L'HOMME.-ler DECEMBRE. nistrer, Le danger de Paris n'est plus à craindre. le prix du pain et de la viande y a été abaissé au moyen d'immenses sacrifices; mais ces avantages n'atteignent pas la provinde, où la misère, à l'h~ure qu'il est, est déjà effrayante. Ce même fonctionnaire véridique et peu courtisan rapporte qu'ayant ordonné, par ordre supérieur, que le Te Deum fût ch, nté di:.l.ustoutes les paroisses de son département, il avait eu le chagrin de constater dans un rapport le fiasco complet de la cérémonie, si complet, que dans nombre de communes, au moment où le curé entonnait l'hymne, la population se précipitait hors de l'église, attendant à la porte qne le cnant fût fini et ne se gênant pas pour dire hautement : " Pourquoi serions-nous reconnaissants? On nous arrache nos fils pour les envoyer à la g·uerre, et uous mourons de faim faute de leur assistance dans nos travaux, et nos terres restent en friehe parce que nous n'avons pas le moyen de payer des bras mercenaires. Que l'empereur se réjouisse, car lui seul a lieu d'être satisfait; quant à 'nous, nous ne pourrions que pleurer sur nos affections enlevées et sur notre. misère!" Chaque jour étions en pleine République, car elle n'épargne ni sexe, ni le rang. Le salon de la princesse B .... n'a pas été plutôt purgé, par suite de la dénonciation de l'espion du grand monde, le comte Léon F .• que l'œil de la police s'est tonrné plus terrible vers les bâteaux-la voirs de là Seine .... A Paris, les lavandières sont remarquables par l'activité et la liberté de leurs langues, et, parmi elles, Perroliue, dont nous allons <lire l'histoire, l'empol'tait encore il arrive à Pm:is des rapports de cette nature'; mais ou prend grand soin, je pense, <lene pas les laisser parvenir jusqu'aux oreilles de Bonaparte. Le mal est sans remède, et, par conséquent, que peut faire de mieux le pauvre ministre à qui ces plaintes sont adressées, que de destituer sur l,echamp le fâcheux fonctionnaire qui les lui envoie? à cet égard, sur ses compagnes qui, du reste, avaient pour elle une affection particulière. Dimanche dernier, donc, la conversation de ces dames vint à tomber sur le dernier attentat contre la vie de Bonaparte. L'une d'elles s'écria qu'il était très étonnant qu'il eût été mau~ué ;- ''très maladroit, tu entends, dit Perroline en riant aux éclats ; je l'am:ais atteint, moi, je vous le garantis." ... Le lendemain Perrotine ne parut pas; sa place au bateau resta vide. Ses ·camarades, pleines d'inquiétude, montèrent à son grenier. L'aîné de ses deux enfants s'était rendu à l'école comme d'habitude; le plus jeune, encore à la mamelle, était nu sur son lit, pleurant de fr0id et de faim. La police avait conduit en prison la pauvre Perrotine, prévenue de propos séditieux .... N'est-ce pas réjouissant de vivre dans un pays où la justice est si impartiale, et où la police veille avec la même vigilance sur le riche et sur le pauvre ?... (Cor. de l'Atlas) Relativement à toutes ces misères, nous autres Parisiens, nous jo1Jissons d'un sort très enviable'. Nous n'avons ni peine ni ennui, et nous possédons par-dessus le marché, trois Salomons dans toute leur gloire, formant un éternel triumvirat pour veiller sur nos intérêts et, anssi, pour s' enrichir par toutes sortes de moyens habiles, dont eux seuls connaissent le secret. Ce triumvirat se compose du comte de Morny, de l\iirès et de Pereire, ·sortis tous trois de l'obscurité depuis 1848,et ayant acquis tous trois d'incalculables richesses depuis le conp d'Etat. Nous connaissons tous l'histoire de M. de Morny, qui a montré l'esprit de sa mère en poussant le fils de cette mère, et qui a le premier murmuré à son oreille- '' qui veut la fin veut les rnoyens." Si la rumeur est vraie, le sang de Talleyrand