des obstacles imprévus, insurmontables, vous avez tourné vers le sud, par une marche de flanc excessivement dangereuse. Vous ne pouviez faute de troupes, investir 'la place. Vous n'av.ez même.pas :imaginé d'empêcher l'accumulation des munitions ,et des v·rvresqui arrivaient de Russie et de Sibérie, en descendant le Volga -et le Don, par Rostof et ·Kertch, à Sébastopol. Vous vous êtes contentés de vous établir .là, ,vous confiant au hazard et mé- ,prisant ·votre ·ennemi, - et ;vou-sy êtes encore. Vous vous -êtes exposés au péril imminent - détourné seulement par le manque de hardiesse des généraux Russes et l'héroïque_ valeur de vos soldats à lnkermann et Balaclava, - d'être rejetés dans la mer. Vous avez perdu l'espoir de la coopération de l'Autriche, perdu la confiance de ]'Europe, perdu des sommes immenses, perdu .(l'Angleterre seule) près de 40,000 hommes,-vous _avezgag-né quelques avant-postes de contre-appro- ,che, élevés depuis votre arrivée ! • Voilà le résumé du passé. Voyons maintenant '-l'avenir. 2\.. Sébastopol, la partie méridionale assiégée est aussi forte que jamais·; l'armée russe de· )Crimée est plus forte que jamais·; grâce à la conduite de l'Autriche, de nombreux renforts arrivent de l'intérieur de la Russie. Vous ne pouvez songer à affamer l'ennemi ; Totre expédition dans la _Mer d' Azoff est venue cinq ou six mois trop tard.; :on a concentré dans Sébastopol des munitions et des vivres poùr plusieurs mois. D'ailleurs, la route de la Shivagh (Mer Putride), la route de l'isthme, la route conduisant de Simphéropol à Sébastopol pàr Baktchiseraï, la route de cette même ville à la :partie nord de la place assiégée sont toutes aux mains des Russes. Il vous faut donc prendre la pl~ce par force. Combien d'hommes perdrez-vous en ,prenant possession de Malakoff, du Redan, de la .première \igne de défense? Combien p0ur enlever ,la seconde ligue? A supposer que vous preniez possession de toute 'la ville, comment la garderez-vous sous le feu des forts du Nard? Le terrain est ph15 élevé de ce côté qu'au Sud. La forteresse -Octogone, la Sievarna, cette clef de Sébastopol. selon Sir Howard Douglas., commande la ville, la baie, les docks.._ Sa hauteur la protège contre le feu des vaisseaux, ses rivages sont escarpés. 'Il vous faudra l'attaquer par terre:; vous ·vous trouverez donc, après neuf mois d'efforts et de sacrifices, en présence de . l'obstacle devant lequel vous avez reculé au début, Combien de sang fattd.ra-t-il pour le renverser? Vous sentez-vous pleins de confiance encore, après votre éxpérience du siège du Sud ? ' Et puis, restent les forces russes autour de Sébastopol? Moindres en nombre, épuisés par des victoires à la Pyrrhus, vou-s devrez alors commencer réelle- ·ment la guerre, la campagne de Crimée. Il y a .des troupes russes, déjà fortes, et qui le seront bientôt davantage, sur la droite, sur la Tchernaya; des troupes russes sur la Belbeck, des troupes russes devant Eupatoria, des troupes russes dans l'.intérieur sous Wrangel, Montrésor, Bellegarde. A. travers toutes ces troupes, et dans les steppes -qui, de Simphéropol à l'isthme. s'étendent sur la :Crimée, vous devez vous frayer un passage jusqu'à Pêrékop. Sur les steppes, ni arbres, ni ibuissons, nulle. défense contre des chaleurs ou ,âes froids également intenses ; aucun lieu de ,repos, la Crimée n'étant qu'à peine habitée : ,10,00Q milles carrés occupés par environ -200,000 habitants; et les quelques villages épars ~dansles terres seront brt11éspar les Russes. L'eau y est rare et saturée .de seL L'hiver couvre ces ;terres désolées d'aceahl~nts ouragans de neige; :l'été détrempe le terrain par la fonte des neiges au :point d'y engloutir l'art1ller.ie. Pas de routes tra- •cées. Les ponts sur les ravins -sont faibles et se- ,ront facilement détruits.. Vou-s me direz que ces difficultés existent aussi pour :les Russes : c'est ·vrai, mais il~sQnt chez eux, ils y sont accoutumés., ·vous de'vez vaincre èt conquérir., ils n'ont qu'à se ·défendre·; chaque pas en avant ;vouséloigne de 'v:otrë•based'opération et de vos appro-visionnemens:; ·chaque pas en arrière les .concentre au contraire. • A rextrémité dé la Criméè, vous tr.ouverez Pêrécop, que les Russes îortifient depuis Je .com- .men'cément de la guerre. .Si vous vous en kmpazez, et ,que la Russie ne -sesoumette .pas., vous :aurez de~ant vous 300 miltes de steppes. A ••••• iil sembleraît que l'homme q·ui traç·a le pre- •mier le.plan de l',èxpé.ditîon,de Crimée ait voulu rêsoudre ce prohlême .: ·" Comment, dans une cn- 'trèprise plausible en apparence, faire couler le ~.eilleur sang de l'Angleterre, et la mettre hors .