Homme - anno II - n.17 - 28 marzo 1855

, -SCIENCE.- -SOLI DARI'fÉ.- JOURNALD.E LADEMOCRATIUENIVERSELLE. N° l 7. MERCREDI, 28 l\iIARS l 855.-2e Année 1 (Jersey), 1!), Dorset Street.-Les manuscrits déposés ne seront I ANGLETERRE ET Cor.oNrEs: pas ren;!us. - ON s' ABONNE: A Jersey, 19, Dorset street. - A Un an, 8 shillings ou 10 fran es. Londres, chez .\L STANISLAS,10, Greek-street, Soho Square.-A Six mois, 4 sh. ou 5 fr. (:4• Joui•nal ,,~a•ait une f,n,is 1sa1• !Jennaiine. Genève (Snisse), chez M. Cor~at, libraire, rue Guillaume-Tell. -1 Trois mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. Poun L'ÉTRANOF.R: Un an, l 2 fr. 50. Six mois, 6 fr. 2-5. Trois mois, 3 fr. 50 c. Toutes lettres et correspondances cloiv(•nt être affranchies et BPlgique, chez tous le~ libraires. - A llfadrid, chPZ Casimir eu AQUENUMÉRO: '.a'ous les abo111ne~ne11• i.e 1•aSe111t d'a,•n.n~e. adressée~ an bureau de l' Imprimerie Univer~elle à St-Hélier Monnier, libraire. 3 pence ou 6 sous. LES DEUX CONGRÈS DE VIENNE. I. Il y a quarante ans de cela, Vienne était en fête: la sainte-Alliance y tenait table ouverte et rédigeait, entre cleux festins, ces fameux trnités ie spoliation et <leviolence qni sont encore aujourd'bni le dr ;Ït p11blicinternational de l'Europe. A ce congrès assistaie:1t les plénipotentiaires de Pru:,se, d'Autriche, d'Angleterre et de Russie, sans compter les petits Barons qui tenaient pour le/ petits gouvernements. La France y était, aussi, vaincue, humiliée, dépouillée et représentée, ·- dernier outrage! - par nn •ralleyrnnd, par un homme qui boitait du pied et <lel'honneur. • L'Angleterre, alors, était dans toute sa gloire ·et partageait avec la Russie l'inflnence suprême et décisive. L'Autriche et la Pruss~ n'étaient elles-mêmes que des comparsesQue fit l'Angleterre? Oubliant les nations qui l'avaient si bien servie dans les dernières g·uerres, elle distribua les terrihires, organisa les royaumes et parqua les peuples à sa guise ou à la convenancé\ des gouvernements. Elle n'eut un respect, un souvenir, un mot, ni p•>urla liberté, ui ,pour les peuples, ni po:l!" les patries. Toute sa politique étr1it concentrée sur lu France abattue, blessée, mourante, et qu'elle aurc.tit voulu morte. Or, ne la pouvant tuer, elle ]a g-arrota dans son agonie. •• De là, le royaume des Pays-Bas fondé, la lig-ne du Rhin confisquée, la Pru.:;se à Strasbourg, les fortifications rasées, l'Allemagne ceutrale en confd<lération et massée, comme une arméé profonde en bataille. Ainsi mu1ilée, g:m1ée, surveillée par les avantpostes de la Sainte-A!liauce, la gra11de vaincue de ,vaterloo n~ pouvait ag·1r <le long-te:hps, et l'Ano·leterre, tnwquille en sou nid de l'ouest, voyait devant elle toutes les mers et toutes les ambitious ouvertes. ·C'était là so~ idéal, son rêve. Mais la grande politique n'est pas telle des petits c~lc~ls, et parfois, i! sort <les plus savantes combrnmsons toute une série d'événements qni les renversent. C'est la log·ique de justice qui intervient et trouble les chançes. • V oyez, dans le siècle, le3 résultats des traités de Vieune. un pen moins tranquille et fière, pourtant; elle porte le deuil d'une armée - et quels sont les alliés assis autour du tapis ve,rt? C'est l'empen ..u. r d'Autriche, un ami forcé des Czars, un déti·ôné qni courait hier les chemins : c'est l'hypocrisie trdditiounelle des Hapsbonrg, condamnée quand-même à l'allia11ce russe par les rév,ilutions qu'elle surveille et qui la menacent. C'est la Turquie, force épuisée qui se débat en d'héroïques convulsions, mais qui en est au dernier sa11g·.C'est la Sardaigne, un appoint du cirque, c'est, enfin, M. Bonaparte, le nom de Waterloo, M. Bonaparte - la trahison, M. Bonaparte - le faux serment. Oh ! les magnifiques et loyales alliances que voilù, et combien l'Angleterre doit être tranquille, entre !'Iscariote de France et le sohi11xd'Autriche! Secondée par la Prusse qui fait la neutre, pour garder l'Allemagne, et secr&tement appuyée par l'amitié forcée des Hapsbourg, la Russie consent à négocier avec la Fran"e et l' A.ng·leterre : elle ouvre donc les Conférences qui jamais ne finissent et les protocoles qu'on ne ferme jamais, - elle attend le choléra pour sa campa~ne d'été! 1 - Mais des quatre points en litige deux ·sont déjà votés, dit-on, et les deniiers passero_nt demain? Ce soi,'lt là thèses de Bourse, hâbleries de correspond.rnces et paroles au vent. Sébastopol qui n'est pas encore entamé tomberait-il comme J ericho, et l'armée russe en Crimée serait-elle anéant.ie, jamais la politique des Tzars n'accepterait les deux derniers points de l'alliance. Ce serait désnonorer un~règne qui s'ouvre et reculer d'un siècle sur le plan de Pierre. En ces données, la paix est un rêve. ... La Russie s'amuse à Vienne, tandis qu'elle use en Crimée les forces et les trésors de l'Occident : pourquoi ne pas négocier, sauf à ne pas conclure? Cela fait g·agner du temps et les fléaux arrivent 'qui passsent sur les flottes, sur les armées. Cela ne cottte rien et la besogne de la mort ne fut jamars mieux faite ! Est-ce que l'Angleterre pourrait aujourd'hui fournir une seconde armée comr:ne celle qu'elle a perdue? Non. Donc il y a bénéfice à négocier avec el!e, à traîner en longueur la gnerre. Plus tard, quand la gTande île sera bien affaiblie, bien épuisée d'hommes et d'argent, on fera des propo~ sitions à M. Bonaparte, on l'appellera mon frère, et la trahison alors éclatera daus toutes ses cyniques m<1g-nifièe11ces. l'rf. de Morny, qui a la ~orde et les millions, a caYalièrernent et de tous points confirmé la version du Bourgeois, eu sorte qne tes illustres en sont, comme de3 palefreniers, aux grossiers démentis des guinguettes. M. Chan;;arnier a pris la parole à son tour, et de rude main soutneté l\I Bonaparte clans son lieutenant: " Je donne, a-t-il dit, le;lé- ,, menti le plus complet aux deux premiers personnages " coalisés pour dresser ùn picdestal à l'mi d'eu.:c, et " cctlomnier tes victimes de la violence et de la four- " berie" ....... et de deux. Le débat est bien posé, eommr-!vous voyez et la qucrt'lle peut devenir violente. On dit en effet, que les amis cle M. de Morny l'engagent à demander ou rétractation on réparation par les armes. On parle même d'une parl'ic carrée, clont les acteurs-doublures sern.ient.ill. Thiers et Véron. 111:.iisle rlocteur et M. de Morny n'aiment guère ces jeux de la force et du hasard, qu:rnd leurs personnes sacrées y sont crigagées, et la majestf: des TLii!eries ne permettr·t point que· le président de son Corps Législatif aille se commettre avec un proscrit à l'étranger. - 8oyezen certain : il n'y aura pas effosion de s1tng. Qu'y a-t-il de nai, maintenant, dans la chronique origine et cause de ces démentis? Il vous souvient, s,tus cloute, de h journ~e dn ~9 janvier 1849. ! .'association de propaga11cle, ay:rnt pour titre: la Solidarité républicaine eut, cc jour là, ses bureaux fermés, ses registres saisis et quelqnes-uns de ses agents emprisonnés. M. le géné;-al ChaHgarniêr était, alors, chef de la force militaire dans Paris et quasi-dictateur ; il avait l'oreille des chefs de la réaction; il, protégeait le ·pré:;idcnt et jon:1it au Monk avec les royalistes. Les opinions et les Ïl?térêts ligués clans le Parlement contre la République de Février voyaient en lui leur homme d'exécution, et cherchaient ù. l'entraîner. Y eut-il, en ce moment de crise, une ou plusieurs conversations entre les chefs pour supprimer la Constitution et relever soit la royauté, mit une dictature transitoire comme celle dn gér;éral