coule dans ses veines. Il semblerait que ce sang s'est légèrement altéré à la seconde génération, car le talent diplomatique hérédisaire de Morny est employé à l'acquisition de la richesse comme moyen de pouvoir, et non à l'acquisition du pouvoir comme moyen de richesse, selon l'axiôme de l'archi-diplomate du temps passé. L'origine de Mirès est plus obscure; il date de la révolution même de Février, car, l'année de cet événement, nous le trouvons sans un sou, vivant dans une grande pauvreté, comme petit employé maigrement rétribué, dans les bureaux d'un journal industriel. Ce journal s'occupait spécialement des chemins de fer. Au milieu de la bagarre qui suivit la révolution, l'œil d'aigle de Mirès ne manqua pas de décoevrir le côté faible de l'administration des différentes compagnies. Il était résolu à s'élever coute que coute, et il se fit un plan qui devait réussir, car il imagina d'exploiter la peur plutôt qae l'espérance des c.ompngnies. Il alla trouver, l'un après l'autre, les présidents et directeurs des chemins de fer, et leur proposa au hasard un arrangement par saite duquel le journal qui l'employait, et qui s'était engagé à révéler les abus des administrations, garderait le silence sur ces mêmes abus. Le plan réussit à merveille. " Pas une directiondit mon informateur- ne pouvait nier qu'elle employait le capital des porteurs d'actions à payer les dividendes." Honneur à la sagesse de nos ancêtres! Cltar,qez nn voleur d'attraper un voleur. est un proverhe aussi vieux que le monde. Chaque compagnie fut trop jalouse d'admettre dans son se~n l'homme assez avisé et assez habile pour avoir découvert sa faiblesse réelle sous toute~ les apparences de prospérité. C'est ainsi que fut fondée la fortune gigantesque de l\iirès, qui possède aujourd'hui la bagatelle de cent soixante-cioq millions de francs. Pereire, qui est maintenant tout, n'était rien, en 1848, qu'un employé <lela maison de banque de Rotschild. C'est un homme d'un indicible talent financier; il est capable de résoudre les problèmes les plus difficileset devant lesquels échoueraient toutes les cervelles réunies du comité de la Banque de France. Si Emile Pereire n'avait pas éte le premier à découvrir son talent, il serait encore un employé en sous-ordre de la MaisonRothschild. Notre police est évidemment aussi démocratique dans ses vues et dans ses actes que si nous MEETINGS. Plusieurs meetings ont eu lieu dans cette semaine, et nous regrettons vivement de n'en pouvoir donner qu'un aperçu rapide, en quelques lignes. A Glascow, la seconde capitale de l'Ecosse, et la première en civilisat;on active. une manifestation imposante s'est produite dans City-Hall ; elle avait pour but de protester contre les violations du droit public anglais commises à Jersey : l'assemblée était nombreuse et plusieurs discours remarquables ont été entendus, entr'autres ceux des deux rédactenrs qui dirigent les denx feuilles les plus importantes de l'opinion publique libérale à Glascow. On a lu également deux lettres, l'une de Julien Harney, qut porte, eomme tout ce qu'il écrit, le grand caractêre de l'esprit de vie, de l'esprit fraternel, et l'autre o.'un citoyen écossais dont la logique intelligente et ferme conclut, comme M. Collett à. l'organisatiun d'une ligue contre l' Alien-Bill et pour la défense des libertés de l'Angleterre. Nous reviendrons sur ce meeting et nous publierons les résolutions acclamées, A Saint Martin's-Hall, à Londres, on a célébré l'anniversaire de la révolution polonaise clans une assez nombreuse réunion à laquelle assistait le citoyen Worcell ne la société la Centralisaiion, et de bonnes vérités sont sorties de là, contre la conduite de la guerre. Un autre meeting avait lieu, le même soir, et pour le même objet, dans School Rooms Cowper Street, City Road meeting provoqué par les Socialistes polonais et le Comité international. Ont parlé les citoyens Zéno Swietoslawski, Talandier, Shertzer, Rougée, Bleigh, Ernest Jones qui a ouvert le meetiug par un discours fort éloquent et fort applaudi. Nous ne pouvons faire ici de compte-rendu : mais voici les trois résolutions votées à l'unanimité : 1ère Résolution.