Homme - anno II - n.51 - 1 dicembre 1855

" qu'il ne sera point permis aux étrangers de tournoyer de maison en maison, hors des grands chemins qui conduisent directement des hâvres aux villes de St.-Aubin et de St.-Hélier, ni d'approcher des forteresses ou fortifications, etc." Dans cette disposition dernière qu'y-à-il d'indiqué, de flagrant et de rigoureux? C'est la servitude militaire, c'est la veillée des armes, active, permanente sur les chemins de ronde et près des fortins ou citadelles. L'esprit de la loi, son but et sa portée sont là tout entiers; c'est une discipline de guerre, comme il y en a, dans toutes les villes assiégées,contre les étrnng·ers et contre les rôdeurs. Et si vous en doutez, Jersiais, ouvrez l'histoire d'Angleterre à votre première et grande page de révolution qui s'appelle le règne de Charles 1er. Il y a là un trône et un échafaud : entre cet échafaud et ce trône, il y a un tribunal de saug qui a gardé le nom de Chambre étoilée. V os pères la .connaissaient bien; ce fut leur Inquisition d'Espaine et leur Saint-Bartltelémy de France ! Eh bien, votre loi, votre grande loi de 1635 est née dans cet antre : elle est sortie de ce concile de toutes les haines royales et papistes. Elle est la µoCitique, la pensée du Stuart qui a laissé sa tête daus le panier de vos bourreaux. C'est une loi de guerre civile ! En son Conseil privé, le roi Charles édicta cet ordre de colère sauvage, de suspicion jalouse; il craignait que ses proscrits d'Angleterre, vos mar. tyrs à vous, ne vinssent pr~ndre pied, en votre île, s'y rallier, s'y fortitier, et il vous mit en état de siége ! Voilà les origines. Résumez avec nous, maintenant, et concluons. Que vaut, que peut valoir cette loi contraire à la Constitution britannique, supérieure à toutes vos libertés qu'elle absorbe, à tous vos priviléges qu'elle met à néant, et qui est sortie des haines les plus sinistres de votre histoire? Vous la déclarerez morte avec le Stuart, ou vous devez rendre sa tête à Charles Ier! Que vaut, que peut valoir une loi qui viole toutes les relations, tous les droits de la vie,-dans l'individu l'asile, dans le travail la plus sacrée des propriétés, la liberté? - Ou vous êtes une tribu <lel'histoire, enfermée dans vos grèves. sans communication avec les temps, sans intérêt dans la vie générale, et c'est bien alors votre contrat, votre loi, vos sacrements et commandements; ou vous voulez puiser à l'idéal commun, au progrès permanent, à la science acquise; vous voulez être des hommes du siècle, de ses institution,,s, de ses lumières, de ses vérités, et-que faites-vous alors de cette loi-dictature ? Vous l'avez ébrèchée, mordue, grignotc§e, c'est vrai: vos révolutions économiques et vos habitudes civiles en ont fait justice comme vos mœurs; mais voyez, pourtant: une heure d'entraînement, une manœuv.re fausse, une journée des dupes a suffi pour vous rejeter en plein dix-septif'me siècle, et vous voilà les justiciables d'un Stuart; vous êtes èn Chambre ardente ! Si vous tenez à l'ho~neur, ne souffrez pas qu'on vous ramène en ces servitudes ; si vous tenez à la vie, laissez à la mort ce code de la mort. Et cette loi de guerre, cette loi d'un jour, entachée de sang· et de souvenirs sinistres, cette m~- sure transitoire, cette nécessité d'état passagère et sauvage n'est pas seulement condamnée par la civilisation, par les mœurs, par l'esprit général du temps, elle est Ulême en contradiction avec le texte formel de lois pl us récentes ! Ainsi l'on trouve dans votre code général de 1771: RUBRIQUE DU CONSEIL, ~l MAI 1879. " Conformément à certain Ordre du Roi et du Conseil, enthériné aux Etats le 3me jour de juillet ensuivant : " Les lois et priviléges de l'île sont confirmés comme d'ancienueté, et aucuns On.nREs Warrants, ou Lettres de quelque nature qu'ils soient, ne seront point exécutés dans l'Isle, qn' après avoir été présentés à ia Cour Royale, afin d'y être enregistrés et publiés : et dans les cas que tels Ordres, vVarrants ou Lettre:. soient trouvés contraires aux chartes et privilÉges, et onéreux à ladite Isle, l'enregist~ement, l'exéwtion, et la publication en pe1n•ent être suspendus par la Cour, jusqu'à ce que le cas ait été représenté à Sa Majesté, et que s011 bon plaisir soit signifié là-dessus." Armés de cette déclaration, confirmée depuis et corroborée par les Guillaume