Homme - anno II - n.49 - 17 novembre 1855

N 49. LONDRES--. SAMEDI1, 7 NOVEMBR1E855. ·2e ANNEE. -SCIENCE.- ' -SOLIDARl'rÉ.- ,, . JOURNALDELADEMOCRATIUENIVERSELLE. Ce Journal 1,aralt une Cels par 8entalne. Toutes lettres et correspondances àoivent être affranchies et adressées à l' Adminisll'ation dujournal l' Jlo111me, à LoNDREs, 2, Inverness Place, Queen's itoa<l, Bayswater. - Le~ manuscrits <lépo~ésne seront pas rendus. 1 On s'abonne: 1 LONDRES, à l'Office du Journal, 50, Castle Street, Berners St. JERSEY, 19, Dorset Street. LIVERPOOL, chez B. Colin, 33, Myrtl.i Street, South. 1 1 BELGIQUE, Lecomte, rue des Malades, à Bruxelles. ESPAGNE, Casimir Monnier, libraire à Madrid. UNE NOUVELLETAPE. Expulsés de Jersey par la violence militaire, nous venons tenter une dernière épreuve dans la métropole de l'empire britannique, et demander à la constitution-mère la dignité de l'asile et la liberté d~ la pensée qu!on ue trouve plus dans ses colomes. Nous sera-t-il donné de continuer ici la propagande de notre foi? Nous sera-t-il permis d'y garder et d'y manifester l'esprit vigoureux des hommes libres ? ou serons-nous bientôt condamnés par la raison d'Etat armée de l' Allien-Bill, à chercher, loin de l'Angleterre vassale et prosternée, le droit d'écrire pour la justice et contre le crime? Entre tous, ceci regarde le peuple anglais; il est, aujourd'hui, le dernier et le seul en Europe qui ait gardé dans ses !nstitutions-masures la liberté sainte; il est le seul qui puisse penser, parler, pratiquer, c'est-à-dire vivre: son atelier est ouvert aux idées comme aux forces ; il a les cyclopes et les penseurs, l'infinie production et l'universelle recherche : cet atelier anglais est un monde, il pourrait être le monde ! Eh bien: si le peuple d'Angleterre se laisse entrainer aux influences du dehors, aux éblouissements de la guerre, aux faiblesses, aux nécessités de son gouvernement; s'il ne fait pas garde sévère autour des faisceaux; s'il lais.se entrer la force dans son administration, même contre l'étranger, ce grand prestige de Fatelier universel et de l'asile sacré s'évanouira : l'Angleterre perdra tout dans la complicité du continent, ses fiertés historiques, son caractf're, son grand renom, et ses libertés démantelées seront bientôt envahies ! Quant à nous, quels que puissent être l'avenir et les destinées-paix ou guerre, violence ou liberténous reprenons notre œuvre et nons la poursuinons tant que la discussion nous sera permise, tant que la main de M. Bonaparte ne nous aura pas ouvert un troisième exil. Nous ne sommes pas descendus en Angleterre pour y trafiquer comme des Juifs, et pour nous absorber dans les spéculations mortes de l'intérêt personnel : à suivre ce rôle et pour ce métier facile, nous aurions mieux fait de re.ster dans nos foyers ou d'y rentrer par la miséricorde du crime qui nous a fait martyrs. Nous sommes descendus en Angleterre comme soldats de religion, comme les proscrits du droit humain, comme des hommes qui portent les plus grands deuils de la vie, celui de la patrie, celui des idées, celui des martyrs; et nous ne pouvons y rester en nous diminuant, en sacrifiant à la paix tranquille dcJs loisirs, les vengeances sacrées de l'histoire, nos souvenirs, notre foi, nos droits, ' nos devoirs. La servitude volontaire est la plus lâche des abdications, et notre silence, parce que les jours sont mauvais, serait une infamie! V oilà pourquoi nous relevons cette tribune étroite, véritable tribume des proscrits et des pauvres, mais où la pensée, du moins, peut passer libre et respectée. L'on nons a dit souvent: évitez celui-ci, prenez garde à celui-là, repoussez cet autre, censurez, excommuniez, triez, fermez bien l'huis et le guichet! Nous n'avions pas foi dans cette politique: nous trouvions qu'il y avait un assez grand silence sur .)a terre, et nous avons laissé passer la liberté de l'exil. - Est-ce qu'il n'y a pas assez de la servitude des Empires ? Ainsi nous ferons à l'avenir et quoique nous ayons un peu souffert à suivre cette voie fraternelle. Nous dirons seulement à uos compagnons d'exil, à nos coreligionaires de toutes les nuances, dans la foi commune, qu'avant d'engager, un acte public-· parole ou conduite-il est, pour chacun de nous, un devoir impérieux à remplir, celui de l'étude préalable, de la réflexion, de la mesure. La cause que nous voulons tous servir ne doit jamais être compromise, et nous ne devons pas oublier que la solidarité de famille qui nous unit entraîne parfois de cruels déchirements et de rudes sacrifices. Cette réserve amie n'engage en rien le fond des idées ni la franchise des polémiques. Notre programme est toujours l'enquête implacable et permanente, l'enquête de justice contre l'Empire, et l'étude libre, l'étude sérieuse des questions sociales qui sont la recher_che, le trav~il religieux de ce temps, - en deux mots la politique, toute la politique de la Révolution. Mais sur aucun de ces points, dit-on, le peuple anglais n'est. avec nous en communion et sympathie ? Cela peut être; en vérité comment nous jugerait-il librement et fraternellement? il ne sait de nous et sur nous que des calomnies empoisonnées: il ne comprend point la langue de notre Israël, et les nécessit~s de la guerre, depuis deux ans, ont égaré son sens moral. Notre esprit est pourtant son esprit, ou l'hii.toire d'Angleterre ne serait qu'une longue palinodie. Qu'est-ce que la vieille Angleterre, en effet? une é.ternelle conspiration de liberté. Et que sommes-nous, parti républicain d'Europe? La conspiration permanente du droit humain : nos idées sont sœurs ! Et maiptenant, s'il arrivait un jour, qu'en pleine foi publique, après contrat· et serment, les institutions libres de l'Angleterre fussent d'un coup emportées et roulées comme des tentes au désert ; s'il arrivait qu'un vol de nuit fftt commis contre la civilisation tout entière de ce pays, contre Westminster, contre la presse, contre l' at home; si le Parlement était jeté dans la rrour de Londres, si la mitraille trouait les masses, éventrait les maisons, faisait, des rues, des fleuves de sang; si tout tom- .hait, Jes libertés, les citoyens, les enfants, les femmes, en ce monstrueux massacre organisé par une ambition parjure, que dirait l'Angleterre et de cette ambition et de ces crimes? Si le sang essuyé, les morts ensevelis, les soldats repus, et la ville-'abattoir lavée, le guet-apens victorieux vidait ses prisons pleines de citoyens, et sans accusation publique, sans témoignages, sans défense, sans procès ouvert, s'il transportait, s'il exilait, s'il tuait, crucifiant la justice comme .la liberté, que dirait, que peuserait l'Angleterre ? Eh bien, voilà nos griefs, voilà nos douleurs, voilà nos ressentiments. Nous les ·avons racontés sur toutes les routes, dans toutes les langues, pour que la conscience humaine fût saisie, et nous travaillons avec une ardeur sombre, ·orphelins de la lumière et de la patrie, à venge'r nos deux mères ! On dit que nous insultons les Majestés. - Quelles Majestés? - Le parjure, la trahison, l'assassinat sont-ils passés dieux en Angleterre ? - On dit que nous conspirons. - Et contre quel droit ? il n'y a que des crimes en cet Empire ! Prononcez donc contre nous, si vous l'osez, vous tous Anglais dignes de ~e nom ? La guerre, nous le sav{)ns, vous a profondément émus, troublés : vous avez à cœur de la poursuivre avec énergie et vous avez raison; car ce pape de tous les despotimes, cet empereur du Nord est le grand ennemi public, et pour vous peuple d'Angleterre, et pour nous révolution de France. Mais cette guerre sainte et sacrée, cette o-uerre que nous C • ~ 1erons un ,1ourcomme une croisade humaine, comment l'avez-vous engagée, poursuivie ? Vous avez l'alliance d'un despote contre un despote, et vous travaillez pour un troisième qui est le neutre d'Autriche. Les nations vous attendaient; vous n'aviez qu'à doriner un signal du haut de vos flottes, à jeter en Europe un cri de liberté, vous étiez les maîtres, et c'était là la grande all,iance. Au lieu de cela, vous·avez passé çontrat avec les gouvernements, ét vous voilà rivés aux ,Empereurs ! 