Cavaignac? ou bid'rl. y eut-il complot, véritable complot, comme le <lit M. Véron qlii cherche à justifier, par ce précédent, les trahisons de Décembre? • Nous n'avons pas de preuves officielles pour t'.!tablir 1a conspiration de fait, et l'exécution n'ayant pas suivi, le bénéfice du démenti reste acquis à. M:l\I. Changarnier et Thiers. ' Mais quant nux hostilités de la réaction parlementaire, Les peuples que l' Anglete;-re au jour de sa puissnnce avait oubliés et méprisés, ont plusieurs fois brisé les digues. La liherté trahie s'est vengée par des révolutions, et ces révolutions de plus ' en plus s'étendent à chaque nouvelle marée, et l'aristocratie britannique ne dort pas mieux, en Europe, que les mo~iarchies ! L'Angleterre croyait avoir abattu la France pour des siècles, et, tout entière à sa haine, elle ne voyait pas que la Russie, si bien partagée par les traités de Vienne, bénéficiait plus que tout autre de nos misères. de notre ùéc~dence, qu'il n'y aurait plus d'équilibre en Europe, et que tôt ou tard, le désert-fourmilière déborderait en Orient. L'Angleterre, en 1815, a trahi les peuples pour les gouvernements. L'Angleterre, en 1855, oublie _les peuples, pour s'allier aux parjures. . ~ contre la Révolution et contre la Constitution, les ruines de Rome soat là qui parlent assez haut, ainsi que la révision demandée et la loi du suffrage restreint votée. Des conversations fréquentes out donc pu avoir lieu pour l'attaque immédiate et la suppression violente des pouvoirs établis. Quand le parti royaliste est le maltre, il n'a pas de très' grnnds scrup'ules de légalité, comme chacun sait, et, M. Tniers qui parle de sa constante modératio11 devrait bien se souvenir qu'il fut en l 832, après la barricade St.-1\-Ierry, l'un des promoteurs et des défenseurs les plus acharnés de cet état de siège qui n'est au· fonrl que la violenée armée. • Notre opinion est donc, que s'il n'y a pas eu complot arrêté, c'est parce que les royalistes et les impérialistes qui se partageaient alors les forces et le gouvernement, n'ont pas pu s'entendre. C'est que les rivalités de succession empêchaient l'effort commun. Quelle leçon ! L'Angleterre croyait avoi1· tué la France, et c'est la France qui, dans sa misère, aujourd'hui, lui prête des armées. L'Anc.rleterre avait livré l'Europe à sa grande alliée d~ 1815, et c'est elle que l'Angleterre trouve, aujourd'hni, sur le chemin d€r.,Indes. Voilà les résultats des premiers traités dt~ Vienne: cela valait-il l'oubli <les peuples et le mépris <lesprincipt'S '? II. Un nouveau congrès vient de s'ouvrir à Vi~nne, non plus, cette fois, pour régler des partages et distribuer les butins de la grande guerre, mais pour arrêter l'insatiable ambition du Czarisme et rendre à l'Europe une paix sans justice, sans dignité, sans honuenr, la paix bâtarde des quarante dernières anné<'s. L'Angleterre y tient sa place comme autrefois, Deux fautes, deux crimes: elle en sera pnme, et le chütiment n'est pas loin ! Charles -RI BRYROLLE5. CORRESPONDANCEPARISIENNE. 24 mars. L'événement, le grand événement de la semaine, est tout entier dans les aigres correspondances échangées entre les Véron et les de .Morny d'une part, et de l'autre, les Thiers et les Changantier. L'auteur des Mémoires d'-un Bourgeois de Paris voyait avec douleur son édition re.;ter au magasin 'et sa vieille réputation de spéculateur heureux s'en aller en fumée. Si nous faisions du scandale, a dit M. Véron, comme l'autrt! avait dit autrefois : si nous faisions des généraux ? Alors on a tiré du portefenille-bourriche, la fameuse note qui portait le complot des chefs de la réaction _en 1849, et l'on a lancé la bombe dans le camp des dupe:; de Décembre, bien certain, d'ailleurs, que la police n'éteindrait pas la mèche, puisque le crime révélé devait faire diversion aux crimes des Tuileries. Le coup, en eff;;t, a porté. M. Thiers a déclaré le récit mensonge, ajoutant, d'ailleurs, avec mélancolie, qu'on avait grand tort de troubler sa retraite profonde et ses discrètes études. ( Pauvre M. Thiers : il souffre tant dans soli oasis de la place Saint-Gen.rges !) Y aurait-il eu complot, du reste, cela n'affaiblit et1 rien les crimes de Décembre et l'infamie des trahisons. L'histoire garde tous ses droits, comme l'avenir toutes se~ justices contre le guet-apens et contrt: ses hommes. Il n'y a pas dP. précédents (1ui puissent Ltire amnistier Lacénaire. Etra11ge justification, en vérité, qne celle du crime par le crime ! 1 M. ,Bonaparte n'a pas osé traduire devant un conseil rle guerre l\f. Forey, général de division en service à l'armée d'Orient. Mais cet officier ne voulant pas vivre sous le soupçon, a publiquement déclaré que les rapports de1\l. Canrobert à son endroit n'étaient que de misérables calomnies, et il a offert sa démission : on lui accorde son rappel et on l'a envoyé à Oran. Combieu la discipline doit gagner à toutes ces rlemimesur~s ? M. Ilonaparte-J érôme ( fils et cousin) a quitté l'épée pour le binocle, et il est tout entier à sa besogne de grand tapissier de !'Exposition. Dans la section des Beaux-Arts, les toil~s arrivent par milliers. Mais jusqu'ici les nouveautés n'ont guere valeur et ce sont les œuvres ancienne, qui tiennent le premier rang. Rien de grand ne peut éclore so,1s le souffle glacé dn desp6ti:sme. Les marère~ eux-mêmes se refusent. J. j.

Nous recevons de Londres la lettre suivante qui s'adresse aux proscrits. Nous ne partageons pas toutes les opinions historiques formulées ch111sce document: mais la condition de liberté, dans l'exil comme ailleurs, est notre progrnmme, et nous nous devons à ln propagande. - Un mot sur le fond. J,a cause de notre chûte momentanée est plus haute et plus sérieuse qne les fautes des hommes et des partis. Nous étions, en Février, entre deux sociétés, celle du pttssé qni voulait garder tous ses priviléges, celle de l'avenir qui voulait tout renouveler. Il y eut là, la rencontre de deux mondes. Si les socialistes préoccupés de la question du . travail ont trop oublié la politique de la Révolntion générale, et si les bourgeois, inquiets sur leurs intérêts, l'ont tout à fait méconnue, de ce grand.mou- ·rnment aujourd'hui compromis, mais nun perdu, deux choses restent pourtant: - d'mrn part, le suffrage universel, premier rudiment et premier essai d,e la Souveraineté publique, - et <le l'autre, une étude approfondie de la q nestion sociale. - 1:'instrument et la loi, c'est quelque chose, et vienne un nouveau Février, on ne travaillera plus dans l'ombr(>. C. R. LETTRE AUX PROSCRITS. Londres, le U F,hricr 1835. Cn·oY.»Ni, li y a !ept ans déjb, en 1848, date q'<-tc:rnclle mémoire, lc11 _porte-couronnes g:rands et p"!lits tomb~ient les uns rnr }e~ au~res eomme des capucms de carte, au premier souffle de la Rc·,olut1on. A l:\ suite du roi Louis Philippe qui CO!lJmençait le branle en fuyant de Paris, l'emperenr Ferdinand chassé de Milan, disait adieu à l'Italie; le roi de Prusse en faillite, <léposait son bilan dans nne charte ù Ilerlin; le grand duc de Bade se sauvait comme un voleur; Rome destituait le pape; Fiorcnce et Veni~e proclamaient la République; la Hongrie brisait sa chaîne; la Polog-ne gecouait la sienne; et le Czar lui-même, 8·abritant dans st-~~laces eontre les feux de la trorfibe, chantait aux rois bn11és : Chacun pour soi ! Bref, des rives de la Seine aux bords du Danube, toute i•Europc se réveillait au cri de Liberté poussé par la France et riipondait comme un écho vivant au coup de tonnerre de Février. C'en était fait. Les enfants de la terre, les