Il craignait les héritiers, ce bon monsiem; Ducos ! En 1848, il craignait les créanciers : mais Décembre a ré-, pandu tant de rosées, les unes d'or et les autres de sar,g... ... 1 • • On retrouve ici, dans toutes les conversations, /l'éternelle palabre du voyage en Crimée. Les aides-de-camp, les écuyers, les jeunes cent-gardes sonnent de l'6péron, et l' Indépendance ne dit ni oui ni non : soyez certain qu'on ne partira pas à moins que Canrobert n'écrive que le dernier Russe est mort. Le grand Turc en sera donc pour ses tapis de .fantaisie et ses odalisques en fourrière. Le prince-héritier, mons\eur Jérôme fils, partira, dit-on, pour un voyage au-delà <lu Rhin, après l'ouverture de, l'Exposition. La dynastie a conquis ·l'Angleterre; €:lle voudrait tenter la confédération germanique et diviser les forces au-delà cdece Rhin qui est toujours le fleuve des grandes espérances ..... . Madame Mathilde visite les magasins, 1\1. Pierre Bonaparte visite les futailles, M. J erôme, le père, visite les églises ...... par aides-de-camp, et le Falstaff de la famille, le prince ,Murat, fait baptiser ses Altesses au oiberon par des archevêques. Paris est badigeonné de la dalle au cinquième étage, mais on ne peut plus s'y loger, tant les termes et les propriétaires sont durs. Les petits bourgeois et les ouvriers émigrent. Les portiers ne rêvent que Lords, même pour les mansardes ! . Le commerce est toujours en crise : la vente an détail e!-t presque nulle et les forte3 expéditions sont arrêtées par l'encombrement de marchandises à New-York, à Rio-J aniéro, en Australie. Le marché russe est e1Îtièrement fermé. ' Je vous dirai plus tard si Sébastopol est pris, Sébastopol ou Paris, car tout est dans tout, et l'empire npus fait d'étranges perspectives! J. J'. CORRESPONDANCE DE LONDRES. 18 avril 1855. Le cirque Beauharnais el't à Lonùres. Il n'est point arrivé sur le Bellérophon et n'est point dirigé sur Sainte-Hélène; mais il va coucher à Windsor. La reine ù'Angleterre lui fait le 1;1fme accueil qu'à Tom Poure; l'empereur Castor aura l'honneur de mettre au vent sa fla nberge, dans une revue presque aussi solennelle que le tournoi d'Eglinton , et 1\1lle Castagnet exécut<'ra des cachuch~s de haute école en présence •de la Cour. On ne <lit pas que l'illustre maréchal Vaillant _ait fait, cette fois, le plongeon en mettant le pied sur la Reine }lortense, et qu'un midshipman auglais ait eu la peine de ie repêcher oomme un canard de quinze sous qui s'enfuit à la clérive. Bref le nez impérial s'est montré dans Pall-1\Iall et d'immenses lettres illuminées en lampions de couleur ont annoncé cette heureuse nouvelle au peuple ;rnglais. Il est vrai que les boutiquiers en n'a 1lumant ciue,les lettres N E ont fait une faute d'ortographe; mais il faut leur pardonner cette omission délicate en faveur de l'intention : ils ont craint que le Z ne fût interprêté par les damnés proscrits comme l'initiale d'un autre mot. .... Les 300 hurleurs de Piétri ont assez bien fait leur office à Charing-Cross et au pont de Westminster, les sirènes de ,v aterloo-place ont agité leurs mouchoirs en l'honneur d'une ancienne connaissance; mais· à la station ùe Paddington, où les estaffien de police n'avaient pu se transporter, le vrai peuple anglais, en manche de veste, a bel et bien sifflé le cortége. La presse anglaise, hypocrire et faible plus qu'il n'est permis à la gent boutiquière dè le paraitre, même quand son intérêt semble - l'exiger, la presse anglaise se bat les flancs pour démontrer que l'hôte de la cour de Windsor est)e