Homme - anno II - n.29 - 20 giugno 1855

L'IlOMi\lE' . ~---- ..._.______ __..! __________ :___ __________________ ___,_~------------ e:;.trz; mai11 nous ~ avons aussi que, dans l'état actuel des choses, ces rais.ons n'ont pas grand poids dans la balance. Supposons que l'exécution de ce plan soit tentée demain. Qu'aurait la France à opposer aux hordes nnombrables du Cosaquisme ? Quelques cent mille hommes qui seraient écrasés, broyés sous la masse, s'ils essayaient de résister. La plus grande et la meilleure partie de son armée n'est-elle pas occupée à guerroyer à huit cent lieues de la patrie ? Resterait donc le peuple ; mais le peuple armé, c'est la révolution, c'est la chûte immédiate de Louis-Napoléon ! Et le jour où ils envahiront la France, vous verrez Louis-Napoléon plus occupé à empêcher l'explosion révolutionnaire q11'à chasser les Cosaques. . Voilà rlonc où en est la France, la France, la mèrepatrie du progrès : à la veille d'une invasion suivie de restauration et de partage. Il faut que les destinées s'acdomplissent. La révolution, seule, peut opposer son veto ; mais le fera-t-elle? Que l'Enrope libérale y songe, qu'elle médite sur cette situation et puis qu'elle agisse. Il n'y a pas un moment à pwh-e ; il est déjà peut-être trop tard. Allons, bourgeois de tous h:s pays, vous qui aimez encore la liberté, songez que le moment est venu de vous prononéer pour le Cosaquisme ou la révolution. RÉPUBLICAINE ou CosAQ_uE,voilà ce que sera demain l'Europe ; voilà ce qu'il y a: dans la question d'Orient. G. PETIT. Cette guerre d'Orient, à travers les sinistres qu'elle amène, est si mystérieuse et dans ses causes et dans ses fins que nous ouvrons nos colonnes à to11tèsles discussions, à toutes les pensées qui peuvent éclairer le secret de la tragédie et ses conséquences dernières. Ainsi, notre correspondant de Suisse nous déclare contre l'ç,piniongénérale formée sur une résistance héroïque au Danube et devant Silistrie, que l'empire turc n'est plug qu'un cadavre, une ombre; que son principe de vitalité n'a plus de sève, et qu'il n'y a pas de puissances en Europe,même celles de l'Occident, qui croient sérieusement au Stam- •boui de Mahomet. . Nous ne sommes pas, en ce point de mort, aussi certains que l'auteur des lignes qu'on vient de lire, et voici pourquoi. • L'Empire turc, comme bien d'autres, ne peut plus, depuis cent ans, promener sa force et déborder : la Révolution frahcaise a mis bon ordre à té>utèsces fastueuses inondations de barbares qui passaient sans missi.on et sans idées comme les fléaux : il faut, aujourd'hui, sous peine d'avorter, que la victoir~. elle même ait dans son sac de guerre un peu de propagande, et lorsque les conquêtes ne sont que des incidens de force, elles passent avec les héros qui vivent un jour. L'Empire turc est donc mort, comme puissance militaire d'expansion, d'envahissement: mais pourquoi le peuple turc serait-il condamné ? sa religion ri'E>sgt oètes mieux suivie, n'est guères mieux pratrqoée, chez lui, que nous ne suivons, que nous ne pratiquons nos religions, ou nos schismes, et l'ombre .du Croissant est aujourd'hui, dans le monde, aussi ,p,âl(;q}ue l'ombre de la Croix. Le vieux fanatisme s'est éteint dans le Gouver-. nement où marquent des hommes qui se sont abreuvés, soit à Paris, soit à Londres, aux sources de civilisation ; et si -lei;masses sont là, comme ailleurs, en plein'e nuit, elles ont gardé, du moins, l'énergie et la probité qui sont facultés éternelles de jeunesse et dei renouvellement. • • La Russie, comme dignité humaine, comme -oyauté morale et <lans les contrats, est bien plus .arriérée que la vieille race tutque: mais l'ambition de ses Tzars, dans son rêve <l'Empire universel, s'est approprié, dans les armes, dans les ind'ustries, dans _les.arts, toutes les découvertes scientifiques de l'Occident ~t toutes ses méthodes de perfectionnement. Voilà ce qui lui donne, aujourd'hui, la s_upériorité sur la famille musulmane ensevelie depuis des siècles dans la contemplation, et le moyen dé lutter, dans les jeux de la force, contre ses maîtres de l'Occident, , Ceci, toutefois, n'est que momentané. La guerre de Crimée mêl"e l'Est et l'Ouest : les deux g·énies s-e rencontrent sous la même tente, se trouvent assis au même bivouac ; et il ·est impossible, quels que misérables que soient les chèfs des gou vernèments et des armées, que de la giberne de France, qù il y a tant d'instincts et de souvenirs, quelques sêmences révolutionnaires ne tombent. • Qui. sommes-nous, d'aillel~rs, pour rayer, pour èffacer les peuples du livre de vie? Nous cherçhons à les assooier par le contrat humain qui est l'égalité, Nous voulons qu'ils se groupent en fédération frate,,rnelle, qu'ils s'éclairent par le mutuellisme incessant des échanges et des propagandes. Nous voulon<s·qu'ils s'élèvent à 1'.uuitéde famille: Bl:!