Titans avaient escaladé le ciel, pris la foudre et chassé les dieux. Puis tout à coup, feux et foudres s'éteignirent. Tremblements cle trônes, chûtes de rois, soulèvements de peuples, tout se calma, tout cessa, tout rentra dans le silence, la nuit et le nêant. Ossa et Pélion furent remis sur le corps des géants; ]'Olympe des rois 1·edcvint plus bleu, l'enfer des peuples plus noir; l'ordre régna partout comme à Varsovie; le deuil, le désespoir et la mort remplacèrent partout l'allégresse l'espérance, et la vie. Les rebelles ilésarmés reJ>rircnt le joug ; et l'on n'entendit plus que le rire des bourreanx et le soupir des victimes; et la Liberté vaincue pleura et saigna comme l'antique Tell us sur ses fils massacrés. . Et maintenant, les rois ra~surés contre les peuple~ guerroient ensemble, se battent entr'eux pour la prééminence, versant le ~ang humain comme la pluie ctjouant avec la ,ie d.e leurs sujet~ à qui présidera le chao~ ! . . , Jupiter sera-t-il Russe Oil Corse, knout ou pm;nnrcl? Voila eù nou~ en sommes aujourd'hui, en 1855, au septième anniversaire ele la Révolution. C'est un rêve! Pourquoi cette fin affr.euse? Comment un chanrement si brusque? Comment et pourquoi cette pleine réaction ? C'est la question. Pourquoi la victoire est-elle devenue la défaite! Commenl il!s vaincus se sont-ils retrouvés vainqueurs! Comment une oppression nouvPlle, plus cruelle et·pl11~ dure, e~t-clle sortie de l'insurrection? Pourquoi l'Europe libre est-elle rctomhée Mclave? Pourquoi rois à terre et papes à pied sont-ils remontés sur mules et leurs peuples? Pourquoi nous ont-ils remis la ùricle au cou, la selle ail dos, l'éperon- au flanc, le mors aux dents? J>omquoi de citoyrns que n?us étions hier, so1nmes-nou~ aujourd'hui, multitude, sujets, pts encore, serfs, nèg.re.~, cluens; car nous avo11sdes maîtres! Honte et mall1eur ! Est-ce has.ard, fatalité, diablerie? Non. Il n'y a que de la logi1p1e au monde. Toute peine suppose 1111 crime. Eh bien !_confe~son.s I,c, c'est not~e faute ( Q,ue la leçon nous serve au morns ! Nous n avons pas fait nl)trc devoir. Nous n'al'ons pas ét~ solidai;res dans la Rél'olution, et les rois l'ont été dans la réaction. Oui, c'est notre faute, et il faut le dire aujourd'hui, non pour le 1'tupide plaisir de récriminer, Dieu nou!' en !l'anle ! mais pour l'a.vanta.,.e g.'apprendre, pour savoir mieux ce qui est à faire par ee qui n°été (ait. Ceux qui regardent en arrière avec l'œil_ du r_eproche et du regret, ressemb~ent à cette commère de ln B1~le; ils ~e pétrifient dans leur res~e!ltnnent. Retournons donc la tet~ vers le passé, non comme la vieille femme de Loth, par dése_spo1r du prése,it, mais au profit de l'avenir, afin de marcher ensuite, ~l'un pas ·plus prompt et pins sûr, guidés par une colonne de lumière, 'fers la terre promise, malgré les sabl~s, les flots et l_esPharaons. bui c'est notre faute à tous. Que chacun exammc sa conseiencc' et nul ne sera sans péch6 pour jeter la première pierre ; et 11 ous verrons qne nous nou~ sommes ~ou~ trom_pés plus ou mo\ns. IJ ne sied à personne de faire la confession des autres et ce n est pas à la France surtout de dire les torts del' Italie, del' Allemagne, de la Jion.,.rie. Le~ Italiens diront eux-mêmes qu'au lie•J deg Républiques 0 Romaine, Toscane, Lombanle, ils devaient avoir la ll,épubliqne Italienne; les Alle1;1ands qne _le~arlement de Francfort, ne devait pas, au contraire, ~oulo1r 1 .~llemagne partout jusqu'en Italie; les Hongrois .... Mais non ... 11. chacun s~n aven! Voici Je nôtre: avadt et plus que les autres. 11011sFrançais, nous s-ommes noupables de la Contre .•Révolution ! _ . , Oui encore une fois, c'est notre faute a tous, mais a nous, Franç,:is, ~urtont. Car la responsabilité est proportionnelle à la tl 11 hc; la tâche à la force. Force oblige. Nons avons eu po~voir, par eonséquent devoir, de délivrer les autres. Et pou: n'avoir p~s rempli notre devoir, il nous II fallu commettre un cnme et su ?1r une peine. Pour n'avoir pas délivré les autres, nous avons rt\'é Jeurs fors d'abord, puis les nôtres, nous e11clrnî1H1ntnous-mêmes après eux~ tyrans à R?me, ~claves à Paris, 1 fuisant partout ln serv1tude, n'ayant pas fait la liberté partout. C est notre très grande faute et notre peine e8tjuste. Voyez! Nous affirmons la Rép.ublique le2+ Février et nou!'I h I\ÏtA• Je 5 Mafs. J.tappcJez-T'tJU:; I, manifest~ da i Man, si,n6 Lamartine-. Ce manifeste, ou plutj3t cette lettre tic faire part ·qui annonçait a.umonde la venue ou plutôt l:i. mort de la Révolution. Rappelez-vous ce fameux dithyr:imbc contenant la ppliti'.1ue, non, la démis~ion de la République. Rappelez-vo_us le bien! Car c'est là l'erreur principale, capitale, fatale qui a précedé, amené, décidé to1,1t€Sles :i.utres et qui d tout perdu. Ce manifeste hél11s ! réduisait la Révolution à la France. Il enferrnait la flamme dans le foyer pour l'éteindre; il étouffait le droit en le bornant. Il n'aclmettitit pas la propagande armée; il ne l'OU1:iit que la force et l'effet de l'exemple; il s'en tenait à l'idée pure, comme si l'hcmmc était un pur esprit, comme s'il n'.1vait pas un corps avec'une âme, comme s'il ne devait pas agir après avoir pemé. Il aboutissait à la non-intervention, ;t la politique déti·ônée dn juste-milieu· chacun chez soi ! Vrai Philinte, il était l':1mi de tout le monde et l'ennemi de personne; il saluait les peuples, mais il reconnai~sait les rois; il déclarait qnc les cieux principes, Démocratie et Royauté, étaient d'humeur compatible, que le droit pouvait \'ivre en paix à côté du fait, la Liberté voisiner tranquillement avec la Tyrnnnie, et la République s'accorder en lionne fille avec le~ honnêtes souverains On ne pouvait pous~er plus loin l'amour de l'accord; et l'auteur des Harmonies devait être le poète de cette politique ou le politique de cette poésie. Que ce digne troubadour ait voulu marier l'eau et le feu, oui et non, bien et mal, République et Monarchie; deux principes vraiment manichéens, contradictoires, inconciliables. tont est permis aux !\!uses! Mais en outre, par une contradic.tion et une licence plus que poétiques, lui pur esprit, lui ange, lui aîlé, éthfaé, il subordonnait l'it!Pe au fait, soumettait le droit à des conditions matérielles et paiennes de temps et cle lieux, faisait d'une question de droit et de principe, une question de géographie et de chronologie, comme si le droit dépendait de l'heure et de l'espace, comme si le principe avait affaire aux arpetiteurs et aux horloger~. comme fi le principr avait des montres et le droit des frontières; comme si le droit enfin, n'était pas quand même, en tous lieux, en tous temps, éternel, universel, antérieur et supérieur, souverain et absolu comme Dieu tiu'il est! . L'unité de droit, voilà l'idée pure qu'il fallait proclamer de gré ou de force le 5 Mars! Voilà la vérité qu il fallait prêcher et prêcher aux sourdes 0reilles, à coups de canon ; vérité ,,ieille comme le monde, assurée par les testaments anciens et nouveanx, par les évangiles d'autrefois et d'aujourd'hui, par les religions pt les philosophies, par la Bible et le Contrat social, par l\loïse eomme par Roussc:iu; vérité qui a toutes les preuves requises pour la certitude humaine, le sentiment, la r;i.ison, l'expérience, tout, jusqu'à la tradition et que le manifeste du G .Mars a mi::;e sous le boisseau ! L'nnité de droit, c'est, eu effet, le premier peuple proscrit, !'aîné de l'exil, celui qui a erré avant les autres et qui erre encore sur les rives des Babyloncs, e,'est le peuple juif, qui ~e disait