représentant clu peuple français. En admettant cette thèse qui ne peut e~cuser une abominable palinodie, la nationalité française se trouverait représentée par quatre étrangers : 1\1.Bonaparte, un Corse ou si l'on veut un Hollandais. Mme. Bonaparte, une Espagnole, métisse d'Anglais. M. "\Valewski, un Polonais. Mme Walewska, une Italienne. Il est vrai que ces étrang ..rs traînent à leur suite ~ne quantité suffisaute de Baroches et de Troplo11gs pour fournir à la presse et à la bourgeoisie anglaises quelque raison de croire que le peüple français est sinon le complice, au moins le complaisant muet de cette farce comitragique. Car il ne faut pas s'y méprendre : l'aristocratie anglaise pleure d'être obligée de sourire à ces parvenus; l'armée anglaise pleure sa vieille réputation perdue en défilant <levant ce figurant d' Astley, la Bourse pleure en éventrant ses sacs d'écus à la suite de ce chercheur d'aventure qui, voulant faire la guerre, avait dit au commerce : "l'empire c'est la paix!" Le! lampion lui-même, 1e lampion stupide, trahit les angoisses du comÏnE:rce anglais. Tandis que les perruquiers français, les parfumeurs français de Regeut 8treet illuminent Jeurs maisons, Oxford Street, la me anglai~e par excellence, est roîre connne une t:nnbe et n'exhibe pas le moindre chiffon tricolore. C'est que l' Anglais de Londrès, ce travailleur devenu négociant, sent hien qu'au fond le Bonaparte exécute en ce moment son invasion du territoire anglais. Il sent que ces honneurs souverains, cette jarretière exigés à la pointe de l'hypocrisie, auraient pu l'être à la pointe de l'épée, à la tête de l'armée de Boulogne, quand l'armée anglaise a été disparaitre ·en Crimée sous le canon russe et le vlau de campagne élabor6 à Biaritz. John Bull est connu pour ne pas dire ce qu'il pense et pour en penser plus qu'il n'en dit; aussi, se réèrie-t-il sur la fraîcheur de Mlle Castagnet, pour cacher la rage intérieure que lui cause cette entrée triomphale <les vaincus de Waterloo dans le domaine de l'Empire britannique. L'ancieJt constable de Pall-Mall, le locataire de KingStreet, le chevalier d'Eglington, l'habitué des hôtels· de Haymarket, a exigé une réception plus solennel,le que celles qu'on a faites à Louis-Philippe et à Nicolas quand ils sont venus aussi chercher la jarretière. Louis-Philippe était un vieil ami de l'Angleterre, il était de bonne maison, 011 l'a laissé tomber sans lui accorder un regret: Nicolas était un allié de fondation, un prince modèle, un autocrate qui tenait l'Europe orientale dans un éta,t d'infériorité industrielle et morale avantageux à la production anglaise, on a cependant refu~·é de partager avec lui les dépouilles de la Turquie, on fait sur sa tombe uue guerre à outrance. Bonaparte paiera la jarretière qu'il ramasse dans les neiges de 8ébastopol, dans les hôpitaux de Scutari, et dans le cimetière de Balaclava; il la paiera d'autant plus cher qu'il aura plus profondément, plus despotiquement humilié une aristocratie momentanément atterrée par des revers inouïs, une Cour jetée hors de ses alliancee uaturelles, un peuple qui a négligé l'art de la gu·erre pour tout donner à l'indnstrie et qui n'a pas encore compr1s peutêtre l'affront 11u'il subit en cc moment. Y... LA DERNIÈRE RÉVOLUTION ET SES CONSÉQUENCES EN EUROPE. La population' de Paris avait.Ju~;é la monarchie constitutionnelle, le système impuissant et mensonger de la pondération, ou plutôt de l'annulation des pouvoirs. Ce grnnd événement devint l'étincelle, qni fit éclater les mines dout le travail souterrain embrassait