de Solidarité, elles s'enferment dans le devoir révolutionnaire et marquent, pourtant, le dernier but qui nous est commun : l'avèneme1~tde la Répu~ blique universelle, d4mocratique et sociale. C'est la bon ne voie. Il nous semble, seulement, que les fondateurs . auraient mieux fait d'agir, pour les diverses démocraties, en leur nom personnel et selon leur droit particulier, que <le parler <le représentation. Les 1·eprésentatious supposent la délégation antérieure et le mandat, ce q1ii serait, aujourd'hui, très difficile à constituer. De là, d'ailleurs, pourraient naître des diftic ultés contre l'œuvre, et nous le regretterions vivement, habitués que nous sommes à donner coucours, en g·ardant notre liberté, à tous ceux qui sont sur le chemin de la Révolution et qui la veulent servir. LA LOI DU SANG. S'il existe une chose étrange, effrayante dans nos lois, •<:'est à coup sûr le tirage au sort. Et s'il existe une preuve de la douceur et de la bonté -de ce peuple que l'on déclare ingouvernable, c'est la soumission avec laquelle il obéit à une loi stupide ... Quoi, voilà des hommes tous nés dans la même année; .. on ne s'occupe pas de chercher un moyen juste et raisonnable de recruter l'armée parmi eux, on apporte une boîte, chacun y met la main. Le premier stra éloigné de son pay., pendant de longues a11t1ées, sans revoir sa famille, sa fiancée; il sera tué peut-être, ou estropié, ce qui est pire, et le second re~tera bien tranquille au pays et épousera même la fiancée de l'autre. Si le pauvre garçon sur lequel est tombé le sort veut s'exempter du service, il faut que· sa famille se saigne et se ruine pour acheter un autre garçon plus pauvre qui se fera tuer à la place du premi,)r. Quant au jeune homme 'Tiche, il ne partira pas ; deux mille francs ne sont point ,nne atfaire pour lui. C'est absurde tout du lo·ng. Sait-on ce que signifie le tirage a11sort ? sait-on ce que signifie ce morne ft'Cours à la fatalité qu.rnd au milieu d'une joyeuse génération d'hommes· tout jeunes qui ,ne demandent qu'à vivre, il s'agit de choisir et d'emmagasiner la pâture du canon ? Ah! c'est un grand signe, un symptôme ..... . Au-dessus des nécessités premières de la vie, au-dessus de la beauté, de l'am()ur, de la joie et de l'art; audelà de là science; un idéal sublime fait naitre incessamment dans le sein de toute créature humaine un besoin profond de justice. Ce besoin est si profond que malgré les innombrables motifs qui peuvent engager les hommes à réserver toute leur indépendance, le premier soin qu'ils prennent partout où ils se trouvent, c'est d'établir sur eux-mêmes un chef, un commandement, une justice quelconque. ' Au point de vue le plus simple, c'est-à-dire le plus la.rge, les gouvernements ne sont autre chose que les organes fondamentaux de la justice dans les sociétés. _ L'admiration de la justice s'impose à tous, même aux ;_pervers ; le désir de la produire est la vertn par excellence, et la réalisation de la justice est l'œuvre virile, austère et difficile entre toutes. Pourtant, une nécessité terrible et qui jusqu'à nos jours a paru éternelle, pèse sur nous. Nulle grande œuvre ne s'accomplit dans l'humanité qu'au prix du saug .humain. La femme n'enfante qu'au prix de sang, - c'est là sa .grande œuvre, - et l'humanité qu.i sort de la femme n'enfante non plus la justice, sa grande œuvre, que coucliée dans cette pourpre effrayante. Parcourez les profonrls monuments <le l'histoire; visitez les berceaux glorieux d'où sont sortis les grands pro- -grès et lès peuples illustres, - partout il y a du sang. Entre toutes le.s nati.ons dont nous ayons mémoire, un peup'le lfut le graud .Jiusticier, ,le régulateur du monde antique auquel iQ,lonna l'unité. Rome appr.it à tout l'Occident comment -0n nuge ; et sa ju5jtice, si progressive alors, sa justice siégea pendant miHe ans sur des €hamps de bataille inondés de sang. . Après ce peu-pl,e immortel, -une un•ité nouvelle fut donnée au monde. Une religion nouvelle, une autre justice apportèrent quinze siècles de progrès à l'humanité ; et c'est du sàng des .martyrs que cette unité nouvelle re·çut ,sa force et sa grandeur. Après cette religion, une nouvelle justice, la Révolu- .tion, dit au monde sa première par-0le : affranchissement 1miversel, - et des millions d'hom1ues sont morts ... Et le monde attend la seconde parole. ,,,. tière ,s'élance à son secours. C'était ainsi dans la plupart des sociétés antiques, ce fut ain~i au moyen-àge. . Mais quand les gouvernements ne représentent plus exactement la justice, ou plutôt une justice comprise et acceptée par tous, ils ne peuvent plus compter sur Jlappili unanime de la nation, et