pourtant peuple de privilège, c'est lui, peuple (Hu, qui l'a écrite en tête de son vieux !ivre, il y a quelques mille am. Sous le voile des mythes primitifs de la Genèse, nous voyons poindre au commencement celte vérité sup1&me. Nous voyons Dieu qni fait l'homme à son image, et qui le fait libre. La Liberté est donc le droit divin de l'homme. Or, qui dit Liberté dit Souveraineté. Qui dit l'homme, dit pe11plc ; qui dit Souveraintté du peuple, dit Ri:publique; qui dit République, dit République universelle. Yuilà le droit primordial, 1111 comme Dieu et l'humanité, un et commun pour tous! Tous les hommes ayant Dieu pour auteur et Adam pour père, sont donc enfants de la rn&me famille, partant égaux et frères, comme ils sont libre~, Liberté, Egalité, :Fraternité, toute la République ! Voilà ce que nous donne h vieille foi. Vpici pour l'accompli!' ce qu'ajoute la nouvelle, c'estù-dire la Science: Tous les hommes étant libres, égaux et frères, sont solidaires, parce qu'ils sont nés sociables, parce qu'ils sont collectifs autant qn'individuels, p11rcequ'ils sont de leur nature un et cliver~, parce qu'ils sont di!Iërents quoiqu'ég:iux, parce qu'ils ont be~oin les uns des autres, parce qu'ils sont les parties d'un tout les membres d'un corps, les voix d'un ehœnr, parce que leurs facultés spéciales et leurs fonctions multiples se suppll:cnt et se complètent réciproquement. Pas un homme si faible et si hnmble qui n'apporte son grain de sable à la pyramide; pas un peuple si terne et si obscur qui ne représente une facette du diamant. 11 n'est pas jusqu'à la H.ussie qui n'offre sa parcelle de lmuière dans l'embryon de la Commune. Certes, et sans recourir aux temps bibliques, sans remonter à i'ancien monde qui nous révèle les mystères de la vie collective par le panthéisme indien et de la vie personnelle par le polyth~isuie grec, pour nous en tenir aux e11seig1wments du mon1h· moderne, chaque peuple faible ou fort a fait sa part de l'œnv,re. Chacun, p:n r~emple, a fourni son te.rme 1lans l'ample formule républicaôuc co,11pos6ep:ir la France pour les relier tou,s. Toi, Allemag-ne, tu as donné la Liucrté pnr le génie de Luther. Toi, Suisse, l'égalité parie génie de Jcan-Jacqu-,s. Toi, Pologne, tu ns le mieux prnliqué la fraternité, donnant ton sang, ta vie, tes plus nobles enfants, Ilem et. ses p:ireils, à tous les champs de bataille de l'Europe, partout où il y a tyrannie à combattre et liberté à défendre, tes enfants, vrais chevaliers errants du droit, nobles v,1ga.bonds clispersl!s par le monde, con1me s'ils ne devaient avoir de patrie, 11u'11prèsen avoir fait une aux autres. Toi, Italie, aujourd'hui si divisée, si morcelée par tes princes et tes pr&tres, tu as donné deux fois aux hommes l'id6c cl'unité, par le glaive de tes Papes et celui de tes Césars. Et toi, vieille Angleterre, tu as bu la première du sang de rni, et par la grande voix de Cromwell, tu att porté v.n toast aux Républiques à venir! Qui peut donc méconnaître la Solidarité ? C'est la loi de nature, non seulem~nt entre ceux du présent, ma~s encore entre tons ceux du présent, du passé et de l'avenir. C'est le droit et le devoir, le besoin et l'intérêt. Tous ces mots sont synallagmatiques, synonymes ; to11sdisent et redisent: S.oli<larité. Si nous avons omis ce principe de vie et de salut, les rois, eux, n'y ont pas manqué. Rendons-leur cette justice qu'ils l'ont compris et pratiqué depuis un demi-siècle. lis nous IP. prouvent dès la première Révolution. Le 21 décembre 92, l'empereur d'Allemagne, Léopold, commence ainsi sa déclaration à la France : " Les souverains 1·J1m,isen co11ctrt pvur lé 1nai11tie11de la paix pu- " bliq11eet la silreté de leurs couronnes, etc." C'est <léjà, vous voyez, la sainte-alliance des rois pour Louis XV l. - ]~n 1815, il;; la co11tinuent pour Louis XV li I. Bn 1848, ils l'exercent pour tou~ les déchus. Et comme les rois ne sont pas des pnrs esprits, p;1s si poètGS ! ils joignent la force à l'idée; et Nicolas rétablit, à main armée, l'empereur cl' Autr;che, Guillau.r:nc redresse ,Je grand-duc de Tiacle er Bonaparte re~taure le pape. Partout les gros secou1,ent lei,;petits. Voilà comme tous les faillis ont rouvert bouiiq\1e dans le temple, l'un portant l'autre. Ainsi la tyr111:nica été plus solidaire et plus logique que la Liberté. Les rois ensei- ~nP.nt les peuplc:1. Instruisons.npus /i leur exemple. Le llliil démontre le bien. Depuis la chûtc le diable est le maîttc d'école du gt>nre huiuai11. JI fallait donc, au 5 ~fars, parler et agir comme les rois, proclamer l'unité ou la solidarité d/'IS Républiques et 3ppuycr le.droit par la force. Le peuple de Pilris, dont l'instinct révolutionnaire n'a jamais faibli, le voulait. li le pronva an moi11s deux fois. Son premier mou1·cmcnt, et le premier mou\'ement est toujours le bon, cnr les diplQlll:Ltes <lisent de s'en défü,r, son premier rnouvement l'ut d' aller 1111x frontières et de porter la Liberté aux Alpes tt 11u H,hin. , Mais eomm!'., par m:illtcur, il u'.1v11itni les annes ni le dr~Jit'au, sa tentatiTe ~choua tristement contre un poste de dounnirs. C'est que la Liberté ne p,,sse pas· en fraude :comme un bailot ;de contrebande, comme un~ marchandise prohibét>, au moyen d'une échauffourée ou d'une surprise, mais de vive farce, u grand jour, les armes hautes et le drapeau déployé. Le second moul'emcnt fut l'invasion de la Constituante, le 15 1fai. Le p~uple pétitiouna la guerre en faveur de la Pologne. Par malhen encore. il dispersa l'Assemblée sans la remplacer elle revint plu~ p,us r~ac. tionnairc qu'avant, se co11tenta11tde décr~er, sans au .une sanction, l'iudépend:mcc de la Polog-ue et l'affranchis.,ement de I'). talie. Ver/J(tet voces... ... Ainsi, le peuple 11ni voulait n'a pa~ pu, et le gouvernement qui pouvait n'a pas voulu. De là le mal. ~lais pour quelle raison le gouvernement n'a-t-il pas voulu ce que voulait le Peuple? 1ous allons J\,xpliquer. Le gouvernement cle J:'i;vrier était composé cle trois éléments distincts; majorité bourgeoise, minorité révolutiounairc et appoint socialiste. Les révolutionn3ires, héritiers de 93, élèves de la Convention, ne croyaient pas devoir alier pfos loin que leurs pères et leurs maîtres. Or, il faut savoir qu'a11cun des grands partis de la Convention, ni Gironde, ni l\'lontagne n'avait voulu la République universelle. La Gironde qui, la première, avait demandé la guerre, l'avait demaudée pour ~e défendre de l'en11emi, pour rcpou~~erles attaques, pour sauver la Liberté me11acéc par les émitrrés et leurs allié~ les rois. Que disait-elle par la bouche de Ve;gniaud, sou oraele? " Les émigrés persistent dans leur rébellion, les rois " persistent à ll!s soutenir; il f:mt nons venger ! Abhorrons la "guerre, car elle est le plus grand flé,m de l'humanité; mais •· enfin, puisqu'on nous y force, suivons le cours clcJtos deijtiuées. " Qui pt!Ut prévoir jusq11'oit ira la pwiition dcu tyra11~q11iuous au- " ro11tmis les armes à la 1nai11? '• ~ue disai~ la .l\lontagne p:ir i.o~ plus ~udacicux et son plus logique rcprcsenlant, Danton ! " S1 ll'S rois envoient 1a guerre~ '' la .France, la l~rancc leur r~nverra la Liberté.'' • Ainsi, même pour Danton, il s·agit de renvoyer et non d'envoyer la Liberté : des cieux côtés l'idée de défense, <lerennche, rlcreprésailles, nulle part la guerre de solidarité, d'initiative el de propagande. La République ,.rnivcrsellc n'est pas le principe, la cause et l'inspiral!on de la lutte; elle n'a pour elle que le sort des conséquences et la ch:ince des conclu~iefns. Si les peuples se délivrent à la suite de la guerre, :ant pis pour les rois qui )·auront faite. Cc sera la peinP. des tyrans qui nous auron_t mis les armes à, 1~ m:lÎ1~. ~a, République universelle peut arriver comme un chat1111cntmf!tge aux artaq ues des rois, mais non comme une nécessité du droit des peuples. Prenez ainsi toute la politique de la Convention, discours, déclarations, constitution, à p:irt une ou deux aspiratious sans portée, l'idée de Solidarité ne ressort pas. Les actes sont conséquents avec les paroles. La Convention reconnaît les rois: elle traite avec le roi d'Espagne. Elle proclame le droit d'insurrection, mais non le devon· <ledélivrer les esclaves ou de secourir le~ rebelles. Que veut-elle dans &a Constitution même de 9a, sou idéal, au ch,ipitrc spécial intitulé: Rapport~ de la R.