et les Georo·es, rois moins tètus que les Stuarts, vous pouvez v°ous dégager de ces sauvag·es servitudes, et suspendre ce vieux code, comme un trophée de nuit, au musée des antiques. L'HOMMME. - Ier DECEMBRE. En fait, il n'a plus force ni ~aleur; en droit, il est l'iniqaité même: - double àéchéance ! Mais agissez avec persévérance et vigueur. Ne comptez pas trop sur, vos Etats q,ui derment, sur votre Cour royale qui est bien nommée: " la Cohue," sur votre presse qui cherche la miette à toute les portes : ne comptez que sur vous-mêmes. Vous avez le droit d'association et le droit du meeting; usez-en pour vos libertés menacées : éclairez les intérêts, ralliez les opinions, agitez, parlez, organisez-vous dans la grande pensée des hommes libres. In hoc signo vinces ! Ch. RIBEYROLLES. ANGLETERRE. REVUE DE LA SEMAINE. L'Angleterre est fort riche en vieilles illustrations militaires, illustrations plus ou moins sérieuses et qui u'avaient tenu depuis longtemps la campagne : quelg ues débris de Waterloo restés debout comme de vieux troncs, mais chenus et cass~s, les généraux-commandans dans la guerre des Indes, et les ehefs d'expédition contre les Cafres lui constituent un état-major militaire qui tient à la fois, de l'hôpital et du musée. Ces hommes ont du sang-froid, de l'expérience, de la fermeté, mais ils manquent d'élan : ils sont de bon conseil et de précieux jugement, surtout dans les revers ; mais pour les expéditions hardies, rapides, aventureuses, ils n'ont plus ni l'ardeur du sang, ni la hardiesse des conceptions, ni la témérité c;lesentreprises, et les coups-de-têtê des SaintArnaud et des Pélissier les ont toujours trouvés froids ou rétifs. Il est résulté de là qu'une chance de fortune ayant honoré ces folies, les vieux généraux anglais sont restés .dans l'ombre, et que lenr armée qui a tant souffert en plusieurs rencontres, a paru presque toujours au second plan, dans ces demivictoires qui nous ont donné jusqu'à ce jour, le sud de Sébastopol, la moitié d'une ville! L'opinion publiqu~, en Angleterre, a profondément souffert de cette inégalité dans la g·loire et dans les armes; elle a forcé le Ministère et le Parlement à l'enquête administrative de la dernière session, et les journaux qui la suivent aveuglément, le Times en tête, ont déjâ, trois fois, fait changer le commandemf'nt. Après la mort de Lord Raglan qui était un chef d'un grand caractère ayant l'esprit droit et l'âme élevée, on nomma le général Simpson un de ses premiers lieutenants. Le général Simpson n'a rien fait d'éclatant pendant qu'il avait l'armée sous ses ordres, et le malheureux échec du Redan, à côté de la victoire Malakoff l'avait cruellement compromis dans ~'esprit emporté des masses qui, ne jugent que d'après les événements, dans les boxes et dans les guerres. Condamné, le général Simpson vient, au nom de la reine, de résilier ses pouvoirs. Il rentre dans ses foyers, sans colère, sans bruit, sans faste,- à la façon des vieux soldats dana les républiques anciennes,- et, comme un homme qui est heureux d'échapper à des responsabilités redoutables dès longtemps entrevues à travers d'éphemères victoires ! Le général William Codrington l'a remplacé; sera-t-il plus heureux, plus hardi, plus brillant, et quand seront passés ces longs quartiers d'hiver qui rappellent les anciens sièges aux temps des 1'urenne et des Catinat, fera-t-il quelque action de vig·ueur qui puisse relever l'éclat des ar~nef, britanniques? .Nous en doutons et voici pourquoi. Les chefscommandans, cela est vrai, sont trop vieux dans les armées anglaises : ils sont en retard de science, de jeunesse et d'activité, mais la faute n'est point seulement aux hommes, à ces hommes. L'armée, comme institution, est vicieusement organisée. Sa discipline est toute matérielle et sa vie morale, sa vie de famille n'existe pas; elle n'est pas, elle ne peut pas être uue âme collective, voilà le vice ! Le gouvernement anglais a craint sérieusement de voir se compliquer et s'irriter le différend qui est survenu entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne. Frère Jonathan a le caractère un peu vif, et quoique de race anglo-saxonne,comme la patriemêre, il n'est point d'humeur à sacrifier sur l'autel de famille ses intérêts et ses droits. Voici le sujet de la querelle, tel qu'il est explipar le gouvernement de Washington. . ~ ~ 1~50, eutre les deux gouvernements, traite tu~ c:mclu po_rtantque l'Angleterre et les Etats-Ums s engagement mutuellement à ne coio. nise_r,.