ÜS c'est pa:r 'des évolutions successives et libres que doit se former· l'Eglise univérselle, et qans la destruction pour nous tout est crime, depuis l'assassinat juridique sur les échafauds, jusqu'à l'assassinat des patries. On ne tue pas, d'ailleurs, on ne peut plus supprimer les peuples. Est-ce que la Pologne èst morte, depuis 1770, la première année d~s grandes violences, et malgré ses trois partages? Quand la Révolution se réveillera, la Turquie qui est le despotisme éteint, sera notre alliée, comme l'Italie, comme la Hongrie,· comme la Pologne, contre la Russie qui est lè despotisme vivant, et la Russie elle-même nous· prêtera ses diversions, ses phalang·es, ses masses que l'esprit nouveau travaille jusques dans les déserts. Ne condamnons pas les µeuples à disparaître; c'est là métier dé rois : ils résisteraient à nous, comme aux gTands joueurs de bataille, et dans l'humanité, nous éterniserions les guerres civiles. Dans sa seconde partie, notre correspondant a raison, quand il dit que la guerre ouverte entraîne la grande guerre de l'Occident : oui, ce point noir de Crimée porte les grands orages; et il en peut sortir, grâce aux gouvernements, une troisième invasion de Paris. Ce serait là le dernièr crime du second empire ! C. R. L ' I NVA S I ON. I. La campagne de 1814 venait de finir: l'Europe inondait la France à l'est, au sud, au nord, et ses armées marquant le pas, comme dans les rondes, s'arrêtaient stupéfaites, sous les murs de Paris. Elles n'osaient entrer dans cette ville redoutable, craignant peut-être, d'y voir se lever 93 et ses morts. Elles avaient en pleine victoire, et malgré les colères des invasions subies, comme un respect religieux pour la ruine ouverte qm avait été la grande place de la Révolution. Si Paris, en cette heure dernière et décisive, avait trouvé ses énergies d'autrefois, si la France avait entendu les appels de 92 et ses terribles invocations à la mort ou à la liberté, rien n'était perdu ~ l'Europé' inqqiète, marchant à tâtons dans sa Yic.toire,pouv'1ai•t s'arrêter sur la terre sacrée et laisser aux masses en bataille dans les villes et snr les chemins, le soin de la patrie et des destinées. En 1815, après Waterloo, au mois de j nin, la France était tombée de nouveau : l'Europe des rois révénait furieuse et pressait Paris de ses arm8es. Mais alors avaient disparu les saints respects et les_douces courtoisies : on [.lillait, on violait, on tuait, comme à la curée des empires; c'était une orgie sur une tombe. Eh bien, cette fois.encore, de cette patrie violée, pleine d'armées mortes, on pouvait faire un dernier et terrible champ de bataille; la borne pouvait tuer, comme la haie, comme le pavé, comme le couteau; mais il fallait ouvrir la guen:e sainte. La France, hélas! ne fit rien ou presque rien, et pourquoi? parce qu'elle était depuis longtemps couchée dans la servitude, parce que la grande, la p"remière invasion qu'elle avait subie s'appelle le 18 Brumaire, parce que la liberté seule sait forger les armes invincibles, et que partout où l'esprit est mort, les peuples mE:urent. Le graud coupable de la patrie tombée, tombée deux fois, le premier envahisseur de la France inviolée jusques là, ce n'est donc pas le Cosaque, ce n'est pas Blucher, ce n'est pas W elli11gton,c'est Bonaparte, c'est l'homme du dix-huit Brumaire. Il aurait mieux valu, _pour notre patrie, perdre vingt places de guerre, dix armées, et tous les arsenaux, que d'avoir à subir cette journée fatale où son âme tomba"1sous la force, où toutes les libertés blessées s'envolè1lent. On peut relever des citadelles, dégager des fro11tières, approvisionner des places vides, forger des. armes et retremper tous ses glaives : EB s'ang revient aux veines taries et la matière a d' éterueis rajeunissements: mais lorsque les âmes sont frappées, sont dégradées, lors qu'elles ont langui dans les peurs basses de laservitude, le mal est profond, la blessure est empoisonnée. • Les despotes sont des fossoyeurs ! II. La France, en quelques années, avait réparé les désastres matériels des·deux invasions, mais elle a mis près d'un demi-siècle pour se relever de sa défaite morale, en pratiquant par le eombat et par l'étude,. par la présse et la· conspitation, le grand - devoir de liberté. L'élite de ses générations est tombée, pour