Homme - anno II - n.19 - 11 aprile 1855

L'IlO~1J\lE. NI> ■ Il --- ---•-------------------------------------------------•---- ·monades dnns les résidences royales; à C.iritonHonse; à Osborn, dan~ l'île de \Vig-ht; à ,vindsor où vous trouverez I(•lit de Louis-Philippe à qui vous deYez votre vie et sa bourse, et où la tour de Lancastre vous parlera de Henri l'imbécile, et où la tour d'Y ork vous parlera de Richard l'assassin. Puis ~;rands et petits levers, bals, bouquets, orchestres, Rule Britannia croisé de partant pour la Sgrie, lustres allumés, palais illuminés, haraugues, hurrahs. Détails de vos g-rands cordons et de vos g·râces dans les journaux. C'est bien. A ces détails trouvez bon que <l'avance j'en mêle d'autres qui viennent d'un autre de vos lieux de triomphe, de Cayenne. Les déportés - ces hommes qui n'ont commis d'autre crime que de résister à votre crime, c'est-à-dire de faire leur devoir, et d'être de b,:ms et vaillants citoyens - les déportés sont là, accouplés aux forçats, traYaillant huit heures par jour sous le bâton des argousins, nourris de métuel et de coua~ comme autrefois les esclaves, tête rasée, vêtus de hai!lous marqnés '11. F. Ceux qui neveulent pas porter en grosseg lettres le mot galérien sur leurs souliers vont pieds nus. L'argent qu'on leur envoie leur est pris. 8'ils onblieut de mettre le bonnet bas devant quelqu'un des malfaiteurs, vos agents, qui les gardent, cas de punition, les fers, le cachot, le J. eîrne, la faim, ou bien on les lie, 1 • quinze jours durant, quatre heures chaque jour, par le cou, la poitrine, les bras et les jambes, avec de grosses cordes à un billot. Par décret dn sieur Bo11nard se qualifiant gouverneur de la Guyane, en date du 29 août, permis aux gardiens de les tuer pour ee qu'on appelle" violation de consigne". Climat terrible, ciel tropical, eaux pestilentielles, fièvre, typhus, nostalgie; ils meurent - trente-cinq 1'Ur denx cents, dans le seul îlot Saint-Jose ph - ; on jette les cadavres à la mer. Voilà, monsieur. Ces rnbâ.chag·es du sépulcre vous font sourire, je le sais; mais vous en souriez pour ceux qui en pleurent. J'en conviens, vos victimes, les orphelins et les veuves que vous faites, les tombeaux que vous ouvrez, tout cela est bien usé. Tons ces liriceuls montrent la corde. Je n'ai rien de plus neuf à vous offrir; que voulez-vous? Vous tuez,, on ·me.urt. Prellons tous notre parti, nons de subir le fait, vous de subir le cri; nons, des crimes, vous, des spectres. Du reste, on nous dit ici de nous taire, et l'on ajoute que, si nous élevons la voix en ce moment, nous, les exilés, c'est l'occasion qu'on ehoisira pour nons jeter dehors. On ferait bien. Sortir à l'instant où vous entrez. Ce serait juste. Il y aurait là pour les chassés quelque chose ,1ui ressemblerait ù' de la gloire. Et puis, comme politique, ce serait logique. La meilleure bienvenue au proscripteur, c'est la persécution des proscrits. On peut lire cela dans .Mad1iavel, ou dans vos yeux. La plus douce caresse an traître, c'est l'insulte aux trahis. Le crachat sur Jésus est sourire à .Judas. Qu'on fasse clone ce q-u'on voudra. La perséct1tion. Soit. Quelle que soit cette persécution, quelque forme qu'elle prenne, sachez ceci, uous l'accueillerons avec orgueil et joie; et pendant qu'on vous saluera, nous la saluerons. Ce n'est pas nouveau; tontes les fois qu'on a crié: Ave, Cœsar,ï'écho du genre humain a répondu : Ave, clolor. Qüelle qu'elle soit, cette persécution, elle n'ôtera pas de nos yeux, ni c.les yeux de l'histoire, l'ombre hideuse que vous aurez faite. Elle ne nous fera pas perdre de vue votre gouverneme1Jt du lendemain du co11p d'état, ce banquet