~tétat ,de se ,d'éfeodie à un jour donné.? " . Tellès ·s(>ntvos espêrarices·. Comhièn dë-milliers d'hommes, combien de millions de livres sterlings êtes-vous dispasés à engloutir pour atteindre leur réalisation possible, mais peu probable ? Des hommes déterminés à s'illusionner, eux et l'Angleterre, vous parleront d'opérations vers le Liman du Dniéper, contre Kherson et l'arsenal de la Crimée, Nicolaieff. Ils oublient Oschakow et Kilbaroun, placés en face l'un de l'autre à deux milles et demi de distance, et défendant l'entrée de la Lagune; ils oublient que toutes les places de la côte viennent d'être fortifiées par les Russes ; ils oublient que Nicolaieff est le point oit se concentre en ce moment une réserve de 30,000 Russes. -On suggèrera une attaque contre Akerman, et -Ovidiopolissur le Dniester, oubliant que vous au- ·riez là, en face, l'armée russe, sur les flancs, l'ar- ,mée autrichienne, Pouvez-vous :volt~ fier à l'Autriche 1 On vous parlera d'un conp de main contre Pérékop. Comment? Par mer? Sur la mer d•Azoff, la place est protégée par la Shivagh (Mer Putride); sur la Mer Noire les vaisseaux de guerre n'y peuvent jeter l'ancre qu'à la distance de 20 miles. Par terre ? 1l ,vousfaudrait livrer bataille, vaincre et entreprendre la campagne dont j'ai parlé plus haut. Si vous ne voulez pas être 1-ris,entre les forces arrivant de l'intérieur de la Russie -et celles qui manœuvrent en Cr.imée, ;il .vous faudra d.étruire Wrangel et :Bellegarde. Â. vec quelles forces? Vous avez maintenant, ·toutes déductions faites, 100,000 hommes en Crimée, ,en ,comprenant les contingents Turcs et Piémontais-; ;peut-,êtremoins. mais certainement pas plus. Vous en avez 40,000 presque sans cavalerie, ,à Eupatoria. Combien devrez-vous eu laiiJserdans les travaux de siège? Combien à Kamiesch et à Balacla·va? , Non. A moins d~ lever le siège; à moius d,e diriger toutes vos forces contre ile point vulnérable de la Russie, ,la ·Pologne:; à m@iesde changer radicalement la politique ,qui gau-verne la guerre, ·vous ne pouvez rien, sinon périr systématiquement et périodiquement dans de vaines tentatives devant Sébastopol. La :Russie est là trop forte pour vous, Votre gouvernement adopter.a-t-il jamais, spontanément, une autre _eafüÂqt1e? I amais. Les hommes qui n'ont pas trouvé -unmot à dire pour rhonnenr de l'Angleterre ,quancl le Czar, en 1848-4-9, en,vahit les Principautés~ puis écrasa la Hongrie, ·et cela, parce que 890 but était de dompter la Liberté, les mouvements nationaux, - les hommes qui ont complot~ avec Louis Bonaparte la restauration du pape, " en améliorant son gou- .vernement," - les hommes qui, depuis 16 mois, épuisent toutes les formes de la plus servile complaisance pour une Puissance comme l'Autriche, . et qui, dédaignés, n'osent proférer une seule parole menaçante, - ceux qui peu•vent s'associer à des despotes 11surpateurs, ceux-là ne diront jamais à nue Nation : Lève-toi! Leur politique gît entre ·1adépêche du 23 mars 1853, dans laquelle Lord Clarendon déclare que le gouvernement de' Sa Majesté est désireux d'éviter d'offrir des chances aux Révolutionnaires européens-et les discours où Lord Palmerston traite de rêve la liberté de la PolognP-,et déclare que la. résurrection de la Hongrie serait un déplorable, un lamentable événement. Ils ont pu rompre leurs engagements envers la Sicile ; ils ne briseront jamais ceux qui les lient à la cause de l'Absolutisme sur le Continent. • Mais vous, citoyens anglais, vous qui adorez la Liberté, qui vénérez la Morale, vous qui n'avez d•engagements qu'envers l'honneur et la sécurité de l'Angleterre ; vous q·uiapplaudissiez unaniment à la glorieuse résurrection de la Pologne et qui 'proclamiezqae le triomphe de ses ennemis était un crime ; vous dont les frères et les fils meurent en Crimée, victimes d'une fausse politique, ,tandis qu'ils pourraient vaincre en Podolie, en Lithuanie, vous, libres et intelligents, par un seul acte de volonté\ résolue, par une manifestation énergique, souda\ne, vous pourriez contraindre vos gouvernants; et vou,sas&istezpaisiblement à cette œuvre inutile et .lente de destruction, et vous confiez les de&tinéesdel' Angleterre à des hommes qui, grâce à leur politique .et à l'Autriche, après neuf mois d'opérations, assiégent encore un ouvrage extériem ! C'est inexplicable. Tout homme ayant un fils, un frère, un parent ou un ami en Orient, devrait aller de ville en ville, de park en