11 ous ne gagnerez pas la bataille. • Ce n'~st ~ope p~ la guer~e qui JlOll~ ~iyis~, c'est ' GENÈVE, Corsat, libraire, rue Guillaume-Tell. , NEUCHATEL, Couhé, à Chaux-de-Fonds. NOUVELLE-ORLÉANS, Paya & Comp., 56, rue de Chartres. MEXICO, Isidore Devaux, libraire. Tou8 le8 abonnen1e11a •e paient d'a"anee. cette alliance monstrueuse d'un peuple libre avec les despotes. Là est la faute, là est le crime, et vous ~errez plus tard, vous verrez bientôt ce qu'il y avait au fond de la coupe ! • • Nous continuerons ici à vous avertir comme d'autres proscrits le font ailleurs. C'est la dette de l'hospitalité que nous vous paierous. Libre à vous de nous sacrifier aux nécessités d'Etat, ou à de simples cour!oisies d'alliance; tant que notre vqix pour~a. s;. fm~e entendre, elle ne diminuera jamais la vente-Justice. : E ·1 /\ {Tl ., . t_1 en sera de 1!1emepour ce~ autres questions qui_tiennent à la science de l'égalité, les questions sociales. Ecartées par les prudents, interprétées ét fau~sées par la c~lomnie, ell~~ n'en forment pas 1!1oms la grande 1~conn~e qu 11fa~t dégager, si 1 on veut que Ja Revolut10n prochauie ait un caractère décisif, et qu'elle ne iOÏt pas un dernier avortement. Le __mond~ humain est, aujourd'hui, tourbillon, poussiere : l a~alyse a pénétré partout, et plus un dogme ne fait ciment. Suffirait-il d'appeler les vents sans rallier les idées '? Ah ! la guerre de Crimée n'est rie~ : misère des ambiti0us elle passera comme celles du vieux Philippe de Macédoine ; mais la véritable°, la grande guerre, c'est la guerre sociale : il faut l'étudier ét la conjurer ! Il faut, en même temps, garder tout entier l'idéa~ acqui~ et c~nq_uis: il ne faut pas que la l um1ère baisse, dmnnue dans la conscience'humaine, et voilà pourquoi, si nous fouillons l':.ve11ir jusqu'à la dernière nébuleuse, nous ne laisserons pas derrière nous éteindre une idée. Ch. RIBEYROLLES.~ LE COUPD'ETAT DE JERSEY. VICTOHRUUEOT· LECONNETABLE DE SAINT-CLÉMENT. Le samecli, 27 octobre 1855, à dix heures du matin . ' trois personnes se présentèrent à Marine ÎP.rrace et demandèrent à parler à M. Victor Hugo et à ses deux rils. - A qui ai-je l'honneur de parler? demanda M. Victor Hugo au premier des trois. - Je suis le Connétable de St.-Clément,, monsieu Victor Hugo. Je suis chargé par S. E. le Gouverneur de Jersey de vous dire qu'en vertu d'une décision de la Couronne, vous ne pouvez plus séjourner dans cette île et que vous aurez à la quitter d'ici au 2 novembre prochain. Le motif de cette mesure prise à votre égard est votre signature au bas de la "Déclaration" affichée dans les rues de St.-Hélier et publiée dans le journal l'Homme. - C'est bien, monsieur. Le Connétable de St.-Clément fit ensuite la même communication dans les mêmes termes à MM. Charles Hugo et F.-V. Hugo qui lui firent la même réponse. M. Victor Hugo demanda au Connétable s'il· pouvait lui laisser copie de l'ordre du gouvernement anglais. Sur la réponse négative de M. Leneveu qui déclara que ce n'était pas l'usage, Victor Hugo lui dit: - Je constate que, nous autres prosc.rits, noµs signons et publions ce que nous écrivor1s et que le gouvernement anglais cache ce qu'il écrit. Après avoir rempli leur mandat, le Connétable et ses deux Officiers s'étaient assis. - Il est nécessaire, reprit alors Victor Hugo, que vous sachiez, Monsieur, toute la portée de l'acte que vous venez d'accomplir, avec beaucoup de convenance d'ailleurs et dans des formes dont je me plais à reconnaître la parfaite mesure. Cc n'est pas vous qne je fais responsable de cet acte; je ne veux pas vous demander votre avis ; je suis s0r que. dans votre conscience vous êtes indignés et nâv,rés de ce que· l'autorité militaire vous fait faire aujourd'hui. Les trois magistrats gardèrent le 1ilence et baissèrept la tête. • ~ Victor Hugo continua : : , . - Je ne veux pas savoir votre sentiment. Votre .silencè m'en dit assez. Il y a entre les consciences des ùonnêtes

gens un pont par l~que) les pensées communiquent, sans avoir besoin de 1sortir de la' ·l:fouclie. Il est nécessair:e néanmoins, je vous le répète, que vous vous~rendiez bien compte de l'acte auquel vous vous croyez forcés cle prêter votre assistance. Monsieur le Connétable de St.- Clément, vous êtes mem re des Etats de cette île, Vous avez été é,lu par le libr~ fluffr.àgede vos concitoyens. Vous êtes l)!prés~ntant cil!.p(;l..u.pldee J ~rsey. Que diriez-vo11s si le Gouverneur militaire ,mvoyait une nuit ses soldats vous ·arrêter dans v?tre iit, -s'il vous faisait jeter en p-r-isqn,s'H brisait en vos· mains le manâat dont vous êtes investi et _sivo.us, iep.résf.lR(!\n~du peuple, il vous traitait commç le dernier des malfaiteurs ? . Que dùieq-vous s'il en faisait ~utant à chacun ile vos collègues ? Ce n'eJt pas tout. Je suppose que, devant cetté violatio'n du droit, les juges de .vo.tr.e.Cour royale 1,e rassemblassent et rendissent un arrêt qui déclarerait le Gouverneur prévenu du crime de haute trahison .et qu'alors le Gouverneur envoyât une escouade de ~o}dats qui oh~ssât les j1iges de leur siège, au milieu 11:e:~rurµéJjQératÎO!!i$Ole\rnelle. Je suppose encore qu'en prés en ce da ces attentats, le~ h<,mnêtes citoyens de votre l,l~ s,y,i:éurf~sent dans l_esrues, prissent les ai::mes, :fissent JJ.F,s barric~des et ,se 1:1issent 1 en mesure de résister à la .i\nce au no~ du dro1t1 ~t qu alots le Gouverneur les fit ~itrai1le~\iar la g~rnisori' du fort ; je dis ,plus, j~ suppose ' n' 11 fi' ' • ' • ' l • f 1' f 1 • •11 d 9.u1 1t massacrer es emmes, es en ants, es v1e ar s, ·les passants inoffensifs et désarmés pendant toute urie jotlfoée, ·qu'il brisât les portes des maisons à collPs' de canon, qu'il éventrât les magasins à ·coups 'B.e rp.it.raiUe ,ettqù1il fit tuer les habitants sous leurs lits à coups de 1bayonnettes. Si •le Gouverneur-de Jersey faisait•cela,•que diriez-vous? • 1 • .. L~e!Connétable de St.-Clément avait écouté dans le plu.s profond silence et aveç un embarras visible ce.s paX:.Qles, 4-l'jnterpellation qui lui é,tait adre~sée, il continu.a .jl f-i~ter muet. Vi~tor ij:ugo répéta sa questio:\l : .-;-:-Que diriez-vous, monsieur ? répondez. :, , . - Je dirais, répondit M. Lenev;eu, que le µouvemeur . ~ , . aurait tort. , 1 P d • • d • 1 •r - ar on, monsieur, .enten ons-nous sur es mots. Vous me rencontrez dans la rue, vous me saluez et je ne vous s!)