cette renaissance, dans les guerres civiles et sur les échafauds : il y a eu des cachots qui ont gardé les martyrs, d'un règne à l'autre, et ce n'est qu'aprf's d'héroïqtres luttes, souvent mêlées de revers, qu'elle est, enfin, rentrée par la Révolution, dans la pleiue souveraineté du droit et des armes. QDand cette victoire éclata, la vieille Enrope de 1792, l' Eur_opedes coalitions tressaillit: elle se crut perdue: les peuples se levaient un à un et emportaient les trônes, comme l"event les tentes: il n'y avait pas un roi qui osàt regarder du côté du Rhin, et si la France à cette heure sac-rée avait été fidèle à son génie, si elle avait compris sa fortune, elle aurait vengé toutes ses défaites et consacré toutes ses gloires, par la liberté du moude. N'aurait-elle pas noyé Waterloo dans ~ette lumière? Mais l'heure est passée: les Gouvernements sont revenus : on a de nouveau scellé les anciennes. tombes: il y en a d'autres ouvertes d'hier qui sont pleines de sang; tous les peuples sont muselés~ captifs, et, désastre suprême, la France trahie par le crime est retombée dans la servitude ! Le second Bonaparte a fait son invasion comme· l'ancien, et nous sommes en 1812: nous avons des. tribunaux, des armées, des églises, des administrations, des hiérarchies muettes et disciplinées; mais il n'y a plus de Libertés rayonnantes, d'éloquents débats, d'énergies publiques, il uly a plus d'institutions sérieuses. de propagandes ouvertes; il n'y a plus d'âmP-. L'invasion de la mort a commencé. Maintenant, étudiez les faits qui ont suivi cette ch0te; regardez là bas, du côté de l'Orient, cette ligne rouge: c'est l'esprit du sang, c'est la nécessité, c'est la politique, c'est l'étoile de l'Empire,. c'est la guerre .... et, cette guerre s'étendra, gagnera le ciel sombre entre les deux poles; car l'Empire, sans les diversions violentes, ne saurait vivre, ne saurait durer: entre la paix et la lumière il n'y a pas place pour les guet-apens : il faut à la force impie les luttes éternelles: c'est là sa fatalité,. et comme le bon sens, les traditions le disent-ouvrez l'histoire de César ~t de tous les Césarsl'Empire, c'est le glaive ! Les rois, d'ailleurs, ne craig11ent plus la bataille depuis que les peuples sont au chenil, et les Révolutions dans la tombe. Autriche, Prusse, Allemagne, Russie, tout ce qui a vieux blasous et vieilles couronnes n'aime guères les nouveautés eu fait d'Empires, ·et la Ste.-Alliance est plus que jamais vivante entre les monarchies qui ont des ayeux et des tombeaux. Doue, la guerre générale est fatale, en un temps prochain. Les haines comme les ambitions la portent, et la vieille terre d'Europe tremblera, bientôt, sous le poids des armées. Or, qui l'emportera? Les disciplines sont les mêmes, la science du meurtre- est ég-aledes deux côté~, dans les deux camps. Depuis huit mois, une ville russe, aux extrémités de l'empire, tient en. échec les armées et les flottes de l'Occident!- Qui donc l'emportera'? - Le nombre. , Notre patrie peut donc revoir l'inondation. dès-, lances, et, cette fois, elle serait dépecée, car sa. voix-clairon a trop longtemps troublé la terre, et l'oreille des rois est fatiguée; ils, voudraient uormir. V oil-àce qui vient, si la Révolution, égarée dans les récriminations on les problèmes, ne rentre. bientôt au chantier, ne rallie ses hommes, ses phalanges, ses conspirations et ne relève, en ouv~ant les mêlées, les âmes et les peuples qui se meurent. Ah! ces Bonaparte, ces écumeurs de la fortuneet du crime, quelles destinées ils nous auront faites et quelle mémoire ils laisseront! Ils auront deux fois arrêté, souillé, desséché la civilisation de la Frnnce, qui n'était déjà plus le torrent, qui était le grand fleuve ; ils auront empoisonné toutes les sources d'où s'épanchent les eaux de la vie - la Probité, la Liberté, !'Honneur, - et trnis fois ils auront fait violer la terre sacrée de la Patrie, comme une anberge borgne! Puisse l'esprit de la Révolution se réveiller à temps et s'armer. Voyez toutes les puissances mystérieuses de la terre nous font appel. Les fléaux qui s'abattent et qui s'acharnent sur cet empire sont des signes : La µeste nous. le dénonce, comme l'inondation, comme la famine, comme la guene, la nature entière se refuse, et les hommes seuls ne se lèveraient pas! • . Aldrs, brûlons nos annales qui sont notre honte et jettons au vent comme ·une vaine poussière, la çendre de nos livres sybillins, car nous ne sommesplus nous-mêmes ·que poussière et cendre. Ch. RIBEYROLLBS.

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