catholique et soldatesque, ce festin de mîtres et de shakos, cette mêlée <ln séminaire et de la caserne dans une orgie, ce tohu-bohu d'uniformes débraillés et de soutanes ivres, cette ripaille d'évêques et de caporaux où personne ne sait plus ce qu'il fait, où Sibour jure et où Magnan prie, où le prêtre coupe son pain avec le sabre et où le soldat boit daus le ciboire. Elle ne nous fera pas perdre de vue l'éternel fond de votre destinée, cett-c grande nation éteinte, cette mort de la lumière du monde, cette désolation, ce deuil, ce faux serment énorme, Montmartre qui est une montagne sur votre horizon sinistre, le uuage immobile des fusillades d1J Champ-de-Mars, là-bas, dressant leur triangle noii·, le.s guiilotines de 1852, et, là, à nos pieds, dans l'obscurité, cev océan qui roule dans ses écumes vos cadavres <le Cayenne. Ah! la malédiction de l'avenir est une mer aussi, et votre mémoire, cadavœ horrible, JOulera ù jamais dan:. ses vagues sombres ! • . , Ah! malheureux! avez-vous quelque 1dee de la respoQsabilité des . ~m65 '? Qnel est Totrn len<lemain ? votre lendemain sur la terre? votre lendemain I dans le tomheau? qu'est-ce qui vous attend·? croyez-vous en Dieu? qui êtes-vous? Quelquefois, la nuit, ne dormant pas, le sommeil · de la patrie est l'insomnie <lu proscrit, je regarde à l'horizon I a France noire, je regarde l' é Lernel firmament, visage de la justice éternelle, je fais des questions ~ l'ombrn sur vous, je demande aux ténèbres Je Dieu ce qu'elles pensent <.lesvôtres, et je vous plains, monsieur, en présence du silence formidable de l'infini. VICTOR HUGO. 8 :wril 1855. ------------------------. L'Europe est entrée dans la confusion des conduites et des langues. Les peuples sout en pleine nuit, et les gouvernements eux-mêmes marchent dans l'ombre. Rien de clair, rien de précis, rien <lesûr, ni les pensées, ni les relations, ni les hommes. Quelq~'un pourrait-il nous dire de quel côté, dans deux IBois, souffleront les ,·ents? Voilà la Prusse et voiià i' Autriche, deux problèmes aujourd'hui, demain deux: trahis-0ns : l'une, qui se tient à l'arrière-garde, ne veut pas entrer dans les conférences : elle s'adosse à Pétcrsbourg pour garder le Rhin ; l'autre <1uicraint pour l'Italie, pour l<1,Hongrie, pour sa part de Pologne, fait la tête de Janus : elle signe d~s traités qui ne l'engagent pas ou qui ne l'engagent guères: elle -0uvre des débats et d·es protocoles qu'on ne ferme jamais : elle a sa main lombarde dans la main d11 Deux-Décembre, et sa maiu de Gallicie dans celle dn Czar. C'est la politique des fausses courtoisies et des lenteurs calculées. Qu'en sortira-t-il à l'heure dernière de la crise ? lisez l'hii;toire des Habsbourg et le Mémorial de Saint-Hélène. Quant à l'alliance entre les deux gouvernements de France et il'Angleterre, elle en est· aux premiers ennivrements, mais aux peu chastes amours. Elle va s'ébaudir dans les grandes fêtes, snns sou ci ni des granL morts de l'histoire ni <les morts de Crimée. C'est bien : l'Angleterre apprenclra bientôt cc que valent certains hommes et certains serments. Pauvre nation! elle embauche, à prix d'argent, en Piémont, en .Amérique, en Turq11ie, ponr se refaire une petite armée, et elle n'avait qu'une parole de tribune à jeter dans cc monde pour avoir cent peuples! C'est le plus triste suicide que l'histoire ait connu. Ch. ·Rrn .... 6 avril 185.5. Le gén6ral Wedell, espèce de ministre plénipotentiaire prussien, n'est pas:t:ncore de retour à Paris : il est parti pour Berlin le 31 mars, après une entrevue diplomatique avec !