-11.pleas. Vous rentrez 'chez vous et vous dites : · ·" M. Victor Hugo ne m'a ·pas rendu moi:isalut. Il a eu tpTt," C'est bien. -· .Un enfant étrangle 11amère. Y,qus <bornere:z.:vousà dire : il a eu tort? Non, vous direz: c'e·st 11ii'criminel. Eh bien, je vous_le demande, l'hqmme qui tue la liberté, l'homme qui égorge un peuple, n'est-il pas -uu parricide ? Ne commet-il pas un crime ? répondez. - Oui, monsieur. Il CQIUmeut n crime, dit le Conné- ..table. , . . • - Je prends acte de votre réponlle, monsieur le Cqµ- ~table e,t je poursuis. Violé da,ns l'exercice de votre mandat de représ_entan,tdu peu.ple, chassé de votre siège, emprisonné, pais exilé, vous vous retirez dans un pays qui se croit ,libre et qui s'en vante. Là, votre premier acte est de publier le crime et d'afficher sur les murs l'arrêt de 'votre ceur de justice qui déclare le Gouverneur prévenu de haute trahison. Votre premier acte est de faire conna.iµ;,eà tous ceux qni vous entou;rent et, si vous le pou- ,v.ei, au,1J1ondeentier le forfait mop.streux clont votr~ personne, votre famille, votre liberté, votre droit, votre patrie viennent d'être victimes. En faisant cela, monsieur le connét~ble, n'usez-vous pas '.de votre ùrpit, je vais plus loin, ne remplissez~vous pas votre devoir? Le Connétable essaya d'éviter de répondre à cette nouiVellequestion en murmurant qu'il n'était pas venu pour ..discuter la décision de .l'autorité ~upérieure majs seulement pour la signifier. Victor Hugo insista : . - Nous faisons en ce moment une page d'histoire, · monsieur. Nous sommes ici trois historiens, mes deux fils : et moi, .et un jour, cette conv~rsation sera racontée. Répondez donc, en-protestant contre le crime, n'useriez-vous · pas de votre droit, n'accompliriez-vous pas votre devoir ? -.- Oui, monsieur. - Et que penseriez-vous alors du gouvernement qui, pour avoir accompli ce devoir sacré, vous enverrait l'ordre de quitter le pays par un magistrat qui ferait vis-Avis de vous ce que vous faite,s aujourd'hui vis-à-vis de moi? ,Que penseriez-vous du gouvernement qui vous chasl serait, vous proscrit, qui vous expulserait, vqu~, représentant du peuple, dans l'exercice Jllême de votre devoir ? Ne ,,penseriez-vous pas que oe gouvernement est tombé au dernier degré de la lrnnte? Mais 13urce point, monsieur, -je me contente de votre -silence. Vous êtes ici trois honnêtes gens et je sai~, san~ que vous me le disiez, ce que me _répondmaintenant votre conscience. Un des Officiers du Connétable hasarda une 9b,servati0n timide : • , - Monsieur Victor Hugo, il y a autre chose dans votre Déclaration que les crimes de l'Empereur. • .......Vous vous trompez, monsieur, et pour mieux. vous , coiwaincre, je vais vous la lire. Victor Hugo lut la Déclaration et à chaque paragraphe ;il s,'arrêta, demandant aux magistrats qlli l'écoutaiellt: Avions-nous le droit de dire cela? - Mais vous désapprouvez l'expulsiop. de vos amis, , dit M: Leneveu: . - Je )a désapprouve hautement, reprit Viotor Hugo. '.Mais n'avais-je pas le droit de le dire? Votre liberté de la presse ne s'étendait-elle pas à permettre la critique d'une mesure arbitraire de l'auto,rité? . •l ·- Certainement 1 cr.rtainement 1 dit le Connétable. 83 " L'IJQM:M.M~.' - l.-7NOVEMBRE. -· Êt· c'est pou~· cette Déclaration que vou,s venez me signifier rordre de mon expulsion i pOUl,c' ette J)éclaration que vous reconnaissez qu'il était de mon devoir de faire do_ntvous avoue: qu'aucu,n des ternies ne !lé-na!'Se- les li: mites de votre liberté locale, et que vous eussiez faite à ma place ? . .-- - C'est à ca-qse de 'a lettre dç Eélix Ryat; dit un des 0 fficiers. r • • • ' • _:_ Pardon, reprit Victor Hugo ·en s'adressant au Con- ?étabie, ne m'a~ez-,v~us pas dit que je Ô:evaisqui-tter l'ile a ca\lse de !fla s1gnatqre au bas de cette Déclaration ? Le Connétable tira dé sa poche le pli du Gol.l-~e;meur, l'ouvrit et dit : . . . - En effet, c'est uniquement pour la Déclaration et pas pour autre chose que vous êtes expulsés,' • - Je le .cons.tate et j'en pre.nds acte, detant toutes les personnes qui sont ici. • Le Connétabl~ dit· à M. yictor Hugo : Pourrais-je vo1s -dewander, monsieur, quel JOUrvous comptez quitter l'ile ? M. Victor Hugo fit un mouvement: Pourquoi? Est-ce qu:jl_vous rest_e quelque formalité à remp~ir? Avsiz-vo~s besom de certifier que le colis a étélbien et dûment expédié à sa destination ? . - ]tfonsieur, répondit le Connétable, si'je désirais ~on- :1aître le moment dè votre dép~tt, c'éta.it pour veni; c'e Jour-là vous présenter mes· res'p~cts'. ' ' - Je ne $ais pas enco're quel jour je partirai. rh'orlsie~r, reprit Victor l!ugo. Mais· qu'on soit'· tranquille', je n'attendrai ·pas I'expirati9n, du délail,1'SFlje pduvais paTtir dans un ·qnatt d'heur~; éé serait fait. rJ'ai llàte de ·quitter Jersey. Une terre où il n'y a phis' d'honneur me •brûle les pieds. . 1. • Et m~intenant, ,monsieur le Connétable; vous pouvez vous retuer. Vous allez rendre compte, de l'exécutiou de '\lo~remandat à votre supérieur, le Li~-qtenant-Gouv()rnet\r, qui ~~ rel}d~a compte à son supérieur, le goqvernel}lent a_nglai,s,qu~ en r~.l}dr!l compte à son sup~rieur, ;M. Bqnaparte. Le Times est un excellent collaborateur contre Louis Bo~.'aparte. Voici qui le prouve : • • CE·,QUE LE TIMES A PENSÉ· • 1 ET  DIT J •'' DE LOUIS .NA;POLEON. Ceci ~st 'un sujet qui -tire son imp~rtance JUOins-del'immense mfluence qu'exerce le Tiirief, que de l'indicatibn rrécis_e qu'il rious fournit du changement qui s'est' opéré iia~s l'ei;prit <lupeuple anglais. Là. paissance du Tim~s rés1d~ dans sa flexibilité sans ·égale. Il se plie à toutes les circonstances avec la plus grande facilité. Il est le miroir et le v~let du sentiment qui prévaut dans le public. Lorsque le Times tonne contre les tyrans et leurs atrocité~, nous pouvons être certain11que John Bull éprouve uu d~ ces accès périodiques, de moralité, auxquels, comme dit M. l\Iacaulay, ce vieux gentleman est sujet une fois to~s le~ sep~. aus _à peu prè,s: Lqrsque le grand journal precomse l infamie plus v10lerpment que d'hapitude, nous ne n_oustromp0ps pas en pr~nant ppur certain qqe ~- Bull est sous l'i!1fluence d'µne qe ses attaque1, constitutionnelles ,d'_é~o~smeopiniâtre, qui le rendent complètement indifférent au 'bien· comme au mal du reste des hommes. Le Times, il y a deux ou trois ans déclarait que l'usurpateur français était un être ·infâme :t horrible, parce que, en Angleterre, chacun croyait que cet individu s'était rendu coupable de-crimes horribles et infâmes. Le gr_andjourn~l nous _disait alors que Louis Napoléon méritait le mépns, la hame et l'exécration de tout être vivant qui croyait en Dieu, respectait l'humanité, se souciait de la justice, aimait la. vérité et abhorrait la trahison, lt vol le parjure et l'assassinat. Mais aujourd'hui,, le Time; nous apprend que ce mêm() Louis ,Napoléo!'l a droit au' r.espect et à la reconnlj.issance de t,oute l'Angleterre, hommes, femmes et enfants. Cependj\nt les accusations porfées contre l'usurpateur français n'ont pas été écartées. I~ n~a.ét!