épul)tiqu~ fra~1çais~ avec les. nations __étrangères? Art. l 18 : '' Le r~up 1c " français est l'ami et l'allw naturel des peuples libres." Pas un mot des peuples esclaves. Art. 119:" li ne s'immisce pas rla11s " le gouvernement des aulrl's peuples. " Art. 120 : "JI " donne asil_caux étrange,·s bannis de leur patrie pour la cause de "la Liberté;' il le refuse aux tyrans." Voilà tout ce qu'il y 1. pour la Solidarité. Que dit la Jlfurscillaise, la chanson, cette opinion du peuple: .Allons eufants de lei Patrie ..... . Que veut Robespierre enfin? Il guillotine Anacharsis Olootz, !·orateur du genre humain. La _Révolution, à cette époque, n'en était encore, comme tout ce qm commence, qu'à l'analyse, à l'élément, an germe du droit général, c'est-â-dire au droit simpie, au droit par1iculier, an droit national. Ce n'était qu'une questwn de patrie, de liberté locale de République fra1:çaisc; et Je parti républicain de 48 n•o~a rie~ de plus. Il n'élargit point Ja couception de U3, il s'en tint là et fit son manifeste et sa Constitution juste sur le patron conv1; 11. tionnel, répétant que la France n'emploie pa·s ses forces contre la Liberté des peuples, quand il ama1t dû dire: La ]/rance emploie ses forces pour la Liberté des peuples! .l\loins révolutionnaire en cela que les rois qui se soutenaient cntr;eux, il ne conclut pas d'un à ~ous, il ne vit pas que la llévolntio11 avait progressé de plu~ dt! CIIHiuantc ans, <1u'ctle a\'ait procéclé de 93 à 48 de l'analyse à la synthèse, du particulier au général, d'un pcupl; à tous les peuple~, de la France au mon,le, de la ltépubliquc indivisible à la ltépublique univcrsùlJe, <le la patrie à J'hunianité. VoiJ.)_ comment ce parti ne comprit pas ou n'osa pas. Voilà pourquoi il laissa faire le manifeste du 5 :'.\Jars, qu'il a du reste noblement racheté, le ]3 Juin. La Solidarité est l'œuvre et la gloire de cette journée. Le 13 Juin a expié le 5 l\lars, et s'il n'a pas réussi, c·cst que le peuple de P<1risavaiL été s,tigné à blanc, et avait perdu toute sa force <!UXterribles journées du mois dt Juin précédent. Si J'éléU1ent révolutionnaire n'osait pas dépasser la Convention, l'élément bourgeois ne voulait pas m&me la suivre, bien entendu. Il avait horreur de 93, lui, peur cl~ la guerre, rê~ant rourre, une mer de sang, la dictature et l'invasion au bout. Moins q~'aucun autre, il pouvait voir quelle différence il y avait e11tre la guerre de l'ancienne République, guerre défensive, guerre ortli11airc avec toutes ses com,éqnences de butin ou de conquête et la guerre de droit, de principe et de dévonen,e11t que devait faire la 11ouvelle.Disons-Ir, il était fatal que la convemion qui avait combattu pour elle et non pour les ai:tr~s, qui imposait et aunexait les pays vaincus, eùt <les fonctionnaire$ exacteurs, ries généraux ambitieux et aboutit à la dictature. Ceux qui voyaient la patrie elle-111ême s'adjoindre des territoires €t prélè'ver des tributs, prcuaient comme elle, l'argent d'abord, le pouvoir ensuite. La Bclgi, 1ue ajoutée bon gré malgré à la France, les millions enlevés aux villes <lu Rhin, engageaient tout le monde à us•Jrper. La Convention a fait Barras, Barras 11 fait 13onnpal'le. Les avides ont fait les despotes. :.13is supposons que la France eût attaqué en vertu du droit et qu'elle eût fait pour la Liberté ce que depuis elle a fait contre, à Rome par exemple, la guerre à ses frais. Quel chef eût o~é être avide et ambitieux, qua11d la France eût été gé11éreuse? Qui eût osé être égoïste, quand la France eût été désintéressée? D'ailleurs, il n'y eût pas eu de chef à craindre, pRrce qu'il n'y aurait pas eu de guerre. On l'~Îlt évitée en la voulant faire. Tout peuple eût été sauvé, tout roi fût tombé; et la Révclution s'opérait partout sans coup férir. M,~is nous n'avions pas d'armée, cli~ent-ils; nous n'étions pas prêts? ErrC'urs. Il n'y avait pas une bataille à livrer, pas u11e amorce à brûler, pas une goutte de sang à verser. li n'y avait, cette fois, ni attaque, 11irésistance, ni invasion à redouter. Il ~uffisait alors de la volonté, d'un mot, <l'un signe; tous les peuples attend:iil·nt la France; bien plus, ils se soulevaient tou~ sans l'attendre. En lta1ie, en Allemagne, en Hongrie, chaque peuple fais:iit sa rél'Olntiou de ~on côté et triomphait de chacun sou roi. li ne fali11itdonc que soutenir et maintenir le mouvement. La partie ét;tÎt g~gnée et fut reperdue par la politique bourgeoise du 5 .Hars, par cette S!:'ulcphrase du manifeste : •· Nous 11emarche. rons que :;iles prupie~ nous demandent." Ah'. les peuples n'ont p11sd' i1mbas~adc11rs. On ne les e11te11dp;1s dans les •11i11isth~s. Lc~:r~ :ippels wnt d:;)S insurrt'ctions, En attendant la dcma111«~

officielle des peuples, les rois re:mis du premier choc, se relevèrent cntr'cux; et b guerre qu'on voulut éviter, éclata partout, guerre civil<':et guerre étrangère; le sang rougit les rues de Paris le-23 .T uin, les 11111rsde Rom~ le 30 mai; et le torrent coula par toute I' .Europe, par I' Aliemagne, l'Italie, la Hongrie; puis re/lua sur Pttris le 2 Décembre, ù'où le voiià inond:rnt la Crimée à faire changer de nom à la mer Noire. Les armées n'ont pas mauquf>, vous voyez ! L'appoint socialiste pactisait sans le vouloir avec la bourgeoisie par son sentiment philanthr0pique, son amour cle la paix, s:i passion économique, son zèle exclu,if pour les intérêts matériel,. et les réformes intérieures. Préoccupé surtout des souffrances du peuple, il songeait an travail et oubliait la ~uerre. 11 y avait alors, à Paris, de la faute du capital, deux cent mille ouvriers Fans ouvrage et cles millions d'antres en France qui faisaie11t crédit de trois mois de misère it la Itépnbliq U(.'