L'HOMME.-24 NOVEMBRE. _________________ ......;.; ___ ....;... _____ ..,.....;;...;_;;;.._:.;._ ______ _,;.;, __ ~--------- ....~~~--r~.,-_r.a.r_----- l'Exposition. Dans le temple aux chefs-d'œuvre (lesquels étaient absents), tout resplen<lissait d'or, de velours, et de moire antique. Les astragales tapissaient les murs, les devises couraient étincelantes ; on attendait le dieu ! S.i Majesté du Deux-Décembre est arrivée dans sa tenue de cour,-chambellans, écuyers, carosses, femmes à panache et à queue, grands cordons, ambassadeurs, laquais et ministres, y compris le Baroche et le Troplong qui se trouvaien.t en famille, dans ce monde des livrées. Elle est montée (la Majesté) sur son trône de Belle-Isle, qe Lambessa, de Cayenne, et elle a fait un discours ! Vous qui l'avez entendu bégayer ses serments à la Constituante, et lire ses phrases, avec l'accent germanique, l'intonation du traître et la conscience du larron, vous comprendrez, difficilement, qu'il ait pu psalmodier à voh. nette et ferme cette harangue brutale pleine de clairons. Il n'a pas, en effet, malgré tous ses crimes heureux, acquis la note de commandement, et c'est toujours le même trouble, la même indécisio'n de parole qui trahit les mauvais desseins. C'est toujours le grand bègue et le grand fourbe ! Cela o'a pas empêché les journaux-valets (il y en a-t-il d'autres en France?) de déclarer, le lendemain, que la voix énerg·ique et vibrante de l'empereur avait remué la diplomatie, la salle et les âmes; que voulez-vous? Dans les temps d'empire, les corbeaux sont des cyg·nes, et les hiboux des rossignols ; demandez à !'Indépendance Belge. Ce qu'il y a <le vrai, c'est que cette harangue politique est, en certains points, l'impudence A • meme. Voilà un homme cent fois traître et parjure, qui parle devant l'Europe de la justice violée, lui que la justice réclame ! Voilà un homme qui parle de la sainteté du droit, lui qui a usé les crimes de la force ! Voilà un homme qui parle au nom de la civilisation, lui qui a tué, dans la patrie de la civilisation, l'idée, la liberté, la loi ! Il veut, ce M. Bonaparte, que l'Europe centrale s'explique et se décide; mais lorsqu'on donne concours et que l'on fait contrat, on regarde au nom, à la qualité des gens, et nous comprenons très bien qu'on réfléchisse en Suède, en N orwège, en Danemarck, en Prusse : engagez-vous donc avec le faux-serment ! M. Bonaparte a pu tromper l'Angleterre et l'entraîner; elle avait besoin de ses armées pour la campagne d'Orient, elle si chétive et si pauvre quand il faut ouvrir ou soutenir les gTandes guerres ! Mais ni les gouvernements ni les peuples qui peuvent se défendre et lutter, ne donneront jamais la main à cet empereur des trahisons : la clientelle sérieuse ne vient pas aux parjures ! Une question grave et qui vous concerne s'agite aux rruileries, depuis quelque temps, dans le cercle intime de la politique privée. L'on a décidé que les temps étaient venus de forcer la main au gouvernement britannique, à propos <les républicains réfugiés: l'on est en cela d'accord avec l'Autriche, avec le Pape et les petits ducs on princes d'Italie qui tremblent à fous les souilles comme des palmiers nains. • Hélas ! le gouvernement britannique, à ce qu'on dit aux antichambres, s'est, au premier mot, engagé formellement, et le caméléon des Lords, le ministre Palmerston, proposera l' Alien-Bill à ses confédérés de la Législature. Cet ami du coup d'Etat aurait même déclaré, dans son fanatisme napoléonien, que si le Parlement qui est vieux, bien vieux, craignait trop de se compromettre dans l'opinion publique, par un acte aussi grave, il dissoudrait lui-même ledit Parlement ! On croit ici, dans Paris, que le peuple anglais, entraîné par les nécessités de l'alliance, ne s'irritera pas trop et laissera faire, C'est l'opinio11, surtout, que la police cherche à propager, à répandre, et elle a grand soin de déclarer que l'Ang·lèterre est aux pieds de Napoléon. C'est la veugeance de Waterloo qui marche, et elle ne s'arrêtera pas là, disent les estaffiers de la bande à Piétri ! Il est possible, en vérité, que cette campagne moins difficile que celle de Crimée réussisse et que vous soyez sacrifiés; mais le jour où le projet-Palmerston sera voté par le Parlement et ratifié par le silence de la population, l'Angleterre aura signé sa décadence. Faudra-t-il donc que sous cet empire du crime tout s'efface et tombe, les iustitntions, les caractères et les peuples eux-mêmes! • LPs petites tribuues de M. Bonaparte s~nt muettes depuis longtemps, et la presse a des msomnies permanentes.