park, de cottage en cottags, la carte de la Crimée sur la poitrine et le drapeau de la Pologne à la main ; leurs prédications, leurs exhortations, entraîneraient .enfin des centaines de milliers d'Anglais à signifier au Gouvernem8nt, j>acifiqnement mais résol,oment, leurs volontés ; • "Changez de politique ! A bas l'Autriche! Aidez la Pologne à se relever ! " Vous pourriez alors vous agenouiller pour remercier Dieu d'avoir accom·pliun grand acte de justice et d'être rentré& sur la voie qni conduirait l'Angleterre au triompheet à la ,paix. Mais l'Autriche ? mais la Prusse ? - Laissez la Prusse à son peuple ; l'~utriche à la Hongrie et à nous. Nous vous le promettons : l'Autriche - qui ne tirera pas un coup de canon pour vous - ne tirera ·pas un coup de feu contre vous, tant que nous vivrons. - Mais la question des N atiooalités, c'est la guerre générale? - Eh! qu'importe? Les Nationalités ne combattront-elles pas pour leur propre cause ? et cette cause sera la vôtre. Que la Pologne, la Hongrie, l'Italie se lèvent, et le Czar ne songera plus à marcher sur Constautinople ! Hors de la voie que j'indique, croyez-moi, vous ne trouverez ni victoires décisives ni paix honorable. Dans ~ne lettre que j'adressai. le 2 Mars au Président des Amis de l'Italie, je disais: "Votre politique est absolument fausse et immorale, vous ne .Po.uvezdonc ~aincre, TOUSn'e vaincrez paa." Je maintiens mon dire. La guerre est à mes yeux lti plus grand des crimes quand elle n'est pas faite au profit de l'humanité, pour foire triompher quelque grande vérité, ou pour plonger au tombeau quelque grand mensonge. Ce n'est pas ainsi que vous faites la guerre actuelle : On tremble de pn1clamer un priùcipe. On virn à la fois à réprimer les envahissements du Despotisme dans le Nord, et à fortifier le Despotisme dans le Centre de l'Europe. On proclame l'indépendance de la Turquie, et la politique et la stratégie tendent à empêcher toute autre Nation de conquérir l'indépendance. Je crois à Dieu et aux plans de sa Providence : c'est pour cela que je ne crois pas à un triomphe couronnant la guerre basée sur les expédit•nts, l'égoïsme, l'intérêt d~ moment,, et un antagonisme ouvert contre les droits et les libertés de l'Europe. Le Czar est un principe, le principe de l'Autorité illimitée, - il ne peut être vaincu que par un autre principe, le principe de la Liberté universelle, J. MAZZINI. J uillct, 1855. LES PEDPLES. I. Il y a trois sièçles à peine, l'humanité ne se sentait pas vivre : elle n'avait pas conscience d'ellemême, de sa nature progressive, de son âme éternellement jeune, de la loi de ses del!tinées. Frontières-abîmes, les .religions séparaient les hommes, ~on_imeles_r,aces, les ca_steset. l~s priviléges: tout etait poussiere et confusion, d1fference et guerre. Les peuples eux-mêmes n'étaient que des troupeaux ou des armées à peu près sans nom. et l'on disait en parlant des plus grandes patries de la terre: - La Maison de France, la Maison d'Autriche, la Maison <l'Espagne, - les BQùrbons, les Hapsbourg, les Stuarts, les Médicis. J Aujourd'hui, l'on <lit la Pologne, l'Espagne, fltalie, la France; l'on dit la Hongrie, commeon dit l'Amérique ; et les nations même )es plus misérables sont au premier plan ; le livre des Agamemnon est fermé ! Il y a là, toute une révolution et ceux qui •ne comprendraient pas combien est décisive cette substitution des peuples aux dynasties, des patries aux ,;·ouv·ernements, ceux-là n'auraient ui le sens de l'histoire ni celui de la vie. . La Pologne est e~clavée, subjuguée, détruite, dttes-.vous? _Elle n est. plus qu'une province de Russie? Mais pourquoi donc de sa tombe sort-il toujours c~mme un bruit d'armes et pourquoi son nom, effroides uns, espérance des autres, revient-il sans cesse, dans la polémique des assemblées, dans la querelle des gouvernements? On ne parle pas ainsi des Bragance et des Bourbons errants en Europe, et qui étaient hier des Maisons assises, des destinées rayonnantes. Et l'i talie, cette autre grande morte, cette ruine sacrée que vont profaner les curiosités oisives, pourquoi la tient-on, nuit et jour, sous les échafaud~ et so~s les armé~s ? Pourquo_i lés étr~ngers mqmets et Jaloux ont-ils daus ses villes garnison et police? Pourquoi ses citadelles sont-elles couronnées de batteries et ses places armées·, comme,en temps de guerre? On ne garde paitainsi les cadavres. • .<?'estque l'e sépul~re _est one patrie, ùne Eglise m1htante, une consp1ration, uncamp: c'éat que ce
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