. Prcs ·és par le mal, tiraillés par les mé<lecins, pnrtagés entre le~ remèdes, ies uns voulaie11t le droit :rn travail, les antres le Commnnis:-ne, ceux-ci le phalamtère, ceux-là la banque d'échange etc Tous variaient plus ou moins sur la sci,rnce, mais tous étai1n: d'accord sur la Révolution. Ils ne pournieut, ils ne devaiC'nt être' una11imes que là. li n'y avait que l'idée générale, c'est-à-cl ire généreuse qui pt1t les rallier tous. Si donc :dors, au lieu d'entraver le noble insti11ct, d"arrêtcr le premier élan du peuple, le pouvoir l'eût secondé ; si au lieu <le soutirer la foudre, il l'èût lancée; ~'il eut pm:é cette simple qllestion : Peuple Franç Lis,veux-tu clélivrcr le monde? S'il leur eüt donné pour drapeau de guerre l'insigne du trarni!, la blouse ou le tablier au bout d'une piqu~, tous n'auraient eu qu·un vceu, qu'un geste, qu'un cri: en ava11t ! Et le monde serait libre; et l'Europe Républicaine, débarrassée de ses roi~, aurait délibété en p::ix dans un Consril fédéral, dans un Sé.1at amphyctionique, dans un 'féritable Concile religieux, la question sociale, la grande el finale question du trarnil: question internationale, s'il en fut, qui ne peut se ré~oudre ni par ni pour un peuple, si libre et si savant <tu'il soit, mais par et pour tons les peuplt>s réunis dans leur savoir et leur Liberté. Comment en effet, un seul peuple délivré, écl:tiré, associé, organisé, ayant à lui seul tous lt:s hienfa·ts de la ltévolntion, QOurr:1it.il en profiter au dedans, s'il est f{êné, troublé, bloqué, ruiné au dehors? Si oa lui fait S-!ulcment concurre11ce avec de~ peuples esciaves, travaillant vingt heures po,1r un salaire '.le vingt sous par jour? que les amis de la p;iix, des réformes, des systè:nes, qn·~ ces nobl2s cœms, ces grands esprits, ces hommes clc scie11ceet de conscience, dé l,1b(ur et de bonne volonté en prennent leur parti; 1u'ils cherchent, fouillent, trouvent à la su(.'nr de leur front les solntions pacifiques pour l'avenir! C'cst bien. :.fais ils se tromneraient encore, s'ils voulaient les appliquer avant rl'avoir fait 1~ République universelle. Il n'y a qu'une solution pratique, po.,sihle, immédiate, c'est la République univer~ellc. Tl faut d'abord balayer la place, nettoyer le terrain. On ne sème p 1Eava11tde labourer. Les rois ne laissi'\rent j:tmais lii vérité prêcher tl'cxc-mplc, la Liberté rayonner en paix; et pentbnt la discussion et l'c>ss:,i des théor~•s, la réaction trnuvera toujours un instant de fatigue. d'impat,ence ou de déception, ré- ~nltat orclinairc c~ctoute éj>reuvc, et avec l'aide du dehors reprendra la place :iu dedans. Où les émigrés ont-ils trouvé un point d'appui! Chez les rois ·Etr~ngers. Tons les !Jeuples, à cette heure, ressemblent à ces hommes fabuleux cl'Hésinde, à ces héros doubles qui avaient deux bras pour les armes et deux bras pour les outils, Que les quatre bras com-- battent d'abord, l~s q,1,1tre b:as travailleront ensuite. La Fnince n'a pas résolu le prohlèmc et ne pouvait pas le résoudre et ne le résoudra pls avant qut- le monrlc soit libre. Il n'y a di, po.,sible 'lue C" qui cstjuste. Or, il n'eH p1sjnste qu'un peuple soit libre llll milieu de peuplts esclaves, heurrux :iu miliru de misérable~. JI n'en a ni le 1lroit, ni le moyen, ni le pouvoir. La loi d'ordre et d'harmonie qu'on nomme clien ne le permc>t pas. Dieu ne veut pas qu'un peuple puisse 1J1ettre tra:1quil!erncnt le pot-an-fen, quan,l les autres n'ont ni pot ni feu. Le droit d'abord, la marmite après. Chercl1ez ta jnstice, le reste viendra cle surcroît. N 011, dieu ne veut pas cle l'(goïsme qui est son antipode, qui est le mal, le rliahle, satan en pel'sonne, qni est la mort des peuples corome eellc des individus. L'égoïsme est le suicide. C'l•st la fin de Nft.t·cibse. Toute révnlution concentrée sur elle-même ~e dévore; en 93, Gironde et Mont~a-ne; 'en 48, bourgeois et sociali~tcs. Ce n'est p=1~le tout de s'affrnnP!iir, il f-nn affranchir les ai1tres. On ne pent plus se s~nvcr ni se perdre seul. Le s;ilnt ~olitaire, individuel et chrétien fSt fiui comme le paradis. Charité bien ordonnl!e comml'n::e par les ;iutres. Tout peuple qui veut jouir seul cle la Liberté est déjà esclave! Tout peuple qui ne vit pas pour les autres est déj,1mort ! Les droits de l'homme disaient Jans nn sens civique: il y a oppression contre le corps social, quand un ~eul de ses membres est oppri:né. Nous <lisons, 11ous, il y a oppression de tous le~ peuples, quand un sen! peuple est opprimé. Le même devoir, la mêmP. loi morale qui ohli~c l'homme à secourir l'homme 1fans la cité, oblige un peuple à secourir un peuple clans l'humanitf. Les peuples sont les citoyens de la gr:1ncle cité h ...maine. Assnvir les uns, c'e~t asser-vir les autres. L'incendie qui atteint le prnchain nous menace. N ou~ aurons he1u dire comme l' Irian. d~1s : ne bougeons pas, cc n'est que le voisin qui brûle; nous brûlerons après lui. L'Europe tremble du Czar, pour n'avoir pas défendu la Pologne. Le devoir, c'est l'intérêt. C'est là une vérité de proverbe, une sagesse d'instinct. Le clemi-sanva~e Bolivar, après avoir fait la République en Colombie, comp1rit qu'il fallait la faire au Chili, au Pérou, au 1\Iexiqne, par delà les Andes et rejeter le roi cl'Espa1{ne en - Espagne. Louis Philippe même, l'inventeur breveté du " Chacun ch:•z soi" l'égoïsme couronné a fait autant de roya:1tés constitntionnellcs qu'il a pu, en Belgique, en Portugal, en Espagne. Les écritures le tHsent, le bon sens le veut, l'histoire le prouve. Hors de la solidarité point de salut. Poin~ de vie pour un peuple hors des pcup'es ! Point d'avenir pour une République hors de !a République uuil'l:rselle. Compatriotes de l'exil, concitoyens de la grande patrie, nous swons donc bien maintenant cc que nous avons à -faire, ce que nous n'avons pas fait, la République universelle. Si nous n'a1•cns pas été solidaires dàns la fortunt-. nous le sommes pour le malheur. Nous avous été vaiucus ensemble, J1ons ~ouffrons ensemble, nous sommes enfermés ensemble, ici, cla11scette île, dans cc Cercle de Popilius, comme pour mieux nous connaître, nous apprécier et TI"Us associer, comme ponr mieux concevoir par l'expiation commune de notre fautC', l'unité de notre cause et Je notrn triomphe à venir. Dn contact de nos peines, de nos regrets, de nos esp(~ rances, jaillit plus lumineuse encore l'idée de solidarité. Jloc Sig110Vincrs, Et cependant qni le dirait? hormis certaine sympa:hie de bienzé.mce, il n'y 1 encore ni concert, ni entente, ni union entre nous. Nous sommes dans la défaite ce que nous étions dans la vie.aire, sa11slien véritahle, sans combinaison d'effort, sans com111nnauté<l'action. Nous aYons le même but sans les mêmes moyens. Toute chine brise et morcelle, on le sait. Nous, encore plus partagés s'il se peut qu'avant de tomber, nous sommes réduits à l'état de poussière et de nfant. L'un pe~1se à la chère Pologne:; l'autre, à la_chère Italie ; l'autre, à la chère llonirrie ; l'autre, il la èhère F1•ance ! Peusons donc tous à l:i chère Révolution ! Si la solidarité est dans nos cœurs comme sur nos lèvres, et uni n'en doute, qu'elle soit aussi clans nos actts ,1 N'en fKissn~ pas seulement des compresses d'élo11uence, et des eataplasmes <lestyle dans les journaux et les meetings ! Q1:'elle soit autre chose qu·une charpie ofücielle et un baume <l'apparftt sur les plaies de l'exil; qu'elle inspire, qu'elle anime, qu'elie dirige notre conduite ! Assez de mot<;, des f:1its. C'est à l'œuvre qn'on connaît l'ouvrier ! Hommes d'action, agissons; hommes de ~olidarité, agissons en commun ! Sortons de notre isolement et de notre faiblesse ; réunissons nos têtes, nos mains, notre bourse ; les plus pauvres· comme les plus riches, ce~x qui représentent le travail contre le capital, comme ceux ']Ui représentent la patrie contre l'étranr~er; mettons tout à la masse, argent et sang, chacun cc qu'il pourra. Ne soyons pas moins frères 11ueles rois! L'impuissance est un crime venant de la division. Ce sera un remord~ ét.,rnel pour nous, d'avoir laissé passer déjà sept ans tle malheur et de honte sur 110spauvres patries, ,le n'avoir pas fait balle tous ensemble contre le principe du mal, le lendemain même du coup d'état. Ch'tqne jour entasse une calamité, une responsabilité de plus sur nos fronts. Agissons aussi ~érieusement, utilement, glorieusement. Si le but est solidaire, le moyen doit l'être aussi. Nous devons concilier nos plans, concerter nos r,·ssources, confondre nos forces et porter nos coups, là où l'elfot sera immédiat, décisif et général. Lai~sons de côté toute rancune, toute envie, tout orgueil et tout égoïsme