Né dans la caste, ·élevé dans le sanctuaire fer• mé, nourri des farouches doctrines qui font de la vie la mort, et de la terre un cercueil., veu·s aviez cherché, vingt ans, à creuser le,dogme, :pour re• •trouver le ciel; vous aviez suivi tous les chemins ·de ronde de }'·Eglise Çatholique, et, quand -vous avez vu que ce n'était là qu'une citadelle en ruines ·gardée ~ar les prêtre~, pour _le ~,ompte·des rois, que le Dieu du ·Calvaire y était ·be sur ses autels, ;,commeProméthée sur son Caucase, et que l'esprit ,humain, le grand souffle, s'y éteignait ainsi que la lampe dans ,les tombeaux, vous qn'ils voulaient faire asseoir sur les sièges d'or, vous êtes sorti de cette voûte•prison, vous avez secoué vos sandales, vous êtes entré dans l'avant•garde des âm~s libres, et votre belle tête est depuis restée dans la pleine .lumière! La vie ainsi déchirée, la transformation doulou• ire1,1seaccomplie, quelle puissante et merveilleuse 1unitédans votre effort, dans votre œuvre ! Les peu- :ples sont esclaves et s~mffrentdans la femme, dans le •soldat, dans le prolétaire, dans l'esprit et dans le corps? Vous appelez toutes les misères à l'affran- ·chissement et vous présentez au-x peuples la coupe :de Jean Huss. - Les arts s'en vont en débauche ou tombent en lucre et marchandise? Vous .lesrappelez, ces rayons égarés et perdus, à l'idéal, au grand foyer, et vons donnez une âme à la fantaisi€1. - L'avant-garde de la Révolution-s'entraîne par .ontre•vaillance et tombe sous les dictateurs ou les rois ? Vous embaumez les morts que la guerre a ·mordus et déchirés; vous relevez les blessés, et les emportant dans votre él6quence-refuge, .vous les vengez deux fois et par la ,Pitié et par 1:anat,hème. '\' ient, enfin, le grand desastre~; la hherte suc• combe égo.-gée dans son temple, et vous mourez ! et vous empruntez au pauvre son cercueil, et ce cercueil passe à travers la ville pleine de chars, ·sans prêtre, tans f~stc, sans hymnes funèbres, _der- .nier· ettouchant adieu de votre âme aux prison• -niers, aux proscrits, aux:prolétaires ! Ah! quand les hommes laissent une tel~elumière aprè11eux et de si beaux renoncements, d faut recaeillir leur poussière -et garder leur mémoire, comme un trésor.: les ur:nes des confesseurs sont p~einesde _vi~,~t ce croyant du de,,rniersi~cle avait raison, qm d1sa1t: "Contre. les trones, laissez par• 1er les échafauds·; derrière les armées ·des Césars, portez les cendres des martyrs !" II. • '. Si le «mitedes grands caractères est un devoir de la religion humaine, la just,jce qui est l'essence de cette religion veut, en môme temps, que les apostasies et les défaillances soient -châtiées. Nous ne voulons pas parler, ici, de ces trahisons cyniques et .m~nstrueuses, de ces vieillards lo~ches et félons qm sen vont, comme les Cormenm, le lendemain des assassinats, s'asseoir aux festim du crime : non, ces immondes là n'appartiennent pas à la grande histoire ; il suffit de les signaler aux -cuisines, valets chenus et dégradés, pour que les âmes passent et se détollrnent : ces espèces qui n'ont qne du ventre n'appartiennent qu'au_ ver. 'Mais il y a des natures prudentes,sagaces, avisées., des ambitions habiles qui se tiennent à l'écart, sans se commettre jamais dans les débauches publiques . et qui ·n'en sont que plus à redouter derrière l'ombre qui les couvre. Epicuriens de la gloire~ arrosant en famille leur :petit laurier, ces Horace-vieillards excellent, corn• me les Locustes italiennes, à préparer les poisons dans le flacon et la fleur. C'est par une lettre, par ,une litrophe, dans une causerie fine que ces volup• tnP-UX éreintés raillent le devoir, parfument les .crimes puissants, enivrent et corrompent les âmes jeunes et faciles. Leurs d~mi-trahi~ons, et leurs demi-confidences, sont, touJours, voilées, comme la parole du proxenète :. mais ils o~t une tell~ peur des devoirs austères qu ils ne sauraient les voir pra• tiquer par d'autres, et que ne point fléchir ~a~s la ,persécution ou dans le combat leur est une rnJure. Hélas! cher maître en génie et probité, vous en avez laissé plusieurs .sur terre de ces Catondiplomates qui vivent sous la obarmille, entre les Révolutions. et trompant votre main loyale, votre ,àme franche, quelqu8:suns même, furent vos amis! Ne parlons que d'un seul. Certes, s'il y a un homme qui, depuis quarante ans, ait reçu les hommages enivrés du peuple et }es respects de la ~évolu~ion, c'est Déra_nger. S'il -y a un homme qm d~pu1squarante ans ait par ses chants, embauché les générations dans l'armée ,de la Liberté, c'est Béranger; il s'est même égaré ·parfois, comme dans les foU$, jusqu'à l'extrême frontière des utopies. La responsabilité de sa prédication et de ses ap:- pels était donc sérieuse et grande, d'autant plus grande et sérieuse qu'il avait en même temps, pour élargir son socle. chanté les gloires de la force et Téveillé, par là, l'idolatrie des masses. Eh bien, qu'a-t-il fait pour la liberté, pour la République, pour la Révolution, lorsqu'ont éclaté les fovdres de nuit, et quand sont venues les journées du malheur? Il a cultivé son petitjardin, ses petites amitiés, ses charmants loisirs, laissant traîner les idées au corpi;;-de-garde, les triounes à l'égo11t, les hommes ses disciples, ses fils, à l'abattoir. . . . et pas un cri ne s'est échappé de ses lèvres, pour la Répu• blique éborgée, pour la justice violée, pour la France noyée dans ·le sang ...... il cultivait ses choux et sa gloire. En 1848, à la terrible bataille de Juin, quelques vieillards de la République, et surtout fJéranger, -en tendant, du haut des barricades, leurs bras vers le faubourg, pouvaient tout calmer et tout sauver; mais Monsieur Béranger et lès siens n'airnent point les bruits or,1geux:et lt',saudaces de rue : il n'avait pas même voulu s'asseoir.à la Constituante, pour donner so11vote-à .la Révolution. En 1851, ·-lorsquetout s'écroule sous le pied des ·forbans, que la ·ville est jonchée ,de caclanes et le 1boulevard de cervelles, au milieu ,des ruines, des .faux•serments, des assassinats, des vols. des agonies, que fait .Bérauger l li reste paisible et clos en son Passy-Tibur .... et .cependant c'etait son adultère qui fai5ait tous ,ces -drames de la rue. c' était -son Empire >tant ,chanté, ·san Empire guet• apens qui tuait la liberté sainte ! I\1.. Béranger, pour l'honneur .de son nom, auirait dtî ·se proscrire foi-même, après Décembre; il a laissé sa complicité Elans iè meutre, comme il l'avait laissé dans la .conspiration en n'adressant pas au peuple, avant la Présidence, un suprême avertissement . Ce ne sont pas là des fautes., ce sont des crimes. Au lieu de protester, 1\1. Béranger reçoit M. Fortoul et cause avec les princesses ; il leur demande, sans doute, en minaudant, quelques petites grâces pour ses pauvres fous de Cayenne, de Lambessa, ou del' exil, et il croit aiasi payer sa <lette à nos malheur-s. • M. Béranger se trempe ; Lambessa, Cayenne. et l'Exil ne l'amnistieront jamais : il y a tache de République à son feuillet ! M. Béranger ferait mieux de prendre sa place de Sénateur. Ch. RIBEYROLLRS. Politique de l'Exll. L'union del! forces, l'accord des velontés, en d'autres termes, toutes les dissidences s'organisant sur un terrain commun pour combattre l'ennemi commun, telle doit Mre, selon nous, la politique du parti 4émocrate-socialiste. Les école:. qui nous di·visent ont un intérêt égal à l'adoption de cette politique, car chacune, qu'elle en ait conscience ou qu'elle l'ignore, - fraction du grand atelier intellec. tue} - concourt, en vertu de le loi de la division du tra. vail, à la solution d'un même problême : nous espérons faire la preuve de