Il n'y avait pas à faire entrer en ligne les marins et soldats et les pauvres etc. au nombre de 387,415 familles à qui leur position ou leurs occupations ôtaiént injustement le droit de prendre part au débat social. Supposons maintenant qu'au lieu de s'en rapporter aux chances d'une guerre de pamphlets, ne jonrnaux, de meetings, d'agitations pacifiques, de discussions parlementaires, les deux partis ôu l'un des deux, eussent fait appel à la force, crié aux armes et agité les brandons de la guerre sociale, que fût-il atrivé ? La composition des deux armées eût été immédiatement changée de foncl en comble ; l'intérêt conservateur inscrit sur le drapeau des agriculteurs eût réuni autour de lui : 1. fermiers et travailleurs agricoles 1,050,000 2. meuniers et boulangers............. 180,000 3. boutiquiers ........ .. :... ... ... ... ... 350,000 4. clergé, barrE!au, médecins .. . .. . . .. 90,000 5. propriétaires et rentiers............ 316,585 6. marins et soldats ................ ,.. 277,415 2,264,000 Par conséquent l'intérêt inclustdel et progressif se fût trouvé réduit à un effectif: l. de manufacturiers ............ 400,000 2. tailleurs, cordonniers, etc .... 180,000 Total. ........ 580,000 Nous plaçons ici, sans hésiter, la classe-moyenne dans le camp des conservateurs : car hors de l'évolution pacifique par la plume et par la parole, le commerçant est un réactionnaire furibond, aussi bien que le prêtre, l'avocat et le médecin. Avec une telle inégalité de forces: l'intérêt i11dustriel se garda bien de recourir à la voie des armes. Il fit sagement ; car il n'eût pas été suivi. La passion politique se bat q11and elle est froissée; le philosophr: revendique son idéal les armes à la main ; mais l'intérêt économique ne se bat pas; la question du pot-au-feu peut émonrnir les ventres, elle n'émeut pas les cœurs. D'un autre côté, le gouvernement ai1glais eut la prndence de ue pas réprimer le mouvement de la ligue par nn déploiement insensé de force brutale. il eut remporté sans tloute une triste victoire; mais cette victoire h1i eût coûté trop cher dans l'avenir, en tournant tous les ·cœurs généreux du côté des vaincus et par conséquent des opprimés. l l préféra céder habilement au torrent, et par ses concessions, il reporta dans le camp de l'industrie ma11ufacturière, non ::,eulement la marine, l'armée et les professions rlites libérales, mais encore la totalité des commerçants. Il résulta de cette politique que les cleux partis devenus égaux numériqnement, se prêtèrent plus facilement a11mouvement de bascule qui fait fa force des gouvernemenl.s constitutionnels tant que l'équilibre n'est pas dérangé. Aujourd'hui que l'avantage palpablr: des théories de libre-échange pour un peuple clont l'industrie et le commerce ont une incontestable supériorité, ont attiré ilans les rangs de l'école de Manchester la m:->.jorité de la nation, l:équilibre est gravement compromis et la prépondérance des classes moyennes obtenue par une réforme purement économique, n'est pas loin de passer dans le domaine politique et me1iace hardiment une aristocratie qui heureusement â perdu toute foi en elle-même. J.-PH. BERJEAU. Coi·1·esponflance de Pa1·is. 2 juin l 855. L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Belgique a fait en France une sensation profonde, et les hommes du Gonvernement en ont pris la:. colère folle. 111.Troplong, le jurisconsulte des spoliations impériales, a dtsclaré que c'était 11ne véritable déclaration de guerre, qu'il n'y avait 1ilns aucune garantie pour l'ordre public et ]es Majestés, si le Royaume voisin, province du premier empire, pouvait ainsi garder son droit d'asyle, et l'inviohibilité de ses foyers. M. Baroche et l'auvergnat Roulier ont à leur tour fait tempête ; et la magistrature entière, y compris la police, s'est voilé la face. • M. Bonaparte, qui a compris la leçon et le danger, a minuté de sa main un décret-ordre au gouvernementbelge. Le rescrit portait q11'ou ferait une loi, dans le plus bref délai, pour assimiler les tentatives politilples, en matière d'attentats, aux