- Que ce meeting déclare que la guerre actuelle ayant pour but l'affermissement du despotisme en Europe ne peut nullement servir à la résurrection de la Pologne. Que l'Angleterre une fois engagée dans la guerre contre le Czar de Russie ne· peut saris honte reculer ; mais que, si elle veut combattre réellement le despotisme, elle doit arborer le drapeau de l,a liberté, soulever les peuples opprimés, susciter la révolution sociale en Pologne, en Russie et chez tous les peuples slaves. que là est la seule voie dans laquelle l'Angleterre puisse se couvrir de gloire en hâtant l'affranchissement des nations aujourd'hui opprimées et en travaillant ainsi au bonheur de l'humanité. 2ème Résolution. Que ce meeting, composé en grande partie de réfugiés, en même temps qu'il exprime sa fraternelle sympathie aux réfugiés expulsés de Jersey et revendique la solidarité de la protestation qui leur a valu cette nouvelle persécution, regarde comme un devoir qu'il est heureux d'acc'omplir, d'offrir aux Anglais qui ont pris en main la défense des réfugiés et la cause de la liberté, la reconnaissance qu'il éprouve pour cet acte cl'intelligence et de justice, et espère que ceux à qui ce témoignage s'adresse voudront bieu en estimer la valeur à la fidélité que professent les proscrits à leurs opinions et à leurs amitiés. Que copie de ces réso1ntions seri envoyée aux journaux. et aux chairmeJ et secrétaiaes des meetings qui ont protesté contre le cou!1d'Etat de Jersey. 3ème Résolution. - Que ce meeting, considérant la coalition absolutiste dans laquelle s'engagent de plus en plus les gouvernements européens, appelle les démocrates socialistes de tous les pays à s'unir afin de prendre en face des accroissements incessants de la tyrannie une attitude digne de la cause éternelle de la liberté et de la justice. • Citoyen rédacteur, • Nous avons vu avec la plus grande surprise et le plus profond dégoût les calomnies absurdes dont la Sentinelle de Glascovr s'est faite l'écho contre notre camarade de proscription Talandier. Comprenant que Talandier ne peut pas descendre à. discuter des choses pareilles, nous vous prions de publier la note présente par laquelle nous mettons qui que ce soit au cléfi de signer de pareilles calomnicsr Londres 1er décembre 1855 B. P AILLIEl' (Haute-Vienne,) G. JOUR.DAINavt. proscrit du département de la Creuse, RouMILHAC,avocat proscrit <lela Haute-Vienne, J. LORGUE, proscrit de la Haute-Vienne. A AuBRIL, F. THUR.AUD,ouvrier tisserand, proscrit de la Rte-Vienne, CnASTAGNoN,Pr. H.-V. VARIÉTÉS. -"~"- LA PRESSE. - LE CHEVALIER HUTTEN. 1512-) 516. -Suite.-Voir le numéro du 31 octobre.- C'est alors, en cette m6morable année 1514, que pa"" rurent, une à une, timidement et à petit bruit, les Epistolœ obscurorum virorum, llrame excellent d'ex.quise bêtise par lequel le monde étranger aux couvents et aux écoles fut introduit, initié, aux. arcanes des Obsc1Jrantins, du peuple des Sots. Ce grand peuple dont nous avol1s ailleurs esquissé les origines vénérables et trop oubliées, n'avait pas joui, jusqu'au livre des Epistolœ, d'une publicité suffisante. L'esprit humain, mené ailleurs par l'attrait de la lumière, s'en éloignait de plus tn plus, mais eu lui laissant toute autorité. Il le trouvait si ennuyeux qu'il aimait mieux le subir que l'écouter. Mais ici on écouta. Quoi de plus intéressant ? avec la grâce du jenne âne