- La contravention, le procès, l'avertissement- voilà ses rêves! On vient d'expulser par voie de police, d'un. journal l' Estajfette, un homme de cœur et de talent qui jetait quelque lumière et quelque consolation dans les âmes. Le gérant de l' Estajfette menacé d'un procès onéreux a dû sacrifier M. Pelletan. Il est vrai que M. Granier de Cassagnac reste, comme Tyrtée, pour les '.;hymnes d'empire et de guerre. Avez-vous lu, dans Je Constitutionnel, son dernier dithyrambe'! , La Russie n1a pas d'armée. Quarante mille alliés -(et les deux cent mille morts?) ont écrasé Sébastopol défendue par 1.4,0 mille Russes; et la Garonne, s'épand ainsi, le long de trois colonnes, dans ce pauvre Constitutionnel! . Il est bon, pourtant, que <le tels hommes écrivent dans les journaux de M. Bonaparte, qu'ils parlent dans ses conseils et qu'ils le traduisent. Caractères indignes, noms flétris, natures d~gradées et vie souillées, ils le représentent à merveille. Les valets expliquent le maître. XXX'.. • 1 Nous avons reçu, depuis le désastre-folie de Jersey, plusieurs protestations individuelles ou collectives qui réclamaient la solidarité de protestation républicaine à propos de l'expulsion que n~us avons subie. Nos amis de Guernesey, nos cousms par les îles et nos plus proches voisins avaient pris l'initiative; de Belgique et de Suisse il nous est arrivé pareilles adhésions, et le Portugal nous a envoyé une énergique déclaration· signée par des noms qui nous sont chers. • Nous ne publierons pas ces démonstrations iso-' lées ou de famille ; car le journal n'y suffirait pas, et nos amis comprendront que le devoir républicain est d'être à la brêche du jour. Toujours e.:.t-il, pourta~t, que ces manifestations nous sont précieuses; car elles prouvent qus l'exil qui a tant souffert garde toujours le courag·e du sacrifice et la virginité de la foi ! C. R. • UN ROI SAUVÉ·. Jersey est une île chat·mante, malgré ses gouverneurs; elle a des réserves et des pudeurs qui feraient se pâmer des rosières .. Un des journaux les plus graves et les mieux établis de ce pays, publiait depuis quelque temps, un admirable poème américain " Evangeline" traduit en vers français par le Cher de Châtelain. Dans tin de ses derniers numéros, ledit journal plus fort en loyalty qu'en bon sens, a daigné lire ce qu'il imprimaitune audace n'est pas coutume - et voyant un des rois Georges un peu compromis, il a biffé les quelques vers qui n'étaient point de grâce et de courtoisie. Nous signalons ce journal " la Nouvelle Clwonique" à M. Bonaparte : il est fait an métier, et nous recommandons son rédacteur à la censure de France; il est fait aux ciseaux. C. R. Le 29 de ce mois aura lieu daus Schaol-Rooms, Cowper Street, City Road, un meeting public. Le but de ce meeting est : 1 ° La commémoration de la Révolutiou polonaise de 1830, dont ce jour est l'anniversaire. 2° Invitation aux expulsés de Jersey d'accepter les honneurs de la séance. 3° L'union des Républicains socialistes. Le meeting sera pÇésidépar Ernest Jones,,Esq., et commencera à 8 heures. An nom des ~ocialistes _polonais et du Comitéinternational, DoMBROWSKseIcrétaire. NOUVEAUX PRIX D'ABONNEMENT: Angleterre........ .. . . .. .. . .. . .. . .. . ... ] 2 - ou 15 fr Iles de la l\'Ianche.................... 12 Belgiqlie .. . .. . .. . .. . ... . .. .. . . .. .. . .. . 12 Suisse ................................. 12 Prusse ................................. 12 Villes anséatiques .... , .... .. .. .. .. ... 12 Etats allemands................... , .. 12 Pour les autres pays ................. 16 - ou 20 fr OBSERVATIONS Sw,· une récente brochure de Kossuth, Ledru Rolli-n • et Mazzini. PAR LOUIS BLANC. -Suite.- Cette lettre, écrite par moi en ~ars 1854, fut signée de plusieurs noms qui tous rappelaient de grands services rendus à la République, des souffrancesnoblement subies; et je suis persuadé que le plan proposé etît été mis à èxécution, sans certaines circonstances locales, qui présentaient des difficultés, réelles à coup stîr mais non pas insurmontables. Eh bien, ce qu'on voula~tfaire alors restait & faire aujourd'hui, l\'Iais, au lien de ce centre où toutes les nuances de l'opinion républicaine auraient été représentées; où toutes les dissidences nées de simples malentendus ou <lepréventions personnelles se seraient évanouies à la clarté d'un débat cordial et sincère ; où, réserve faite de ce qui appartient en chacun au domaine inviolable de la conscience, on serait inévitablement arrivé à une entière communauté de vues sur beaucoup de points importants ; où il eüt étGfacile, dès lors,d'agir en commun,parce qu'il n'y aurait eu, pour personne, rien de vages, rien d'obscur dans l'ensemble des résultats à atteindre; où la force serait provenue de