Homme - anno II - n.18 - 4 aprile 1855

:30 mars 1855. Il n'y a pas un •seu1 journal françai$ qui ait osé parler jusqu'ici, des visites domiciliaires scanclaleuses et -des arrestations sans nombre que la peur bonapartiste a multi- ,pliées, <lepnis trois semëines. D:rns Paris, les écoles ont été décimées, à propos <lu professeur Sainte-Beuve et pour venger la rlignité de ce ,<lrôle. ' 'Dans le faubourg Saint-Antoine, à la suite d'une pe·tite échaùffourrée <le femmes bientôt compliquée de luttes avec 'la police, on a brutalement envahi les maisons et la Préfecture-Jérusalem a vu pass·er en huit jours, dans son dépôt, enfer immonde, plus de trois cents personnes, i-ndi11idus mûles 01t femelles, comme le dit si bien l'ex- •citoyen Piétri, cosaque en chef <le l'Empire de:.; voleurs. Voilà donc, <le 4 à 5 cents éitoyens, privés <le leur liberté, ruinés clans leur industrie, et laissant la misère à leur foyer. ... Pourquoi ? Pour la vanité d'un cuistre où parce qu'il y a clésespoir, désesp,,ir <le la faim, dans les masses! Et la 11resse ne dit rien, et cette violation mor'istrueusc non pas des droits <lephilosophie, mais <les rlroits de civilisation, de liberté, cle sécurité, elle la passe sous silence. C'est par ordre dit-elle: par ordre? Et si <lem,tin vous recevez "injonction d 'assassintr vous-mêmes, vous le ferez donc? Ah! la presse qui laisse <le tels crime, passer im1,unis et sans protestatiou, la presse qui ne s'i1{q11iète, ni -des foyers vides, ni ùes familles décimées, ni des veuves, -ni des orphelins <le la tyrannie, 11i des priso11niers, ni -des morts , cette presse est plus làche que le <lestiotisrne luimême. Il faut briser sa plume quand 011 ne peut éclairer ni défendre! • Le pays tout entier est dans le deuil. La conscription lie les gerbes .humaines, et les exemptions légales ne sont plus que mensonge et moquerie. De par l'autorité supérieure l\HL les préfets font leur choix d'hommes dans le contingent : c'est le lot <le la cavalerie. Le reste rst incorporé dâos l'infanterie de ligne, et cet ~mpire-paix aurait mieux fait d'abolir le tirage au sort, pas un c,rnse:rit n'échappant. 8oyez certain, qu'avant six mois, nos départements du Centre et du :Miài ne seront plus qu'une fourmillière de guérilléros, et si l'on vous parle de la Jacquerie, <lites l1ardiment qu'elle n'est pas lûiu. Chaque jour !'.Empire la fait : 1lonapartc qui rêve (le pauvre homme !) les destinées de l'autre, sauf Ste.-Hélène et Waterloo, le Bouaparte de J)écembre va.jeter, cnc,ore, 50 mille hommes en Crimée. Le thypus et le choléra les attendent ! On n'en reverra pas cinquaute, et cela se <lit et cela se sait dans nos campagnes, comme dans nos villes, et voilà pourquoi l'on ne trouve plus de remplaçants. La chair à canon coftte, par individu, par bouchée, six et sept mille francs, comme après le désastre de Moscou ! Les petits bourgeois qui rêvaient leurs cadets-substituts, commencent à. réfléchir. Ils ne paiero11t pas longtemps ! L'espérance, la dernière espérance des habiles cln parti bonapartiste, est d:-tns les éterneb travaux de Paris. Le chef de l'Etat, comme ils l'appellent, fait démolir des rues entières. élargit les places, exproprie le commerce, les industries et les ateliers qui contrarient ses alignements. Il veut <1uela scie, la truelle et le marteau jamais 11c reposent. N'est-cc pas, en effet, le corps clu bàtiment qui compose la principale phalange des travailleurs de l)aris? Qu'ils travaillent donc tandis qu'on danse aux Tuileries : quand reviendra l'hiver, les gens <le l'Allier et les gens <le la Creuse emportant quelques épargnes clans leur escarcelle, s'en vont clans les communes du centre glorifier la politique du grand maçon, père du peuple. Te1le est la combiHaison des hommes d'Etat cléccmbristcs qui s'engr:.iissent~ eux, <les millio11s versés au b-udget par l'universel travail de la France .. Mais la médaille du maçon a son n,vers, et la ville cle J?sris, qui paie le1, frais de ces merveilles babylonienues, est aujourd'hui condamnée à faire un