cette assertion; si après cola, il suhsite des obstacles, ils ne peuvent être le fait que de quelques prétentions folles, de quelques vaines personnalités dont le parti saura faire justice ; mais avant de noui. engager dans ces questions profondes on délicates, nous devons examiner si le moment est propice pour une organisation de noi. forces, le terrain bi,m préparé pour l'action. Qu'il y ait raison suffisante de Révolution à cette heure chaotique du XIXe siècle, c'e~t ce qu'il serait superflu de Mmontrer. Plus légitime en quelque sorte que ses ~inées de 89 - 1830 - 1848, serait la Révolution prochaine, s'il y avait des degrés dans le droit ; car le droit déjà conquis et violé est µlus sacré en quelque façon que le droit .encore ab~trait et à conquérir; outre, donc, sa légitimité propre qu'elle puise dans la loi du progrès, la Ré. volution qui vient peut, en outre, revendiquer pour elle, le droit violé qu'elle a pour prE!mière mission de 1econ. quérir contre l'Empire, forme la plus despotique de la contre.Révolution. Toutefois, en matière de Révolutio~ la question de droit ne saurait se séparer de la question d'opportunité : non que nous prétendions que le droit ne soit permanent et sa revendication en tout temps légitime : proclamons-le bien haut au contraire, toute revendication individuelle ou collecti1Je, heureuse ou sans :mccë..s,en fav;ur du droit éternel et inaliét.iable, nous est s.acréf;, et, quand il s'agit de l'Empire, nous professons, selon la formule de nos pères, que l'insurrection est le plus saint des droits et le plus sacré des devoirs. Cette réserve faite en faveur des principes, u'oublions pas que la responsabilité pour un parti sérieux se mesure à la grandeur du but et que les devoirs se proportiounent à la responsabilité. C'est un axiôme révolutionnaire vieux comme le monde que celuici : " Qui veut la fin, veut les moyens." Seulement de grands écueils se présentent dans l'application; tel moyen qui en soi concourt au but, considéré d'un point de vue abstrait, peut tourner contre sa fin. s'il est intempestive. ment mis en œuvre. Un parti, donc, qui a charge de peu. ples est en droit de choisir son heure sans être condamné à accepter celle de l'ennemi. Ceci soit dit, - et qu'on nous pardonne cette digression, - pour justifier le parti dém6crate.socialiste français de sa longue inaction, il était bon peut.être de laisser l'Empire faire sa preuve complète. Dans un état social où la misère engt-ndre fata. lement l'ignorance, ou ne peut exiger que le peuple s'en rapporte à des raisonnements abstraits dont il ne peut c<,r,trôler la justesse : droit, dignité, liberté! chose!! su. blimes sans dt.utc, ma:s peu acc~ssibles pour celui à qui mauque le pain de chaque jour. Soyons indulgents pour les erreurs du peuple, 1J011s à qui il a à reprocher souvent plus que des erreurs : et quand l'expérience a cruellement dissipé ses illusions, appelon:,-le à la délivrance; relevomi son courage, il soutiendra nos efforts; montrons-lui son devoir par u11e vigoureuse initiative, il nous suivra. Or, si notre droit est trop bien établi oontre le crimetyrannie qui trône en France et gouverne partout, le mo. ment est-il propice pour en tenter le rE>nversement? La répouse à cette question doit nous ôtre donnée par une analyse raisonnée ùe la situation de l'Europe d'abord, et de la France en particulier~ Nous disons de l'Europe, car l<l première et indispensable condition de succès désormais c'est que l'action soit une, europ~enne, soliilairr comm; la République q11'elle doit réaliser, comme l'en,1emi que nous avons à combattre. Or, le fuit capital qui domine et rérnme la situation européenne, disons plus, qui est à lui senlt! toute la situa. tion, c'est la guerre dite d'Orient; guerre sans principe, sans but, sans issue, guerre impossible. S'il était