· acquitté par auçun tribpnal. t,~ te,rrible ré.quis1to1ren a pas été confondu. Personne encore -n'a été assez lJardi: a~sez audacieux pour affirmer que L~uis Nap~léon n'a ~as commis d'assassinats noctur'nes- qu'il n'a pas forfait à son serment devant Dieu et de.vant les hommes- ~u'il n'a ~a~.M~ruit la Répuolique .qu'îl avait juré de défend~e- qu il na pas volé la famille qui avl!,itépargné sa vie. Devons-nous donc conclure que la grande Nation a~glaise- ~u au moins cette partie de la nation qui patromse et soutient le Times- est, moins qu'il y a trois ans l'enuemie du meurtre, de la trahison, de la fraude de l'in~ gratitude? La question est gnwe et bien dign~ d'être prise en sérieuse considération par les évêques, le ,clergé et tous çeux qui sont payés pour s'occuper de I)Qs âmesçar, si elle est résolue affirmativement, e.lle rév~le up. état d'at9nie, ~orale qui accuse chez les intendan_t~ 1,piritu~ls de la na_t1onla_plus énorme et lç1p.lus crimin~lle négligence du devoir. L9,1ssant les révérends gentlemen méditer cette 9u?stion dans leur esfrit _shrétien, et pri!)-ntp~ur ,qu'jls puu;sent la résoudre d une manière sage et satisfais'ante voy~ns un peu ce _que le 'grand journal disait et pensai! d; Louis Napoléon, il y a trois ans. • q .. ï. . Le 20 Elécem?re : 851, le _Times déclare que " le par'" JUre de cet arch1-traitre (Loms Napoléon) est maintenant trop patent pour qu'il puisse être nié, quoique certaines pers_onn_esch~rchen.t à pallier le fait, publiquement ou en particulier, soit par ignorance, soit par intérêt." , A_..la m~me date, le Times dit:" qui n'est aujour- a hm convamcu qne son règrte :présidentiel n'a été qu'une longùe exploitation des peurs d'une classe tout en poussant l'autre au désespoir- qu'il a systématiquemnnt débauché l'armée, ef accompli traîtreusement une révolution sang~attte au moyen de bandes- de prétoriens payés- qu'il' a violé ses serments volontaires, le plus solennellement rép~tés devant J?ieu e~~e~ant les hommes_;_ et qu'il a orgamsé un despotisme m1htaue plus dégradant et plus dégradé, plus général et plus impitoyable que la Frauce n'en avait jamais subi auparavant?" D~ns un autre passage (Times, 20 décembre 1851): " s:11 y a 1:1n homme, dit ce journal, qui ne doive pas être en~1é, cet l~omme est _Louis Napoléon. Parjure avoué, traitre convam_cu,cons~1rateur heureux par la plus abominabl? des t~a~1sons-~. 1achat de la soldatesque et la bouc~~m1de m1lhers de citoyens- il _doit, s'il n'est p,as arrêté c 1 our~ ~anz ,sa carrière, parcourir toute l'echelle de la ~yran~1e. ,Pas de halte possible pour lui, pour son système pas d élément de stabilité ou de durée. C'·est un anachronisme _absol~et clésespéré. Le fauteuil présidentiel ou Je trône impérial sont placés snr un cratère le· sol en est vo_lcaniqne,miné et tremblant, les degrés ~n sont rendus -g~1ss~mtspar le sang qui les couvre, et' la haine, la consp1~at1onet la v~ngeance s'élèvent à l'entour, en épaisses et noues vapeiirs: ?haque parti peut fournir· son contingent -~our 1~ tyranmc1de; le meiirtre, com.rne im chien, le.chasse a la pist~ dan1t la rue et même au milieu des bals, et des banquets de l'~lys_ée. il peut être surpris par le sort de Gu~tave. Celui ~Ul a été traître à tons, ne doit êtp:~préoccu~é que_de !rah~sons, et _estcondamné à redouter jour ~t nmt l}l!Jtmeries,.msurrect1ons, v.engean~es. ~a çoui,,cience n~ saurait ê.re entièrement étouffée· et de temps-' à, autre 1 • ' ' ' ' . a sienne doit évoquer l'horrible fantasma~orie iles cadavres sanglants du boulevard." ' Ce passage du Times n'est-il pas une justification du tyrannicide ? Il est, dans tous les cas l'affirmation que l'assassinat de Louis Napoléon est la ~hose ta plus probable et la plus naturelle du monde. • . Le, Times du 9 janvier J 852, nous apprend que" l'élite dune grande nation est renversée dans la boue• sai- •gnant par d'innombrables. lilessures; " que " tout c'e qui -,est respectable et illustre, honnête :et loyal, en France en d~hors du giron militaire, est op.posé à l'abominable ty;,an- . me_de Bon~parte, " et que "il s'est entouré d'une. gén~- r~t10n enterrée de &altimbanques galvanisés et rendu.s à la ~1e, effrayant l~ mond~ ~ar des cri~es et des p::i,ssionsque l ho~me! le plus scept1qu.e sur les destinées humain,~:;, aurait pris pou~ une page souillée de l'histoire." Dans le Times du 21 février 1852, il est déclaré qqe " la politi~ue i~téri'eure de M. Bonaparte peut se-~iduire au sommaire sµ1vant : - la suppression des vérités 'embarrassa~tes - la_ diffusion d'e? mensonges utiles- la confiscat10n des biens des Républicains et des Orléanistes - la proscription et l'exil de l'intelligence- la vlolence dans les départements- l'espionnage et la délation partout- l'armée et les puvrifirs alternativement cajolés, subornés, terrorisés et trompés- les hautes· et moyennes classes menacées, flattées et suspectées- la loi martiale p~r.to11t- la ju~tice uul]e part- le jury supprimé- les tnbunaux méprisés- les fonds publics tenus en hansse -l'industrie_ tomba_nt- le commerce paralysé-: les fin~nces en voie d~ run1e- la tyrannie rendue plus tyranmque . par les ~rparences d'une liberté dérisoire- d~s com~1s pour m1mstres- pour sénateurs des parasitesdes mstruments et des muets pour conseillers d'Etatune législation nominale- le défi de !"opinion et la méfiance de tout homme et de toute chose même de la force sur laquelle repose un paréil système.,: ' _Ala même da~e, le Times nous dit que lès quelques ~ristocrates ang1a1s, dames et messieurs, qui ont dïn,éà. 1Elysée avec l'usu~pa_teu:, ont sacrifié honneur et pudeur, en acceptant cette mvltat1on ; mais il s'empresse de nous consoler en nous assurant que l' Anglet'erre n'était pas représentée- par les nobles goinfres qui ont fait honneur à la table présidentielle. Au contraire, dit le Times, "ils ne repi::ésentaient rien, sinon la haine olio-archique de Ja libe:t,é et _d~_lapresse, la niaiserie arist~cr-atique, la valat3;1liepatnc1enne, et la basse exception." • Nous lisons dans le Times du 16 avril 1852: "M. Bonaparte proclame à ses gobe-mouches et à ses îlotes· rampants que sa.mission est de restaurer l'Autorité. ·1• Au- ~O R~~É, selon 1 la voc~~ulaire impérial, c'est le règne du Jésu~t1smc, de~ hypocrisie et du mensonge - c;'est la déificat1ou du parJure et l'adoration du succès - c'est l'intelligence étouffée par les baillons de la.p1esse, ou insultée pas la ~égradation - c'est la mor~lité empoisonnée par le narcot1sme de la corruption - c'est la société prise à la gorge par la main de la police, et le foyer domestiql!e souillé par l'espion - c'est la liberté écrasée sous la botte •d_ucuirassier_ et du ge11darme- c'est l'esclavage public nvé par le vice cachli - c'est la législature se faissant honte et escroquerie, et des législateurs réduits au rôle de_colleeteur~ de taxes ·et de laquais...,.....c'est le trésor public converti en, un chaos de rapacités, de chaussestrappes et de profusions ~ c'est· l'autel partagé entre Loyola et J\façhi~v~l-c'est, enfin; l'artiµc~ et la viol~nçe