\if. Louis Bonaparte, et d1rns sop sac aux dépêches, il emportait une tJrécieuse missive <les Tuileries. La majesté <le céans daignait répondre, après trois mois, à trois lettres de Frédéric-Guillaume qu'on avait jetées au pania, n'Pspéraut pas convertir la Prusse à l'alliance. Aujourd'hui l'on est moins fier, et voici pourquoi. Le gouvernement anglais, sans s'expliquer officiellemeut et catégoriquement sur l'urgence et la nécessité d'une rupture avec la Prusse a, toutefois, laissé comprendre qu'il ne se laisserait pas entrainer à la légère, dans une guerre continentale. Saus doute, il est forcé de sauvegarder et de défendre pa~ les armes ses intérêts menacés par la Russie, mais il ne vent point irriter contre l'Angleterre, l'Allemagne qui .est un de ses grands marchés.; il a fort pirn dE: goût pou~· un.e ca~pa~He,. ~.ur. le Rhin. qui se ferait au profit de 1 empire, et, s1 l mqu1étai1te neutralité de la Prusse lui est un obstacle t>nOrient, les Français à Mayence seraient bien un autre danger! Le gouverneqient anglais est à ce poi11t décidé sur cette question, qu'il a donné mission à son représentant John Russell <lepasser p·u Berlin en allant à Vienne, et que si les.Conférences sont ouvertes, depuis le 15 mars, la Prusse, comme grande puissance, n'en est pas moins toujours libre de s'y faire rép1ésenter. Gela va plus loin : les instructions de Lord J oh-r-1Russell eont en ce -point tellement courtois~s et prudentes, que ce· foudre de guerre, expédi6 pour .en finir, n.e traVc1illequ'rwx moyens de paix, et que Bonaparte a fait partir M:. Drouin de L'Huis pour tenir, là-bas, haute.s et fermes les con<litions prôposées. Il est vrai que le même jour où il expédiait son commis Artabc1n, il écrivait à son frère d<'! Prusse. Mais, q11ine r·ecorinait là le double jeu de l'éternel parjurt? Il simule, d'une part, des courtoisies qu'il sait inutiles, et, de l'autre, i1 force la main aux alliés, dans l'intérêt de s•!s ambitions et de ses haines. l\I. Bonaparte qui ... mené à bien cette partie, contre le& ré-publicains loyaux et droits, ne la gagnera pas contre les vieux: diplomates <lela Saiute-AlliaHce. On s'aperçvit déjà, que ses ru ses ne lui pro:fitcut gufres mitt;1x, qn'à !.'oncle ses violcnecs, et le grand hypocrite baisse Jans l'opiuron ile celte bourgeoisie corrnmpuc qui ne voit dans la vie tp1e des affaires. Ot\ en est-il, où va-t-il, <lisent ces Talleyrand? il a dépensé l 00 millions, pour le rocher de Bomarsund, et il u'a p·ts entamé une seule des forteresses d11Nord: l'expédition est rentrée, les voiles basses. Au :&ridi,dans six mois, il a dépensé 200 millions, il a perdu cent mille hommes, et il est encore sous les murs de Sébastopol, et pas une porte n'est tombée ! Il se vante d'avoir entraîné la maison d'Autrirhe dans sou alliance, et cette lVhison d'Autriche porte publiquement le deuil de Nicolas, et elle garde, comme son gage, sans avoir combattu, les provinces dauuhienr1es, et pa:r ses lenteurs calculées, plus redoutaùles qu'une francht: aggression, elle condamne l'Anglt:terre et la France à gaspiller leurs forces en Criméè ! Quand ces hommes du veau <l'or commencent à discuter un gouvernement, eux les payens, eux les valets de tons Jes gouvernements, c'est qu'ils ne lui croient pas une vie sérieuse et de bien longnes destinées. Le peuple, lui, souffre beaucoup, et dans ses instincts militaires qui ne sont enc@re que trop ardents, et,dans ses , affections privées qui saignent aux catastrophes de cette guerre où l'on r. déjà sacrifié tant d'hommes inutilement. Les ouvriers des faubourgs disent qu ïl vaudrait mieux. avoir à la hampe des drl.lpeaux des corbeaux que des aigles, pi.1isqu'il n'y a q11e des morts, et ils regardent passer, avec m~pris, tonte cette vaietaille cle Cour, qui voudrait être de guerre, les Cent-Gardes, les Guides, les aides de camp, les pages, bataillons d'appareil, qui promènent leurs brillants uniformes en d'innocentes revues. Il y ~ eu tournoi de sacristains, cette semaine, et Paris a ri. M. Montalembert accusé, nous devrions dire glorifié par le frère Veuillot, d'avoir anathématisé la liberté dans l'affaire du Sunderbund, ii'I. Montalembert s'est fa~hé comme un Odilon, et il a requis, en vertu des lois de Septembre, l'insertion entière du discours cité, mais falsifié par l' Univer.