la concordance des principes et pas du tout de l'alliance de tel nompropre avec tel autre nom propre ; où enfin l'action se serait produite, nou pas commele coup sort du marteau et la foudre des nuages, mais comme le geste suit la pensée.. ,. au lieu de ce centre, que vient-onproposer aujourd'hui? Je cite : "Il faut au parti un cen.tred'action reconnu, uue caisse, un mot d'ordte commun." " Le centre d'action, c'est nous, ou tous autres possédant la confiancedu parti; quelques hommes purs corn~ prenant, représentant les grandes nationalités européennes, s'entendant, s'aimant, aimant la cause•commnne, prêts à se trouver au premier rang le jour de la bataille, au dernier le lendemain de la victoire." ..... . " Le mot d'ordre : Liberté pour tous, associatio,i de tous." ...... "Le but défini, le but commun.. ; c'est la forme répu-. blicair1eorganisée par le peuple et pour le peuple." ..... ,., " Le moyE:n,ce n'est ni la liberté absolue de l'individu, ni la discussion ; c'est l'association, l'organisation, te travail en faisceau, la discipline, l'abnégation, le dévoûment.' Ce qui frappe tout d'abord dans cet énoncé, c'est ce qu'il a d'obscur et, en apparence au moins, de contradictoire. Si le mot d'ordre est liberté pour tous, d'où vient qu'on nous avertit que le moyen n'est ni la liberté absolua de l'individu, ni la discussion ? Qui mesurera la part de liberté qu'il faut faire à l'iudividu, pour que le mot d'ordre liberté pour tous ne soit pas un vain son ou ne devienne pas un mensonge ? Et comment concilier la liberté pour tous avec l'espèce d'anathème qu'on semble fulminer contre la discussion? D'un autre côté, qne signifie ce mot discipline, emprunté au vocabulairedes Césars? Et pourquoi mettre cette vertu des armées impériales sur lamême ligne que l'association, laquelle n'existe qu'entre égaux, et sur la même ligne que le dévouement, inspira1ion libre et spontanée de toute.âme généreuse? La discipline snppose des chefs qui commandent, des soldats qui obéissent. Ici, les chefs entendent.:ils se nommer eux-mêmes ? Et cela fait, ne restera-t~il plus aux soldats qu'à obéir, et sans discussion, puisqn'on nous prévient qu'on n'en veut pas? Il serait bon que ces divers points fussent éclaircis. " Le centre d'action, c'est nous," disent Kossuth, Ledru Rollin et l\'Iazzini,et ils ajoutent, " ou d'autre$, possédant la confiancedu parti, à la condition qu'ils s'entendront, qu'ils s'aimeront, et qu'ils seront prêts à se trouver au premier rang le jour de la bataille, au dernier le lendemain de la victoire." Quant à cette dernière condition, point de difficulté ; elle fait appel an plus noble des sentiments, et quiconque ne l'éprouverait pas serait indigne d'appartenir, je ne dis pas à un comité central quelqu'il fût, mais même au parti républicain. Ce qu'il faudrait savoir, c'est si les citoyens Kossuth, Ledru Rolliu et Mazzini, croient, oui ou non,. ponvoir s'entendre avec des hommes représentant dans le parti, des ;nuances d'opinion différentes de celles qu'ils expriment eux-mêmes. Car, à ce prix seulement, ils peuvent e,spércrd'établir un vérit~ùle centre d'action. PrGtenclraient-ils d'aventure personnifier enx toutes les doctrines ou toutes les aspirations du parti? Hélas! il n'y a pas plus de trois ans que l\'Iazzini,par exemple, lançait contre les socialistes, contre le fond de leurs idées, contre la nature de leurs tendances, contre l'-effet de leur influence sur le peuple, l'acte d'accusati0n le plus violent qui fut jamais. Or, rien depuis n'a prouvé qu'à leur égard son opinion fût changée. A Dieu ne plaise que ceci nous soit d:cté par l'amertume de certains souvenirs ! Le Socialisme est une foi d'un caractère trop élevé, trop calme et trop fort, pour se lai_sserobscurcir ou troubler par le ressentiment. Parce que le c.itoyen l\'Iazzini est injuste envers eux, les socialistes ne seront pas injustes envers lui. En se dévouant tout entier à l'indépendance de son pays, il a fait une chose sainte, et sa persévérance à servir cette cause sacrée de Rome républicaine, à travers tant d'obstacles et de douleurs, lui crée à nos yeux un titre que ni ses préventions ni ses torts ne sauraient effacer. Donc, en ce qui touche particulièrement et directement l'indépendance de l'Italie, notre concours lui est acquis ; mai~, en ce qui touche la France, il ne saurait prétendre à représenter ceux qu'il combat. Et tant qu'il n'aura pas cessé de se poser comme l'adversaire des socialistes, il sera bien permis à ceux-ci de rie point l'accepter pour porte-drapeau. Ils n'y pourraient consentir sans manquer de respect à leurs_croyances !
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