toute l'Europe. Le mot de République, le sou venir imposant de la première Révolution française, la sublime devise" Liberté, Egalité, Fraternité," agirent, comme autant de • courants électriques, sur tous .les penples opprimés. . La facilité merveilleuse avec laquelle une poignéè de républicairls héroïques avait démoli le trône du roi <les agioteurs, remplit tous les révolutionnaires de l'Europe de confiance et d'espoir. r,e tourbillon entraîna même les hommes moins décidés qui, dans les circonstances ordinaires, se. contentent de soupirer timidement après des institutions libéniles. L~ peu pie était apparu de nouveau s.nr la scène du monde, dans toute sa grandiose majesté, mais déployant, malgré les terribles leçons de l'histoire, autaut de générosité que de courage. . D'u11 anfrc côté, la Révolution <lu 24 Février avait déchiré les liens qni foisaï,ent un grand tout des princes de l'Enrope et de leurs satellites. Le respect <lel'autorité et l'affection pour les souven.iins étaient perdus depuis longtemps: l'idée de la puiss{lnce des gouvert1ements s'évanouit, à son tour, devant la réalité des faits. Le grand jour mit au néant la coalition contre-révolutionnaire. La Sair1te-Alliant;e <les rois ébit à l'agoriie : un des anneaux de la chaîne diplomatique était brisé ; chaque natiùn ne se trouvàit plus, momentanément, qu'en face d'n11 seul oppresseur. . . Qu'on ne vienne pas reprocher à la Frànce <le n'avoir 1:1:b,, itnmé<liatement, arboré le drapeau de la Révolution sur le sommet <les Alpés et envoyé les armées de ia liberté sur la rive droite du Rhin: Si tant e~t qu'elle n'ait pas eu généralement conscience <le sa mission de propagande, l'Allemag·ne et l'Italie l'avaient encore bien moins qu'elle, et repoussaient sori aide. La lumière ii'était pas encore.faite, et les peuples s'endormaient aux accents de la lyre pacifique <le Lamartine. Une réQction implacable et effrénée n'avait pas encore donné raison aux révolutionnaires plus clairvoyànt~, qui formaient la minorité du Gou vernernent Provisoire. Certes, la r:ontagion de l'exemple et la confusio11de la vieille diplomatie suffiraient, pour expliquer les conséqu~nces que la- victoire de Février eut dans toute l'Europe, et notamment en Allemag·ne. Cependant, une -autre canse, d'abord inaperçue, nous paraît avoir txetcé l'influence la plus décisive. Nous voulons parler de l'idée sociale, qui surgit sur les-barricades, et qui fut, après le le cri d'émancipatioo poussé par nos vaillants pères <le 1792, la plus gTande et la plus féconde des pensées que la France ait lancées dans le monde. . Et cornmen~ n'en serait-il pas ainsi? Depuis des siècles de ser 1tude et de misère, la portion privilégiée de la société n1esure l'air et l'espace à tous ceux qui, par lt>ur intelligeryce et par leur travail, produisent la richesse et alimentent la vie d~s nations. E:,fin, la Révolution de 89 et sa sœur puinée <le 1~48 sont venues, de leur voix puissante et log1(Jue, appeler à elles tous ceux qui sont chargés de souffrances et de chaînes, et sommer les usurpateurs de rendre aux hommes les droits éternels et imprescriptibles qu'ils tiennent de la nature. Parmi ces droits, celui qui prime tous les autres, parce que tous les autres n'en sont que 10 complément et le corollaire, c'est le droit de vivre, -de vivre, dans l'acception pleine et entière <lu mot, par ·1ecorps, par la tête ~t par le cœur. Le bonheur étant le but de l'humanité, il faut que la vie soit complète pour chacuu, il faut qu'il y ait du' pain et des fleurs pour tous les enfants de Dieu.