~. Cet homme des conseils secrets de l'Elysée pendant la Présidence, cet accusateur général de la liberté, lorsque la guettaient le:- dssassius de Décembre, revendiquant aujourd'hui la défense de la iiberté ! C'est le dernier scandale de la parole, et nous aimous mieux le hideux Veuillot, accroupi dans son bénitier aux vipères, et <lelà jetant sur le siècle qui passe, ses cyniques apologies -de· la roue, du bûcher, des- saints massacres. Celui-là du moins rend un service; il fait vivre ics saints mépris et les chastes. horreurs da11s la conscience humaine. Il est l'araignée, la grosse ara.ignée de rornbre et de la voûte catholiques ! . M. Louis Bonaparte est aujourd'hui, dans l'enivrement. Il peut, enfin, venger les griefs, les humiliations, les douleurs de ces jours d'exil, où son étoile allait, chaque semaine, en marande, chez les pawnbrokers de Londn::s. On tapisse, ou dore, on peint, en son honneur, dans tous les palais royaux de l'Angleterre. On veut renouveler plllur lui et pour madame Eugénie le camp du <lrap d'or. Les salons disent, ici, que madame Tnssaud, qui est le Curtius femelle des trois royaumes, désirerait offrir à la majesté, les petites reliques de Sainte-Hélène, qu'elle avait achetées, jadis, en <lesttmps moins prospères. Les tapissiers, peintres et doreurs travaillent aussi pour le couple, en Orient ; à Constantinople, à Scutari, dans tous les palais du Bosphore, on badigeonne. Peine perdue . La campagne d'Orient n'aura pas lieu. La peste fait peur! C'est grand dommage, en vét'ité, car la dame impériale, (style anglais) devait pousser jusqu'en Palestine et visiter le Saint-Sépulcre. Quel magnifique exemple, pour la Catholicité ! Ces gens-là ne respectent rien, pas même !es tombeaux. L'opinion publique est lente à se former, à se relever. Toutefois, de jour en j.our, les sy ptômeséclatent et se multiplient. Voici eutr'autres une chronique de département insérée clans la Presse du 5 avril. Vendredi 30 mars, un service funèbre a été célébré. en l'église paroissiale de Clamecy (Nièvre), pour ·le repos de l'àme d'Alexandre Dominique Guerbert, décédé le 4 janvier dernier, à la Guyane française, où il était transporté pour cause politique depuis 1851. • Une foule compacte de personnes de <liverses nuances d'opinions assistaient avec recueillement à cette pieuse cérémonie. M. Guerbert laisse uue jeune veuve et trois petitil orphelins dignes d'intérêt. J. J. Voici encore un mort; voici encore un assassinat. - Qu'avait-il fait ce martyr, ce Guerbert qui vient de s'éteindre sous le soleil tropical, au milieu des forçats, et forçat lui-même? il avait, en 1851, accompli le devoir le plus sacré du citoyen: il avait <léfen<ul la loi. • Le journal la Presse dit qu'on l'avait transporté pour ca1~sepolitique. Ne croirait-on pas qu'il s'agit ici d'u11enuance Barrot ou Dufaure '? La cause politique, en 1851, était grande comme une civilisaqoo sou verni ne et libre ; c'était le respect <le la foi jnrée, dn serment; c'était la moralité h!1maine qui est plus haute et plt1s sacrée que les sociétés et le~ gou'-:,emements.

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