national. Ne voyous que l'ho11neur et !'11va11tagede tous. Or, la main sur la conscience et de bonne 1oi, où l'action doit-elle être la plus efficac!!? Certes il n'y a p:1s de peuple choisi, de peuple privilégié pour la Révolution. P,1rto11toù elle peut s"allu111er,le droit et lt· devoir pou:- tous, est dt! la souffler, de l'étendre, de l'augmenter, <lefaire, s'il se peut, l'inccnclie <l'une étincelle. Pour notre compte 11ousuons sommes mis il la cli~position de l'Italie dans l'affaire de >Iilan. )fais il pent y avoir des tentatives stériles, inutiles, impossibles, et il convient de savoir par où la ltévolution doit le mieux réttssir. E.h bien! quoique Français, nous n'hé,it«>ns pas à le dire. La Révolution pt!ut surtout réussir par la France ; c't:st encore la France qui est le meilleur terrain pour la Re1·olution. Ce n'est pas de notre part, croyez-le bien, une question de vanité, d'a ourpropre ou d'intérêt patriotique; c'est une questio11 de force, de po,,ition, d'opportunité. Ce so11t des faits à constater, voiià tout? .Est-il vrai que la France est le premier pays rl'Europc qui ait fait sa révolution unitaire, et qu'on dit la France, et non les Frances, comme on dit encore les Russies, les Espagnes, les Allemagnes, les îies Britanniques, etc.? Est-il vrai qu' ain~i la France ayaut le plus d'unité politique a le plus de force rév(1lution11aire ! Est-il vr:ii que la France par sa position centrale, communi,1uc à la fois ses secousses à l'Europe du midi et du nord? Est-il vrai que depuis cinquante ans au moins, quand la Fr:tnce est en révolution, l'Europe avance! qu:ind la France est rn réaction, l'Europe recule? qnaad la France est en gu~rre, l'Europe -se bat? quJnd la France est en paix, l'Europe se repose? Et ce ljUi est vrai de l'Europe pour la France, est vrai de la. France pour Paris. Un proverbe a~sez trivial exprime bien cette influence t!e Paris sur la France : quand Paris éternue la France se moud1e ? Disant la France, nous disons donc P:iris. En 93, Pa,i!I aV11it contre lui l'Europe et l·a Fra11ce, guerreeivile et étrangère; Paris était pour la Révolution, et la Révolutiou l'e111porte. En 1814 et 1815, so:.is l'empire, Paris est pris ùeux fois, deux fois la Frn11ce ~~ rend. En 1830, Paris cha,sc la légitimité, en 184•8il fonde la République ; et la France se fait Con~titutionnelle, puis Ré!)ublicainc. Au 2 Décembre, quarante départc:neuts s'insurgent, Paris s'incline sous la force et la Révolution succombe. E~t-il vrai que la ltévolution faite à Varsovie ou à Rome, il Pcsth ou à Vienne, à Lyon ·ou à Lille peut n'être pas faite :iilleurs? Voyez l'Espagne! S:i Révolution n'a pas soulevé un pavé autre part. A rort ou l", raison, une émeute à Paris fait plus d'efièt qu'une révolntion à ::'lladrid. Est-il vrai que vous célébrez en Février tont le mouvement de 184·1:!? • Est-il vrai que vons le célébrez la plupart en langue française? Est-il vrai que les con~é4uenci:s de notre faute sont tellt>"s,que l'Europe est aujourd'hui esclave, tandis qu'elle serait libre si nous avions fait notre devoir? Est-il vrai, que même à cette heure, la France trafoe à sa remorque toute l'Europe dans sa crois:i.cte contre le Czar, l'Angleterre et le l'iémont, les grands et les petits, l'Orient et l'Occiclent. L'Autriche, dont on exa;èrc tant l'importance en exil, n'est-elle pas devenue son satellite? La Prusse rnê1:1e. dont la politique double comme son aigle, a u11etête à l'est et l'autre à l'ouest, atin de voir cle tiuel côté vient le vent, n'entrc-t elle pas déjà tians l'orbite? Celui qui mène la France en !esse, ne force-t-il pas aristocraties et monarques à être ingrats et absurdes, à marcher ù. sa suite contre leur princtpe. le\U· intérêt, leur honneur, à aider le tyran de fortune, le c~5ar d'occasion, l'empereur d'aventure, le parvL•nn <le la Révolution contre le parangon de l'ordre, de l'autorité, de la légitimité et de l'hérédité? N'est-il pas partout a à cette heure, dans la mer Noire, dans la mer Blanche, clans la Baltique, à Rome, à Athênes, à Coustantinople, à Loudres même? Ponrq 11oi, comment? par l'influence, par la puissance, et la force de la France? Donc la Fr.rnce libre, c'est l'Europe libre. Enfin, est-il vrai que le peuple de France, le peuple révolutionn:tire n'a jamais démérité; quïl a toujours protesté, lutté dans ses plus mauvais jours, jusques sous ces Bourbons même que vous, peuples d'Europe, vous lui aviez imposés; qu'il a eu ses représentants dans to..ite révolution, Fabvier en Grèce, Carrel en Espagnti, hier encore Laviron à Rome? Qu'il s'est insurgé le 15 Mai pour la Pologne ? Trouvez donc clans l'histoire un second peuple qui se révolte pour les autres ? :Mais o..i nous dit: le peuple <le France a fait son temps. Il est tombé en sommeil, en léthargie, en catalepsie ; il est mort! Oh ! si cda était, malheur à tous! Mais n'en croyez rien ! lui mort, pas plus que le soleil un jour d'éclipse, pas plus que le Vésuve un jour de repos! Le volcan ne flambe pas toujours. C'est au moment qu'on le croit éteint, qu'il jettf' à peine de fumée, que les imprudents dansent eur ses laves fig~es et bâtissent sur ses cendres froides, c'est quand on s'y attend le 111~ns, quand on dort dans les palais d' Herculanum et les temples de Pompéia, c'est alors qu'il rallùme son foyer, <1u'il entr'ouvre son cratère, qu'il lauce s~s flammes et enveloppe d,.ns un suaire de feu, templei et palais avec leurs habitants ! N'est-ce pas clans le triomphe d'Alger que le peuple a surpris Charles X? N·est-oe pas dans les tropi1ées cl'Isly qu'il a enseveli Louis-Philippe? Qui sait, s'il n'attend pas la prise de Sébastopol pour terrasser Bonaparte, comme pour prouver aux vaint1ueurs l;. vanité de leurs forcés, comme si, dans sa magnanimité de Lion, il n'attaquait q11el'ennemi debout, armé et triomphant. Ne <lés-espérons donc pas da peuple français. Demandons aux Hongrois où ils veulent que la Révolution commence, après la Hongrie bien entendu ! ils répondront en France ! Demandons aux Italiens, même réponse ; aux Allemands, même réponse! Donc c'est en France qu'il faut faire la Révolution. Car la llévolntion faite là, sera faitB partout, oui, partout, excepté en Angleterre. Frères d'Angleterre, d ïrbnde et d'Ecosse, nous devons vous le dire, vous d:.Jllt les ancêtres ont été les premitrs, vous serez, si vous n'y prcmez 1;arde, les dernit!r, en révolution. Vous avez voulu vous associer, cette année, ù notre commémoration révolutionnaire. Vous avez eu même la bonne idée d'aggranclir encore ce grand anniversaire, en céléhraut non seulement le réveil de la rrance, mais au~si eelui ùe l'Europe. Yous avez voulu avoir la même ftlte et h meme foi, la m&me cauie et le même dr11peau, le même droit et la mêml! charte 'lue nous tous; vous êtes sorti,, de votre séparation insulaire, de rntre protestantisme politique et religieux, vous ne dite;s plus : Die,:, t!t mon Droit, m~is dieu e~t notre droit; vous avez Youlu communier à la table de l'e:-cil, rompre avec 11011s le pain dur des bannis, fraterniser avec les pro~- crits, vous pro ét i·res anglais, proscrits de vos droits dans ,otre propre patrie, b11.n .is de votre souveraineté et de votre proprié1E, exilés dans la m.s~re et l'ignorance, vous esclaves <lu besoin, de l'erreur, dn chômage, de la prste et Je la faim, vous opprim&~, dominés, possédés, prostitués, exploités, cxécuU:s corps et 11111__., corps et biens par une- poignée de seigneurs, vous sucés. mâchéb, avalés tout vifs par ces mangtmrs de moelle, vous comprenez en tin que vous avez le même ennemi