~t-ils en secret la main qui les hum1he, car chez eux, le sentiment de l'honneur est moins fort que l'instinct du privilége ! Mais citoyens, quelle que soit l'étendue <lumal, les sociét~s ont sous la main le remède qui doit infailliblement les sauver et assurer à tout.jamais le triomphe de la Révolution. Ce remède, citoyens, vous l'avez inscrit sur votre drape.au, c'est l'ALLIANCEDES PEUPLES! Que le peuple anglais s'élève donc jusqu'à l'idée exprimée par cette devise; que non content de protester au nom de l'honneur patriotique il proteste aussi au nom d'un principe plus large et plus conforme à l'esprit des temps nouveaux au nom du principe de la SOLIDARITÉHuMAINE! ' R0UGÉE. Un grand banquet et meeting public aura lieu le 31 courant, à BRITISH INSTITUTION,Cowper Street, City Road, en l'honneur des réfugiés de toutes les nations. M. Ernest Jones présidera. Un billet pour la soirée ... '. Pour deux " " " Pour le meeting (8 heures) .. SOUS PRESSE : LE ls. 6d. 2s. 6d. 3d. HARRIS, sec. COUP D'ETATDE JERSEY. Expulsion de trente-six Proscrits.-Révélations et éclaircissements, PAR CHARLES HUGO et FRANÇOIS-VICTORHUGO. r • A LOUER PRÉSENTEMENT J Une Maison ou partie de' Maison garnie,· ' : ' A J 1 1 l APPELEE BU DE LA RUE, C~ntenant_environ huit appartements, étables et jardin, et un terram de cmq vergées qu on est libre de louer ou de ne pas louer. - Le tout est situé dans la paroisse de St-Laurent à deux milles et demi de la ville. - S'arfresser chez Monsi:ur MALZARD, Clear-View Street, à St-Hélier. - La même personne a des charbons de première qualité de Newcastle : 24 sh, la charge ou 28 sh. le tonneau, par demi-charge ou quart de tonneau. 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