besoinJ après l'exemple fourni par l'ébranlement général des tr~nes en 48, d'une nouvelle ,démonstration de l'état pré. .ca1re des gouvernements dt l Europe, les événements qui se déroulent nous l'offriraient concluante et sans réplique. Oui, insistons y; la guerre d'Orient est une guerre impossible qui ne peut se résoudre qu'en s'étendant, se transformant, en se faisant européenne ; mais la gllerrc européenne, c'est la Révolution ; nous l'avons dit hardi. ment dès le début, .nous pouvons le rép6ter sans crainte; nos aveux ne sauraient compromettre une solution logiquement fatale. Ah! Vous disiez la Révolution morte, et dès votre premier pas, la voilà qui vous ·brave et vous défie! Plus de lutte, désormais, qui ne soit révolutionnaire; c'en est fait de ces jtux de princes et de gouvernements appelés guerre, il n'y a plus de possible que des Révolutions. Nous voulons bien vous livrer généreusement Sébastopol et la Crimée, - puisque vous ne pouvez les prendre pour les civiliser à la façon de Kertch par l'incendie,le pillage et le viol. Malgré cette concession, la Rus. resteencore invaincue et toute puisaaute contre vous, et ce cas improbable prévu par elle, néanmoins, elle est prête à vous faire face ailleurs. Vainqueurs on vaincus, le ter. rain manque sous vos pieds en Orient; vous n'avez pas de champ de bataille ; où en chercher un? Ici, l' Au.triche Jevient le nœutl de cette sit11ation inextricable et l' Autriche, vous ne le savez que trop, c'est la question des na. tionalités, c'est le terrain ,le la Ré\'olution. Tôt ou tard • donc, par la force des choses, il fau,lra aborder LL vraie question ; les symptômes abondent déjà, précurse~rs d'une crise qui ne peut plus longtemps se faire attendre : toutes les préoccupations, en ce moment, out pour objet l'état de l'Italie. Dans l'hypothèse, fa seule prohable, où l' A11• triche fera cnuse commune et oun,rte .tvec la Russie c'est en Italie que s'engagera la lutte ; Républicains révo: lutionnaires, l'issue dépend '1e nous; l'Italie, pas plus que la Pologne et la Hongrie ne peut avoir oublié les injures et les menaces des gouvernements alliés moins contre la Russie qu·e contre les peuples. Une initiative h~rdie du parti républicain peut être toute puis~ante alors, si elle se produit avec ensemble et an nom d'un intérêt européen. De ce point de vue, donc, le moment est opportun pour une organisation de nos forces ; plus qu'opportun, il faut bien le reconnaître; il est urgent et impérieux. Si en effet, l~ R~volution n'est pas prête à cette heure que ses ennemis lm préparent contre leur gré, nos destinées, dont nous sommes encore les arbitres, peuvent être compromises sans retour. Qui ne voit, en effet, que Bonaparte est incapable de porter, même un instant, le poids d'11ne invasion des Puis~_ance~ alliées du Nord; nous disons tout le poids, car l 1mpt11s~ancede l'Angleterre, protégée d'ailleurs par sa position insulaire contre cette éventualité, n'est hélas! que trop mise à nu par la criminelle ineptie de ses ministres. L'nivasion, voilà, ne nous faisons pas d'illusion, voilà, si la Révolution n'intervient, la réponse de l'Au• triche et de la Russie à toute tentative de soulèvement des nationalités par lE:sgouvernements. Il y a donc péril en la demeure, péril trop réel qu'il dépend encore de nous de conjurer; mais il est temps, plus que temps d'aviser. Inspirons-nous donc des souvenirs de nos pères, et comme ils faisaient pour la patrie, proclamons d'un commun accord la cause des peuples en danger et agissons en con. séquence : oublions un instant nos diss.entions intestines pour faire face 1 l'ennemi avec l'unanimité qui. seule peut neus assurer la. victoire : dans la situation ex.. t.rême qui nous er,t faite, l'union fait plus que la.fqrce, elle
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