- Droit à l'e:xistence, - ce qui veut dire droit au travail, droit à l'éducation, droit à la famille - voilà les g;rands mots que la Révolution de Février inscrivit sur sa 'bannière victorieuse, et qui trouvèrent de l'écho partout où il existe des exploiteurs et des exploités. li est vrai qne l'Assemblée Constituante n'admit pas ces vérités dans la Con~titution de 1848, mais il est juste de ne pas oublier que le Gouvernement Provisoire reconnut le droit au travail. , Pour résoudre le problème, on en vint néccs- ~airement à discuter les formules surannées, que les ho_mrr_iedsu passé décorent du nom pompeux <le principes. On se demanda pourquoi la société, puisqu'on la dit si parf;:iite, exige tant de courao·e et d'abnégution de ceux <le ses membres auxqu~ls elle ne don11t1rien en échange, et pourquoi, comme le veut l'équité naturelle, elle ne place pas le droit à côté du devoir! On se demanda surtout, comment on pouvait remédier à cet ordre, ou pour mieux dire, à cet odieux désordre? La voix du canou de Février répondit: ['affran-· chissement social ne peut provenir que de l'affranchissement politique. . Et en effet, le Socialisme ne saurait prendre racme, dans un pays où la libf'!rté reste étouff~e. Pour qu'un terrain reçoive la semence, avec certitude de récolte, il a besoin d'être préalablement déblayé : les germes ne ponssPnt pas, sous les mines, les rouces et les épiues. Pas de Démocratie sans Socialisme, c'est vrai, mais pas de Socialisme sans Révolutio11 ! Lorsque la Hévolutiou aura liquidé la vieille société, et la tâche est rude et iongue, alors seulement l'ère nouvelle sortira des décombres. Quand le fantqme de la servitude se sera, pour jamais, é~auoui devant la réalité de la souver.:1ineté populaire; - quand le peuple, réglant lui-même directement ses destinées, aura fait prévaloir le dr it qui 11aitavec l'homme; - quand l'idéal du o-rand parti révolutionnaire, " la société fondée s~r uu c0ntrat entre toüs ses membres," sera, sans restrictions,' entré· dans le domaine des faits acquis, - quand la .m!sè_r~,et l'ignorance, ces deux tyrans sans merci m p1tle, auront abandonné la terre• - quand le soleil ue se lèvera pl us que sur' des hommes Jébarrnssés de toutes les entraves, ..... ; alors, et alors seulement les véritables réformes social~s J~ourront être réalisées. C'est pourquoi, du moms a nos yeux, les adeptes du o-rand doo·me ?~ la législatior~ ~irecle, contribu~·ont plus° au tnomphe du Socialisme, que ce.ux d'entre nous qui s'inféodent à un système donné, et qui se pasi;ionne91 pour la recherche de l'absolu. Voilà les _vérités que la Révolution du 24, Février fit comprendre anx peuples. 'l'ous ceux qui souffrent et espèrent, en affirmant le bonheur de tous et de chaèun, tous cenx qui veulent chasser la pauvreté, en org·anisant l'éducation, le travail, le crédit et l'impôt, qui veulent transformer et a·bolir le prolétariat, et remplacer l'autag-onisme d~s intérêts par la solidarité, - tous les Républicains sincères vinrent se ranger sous l'étendard de la Révolution Démocratique et Sociale. Voilà pourquoi les ptrnples de l'Europe se soulevèr~nt so_us_lïnitiati~~ de la ~rance. Voilà pourquoi le pnnq1pe de l uisurrect10u, pro'clamé darls les rues dP, Paris, fit, avec la rapidité de la foudre, le tour du monde. ' En Italie, le sol labouré par tant de commotions violentes, tremble partout. A Naples, l'i11fâme .~our?on auquel ses,. (o,rfoits _<levaient acquérir b1entot le surnor~ mente de roi-Bo11tba, est obligé
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