qui entreprend de lever lourdement sa grosse patte, avec le charme et l'innocence de l'oison qui s'essaye avec le même succès à voler, marcher ou nagei-, d'aÎmables séminaristes racontent à leur bon père maître Ortuinus Gratius, leurs petites aventures, lui exposent leurs idées épais:,es, leurs doutes, leurs tentations. Ils ne cachent pas trop leurs chutes, les nudités de leur Adam, les mauvais tours que sur le soir leur ont joué la bière ou l'amour. Mais, comme aussi la confiance autorise quelque hardiesse, ils se hasardent à. causer des propres aventures dn maître ; s'ils osaient, ils lui conseilleraient de boire avec modération, il en aurait la main moins prompte, et ménagerait un peu plus l'objet tendre et potelé de ses scolastiques amours. Bien entendu que ces bons jeunes gens tous admirablement, sont tous implacables ennemis des nouveautés et des novateurs. Ils ne parlent qu'avec horreur de Reuchlin et des humanistes, du nouvea'lt latin, imité d'un quidam nommé Virgile, tandis que le bon latin scolastique languit négligé. A la théorie, ils joignent l'exemple. Jamais dans la rue du Fouarre, aux antres de la rue Saint-Jacques ou de la place Maubert, les Capets ne baragouinèrent un meilleur latin de cuisine. Parfois ils entrent en verve (on n'est pas jenne impunément), ils s'agitent, trépignent, mordent leurs doigts et dirigent au plafond un œil hébété ; leurs pesantes pensées s'alignent et retombent en marteaux de forge ... Ils ont rimé... Alors ils épanouisse11tun rire tout à fait bestial... La Sottise reconnaît ses fils, elle tressaille de joie I,Uaternelle, elle bat de ses ailes d'oie, élance son vol et reste à terre. Nul objet de la nature n'est parfaitement connu qu'autant qu'un art habile en a fait l'imitation. La chose se voit m0ins bien en elle-même qu'en son miroir. Ce grand royaume des sots qui est partout, restait pourtant une terre nouvelle à découvrir, tant que la charitable industrie de son peintre merveilleux ne l'avait pas décrit, dépeint, donné et livré à tous dans ce surprenant portrait. • Et notez que le grand artiste gui en poursuit le détail avec la patience des maitres de Hollande, en donne en même temps la haute formnle. Là surtout il est terrible, vrai vainqueur et conquérant, ayant fait sien ce royaume pour y appliquer son droit souverain de flagellation éternelle. . Et d'abord la perfection de l'imitation était telle, que les simples prirent le livre pour un recueil de lettres familières et pieuses, naïves, sinon édifiantes. Le style est mauvais, disaient-ils, mais pourtant le fonds est bon. Les domicains le trouvèrent si bon qu'ils en achetèrent beaucoup pour donner aux leurs. Rome approuva les yeux fermés, n'examiJ1ant pas de trop près un livre qui semblait favorable à. ~es amis de Cologne. De sorte que le pamphlet parut en 1515 chez les Aldes à Venise, muni d'un beau privilége de Léon X pour dix ans et d'un brevet contre la contrefaçon. " Pourquoi ce grand maître Orti1in a-t-il intitulé son recueil : Lettres des Hommes obscurs? - Il l'a fait par humilité, dit un docteur de Paris. Il s'est souvenu du Psalmiste : Misit tenebras et obscut·avit. - Moi, dit un carme dn Brabant, je crois qu'il y a eu en cela une raison plus mystique. Job a dit : Dieu ne révèle sa profondeur qu'aux ténèbres. Et Virgile : Il enveloppa,it le vrai dans l'obscur (Ob$curis ver:;i.involvens ). " Sous cette forme ironique, la question n'en est pas moins posée- ici dans sa grandeur. Les deu.x partis sont nommés dès ce jour, le parti des ténèbres et celui de la lumière. Les Obscuri viri sont les hommes des ténèbres aux deux sens, actif et passif, la gente des limaçons qui traînent leur ventnt à terre dans la fangeus ~ ob~curité, et
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