assumant le titre de Gouvernement, le crime dénommé Providence, et le blasphème appelé Dieu." Le Times, du 27 septembre 1852, nous dit que " li Coup d'Etat a été accompli la nuit comme un vol avec effraction (burglary) ;" et le 2 novembre de la même année, le même journal contient ce qui ~uit, comme prédiction,. suggestion, recommandation, ou quelqu~ dénomination qu'il plaira au lecteur de donner, relativement à l'assassinat de !'Usurpateur : " Si l'histoire ne ment pas, un'1 po'~voir qui se place au-dessus de la loi'. appelle le coup qui doit le frapper en dehors de la 101. Quand la force se pose comme droit, la vengeance est déifiée rétribution. L'Autorité irresponsable n'est pas de ce monde. La violence meurt de ses propres excès. Caligula, Commode, Domitien, Caracalla meurent de morts violentes. Néron se tue lui-même. Pierre et Paul- le père et le fils - succombent à cette maladie de famille, qui affecte également le harem du Sultan et le palais du ?zar. La superstJtion courbait le tyran au Moyen-Ag~. Au.JO~rd'hui l'insurrection guette le despote. Le fanatisme né- • coute que sa propre consdence. _Le. tyranni~ide, s~urd_ à Dien comme aux hommes, ne voit que le cnme, n aspire qu'à la vengeance : Brutu~ quand il frappe, c'est u_nmartyr quand il tombe. Parmi ses cohortes de prétoriens et au milieu de l'enthousiasme indescriptible, Louis Napoléon rencontre cette meurtrière logique. Marseple et la police exhibent une copie en cart_onde l_amachine infernale de la rue Nicaise: Toulon contribue pour un coup de feu en pleine revue ; à Moulins, un pharmacien recule devant l'homicide et se tue lui-même. L'oncle a fourni un atroce précédent et un argument de mort• à ceux qui 'vou~ront tuer le neveu. Napoléon a légué 10,000 francs à Cantillol'l, qui avait attenté à la vie de Wellington, justifiant bautement ainsi l'assassinat de son rival ! " Cela suffit pour donner une idée de, la consiste_nce du Times. Sans doute la seule raison que le grand Journal puisse alléguer comme excuse de l'appui et des louanges qu'il donne à l'homme qu'il a s~ impitoyablement d~noncé, c'est qu'il convient à nos besoms de lécher .les pieds de l'impérial liberticirle. Mais alors il nous reste à apprepdre que les grands et éternels principes, l_avérité, la justice, la moralité, doivent se plier aux exigences des mtérêts misérables et éphémères d'hommes d'Etat sans c_œur. • ( NoRTI-IUMBRIANt,raduit' du Reynoldfs • ]f ew1paper ~u ~8 octobre.) . OPINION DU TIMES SU:Jl L~ :Plt-01'):' D'ASILE. " ..•. QueIÎes rumeurs sinistres agi~ent les _bo;ds du Rhin -rumeurs reçues, contredites, reJetees c~mme ~elles qui ont précédé_ le coup d'E!at ? :Pourquoi ces menaces à_la Belg1que, à la ,Smsse, au Piémont? Pourqu01 ces menaces à I Angle- , f . , ? terre, pour l'a~ile qu'elle acc~~de a?x r~ µgies • L'Europe coqtinentale a-t-elle l mtent10n d adopter une lQi sµr l€S rHugiés_ pol~tiq~~s~et e~. forc~r rexécutipn ici? ~e ,serai~ El?, v~nte ~e l rng:atitqde. Qui a donne 1 hospit~h~e a L~m& N apoleon, et de quelles côt~s ~st part~ 1envp~1sseur d~ Boq- }oo-ne'? Où Mettermch a-t-11trouve à se reposer ap~ès sa fuite de Vienne ? Qui a reçu le prince de Prusse ? Le sultan aurait-il pu sauver Kossuth de la hache de l'Autriche et braver les menaces de la Russie 1 Et l'Angleterre, l'asile, traditi?nn~l .. des vaincus, les rspoussera-t-elle sur l ordre imp?neux des despotes, leur interdira-t-elle le seul, asile .<l? l'ancien monde et les renverra-t-elle à l humamte du nouveau ? Deviendrons-nous les espiO'fl,,Set les {lgents de police de l'Europe ? Tien?ron_s-nous liste des proscrits et ferons-nous des categones. de suspects'? Est-ce en vaiq que l'esprit de Castelre~gh a dirigé le ministère de l'intérieur e! que O.~nnrn~ nous a soustraits au joug de la Samte-Alhance • Le manque de prévoyance égale le manqµe de mémoire. La tyrannie n'est pas tellement s&re de son jeu qu'elle ait enlevé toutes les ch~ne~s à la démocratie. Quand la roue aura· tourne,, il _peut n'être pas dés~gréable aux gouvernants d aujourd'hui de venir chercher un refuge en Angleterre. Mais si nous nous courbons aujourd'hui devant leur ,<J,emq,n,çdoe1, n_menpto~trrons-nous résister à' sembla; ble* réclamations de lq,part de leurs successeurs . C'est l'intérêt de tous les gp~vernants et de tous le$ ,gouvervements de l'Europe qu'il ~ ait q~_elqu_~s pays étrangers à leurs mal_heurs,et ou,. n,es inqu!etant ni de la,croyance ni de la cause, l on reçoive comme fugitif ~t L'ON PROTÉGE co~~E HÔT~ quiconque fuit 4e-vant une vengeance politique .• ,,. ( Times, Janvier 1852). La lettre suivante, publiée par lè Time~, nous est communiquée : Citoyen Rédacteur, Le Ministère anglais par !'expulsion des réfugiés de Jersey s'est fait ponapartist(:. Il a commis un acte d'niquité et de lâcheté à la fois. L'HO:M'.ME.-17 NOVEMBRE. De lâcheté, car n'osant et ne pouvant atteindre lee auteurs de la lettre protégés à Londres par la loi générale, il s'en est pris à nos amis de Jersey qu'il prétend placés sous un régime d'exceptions. D'iniquité, car il a frapP,é, comme on dit, les innocents poni: les coupables, si l'on peut appeler coupables des hommes qui ont exercé un droit incontestable en éclairant le peuple anglais sur les dangers de son alliance. avec Bonaparte. Les membres de la Commune révolutionnaire résidant en Angleterre, rP.pouseent donc cette peine arbitraire infligée à d'autres qu'à eux pour un fait dol\t il~ réclame:µ la pleine et entière responsabilité. Po11r la Commune révolution'nafre, les membres du Comité. ' , F. PYAT, G. ~ouRDAIN, RouoEE,, L'opinion pnblique en Angleterre s'est généreusement émue de la violation commise à Jersey contre l'exil, et la presse, après la première surprise, a fait loyalement son devoir. • Nous devons signaler, entre tous, les journaux suivants: le Daily-News, le Morni.ng-Aclvertiser, le Reynolcl's-Paper, le Daily-Telegniipli, le feople's-Pape1· et les deu~ ;Mercury d~ Liverpool et de Manchester. Cette conduite intelligente et libérale nous çonsol~ de bien des lâchetés et nous fait espérer que la violence-déshonneur de l' Alienn-Bill ne prévaudra pas. Déjà trois grands meetings ont eu lieu pour l'intérêt sacré du droit d'asile, un à Londres à Saint Martin's Hall, et deux à Newcastle. D'autres se prépareet 'dans diverses cités. Le peuple anglais comprend ! U]{ RÉPUBLIC.L\.IN. ANGLAIS All rédacteur de r Homme. Ami, Il y a sept ans, j'avais l'honneur de vous rencontrer aux Bureaux de la Réforme. Depuis cette époque, que de jours de lutte, d'~preuves et de malheurs ! C';st votre gloire, citoyen, d'êtré resté durant ces douloureuses années fidèle ê vos principes. Q11edis-je 1 On vous a vu toujours, depuis lprs, au poste le plus exposé tenir d'une main inflexible le drapeau de la République, Votre plume éloquente n1a pas cessé de frapper nos ennemis de terreur, même aux jours de leurs plus insolents triomphes et de donner à nos frères la consolation et l'espérance, aux heures les plus mauvaises et les plus sombres. Proscrit, voùs voilà proscrit encore ! Expulsé de Jersey ! ar~aché à l'asile que le monde croyait inviolable. Oh infamie sur Jersey ! Honte à l'Angleterre ! Je courbe la tête d'humiliation et de' douleur. Et maintenant que se passe-t-il ? Non co1.tents de vous expulser, vous et vos hi trépides concitoyens Pianciani et Thomas, les infâmes instruments de la police française riresseut une nouvelle et longue liste de proscription en tête de laquelle est l'illustre Victor Hugo et où se trouvent mêlés à vos compatriotes, des Polonais, des Hongrois, des Allem11nds, des Italiens, victimes de la tyrannie prussienne, autrichienne et russe. Tous bannis de nouveau. pour satisfaire le tyran de France, pour assouvir ses vengeances et calmer ses craintes! Mais non ! Ses craintes ne :seront pas calmées, même -par le bannissement' nouveau. L'inscription est toujours sur le mur et ce n'est pas la main du Dey de Jersey qui en effacera ces mots : Manè, Thécel, Pharès. Vous avez été chassé de Jersey pour avoir réimprimé la lettre de Félix Pyat. C'est là votre