crimes de droit commun, et 1e:::ministère belge s'est excusé de son mieux devaut les Chambres par l'organe d'un de ses membres, lequel s'appelle Villain XIV. Voilà le complément de la loi Faider : la tête et l'honneur, on a besoin de tout couvrir! Les réfugiés de BelO'ique paieront les frais dn nouveau contrat, et ceux qui ~e déserteront pas à temps cette terre hospitalière, tomberont bientôt, l'un après l'autre, dans les faux- guet-apens <>rganisés par la police <fe,France. Avis aux prosérits. Paris est morne comme un cimetière. La Cour est en :fête, et montre, ôomme des siamois, ses petits princes du Portugal. Ma'is les faubourgs ont fairn et les colères <:ouvent. Sous ce régime, il n'y, ai que la police et les -prêtres qui prennent du ventre. Nous ne' parlohs pas des banquirrs, ils en ont tonjours. . , 1 On écrit de la Girond-e' que la- maladie. de la• vigne a reparu sur les meilleur~ Mteaux, et, qu'il faud1a cette fois L. fi OM· MJL tout arracher. Voilà donc quinze ou vingt départements pour longtemps ruinés : car les vignes ne donnent guères qu'après cinq années de plant. Les grèves se renouvellent et s'étendent, comme- les maladies, comme les désastres qui font cortége à cet empire. Pauvre patrie! La guerre an dehors, au dedans toutes les misères, celles de l'âme et ce11es du corps. Elle est bien cruellement châtiée pour ses_1grandeurs historiques et ses ambitions immortelles! On annonçait hier la mort de ivr. Cormenin : mais le bruit n'était pas fondé : les apostat's ont la vie dure ; ils ne souffrent pas du cœur. Rien de nouveau dans les hautes sphères. La domesticité fait ripaille et M. W alewski débarrassé des conférences de Vienne, tient •le jeu de Madame Mathilde. On ne va plus en Crimée ; mais on se rend à Biatitz avec les cousins rle Portngaf. Les Napoléon du temps aiment mieux les bains de tner que les balles ; c'est moins difficile à prendre. !. J. Revue d.e la ~eH1afil~e. L'expédition <lu général Brown a occupé successivement Kerlsch, Y enilrnlé, Berdiansk, Arabat, et Geni:.schi. Les Russes n'ont pas fait de , résistance et ont battu en retraite, mais en brûlant leurs navires et leurs nwgasius. L'œuvre de destruction a été complétée par les alliés. Le. résultat de cette expédition, c'est l'anéantissement de 240 bâ.timens marchands, de 4 vapeurs <le guerre, et de 6 millions de rations de bled ou farines destinéf's à l'approvisionnement de Sébastopol. De Géuitski, le Tirnes annonce que l'expéditionJponssera une pointe vers la ronte construite sur pilotis, il y a di)( ans, à travers les lag·unes marécao-euses au ld l C ., . 0 non e a ranee. L'armée Turque. manœuvre d'Eupatoria au camp et du camp à Eupatoria, s'embarquant et <lébarg11ant sous le coup de contr'ordres continnels. Omer Pt1cha est revenu aa cnmp, où le chalha recommence ses ravag·es. surtout dans les tranchées dont les miasmes infects se développent sous un soleil brûlant snns être ~tteints et emportés par h.1 brise de mer. 011 fortifie Kamiesch, comme si on voulait y concentrer les é'guipages de siège, ët commencer une campagne en Crimée, sauf à reprendre ie sièg·e plus tard. Le bruit d'une bataille sur laTchernay:1 a co.uru à Paris. mais ne s'est poi1Jtconôrm~, . Le Times allnonce que les puissaôces occidentales ayant décidément rejeté les nouvelles propositions de l'A utri~he (réglemeut <le la question par les plénipotenti.:iires russe et t.nrc, sous la garantie des cinq puissances), les. ambassadeurs ont dîc se réunir le 4 Juin pour dissoudre officiellement les Confërences .. L'Autriche aurait, par dépêche télegraphiq11e, annoncé ù la Prusse sa résolution de rester neutre. Des négociations très actives seraient engag·ées entre la Snède et· les Puissances allemandes. Une insurrection' carliste a éclaté en Éspagne, dans un régiment de cavalerie caserné à Sarragosse. L' Aragon, Burgos et la Navarre ont été mis en état de siége ; le général Gurrea a marché contre les insurgés qui se sont dispersés danS' les campagnes, poursuivis de tous côtés par des troupes. Le Gouvernement a demandé des pouvoirs extraordinaires pour interner les suspects, suspen- _dre les journaux hostiles, etc.