qnc nous et vous l'Cnez .:t l.1 République! ::\lieux vaut tard que jaunis, salut et fratcrnit& ! Voilà l'alliauce entre l'An:.;!eterre et la France! Car nous le d,•- mandons, où serait l'alliance vraie, si elle n'était à cc h~nquet frat~rnel? BIie n'est pas à coup sùr entre le Judas des Tuileries et les Shylock du Par:e nent,'.emre les traîtres et ce tr:IÎrrc et ùeuü qui jouait au plus fin et au pins fourbe, entre le successenr dc, Bonaparte qui se venge de \\'aterloo comme il peut en <li!truis11nt l'armée anglaise clan5 le guet-apens de Crim&c et les succ;!sseuri; de Pitt qui oppos12nt le César a1.1Czar, eu attendant d'o1iposer le Czar au Cesur? Non, nous l'avons dit souvent, il n"y a Ùi qu'ambition, avidité, perfirlie, calcul, opprobrn et désastre pour tous, Non, l'alliance véritable, honorable, profitable, imm1ial,le, fo:1dée. sur les seules hases solides, sur les trois larges principPs répuhlicai11s LlllCl!Tf:. EG.UtTi:, FRAT~R:<ITÉ, il n·y a de ~o!iclc qHt: ce qui e~t large, l'alliance univer~Plle qui accorde to•Js lt>s<lroit~, tous les besoins, tous les intérêts, l'alliance éternelle q·.1i,!cfit u11ir ensemble les cieux peuples à tous les· antres pour toujou:-s, saa,; nul doute, cette seule Sai11te-Allia11cc ne peut se foire qu'ici, aujourd'hui entre nous. !\lais voici ùquellescondit:ons! Part de 80nf:.. trnncc ne ~ul1it pas, il faut apporter t.ussi ia part de sacrifices et d'et. fort~. Qu'ave:i-vous fait pour les proscrits? Rien. A.u plus mauvni1 temps de vot:-e monarchie, sous le catholique Jacques Il que v 0 • pères ont cha~sé, les protestants anglais firent tout un b..idgrt, une souscription de ·H mille livres C'n faveur des prosc;·its de Louis XIV. Bt, aujourcl'hni les proscrits de la tyrannie européenne, loin de trouver les ressources cle guerre, n'ont pa5 mê:nc obtenu de vous !c pain du tra1·ail et ~oat contraints cles'enfoncer de p'ns en plus dans t'exil, d'aller au-delà rl~~mers, sur les b:i.:eaux <le votre rci1:e, dl'11ia111!cr à vivre aux Amcricain~. Ceux qui ont cru le plus géi:érc11sc111entà la démocratie angl<1i!:c en désr~pèrcnt. Q.u'avez.vnus foit pour vouS-TJll'!llC~?H,il'll. \"ous pnu,·l'z ,·ou1o réunir, vous entendre, vous concertrr lii.irement; 1•ous n'avc;,: contre cc droit, n1 loi, ni armée. 11aiJ 1111 bâton cle policem:m vous arrête. Tou~ les peuples ont fait un e!fort pour la P..évnlution honnis vous. Vous SPtnhlez si loin de le Youloir, qu'on nous laisse impunément vous dire ces vérités. ,\h ! li ne s111lit pas de prendre le thé trnnquillemcnt, ou rl'ern•r par Ls rues E:11 bnmle,; faméliques, il faut agir. Ponr s•a~~eoir à ci',t6 de8 hie:,sé8 de Li Démocratir, il font arnir combattu ou ~•(•ngager il co,11b::ittre. Si clone vous êtes prêts, soyez les i>Ït'n-vcnn., onvril'rs c!J la dernière heure, et merci de votre co:,cours ! Pour être tarrl il l'œuvrc, vous n'en avez que plus;) faire. Votre tâche en cet d'autant plus grande et plus rudl'. Il vous faut n:doul:ler de volonté et d'activité; vous avez à faire une ruile hesoo-nc. Vous êtes en face d'une aristocratie plus puissante qnc les rois. :Malgré les np. pare11ces monnrchiques, malgré les King Sfrect et les C/1t11mSq1u1n, qnand on foule le sol de Londres, on sent que leLono--Parlemcnt a passé p:ir là, que votre monarchie n'est i·ien et que ~'otrc aristoc~atic est tout; que c'est_ là une monarchie à ce11t têtes, plus v1~ace et plus <langereu~e que les autres; qne c'est l'hydre qui fait peau neuve et se renouvelle sans cesse, qui enlace le monde clans ses cent replis et le dérnre dans i,cs cent gueules. Les ari~- tocraties ont toujours été des gouvernements forts. Yovc1. Rome dans l':intiquité, Venise au Moyen-Age, I' Ang-leterre :11;jourd'hni. Ces gouveracments-là n'ont pas les clé!'.tiUa11cesdes i1!divid11~ comme les royautés, ni les vicissitudes des masses comme dts démocraties; ils ont à la fois la tradition des monarchies et l'i11novation des ltt;:publiques; c'est là leur avantage spécial, Ari~tocrat_ie ~éoù:de et marchande, du_ coton et de la terre, V✓hig on Torte, ils se succède11t et se contmuent avec un esprit de suit~ et d'initiative en même temps qui fait leur durfo et leur force. Souvenez-vous qu'ils ont enrayé déjà une fois la Révolution, soul'enez-vous qu'ils ont étC!la pierre ù'achoppemcntdc la Révolution. Souvenez-vous qu'ils ont fait ving-t-cinq ans de guerrl', dépensé cinquante milliards, soudoyé quatre mihions d'hommes, soutenu dix coalitions, équipé armées et flottes sans nombre pour aomprimer la Révolution! Souvenez-vous quïls ont fore(\ 111 Rtvolution à combattre, à dévier de sa voie pacifique, à devenir militaire, à produire.- Napoléon Ier. qui nous vaut Napoléon III! Souvenez-vous que votre aristocratie sera encore l'ennemi mortci, l'oostaclc fatal, si vous n'y mettez ordre; que nous aurons raison du Pape et du Czar ,Lvant d'avoir raison d'elle; que uous ::1.11ron~ encore à livrer contre elie notre dernière bataille et que la Ilèvolution sera peut-être étouffée une fois àc plus ~ous le b.LC de laine de \Vestminster. Hcnrenscment enfin que vous êtes nos a Ilifa désormais et que vous combattrez comme nous. Heureusement snssi qne votre aristocratie ~e fait vieille après tout, que sa tête branle, que sou bras trcmble, que ~es rlucs de fer sont morts, et que ses ducs en vie sont de for-blanc; henreuscment que ses hommes d'Etat sont chauve~, et ses capitaines imberbes . que le temps et la guerre prouvent enfin l'impuissance et. la faiblesse de CPS deux enfances, que les signes sont dans le ciel, que la crise est proche; que l'heure sonne; que la grande voix qui annonçait jadis le clép:irt des Dieu1:, venue d'écho en écho du foud de l'Orient, commence à s'ôlever aujourd'hui sur les bords de la Tamise, à rouler sou~ les arches du vieux pont et à pousser aux pieds des tours du vieux palais, ee cri fatidique: Le11'Lo1"ds s'c11 ço11t ! Oui, les Lords s'e11 vont! mais poussez-les ! Ils ch11ncellent : qu'ils tombent et qu'ils ne se relèvent plus! Ils ont Ill vie dure: abattez-les, achevcz ..Jes! C'est votre contingont. Que lefleu-ve les charr:e avec les glaçons de la débacle, avec les neiges fondues et les boues clég-elée3 ! N cttoyez les étables du West-End '. Sinon, nous aurons encore,l'or des banquiers et le fer des Cosaques, Gog et :'.\1ago,.,. avec Saint Nicolas, toute l' Europr. et vous-mêmes recrutés :è 1Jressfls contre nous ! Quant à uou&, Républicains Démocrates-Socialistes Français, 1/0ici, pour finir, nos engagements clans le Traité d'.Alliance: Nous répare.rons notre faute ; nous l'arnns reconnue, c'est tont di-re. Nous att:i~iuerons, le jour même de la Révolution, pour n'être pas :ittaqué~ le lendemain, pour avoir le bénéfice du premier coup. Oui, le jour même, nouR publierons ce· nouveau manifeste, répar:iteur de l'ancien : "Au nom du droit éternel, universel, la République Française ne reconnaît pas <lerois ; elle ne reconnaît que la Souveraineté des l'euplès. Tous les Peuples sont maîtres de disposer d'eux-mêmes, selon le besoin de leur nature et dans la plénitude de leur volonté. L'insurrection e!st ·le droit d~s peuples esclaves, la Solidarité le devoir des peuples libres. La France, libre, entreprend donc la guerre pour les op,primés et contre les oppresseurs; elle ne veut ni conquête ni tribut. Après la victoire, les peuples libres et fédérés fixeront eux-mêmos la contribution de chacun, suivant ses rcs.ioutobs, dalls les frais do la. guerre. -Oni, I\Otts le jnrons, nous ferons la guerre sitr ces c!:tuses, rnns

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