crime nominal. Votre crime réel, c'est l'existence de votre admirable journal l'Homme. Après tous les cris qu'a soulevés la lettre de Pyat, reste toujours cette simple question : cette lettre contient-elle la Yérité ? Ah, citoyen, c'est à cause des nombreuse:. vérités qu'elle contient qu'elle a été dénoncée et (llle vo11sêtes persécuté. Je ne suis pas d'accord avec tous les sentiments exprimés dans cette lettre. J'en désapprouve complètement les idées sur la question d'Orient. Je regrette aussi beaucoup de mots et plusieurs expressions qui ont été détournées de leur sens réel. Mais une fois ces réserves faites, je déclare que la lettre de Pyat contient des vérités terribles que ratifiera l'avenir. Tout homme sensé en Angleterre désire une éternelle alliance avec la France, mais tout homme honnête regarde avec dégout l'alliance avec Bonaparte. Et quand, pour prix de cette alliance, la reine d'Angleterre s'humilie comme elle l'a fàit, eu acceptant la visite de Bonaparte et en la rendant, en plaçant sa main pure de toute souillure rlans les griffes de ·ce félon, elle est descend et le pays partage son humiliation, En outre, quant à M. Bonaparte, je dis qu'il est fidèlement représenté dans la lettre de Félix Pyat. Je dis que la Déclaration pour laquelle Victor Hugo et ses frères de l'exil ont été expulses de Jersey est un acte d'accusation solennel auquel l'accusé essaiera vainement de se soustraire. • Je dis que les arguments employés par Victor Hugo et par Félix Pyat se retrouvent dans les articles du Times en Décembre 1851 et dans l'année 1852. Par ses infâmes att~ques contre les réfugiés' le Times peut chercher à se faire pardonner du criminel qu'il a ftrtri du fél?n qu'il a_pilorié, mais il ne peut. rétracter le passé'. Ce qui est écnt est écrit, et, parro.i tous les services à lui rendus, Bonaparte veut remercier surtout le Times d'avoir voué son nom à une éternelle infamie. , • Est-c que j'insulte sa Majesté Imp~r~ale ? L'attorney général peut tenter la question. Que ce fonctionnaire essaie de blanchir le caractère de Bonaparte, s'il l'ose. Je mets mo.n_noms?us l'insulte; j'_ose soutenfr ce que j'écris. Je pourrais en dire. davantage, Je pourrais l),,dresser quelques mots aux Anglais e,ngénéral et aux loyaux idiots de Jersey en particulier, mais je me rappelle respace limlté de votre journal et je m'abstiens.. Soyez persuadé, ami, qu'il y a des Anglais qui çidn:iirent votre talent, qui pqnorent, votre pat,riotisme, et qui regardent avec douleur et indignation le traite.ment subi par vous e~.vos co,mpagrwns d'exil. Il y a des Anglais qui reconnaissent dans la ca11se que vous plaidez non seulement la, cause de. li!, France, mais celle de l'humanité tout entière, Il y a del\ Anglais ql}i sont fiers d'être avec vous et vo~ frèrn~ de proscriptictns et qui ne désirent pas de plus grand honneur que celui de partager v,os dangers et vos fatigues., Et parmi ~ux il n'~n est pas, qui vou&sait plu_~§érieu.&e1ne\l~t cgui~ que votre tout dévoué. Novembre 18~5. G. Julian HARNEY, Note du Réd.--N ous remercions notre correspondant de ses cordiales srmpathies. S,eséloges doivent revenir beauc9.up lllOins à QOUS qu'à nos ç<;>llabora,te~rd~e l'atelier et du journal qui nous ont religieusement aidé dans toutes les hitt~i, que :q9{\~ ayçmstr~ver~~es, - Rien de bien grave <;1,anlsa politique génçrale, ~auf la victoire ~·en;ipo,rtépear Omt:;r-:-Pachacontre les Russes, en Asie. L'espac,e nous m~nque aujoqrd'hui po¼r analyser le discours-empereur. ~ ous y 1r0viençlr,onse.t nous publierons en même temp&la de\1xième lettre au PEUPLE DE JERSEY. Dans le prochain numéro, nous fer0ns connaitre à nos abonnés les am~liorations et modifications que peut nous permettre l'édition faite à Londres. Nous pouvons leur annoncer déjà que nos mesures sont prises pour que la situation politique de PAngleterie soit J:\ebdomadairement et sérieusement appréciée, au lieu de n&Uien tenir, comme avant, à un simple compte-rendu des faits. Nous donnerons ~galemeqt des corre~pol'.!~aqq~s detaillées qe France, La derµière brochure de Louis Blanc est to.rnbée che~ noqs, au milieu de nos petits malheurs, et l(;ls combats de Jersey nous ont empêché j usq ~'içi qe la reproduire. En commençant, aujourd'hui, de la publier, car elle appatient aux archives de la Révolutiou, nous devons dire un mot sur le fond. Louis Blanc aurait voulu que le parti fftt con~ sulté, qu'un programme fût arrêté d'avance, et que sµr ces conditions le mandat fût fondé : c1~st parfaitement républicain, mais combien de fois l'a-t-on tenté sans pou.voir aboutir'? D'ailleurs, les initiatives prises se limitent à l'appel pour le <levojr de Révqlution. Dans çes termes nous avons adhér~ et no1,1sp!:lrsi~ton~, OBSEa,V ATlONS Siw une récente brochure de Kossuth, Ledrit Rollin et Mafi$~ini. Les citoyens Kossuth, Ledru Rollin et Mazzini viennent de publier une brochure dans laq11elleils agitent une question fort importante, surtout po11rqui considère ce que l'Europ\! est anjçmrd'hu; et ,ce qu'elle sera probablement ~emain. ' Peut-être est-il à regretter qu'avant de lancer dans le P?-blic l'appel qn'il~ adressent aµx seuls rép~blicains, les citoyens ![os~l!tl;i, Ledru ~ollin e~ Mazzini, n'aient !las cru devoir se consulter avec les hommes ql!i sont placés à côté d'eux clans l'exil, après l'avoir ~té si longtemps dan&la lutte. ];)'autal'l.tque c'était un graye parti à prendre que celui d'initier de la sorte nos éiinemis à la connaissance de

L'HOMME.-SAMEDI, 17 NOVEMBRE 1854. choses dont nous ne leur devons pas confidence. Crier aux républicains, deYant l'Europe é·mue, les rois attentifs, et les gouvernements qui font sentinelle : " Organisezvous ! ayez un centre d'action reconnu! ralliez-vous autour d'un étendard! ayez une caisse, etc., etc." C'est autoriser nos ennemis à appeler à eux tous les lâches adorateurs du succès et de la force, en leur prouvant par nos propres déclarations que nous manquons d'organisation ; que nous consumons notre énergie en efforts partiels et incohérents ; 11uenous sommes en quête d'un ùrapeau, et qu'une caisse est à fonder. Le mal, Dieu mc=:rci ! n'est pas aussi grand qu'on pourrait le supposer d'après cela, et il n'y a lieli ni p()ur nos ennemis de trop se réjouir, ni pour nos amis de se ?