-Les Cortez auront également à discuter un projet d'emprunt forcé. C'est la réponse de Madoz et d'Espartero à l'hostilité des banquiers. VARIÉTÉS. ESQUISSE HISTORICO-POLITIQUE. La lUohlo-Valaclt&e. (2e ARTICLE.) L'inva~ion des Principautés par:Ypsilanti sous les auspices de la Russie marque le commencement de cette nouvelle.ligne politique dn Czar que nous avons vue !!e développer plus complètement en 1848 avec le,but plus large de la suprématie s11rl'Europe. Jnsqu!erî 182-1.,la Russie n'était jamais entrée~ dans lesPrincipautés qu'en ennemie du Sultan; cinq fois les Russes· y avnient rénétré et cinq fois ils avaient dû en en sortir. • Ils chang·erent alors leur jen; ils firent une révolution;- non Seulement Ypsilanti était général nu service du Czar, màis encore il envahit le payS' à la· têre de forces· rnsses ve- • nant de la Russie;- pnis, ils s'offrirent pour écraser leur révolution, et J.emandèrent au Sultan de retirer ses troupes et de ne pas-s'inquiéler de ce mouvement, mnis de remettre anx armes amies rle la Russie le soin de rét.i,blir l'dr.dre dans l'Empire tnrc. • La Porte n·ayant pas accepté ~ette offre, le Czar fut si ' . offensé de ce manque de co11rtoisie (qui l'empêchait d'occuper les Principautés) qu'il rappela sur le champ son ambassadeur de Constantinople et remit lrs intérêts de la. Rus~ie aux soins de l'ambassadeur d' Anglererre, de cette Angleterre dont l'amicn\e médiation avait (ionné à la Russie, qnelquPs années plus tôt, la moitié de la. Moldavie el de la Be~sara bie. L'interrupt~on momentanée rles relations diplomatiques en~re _laRussie et la_Porte fut 1111ùeonne fortune pour les Pnnc1pautés; la Porte, spontanément, rendit nlors aux: ~~ri~c_ïpautés leur ~nci~n p1:ivilège d'avoir 11ngouvernement 1nd1ge11e; la prem1èïe ele<·110n,aff anchie 'fie toute influence russe, fut vraiment natit nale, et les choix fore11t heureux en comparaison de l'odieuse adminisrrarion des Phanariotes. • Le choix lomba sur Grégoire Ghika pour la Valachie, et s11r ,J t'an S tonrdza pour la Moldavie. Il est regrettable que le traité d' Ackei-mann ait soumis de nouver1u l'indépendance politique des Principautés à l'influence rnss•~. La seule cause qui força le Sultan de s'y résigner, ce fut la désorganisatiou de l'armée turque, résultnt de l'extermina lion des .Janissaires.- La vieille forêt de chê11es était abattue, et les _jeune§e~ps de 'IJÏ_qne n'cw~ient pas encore pris racine, me dis,lÎt en 1849 le Pacha de Viddm ; et la situation était rendue donulement embarrass,mte par l'irn:;1r1rection des Grecs, inirngnrée par l'invasion d'Ypsilant i en Valar·hie. Il n'est donc pas étonnant que la Porte se soit décidée;\ signer le traité <lA' ckerrnann; cepen<lant l'lll! ne le fit que snr la promesse de la Hu,sie c\e ne plus se mêler rie la q11e•stiongrecriue. L'honnête Mahmoud était loi11 de soupçonner que la l{us~ie, au moment où elle prenait cet P.11gagrmen1, négociait en secrt:'t so11alliance avec l'Anrrleterre ponr inrervenir en Grèce. La journée );tmentable'"cte Navarin et l'nvo lemt'nt dt' l'inrléperidance <le la Grèt•e forent les résulrats de Ct'tle alliance Quoiqu'il en soit, il est essentiel d'appuyer sur celte corrsidérntion rine la re-titution faite ,111x Roumains d'un Unuvernem<:!nt national, n'est pas d11eà l'intervention étranO"ère 0,1 ,\ des traités avec Jt,s P,1is,ances étrangères; ils èn ~out exclusivtmi-nt redevables ù cette l,iyaut.