nouvel emprnnt. Quand elle sera renouvelée, la ville de Paris ne s'appartiendra plus ! Faillite cle l'Etat et faillites de-s villes, voilà l'impériale solution. A L'ARMÎ:E Pif.:1fONTA18K Soldats Piémontai~, Quinze mille d'entre vous vont t:tre diportf:s en Crimée. Pas un d'eux peut-être ne reverra sa famille. Le climat, l'absence de routes, la difficulté cles ~pprovisionnements sur une terre déjà épuisée par les armées et qui ue peut se ravitaille\° que par la voie incertaine d'une mer tempétueuse, difficile, tout vie11t y frapper <le mort ceux qu'épargne la lance ennemie. De 04,000 a11glais qui ont quitté lc11r pays, 40,000 'déjà. ne répondent plus ù l'appel. Peu ile jours après le -:ommencement rlu siége où l'on vous traîne, le :50Jdat était réduit à dcmt-nttinn. Telles L'll O )J il! E. sont les soufirances, que l'insubonlination et la révolte rompent les raùgs des soldats français d'Afrique, les plus forts ,et les plus e11<lurcis. La <lésorganirntion du camp en est venue à un tel point, que le peuple anglais, ému de ce honteux spectacle, a cléjil. renversé un ministère sans pouvoir y apporter remède. , • Campé derrière ses murs et <les positions imprenablessi ce n'est pour <les forçes gigantesques, pourvues ,le moyens puissants - l'enm:rni contemple la lente et inévitable <les.truction des assiégeants, et 11eles attaquera que lorsqu'il verra la victoire certaine contre des bataillons décimés, épuisés <le longues fatigues, et privés de cette confiance qui peut seule amener le triDmphe. Vous n'aurez même pas rhonneur de la bataille. Vo,1s mourrez sans gloire, sans une auréole de faits brillants qui apporte à ceux que vous aimez une dernière consolation. Vous mourrez par la faute de gouvernements et de chefs étrangers qui, délaissant en haine de la liberté <les nations, l'unique point vuh1érable tle la Russie, la Pologne, s'obstinent à confiner à l'uue des extrémités de l'empire, sur un petit espace de terre resserré enlre la mer et l'ennemi, une guerre dont la seule issue possible est un massacre. Pour servir celte fausse entreprise, corn;ue par des étrangers, vos os blanchiront foulés par le cheval du -Cosaque sur une terre lointaine, où aucun des vôtres ne pourra les recueillir et veus pleurer. C'est -pour ceb 11uc, la douleur dans l'âme, je vous appelle déportés. Vous p.:rtez, non en guerriers confiants_ en votre courage, soutenus par les applaudissements de leurs frères et <le Dieu protecteur de la bo11ne cause, mais en victimes consacréts pour une gnerrc qui n'est pas la vôtre, pour uue terre qui n'est pas la v~trc, sous les ordres de gouYernements qui ne sooi pas les Yôtres. En quittant l'Italie, va.us pou\·ez dire comme les gladiateurs du cirque: Salut, César, ceux qui vont mourir te saluent .' Vous a-t-on dit au moins pourquoi, pour qûi vous allez à la mort? Vous a-t-on dit le nom du César à qui vous envoyez rntre dernier salut? Ce n'est pas à votre patrie - lt cette patrie telle qu'elle est aujonrd'h11i , il importe peu que les intérêts mercantiles ùe l'Angleterre soient ou nun lésés par l'usurpation russe en Orient; il importe peu que le Bosphore ou la Turq11ie <l'Europe aient quatre maîtres au lieu d'un. - Ce n'est pas voti:~ gouvernement - votre gouvernement n'a reçn ancune offense du Czar, et jusqu'à ce jour, ses relations avec la Russie ont été tout amicales. Le César à qui vous envoyez votre dernier salut, c'est le César d'Autriche. La France et l'Angleterre voulaient à tout prix avoir l'Autriche avec elles. En signant le traité du 2 clécembre, l'Autriche a demandé - ou la diminution <le l'armée sarde - on l'occupation de Yotre Alexandrie -ou l'envoi de 20,000 piémontais en Crimée. Votre gonverncmeut a accepté !a troisième condition. Le chef du ministère, marchandant vos vies et l'honneur de la nation, avouait luimème à la chambre que les projet.; de traité ne datdient que du l O ou dn 12 décembre ; et pour se sauver de cette date r1éfaste, il excipait eu balbutiant <le lettres antérieures de gouvernement clema11dant l'alliance