écourager. Ce qui est vrai, c'est qu'il dépeu~ de nous d'aJout_er, par une entente pl•1s étroite et une série de mesures bien combinées, à la puissance de nos efforts. Quoiqu'il en soit, et à supposer qn'il y ait inconvénient dans la marche adoptée par les citoyens Kossuth, Ledrn Rollin et Mazzini, cet inr.onvénient existe désormais : il n'y a plus à y revenir; et puisqu'ils ont jugé à propos de ne prendre de leur projet d'autre confident que le public, c'est devant le public que sont nécessairement amenées à se produire les observations que leur appel aux républicains suggère. Ne point taire ces observations, dans la crise actuelle, c'est à la fois un droit et un ,levoir. J'entends eJ.ercer ce droit, et je me sens lié à l'accomplissement de ce devoir. Je dirai en quoi les vues émises par Kossuth, Ledru Rollin et Mazziui me paraissent, non seulement très saines, mais très patriotiques. Comme eux, je suis convaincu : Que réaliser aussi complétement que possible l'unité du parti républicain, ce serait centupler sa force; Que l'organisation est le secret des grandes batailles gagnées; Qu'il y aurait quel~ue chose d'irrésistible dans une impulsion venue d'un centre 1:ni~ue, et r_eçue avec dévouement par tous les cœurs qm aiment la liberté et le peuple ; Qu'il faut agir ; Que 11011sommes une armée. Pas un de ces points sur lesquels mon opinion ne soit conforme à celle de Kossuth, Ledru Rollin et Mazzini. Mais l'unité du parti se peut-elle réaliser autrement que par l'accord des principes ? . L'organisation doit-elle être purement matérielle, et consister, pour des hommes qui ont une foi, pour des ·êtres pensants, pour des âmes libres, à recevoir le ~ot d'ordre, sans avsir préalablement concouru à le détermmer? Peut-on espérer qu'un centre unique d'action existe, si les diverses nuances du parti n'y sont pas représentées et n'ont pas été conviées à ve~ir s'y_fondre? . Y a-t-il chance pour qu on smve partout, sans hésitation et avec enthousiasme, l'impulsion partie d'un centre que quelques hommes auraient for:11é,en choisissant leurs appuis dans le cercle de sympathies toutes personnelles, et en disant: "Le centre d'action, c'est nous? " S'il est certain qu'il faut agir, est-il présumable que ceux-là consentiront à agir en commun, qui ne se seront pas mis d'accord sur les choses dont l'action commune doit hâter le triomph~ ? S'il est vrai que nous sommes une armée, l'est-il moins que nous sommes une armée intellectuelle, une armée qui est appelée à comba~tre. avec le br~s, mais pour le_ se:v!ce des idGes, pour la victo1re du droit éternel, et qm d1ffere par essence de celles dont l'action se voit aux plaines inondées de sang et aux ruines des villes fumalltes ? Voilà, voilà les points sur lesquels, j'en ai peur, _mon opinion s'éloigne de celle de Kossuth, Ledru Rollm et Mazzini. • Mais avant d'entrer dans l'analyse de leurs vues, il ne sP.rapas inutile de rappeler un projet, selon moi bien préférable et d'une date déjà assez reculée. Car hdée de réunir tout le parti dans un. eff@rtcommun n'est ni nouvelle, ni particulière aux citoyens Kossuth, Ledru Rollin et Mazzini. Au mois de mars 1854, la réalisation de cette idée fut activement poursuivie par plusieurs hommes animés d'un désir et préoccupés cl'un dessein dans lesquels celui qui trace ces lignes fut heureux de se rencontrer avec le citoyen Ledru Rollin. A cette époque, la crise européenne n'avait pas encore pris le développe;11ent au~uel nol!ls l~ voy~ns parven~e, et néanmoins elle s annonçait par des signes imposants , tout semblait donc c·ommander aux républicains de se tenir prêts. La nécessité d'un grand et cordial concert fut comprise, mais comme devant reposer s~r d~ t~ut autres bases que celles qu'on nous propose auJourd hm. Ces bases se trouvent exposées dans une lettre que j'écrivis alors à quelques amis absents, au nom _d'un certain nombre de républicains éprouvés. Je. n'hés~te. pas à la citer ici, bien qu'il en résulte q~e certai_ne~diss1den,ces intellectuelles existent dans le parti répubhcarn. Car c est là un fait dont il serait. bien inutile de faire mystère, depuis que Mazzini l'a si indiscrètement et si bruyamment annoncé au monde par ses attaques r.ontre les socialistes. D'ailleurs loin de nous accuser, des dissidences de ce genre nou~ honorent; elles rendent témoignage de la sincérité de nos convictions ; elles prouvent l'élévation de notre but : recherche et conquête de la vérité. Voici la lettre : Chers citoyens, Le spectacle de la France momentanément asservie n'a rien dont notre foi républicaine se sentf- ébranlée, Notre pays a déjà subi tant de fortunes diverses, et traversé, sans y périr, tant d'épreuves un instant jugées mortelles ! La tyrannie appuyée sur l'abaissement des caractères n'est pas chose nouvelle en France; mais s'il ne fut pas donné à Napoléun lui-même d'en finir avec le génie de la liberté, il est bien permis de penser que son vil plagiaire ne •sera pas plus heureux. S'il est un peuple au monde dont il ne faille jamais désespérer, c'est certainement le peuple français. A la veille de cette révolution de 1830, qui renversa le trône des Bourbons aînés, Benjamin Constant, témoin attristé ùe la mort apparente de l'esprit public, disait : " Les Bourbons aînés en ont encore pour trente ans dans le ventre." Il fut bien vite démeilti par l'événement. Et le lendemain de 1848, qui n'ajournait au lendemain de la mort de Louis-Philippe l'espoir d'un changement quelconque? Cependant, au moment même où les plus fins observateurs politiques tenaient ce langage, l'infatigable énergie d'une poignée de républicains allait amener en faveur de la République, ce qu'en 1830, l'activité du parti libéral avait amené en faveur <lesd'Orléans. La fameuse maxime aide-toi, le ciel t'aidera, a-t-elle donc aujourd'hui cessé d'être vraie? N'avons-nous donc plus qu'à nous confiner dans le fatalisme musulman? De la part d'un parti comme le nôtre, d'un parti dont la force fut toujours dans la confiance et l'activité, n'est-il contre Louis Bonaparte d'autre guerre possible que celle des bras-croisés? Aussi bien, qui nous dit que la France est tombée réellement aussi bas qu'elle parait l'être ? Qui nous dit qu'elle se résigne? Qui nous assure qu'elle a rejeté comme un bagage inutile les conquêtes intellectuelles d'un demisiècle de vaillants efforts et de cornbats ? Est- ce que cela est présumable ? Est-ce que nous devons inférer cela de son silence, lorsque pas une voix ne peut s'élever impunément, ou de son immobilité, lorsque Paris désarmé est environné de bayonnettes, ou de sa discrétion défiante lorsque la police enveloppe tout, et prévient o.ualtère toute confidence ? - Mais d'où vient que la France ne se soulève pas d'horreur et de dégoO.t? L'insurrection, comme ressource et comme devoir suprême, n'est-elle pas là? -Avant de demander à la France ce qu'elle veut à cet égard, peutêtre devrions-nous nous demander ce qu'elle peut. Pour s'insurger, la première condition est de pouvoir s'entendre: les révolutions, même les. plus spontanées, ont toujours commencé par une impulsion venue d'un certain nombre d'hommes qui avaient pu se concerter et donner le signal. Un tel concert est-il facile là où la liberté n'est nulle part et où la police est partout? Et si nous, qui pouvons discuter, parler, écrire, nous réunir, combiner nos efforts, nous ne faisions rien de tout cela, qu'y aurait-il de possible? La questiou est, non pas de savoir si la Révolution est imminente ou non, mais si nous, qni jouissons au moins de la liberté de nos mouvements, nous devons faire oui ou non ce qui arriverait tôt ou tard à la renrlre telle. Ce qu'on appelle ll'l force des circonstances n'est jamais qu'un résultat de la volonté humaine en action. Oe sont les hommes, après tout, qui créent les événements. Voilà, chers citoyens, les considérations générales qui nous conduisent à regarder la tentative dont nous avons parlé, non seulement comme opportune et nécessaire, mais comme réellement commandée par le devoir. Notre inaction, le peuple la condamnerait; il l'attribuerait à une impuissance produite par de malheureuses rivalités et des personnalités intolérantes ; il croirait que ce sont uos divisions qui nous laissent désarmés devant l'ennemi commun ; il ne pcurrait s'expliquer qu'ayant la jouissance de droits qni lui ont été ravis, nous n'en sachions faire aucun utile nsage.