é des Tprcs qui ne s'est jamais .parjurée et riui est lllll' garantie pins sûre que tontes lés roueries de~ diplomaties" pourrie~" des Cabinet~ européens 'l"-'i ne rédi!!ent jamais un traité ~ans en peser les termes de façon ;\ ménager la f,llnre réalisation de leurs secrets desseins. En fair, tontes le, fois où les Ho11mai11s ont été privés cl(• leur <lroit ôe se{/'.gm:crnment,-comme anjourd hui,-ils ont c.lû ù. l'influence ou ;i, l'in1en-e11tion étrangère cl'ê11epriré;; d'un droit que les Tme~, laissés;\ cuxurê111cs,ont toujours religüiuse,na11t n·spec:t1:. Grégoire Ghik, et J.,an Stl•urdza gonvernèrent ù l,t Slltisfaction ~éuérall'. üé!i\'l'és du n111chemar de l'infl11ence rus~e l'ar l;alHence <lescon~uls ru,ses, ils s'appliqnère11t a~- sidueirH·nt à introduire cles,:éforme~ utiles et 11ationalès dans l'aclministration; et Grégoire Gh ka chargea un Comité de cinq nrcmbres d'élaborer un projet de Con:,,tÎt11tion basP. sur les ancieni; droits et coutumes <le la nation. La Porte ne chercl1>1pas à s'i11terposer, ces actes dérivant naturellement du drnit de self governml'nt; mais la Rnssie craignit la porrée de cc·s réforme~, qni kndaient ,\ t'Xclure l'influenec , des étrnu~ers. Ce ne fut pa~ une -des moindr_es causes 'J11i dé1crmh1èrent le Cz;.ir ù prééipitl'r son ngrrs!--Îon coniri> l'Rmpire !ure. La guerre fu~ déclarée le :.rn A.Hi! 18JS, Pnvi1on. six mois aµrè~ Navarin, où l'amiral Codrington· ::irait conduit les forces narnlr•s des trois Pni,sances à la iles rudion rle 1.i llo11e turque, au profit de la lbssie.-('..W üctob:·e 1827.) • JI n't•ntrc ilas dan~ le plan de cr.t 11rticle de s'arrêter sur les inciden~ de cette mémorable campagne, témoignage é,·idi>nt de la vitalité de la race turrjllC. A l'ég;;nl dl:!sl'riocipautés, la gue:-rC',an,;si bien que le traité qui la tl:!rruina, eut les rés11ltats 111,ltériel, ('t politiques les pl11sdésastreux. I.e lt-cteur peut se faire uue idée de ce qu'elks eure11t à so11ff,·ir, quand il saura q11ele;; Roumains eurent à paye!' plus de 4 mi ilions sl erl ing ( !00 mill io11s de franc"), en n umérnire, ù l',irn1ée russe!-Uela fait environ 40J millions de piastres; cette somme anrait couvert pendant 133 ans le tribut anriuèl payé à la Porte, et-est équivalente ù 6 fois 213 le capital de ce tnbut à 50z0.)- La population fut décimée; près de 200,000 hommes périrent, les uns sur les cha111ps Je l,a. t1:1illt',les autres asservis an rôle de bêtes de somme de l'armée russe à laquelle ils furent contrainls de livrer tout ce qui po11vait se manger, tandis qu'on réduisait beaucoup d'entre eux ù. ronger l'écorce des arbres, l mourir de faim .... Il est évident, d'après ce que j'ai dit, que G. Ghika ne pon vait conserve1· i-es fonctions sous )'in ,·asion russe. Il fut remplacé par un Gouvernement provisoire présidé d'aborcl par le Comte Pahlen, puis par Zeltouhine, et e11fin par le général Kisselefl; tous trois, comme de juste,ha.uts fonction1,aii'es russes. Le génér,d Kisseleff, habile charlatan. prit soin de ne pas choquer ouvertement les sentiments nationaux des Roumains, réveillés par la restitution de leur gouvernement indigène et par lt'S mesures réformatrices de G. Ghika. Il préféra empoisonner les institu1ions plutôt que de les t11er trutalement d'un seul coup. Pour sauver les apparences. il établit un Divan ùe Boyards et leur fit la faveur d'en être le président; un autre général russe, le b,\ron Lüwenstern, f'n fut le vice-président. Le Comité de la réforme constitulionne!le, institué par G. Ghika, avâit presque terminé son projet de statut organique; mais Kisselefl; par ordre du Czar, prétenùit qu'il fallait établir l'harmonie dans les instit11tior1§.des deux provinces, et constitua un nou\'eau Comité pour la Moldo-Valachie; les membres en furent nommé•, en partiè par Kisseldî lui-même, et en partie dans d'illusoires élections faites sous l'influence de son omnipotence; Mizzaki (ou Minziaki), le consul russe, en fut lé président. Telle füt la Législature qui éntreprit de doter les pauvres Roumains d'une "Constitution". On prit soin, bien entendu, d'y retrancher jusqu'aux derniers vestiges d'autono- • mie; on assujétissait le pouvoir législatif au contrôle de la Russie, à laquelle on accouplait nominalement la Turquie mais en évitant de laisser à cette dernière nucune prérogative, au,cune influencé, pa~ même le droit d'avoir -uu agent politique 011 un con-ul co_mmercial •dan~ les Principautés! On établit même "qu'à titre de concesswn, le consul russe pourrait agir comme chargé d'affaires de la Turquie." Le statut organique, dûment préparé par le comité, füt •
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