à ne fort,ifier,,à_n'acquérir aucun point 11i tern_to1redans I Amenquc centrale. Le cabinet dll l'? n10n dé~!arait en plus. qu'il ?'annexerait p•)nt d Etats, qu il ne troublerait en nen leur indép'.'ndance. Mais aux termes et dans l'~sprit du traité l'obli4 galion était réciproque: Or les Américai~s pré .. tendent que l'An_gleterre a:Violé ces stipulatious, en occupant la Baie-Islande et en continuant au mépris du contrnt commun, d'étendre son pr~tectorat sur le territoire des Mosquitos. Les Anglais répondent- pre~se et gouvernem~nt-1° ~u'.il y_ a dans les chantiers de la Répnbhque amencarne, une flotte considérable constrmte au pr?fit des ~uss~s et déjà vend ue.-2° que les aventun~rs et flibustiers qui ont déjà tenté un co~p-de-main contre Cuba sont en organisation active, permanente, que de nouvelles compao·nies f • ' l b se sont ormees et que e gouvernement des EtatsUnis laisse faire. En ces débats où est la justice et qui dit lavérité? Nous ne savons trop où est le droit, mais nous croyons les deux parties fondées, dans leurs accusations respectives. Toujours est-il que le ministre Palmerston a fort compliq~é. le différend en envoyant un renfort de douze vaisseaux de guerre- en destination de la mer des Indes, mais pour surveiller le golfe du Mexique. L'Amérique arme à son tour! Sir Charles Napier, l'ex-amiral commandant la flotte britannique, dans le Nord, vient d'être nom1:lé, pour Southwark c?1~me candidat de l'opposiho:1. Cet orag·eux ofücier de mer pourrait bien agiter avant peu les vagues parlementaires,et l'administration qui est déjà fort bal lotlée se serait bien dispensée de le trouver sur le pont, à la sessio!1prochaine. Sir Charles a la rancune longue, et 11ne pardonnere pas facilement les avanies de l'an dernier. C'est un homme intelligent, actif, décidé, :111aisde peu de suite et qui ne deviendra jamais un chef de clientèle bien redoutable. Ces esprits-là-font gronpe et non pas légion. La grève de Manchester n'est pas encore fermée, 4,000 ouvriers battent le trottoir des misères et se défendent, grâce à la solidarité des caisses contre nn avilissement de salaires qui les réduirait à la faim. Quel pays! Il y a ici des c~éatures, mâles ou remelles, qui peu_vent g:a~piller 10,000 francs par JOUr, et plus de vrngt millions de travailleurs n'ont pas souvent de quoi manger et se vêtir! Cela s'appelle, eependant, la grande civilisation de l'Ouest. C. R. 1 FRANCE. CORRESPONDANCE DE PARIS. Au-dessous de nous, au-dessus cle nous, autour de nous, tout est faux. L'air même que nous respirons est faux. Notre crédit est faux- notre prospérité est fausse- nos plaisirs même sont faux, et faux est notre enthousiasme, aussi faux que la gloire que nous nous attribuons faussement, à nous seuls, dans la prise de Sébastopol. La perspective d'un nouvel emprunt volontaire jette l'effroi parmi les aurorités provinciales, qui envoyent à Paris leurs lamentations en même temps que leurs supplications de suspendre le projet jusqu'au printemps, Ces fonctionnaires prédisent la famine et la ~évolution, si le gouvernement n'envoie pas des secours qui mettent le paysan en état de s'approvisionner pour le temps <les semailles. Le système ad.opté depuis des siècles par les laboureurs français est d'emprunter aux petits propriétaires et aux notaires de villages l'argent nécessaire aux semailles du printemps, et de rendre cet argent avec un bon intérêt à l'époque de la moisson. Cette année toutes les sommes destinées à cet usage sont venues s·engloutir à Paris, dans les emprunts, jusqu'au dernier centime, et la fâmine nous regarde en face. On dit que, l'un de ces préfets, ce~ui de Clermont-Ferrand, je crois, s'est exprimé si nettement à ce sujet, qu'il a reçu la récompense ordinaire de la sincérité, sa destitution immédiate. Il recommandait au gouvernement qui absorbe tout dans son ardeur de centralisation, de ne pas perdre de vue que, si l'on ne rem~diait pas à la situation, une révolution était inévitable, ré-• volution qui ne surgirait plus de l'épaisse et chaude atmosphère de la capitale, mals des plaines glacées et des montagnes arides qu'il était chargé d'admi-

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