du vôtre - lettres perdues ! L'Autriche vous craint. Elle se rappelle les faits de 184G, aussi glorieux pour vous que honteux pour vos chefs ; elle sait que quand vous serez conduits par des hommes purs, capables et énergiques, le salut <l'une nation entière, celui <le la patrie Italienne, sera à la pointe <le vos bayonnettes. Elle sait 'lue Je pays es~ frémissant, qu'il peut :;e leYer, que vous êtes une de ses plns chères espérances pour l'insurrection. L'J\.utrich~ avait besoin de, faire disparaitre cette espérance ; elle avait besoin de faire disparaitre cette espérance; elle avait besoin de jeter, par l'abandon, le découragement clans le cœur des homm~s dévoués au pays ; il lui fallait som,trairc le Piémont à l'Italie, - vous montrer à la nation et à l'Europe comme des hommes désespérant rle la Patrie et d'euxmêmes, - vous av'1lir par une alliance avec son drapeau; il lui fallait, - pour le cas où ses chefs et ses anciennes tendances viendraient à changer tout à coup sa politique d'aujourd'hui, et à réunir ses armées à celles du Czar daus une pensée commune de croisade despotique, - vous tenir éloignés, laissifnt sans défense vos terres et vos maisons. Tel est le vrai sens du traité qni vous envoie en Crimée. Il y a trente-quatre ans, quand Charles-Albert, prince, trahit, en fuy,rnt dans le camp ennemi, les promesses solennelies par lui faites à vos pères qui criaient : liberté et guerre à l'Autriche, le gér1éral Bubna le prtsenta iro11i- <Jnemcnt à son état-mnjor en disant: Voici_le roi d'Italie. Aujourd'hui, l'Autriche \'Oti"drait aussi montrer à l'Europe, nlliés à sa bannière, et <lire ~ Voilà les l-ibérnteurs de l'Italie! Soldats Piémontais, accepterez-vous froidement cette honte ? ' Oui ; il est <louleureux de le dire, on en rougit, voüs vous y soumettez. Une erreur fatale, honorable pour votre cœur, mais non pour votre intelligence, domine votre esprit. Vous avez juré foi et obéissance à votre souverain ; vous vous croyei liés à suivre ses ordres quels qu'ils soient. -C}uels qu' i,[3 soient . 1 Que Dieu repousse cette 'indigne parole. Vous étes donc <les esclaves et non des citoyens ; des maehincs et nt,n des hommes, des bourreaux et non <les , scilclat~, uo!1 de~ gncrriers dévol'lé!i :'t la plus belle mission qui se paisse imaginer, celle ,lé donner son sang et sa vie pour la liberté et l'honneur dn pays. • Nou, vous n'avez pas prêté serment :1 un homme; vous ne l'auriez pu sans renier votre indépe11ùauce. Vous avez pr~té serment à Dieu, père du juste et du vrai; vous avez prêté serment à la Patrie, d'exécuter la loi partout où elle vous appellern; vous avez déclaré que, parmi les professions imp<1rties aux enfauts du pays, vous choississiez celle de:, armes, prêts à protéger vos frères et la terre natal~ co11tre quiconque oserait attaq11er leurs droits, le1.tr prospérité, leur croyance. Vous avez juré, entre les mains de celui qui, à ~e moment, suivallt l'ordre l'orclre établi, représentait la Patrie ; mais c'est à la Patrie et non à lui que mus .avez prêt(_. serment. Lui-même, en montant au pouvoir, a prêté le même sermeut que vous ; s'il trahit ce serment, le Yôtre reste et vous devez l'accomplir contre lui. L'homme n'est (JU'nn symbole <lu pays. S'il meurt ou trahit, le pays ne mturt pas, lui, et vous ne pouvez le trahir. Si vous entendez autrement votre serment il n'est plus une religion, il drvient une idolâtrie. Vou; êtes alors, non les gardiens armés d'une sainte banniêre et de la terre qui vous a vu naître, mais les misérables sbirres d'un cc.1priceétranger, ·égorgeurs ou égorgés, esclaves claus tous les, cas. Vous portez au front le stigmate d'un servage effac(> du front <les autres par la relia-ion et ' b la civilisation. Ah ! si l'un de vos cl1efs comprenait la grandeur de la mission dévolue à une arm e nationale - s'il sentait que l'uniforme dont il est revêtu n'est point une livrée de mercenaire, mais un signe d'honneur, u11dépôt sacré confié par la Patrie à ceux <Jlli doivent lui garantir la paix libre de l'intérieur et