- Et puis, comme l'exil se trouve avoir frappé ;la plupart de ceux qui avaient pris place dan_sla confiance du peuple, soit par leur long dévonemen- à la République, soit par leurs lumières consacrées à son service, soit par l'éclat de leur énergie rl-volutionnaire, c'est naturellement du côté des Républicains libres au dehors, que les Républicains enchaînés de l'intérieur tournent leurs regards. Inierrogé par le peuple, que faut-il que l'exil lui réponde ? Que l'exil c'est la tombe? Qu'il n'y a parmi les proscrits que doctrines contradictoires, toutes très hautaines, absolues, venues des pôles opposés de l'esprit humain? Que ces doctrines s:ont tellement inconciliables par essence, que la seule idée de les mettre en contact par un loyal et patriotique débat serait une chimère? Que nous nous en remettons au peuple du soin de s'armer contre le tyran de ses chaînes, lorsqu'il aura la force de les soulever? Et que le tyran une fois par terre, on aura, pour fonder la République ; pour dominer la crise; pour faire vivre la Société d'abord, puis pour i'organiser à nouveau ; pour écarter les périls nés du choc soudain des idées ennemies ...... quoi? Cette divinité vaguo, cette puissance non défi.nie, la nécessité ? Ah, quel désespoir ne sèmerait pas une telle réponse ? Qu'on ne dise pas qu'accorder les systèmes est un rêve? Il ne s'agit pas en effet d'arriver à une identification absolue d'idées qui serait on ne peut plus chimériqne. Tous les esprits n'ont pas été jetés daRs le même moule, nous le savons bien, et s'il est un parti au sein duquel se doivent naturellement produire des dissidences, c'est le nôtre, puisqu'il a;pour essence de chercher là vérité, et de - tendre sans cesse vers la justice prise dans sa plus haute acception. Mais de quoi s'agit-il ici ? D'abord de rassembler et de mettre en saillie, réserve expresse faite des convictions sur lesquelles on ne serait pas d'acco.rd, les croyançe~ que t91,1sRous frofessons en çommun , ensuite de nous consulter ensemble sur les prin::iipales mesures à adopter le lendemain ùe la Révolution, µonr qu'elle ne nous surprenne pas à l'improviste et ne détermine pas au seiu même du parti républicain un conflit qui pourrait tout perdre. Or, à tenter cela, qu'y aurait-il de chimérique? Est-il un certain nombre de points admis par tous? Le nier, ce serait nier l'existence d'un parti républicain quelconqne. •1 •.,." Et pour ce qui est de délibérer entre nous sur ce·ql!l'on pourrait nommer le code futur de salut public, nous reconnaissons '}U'à cet égard le débat ne sera pas sans soulever des difficultés; mais que ces difficultés soient insurmontables, c'est ce que nous ne nous hâtons pas rle préjuger. Combien de divergences qui, examinées de près, ne sont que des malentendus! Combien se croient séparés par les choses qui ne le sont que par les mots! Combien qui s'imaginent différer par la nature des principes, quand ils ne diffèrent hue par celle des moyens ! Quoi ! entre des hommes fJ.Ui,au bout du compte, ont de commun tout ce qui fait qu'on veut l'affraui!hissement du peuple, la chO.tedu privilége, l'admission de tous aux sources de l'intelligence humaine, et par la République, le règne de plus en plus complet de l'égalité, une discussion sérieuse, bienveillante, commencée avec bonne volonté et poursuivie avec bonne foi, serait déclarée d'avance sans résultat possible ! Les diverses opinions ont pour sentinelles la conscience même et la sincérité de leurs partisans, sans doute; mais la couscience n'est pas une forteresse qui doive se défendre, quand même, à outrance, quand elle arrive à se voir attaquée par la raison, la vérité et la justice. Changer de croyances par intérêt ou ambition est la dernière des bassesses et des infamies, mais se rendre à la v·érité lorsque sa lumière vous frappe est l'acte de conscience le plus noble qu'un honnête homme et un vrai républicain puissent accomplir; si c'était une illusion que d'en croire capables nos frères d'armes, cette illusion nous serait chère. En tout cas, le débat est inévitable, S'il n'a pas lieu aujouru'hui dans le calme, il faudra que, le lendemain de la Révoluiion, il ait ~ieu dans la tempête, c'est-:à-dire dans des circonstances où, comme nous n'en avons que des ex~mples trop saillants dans notre •propre histoire, la nécessité sur laquelle on aurait compté, pour la conciliation, risquerait de n'enfant~r que la bataille, la discussion devenant la guerre et les arguments des coups de hach.e A ceux qui assurent que la bourgeoisie redoute l'inconnu on aurait tort de répondre que dans les temps de crise et de transition violente, l'inconnu est une force, Ce :1'est pas même ici à l'inconnu que nous avons affaire, c'est, si on peut s'exprimer ainsi, au malconnu. Quelque menaçant que pO.têtre notre langage pour quiconque vit d'abus et d'injustices, est-ce qu'il égalera jamais, même dans l'esprit de ceux-là, l'idée que leur ont donnée de nous, de nos projets, les hommes de la rue de Poitiers et leurs libelles tout noirs de mensonges? La queiltion d'ailleurs, n'est pas de tirer le canon d'alarmes. Si un nianifeste en commun paraissait bon à publier, il devrait, ce nous semble, avoir seulement pour ~ut d'affirmer,- en dehors de certaines dissidences au-dessus desquelles on plac~rait la souveraineté du peuple,- l'unité du parti républicain, et, dans un cercle donné, la parfaite convergence de ses efforts, rien n'étant plus propre à raffermir les esprits découragés, à fournir un point de ralliement aux opinions errantes ou flottontes, et à faire tomber l'idée fatale que se forment de nos divisiGns ceux qui seraient disposés à combattre avec nous, et ceux qui nous ont combattus. Noqs n'entendons pas nous imposer le moins du monde. Nous n'avons_ en aucune sorte lr prétention d'engager ceux de qui nous n'avons pas reçu mandat. Si quelque chose était à signer, les signataires, cela va sans dire, parleraient en leur nom et non pas au nom du parti, ùont ils n'affirmeraient l'unité qu'au point de vue de leur opinion personuelle, ce qui n'empêcherait pas l'effet espéré, si la réunion se ·composait d'éléments correspondant à toutes les nuances, et si elle était formée d'hommes honorablement connus du peuple. Telles sont, chers citoyens, les raisons que nous seumettons à votre haute appréciation. Vos lumiêres et votre patriotisme nous sont un sO.rgarant que vous en sentirez toute l'importance. Dans les tragiques circonstances où se trouvent notre pays et l'Europe, et lorsque nous touchons' peut-être à cause de l'imprévu que porte avec elle toute grande conflagration, à des éventualités d'un caractère dllcisif, empêcher la rencontre des bonnes volontés c'est rester chargé aux ye1Jx du peuplP., d'une responsabilité bien sérieuse. Nous vous conjurons de peser m0remer\t tout cela. Pourquoi faut-il que vous soyez si loin de nous ! Avec quel empressement nous seri~n~ allés conférer avec vous de c.es graves intérêts de 1a patrie et de la République! • Salut et Fraternité. Louis BLANC, (La suite att prochain numéro.) A LONDRIES' Dépôt et Vente du Journal au numéro, chez : M. Stanislas, 10, Greek Street, Soho, librairie polon:iise, M. Holyvake, 147, Fleet Street. . Publié à )'Imprimerie U!lÎVèrselle, 62, Greek street, Soho, 1 \ ••

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