l'inviobbilité de ses frontières - Cet homme, se faisant votre interprète à tous, dirait à son roi : " Sire, nous aimons le danger et nous ne craicrnons pas la mort. Nous l'avons prouvG il y a peu cl'annGe~ à Volta, à Goito, à Custosa ; nous l'aurions prouvé sous les murs de ~Iilan et de N-0varre, si de tristes hommes et de tristes conseils n'avaient égaré l'esprit de celui qui gouvernait. Mais notre épée n'est pas une épi:>ede Condottieri. Kous avons juré de cornbattre pour la Patrie et pour vous, partout où vous voudrez nous conduire pour le salut et l'honneur du pays. Nous tiendrous ce serment. .l\Iais, sire, on 11e combat pi.ls pour l'Italie, en Crimée. On s'y bat sous le prétexte de protGger l'indépendance chi l'Empire ottoma11, mais en réalité pour les intérêts mercantiles de l' Anilleterre et pour les projets politiques de l'empereur O de :France. Nous ne donnerons pas notre sang pour maintenir la domination d'un petit nombre de sectateurs de Mahomet sur nne majorité chrétienne; nous ne la donnerons pas poùr sauver du péril la suprématie maritime de l'Angleterre, ou pour accroître par le prestige de la victoire la force de celui qui s'est fait un trône des cadavre, ile ses frères et qui représente le principe russe dans l'Europe occidentale. Vos ministres nous disent que cette guerre est une guerre de civilisation. Sire ! ils nous mentent et à vous aussi. Les Alliés réclament nos armes comme ils tentent d'enrôler des ::iuisses, des Portugais <les Espagnols dans le seul but l'empêcher que la cruerre: par l'interventi-011 <les.nations opprimées, ne <levien~;e une croisade de liberté contre le principe qui fait la prns·sance d11 Czar. Ils ont mendié la fraternité de l'Autriche et repoussé celle de la pauvre et sainte Pologne. Sire ! nous com?attrons_ avec bonheur côte à côte avec les légions polonaises, mais nous ne pouvons serrer la m"in des Croates; nous ne pouvon1; associer la ba1111ièretricolore de l'Italie à celle quf; souille le sang des défenseurs de Rome. Sire! n'exigez pas cela de nous. Dissolvez, tur·z la milice italienne; ne la déshonorez pas. " 8ire ! ce n'est pas la guerre qui fait la gloire des armées; c'est le but, c'est la sainteté de la guerre. A quelques milles de nous, à nos frontières, est le laurier le plus beau qui puisse couronner le front de vos soldats; pourquoi ne nons envoyez-voris pas le cueillir? A: quelques milles de nous, sire, d'un côté et de l'autre de nos frontières les hommes des terres Toscaue, Romagnole et Lombarde gémissent sous le bâton autrichien. Ces hommes sont nos frères, ces terres font partie de l'Italie, notre mère commune; leurs oppresseurs sont précisément ceuxlà i;ur lesquels vous et nous, nous avons des hontes et des défaites a venger. Sire, Sire! c'est là que doit être notre camp si vous voulez entourer vos armes d'une auréole <l'honneur. Criez-nous : en avant au nom de la Nation et avec la J.Vation, vous ne nous trouverez pas hésitants. " Sire! depuis longtemps des milliers d'hommes ont l'œil fixé sur nous comme sur les garants d'1111e victoire rapide aux jours <lu danger. Nous ne voulons pas être coupables d'avoir désillusionné leurs âmes; nous ne voulons pas qu'ils puissent nous jeter à la face Ja malédiction de Caïn et nous appeler déserlenrs de l'Jt,.ûie, alliés de l'Autriche. Ct n'est pas en nous envoyant à Sébastopol qu'il fa11t nous crier pour la troisième -fois à la rescousse. Ce cri, nous l'attendons, frémissants de désirs, de vous ou de Yotre peuple, ici, snr cette terre que nous devons reconquérir ù. la liberté, face à face avec les armées autrichien 1;es et non à côté d'elles." Je nd sais qul'lles seraient les conséquences immédiates cl'un vareil langage, mais je sais bien que llhommc qui oserait le tenir, ouvrirait une nouvelle ère de conri:rnce 1 entre la Nation el l'armée Piémontaise; je sais que les mères italiennes, que !es enfaut~ des enfants en Italie r transmettraient avec respect son nom aux générations 1 futures.

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