ils lèvent des armGes permanentes ; des foules entières qu'ils nourrissent et qu'ils endurcissent pour les fortifier contre la douleur ; qu'ils revêtent de couleurs éclatantes propres à exciter l'orgueil et la colère; qu'ils conduisent au :;on d'une musique rett>ntissante, afin de les énivrer d'enthousiasme, et qu'ils tiennent ainsi tout chauds et tout prêts pour la mort. Dans l'antiquité, ce fut ainsi chez les Carthaginois parce qu'ils ne connaissaient pas d'autre règle que l'intGrêt, C'est ponrquoi ils périrent, c'est pourq11oi leur des-, truction fut juste. Les gouvernements sentent bien que c'est la mission de faire la justice qui leur donne toute leur force. Mais la justice à ce point de vue n'est pas une chose myst2rieuse ; c'est une idée claire, autrement elle n'obligerait personne. Les gouvernements ont donc granrl soin de tenir nette et certaine devant tous l'idée fondamentale, eu vertu de laquelle 'ils jugent et répartissent la peine et la récompense, l'impôt et les faveurs. Ils sentent tellement qu'ils ne peuvent juger, imposer et gouverner les peuples qu'en vertu d'une idGe de justice, que lors même qu'ils n'ont point le désir de juger justement ils se donnent avec soin l'apparence de la justice. Car ils savent bien que si un seul instant, dans un seul acte, ils n'ont plus au moins l'apparence d'un juge, ils ne peuvent plu~paraître que comme des oppresseurs. Depuis longtemps les gouvt>rnements de l'Europe n'ont plus la confiance entière des peuples; d~puis longtemps ils ne peuvent plus compter sur un appui unanime en cas d'attaque ; depuis longtemps ils sont obligés d'entretenir des armées à leur solde ; mais du moins ils cherchent encore à faire illusion sur la légitimité de leurs actes. Ils se disent justes, c'est-à-dire jugeant, choisissant entre le bien et le mal. Dans la répartition des peines et des récompenses, ils allèguent des lois ancienn~s dont les motifs, bons on mauvais, sont acceptés et les dispensent de justification ; ou bien ils se fondent sur des actes qu'ils déclarent coupables ou méritoires. Si ce n'est poi~t la justice qui les guide dans cette répartition, l'illusion est il11 moins possible et eux-mêmes la peuvent partager ; la discussion est nécessaire pour prouver qu'ils se trompent c,u trahissent. Mais voici une fonction gra,·e et formidable, celle du soldat. Voici un .impôt cruel et qui fait pleurer les familles, rimpôt du sang. Comment cette vieille société qui se prétend seule juste, comment ces gouvernements qui prétendent faire égorger ceux qui les trouveront injustes, comment ces gouvernants s'y prennent-ils pour choisir le fonctionnaire qui tue les h()mmes par milliers, pour désigner les poitrines dont le sang consacrera la prétendue justice ? Quel est le motif irréfutable de ce choix ? car il faut qu'il soit irréfutable. Quel est ~emotif de ,ce choix, qui est en même temps une condamnation, comme tous les choix qui désignent une mission <lecet ordre ? N'attendez ni justice, ni motif, ni raison. Cette société déclare elle-même que, dans cette circonstance, elle est incapable de juger. Là •JÙ la justice !ni est le plus nécessaire po1ir demeurer légitime, elle abdique; et dans son effrayant désespoir elle charge ce qui est le plus contraire à la justice, le hasanl, de désigner le soldat qui tuera et se fera tuer. Elle sait bien que pour faire 1rndigne soldat il faut des vertus particulières. Elle sait que le sang versé n'est fécond que lorsque la veine qui l'épanche s'offre d'ellemême au saérifice. N'importe, puisqu'il faut des gens qui tuent et se fassent tuer, et qu'elle se reconnaît inhabile à juger cette question du sang qui est fondamentale, elle en appelle à la plus brutale, la plus funeste, la plus démoralisante de toutes lts superstitions, et croit mettre ainsi sa responsabilité à couvert. f (Le Téstament d'un Républicain). VARIÉ'rÉS. PHILOSOPHIE DES SCIJ~NCES. Lorsque nous voulons me3urer les espaces compris entre ces globes qui brillent au firmament, les uns d'une 'lumière propre et les autres d!un éclat emprunté, il nous faut prendre dans les cieux n::êmes une -1rn.itéde longueur, la terre n'en contenant pas ·d'assez grande. Ainsi, l'astronemie se sert des 34 millions de lieues qui nous séparent de notre chef-lie11 planétaire, exactement comme le géo- Le besoin de J,a justice est si puissant, et la nécessité ,de mourir pour la justice est si profondément sentie, que partout les hommes, pris en masse, consentent non-seulement sans regret mais avec enthousiasme à mourir pour <é-tablirou maintenir parmi eux la justice. Tant que l'organe supérieur de la justice chez les peu- [Jles n'a point cessé d'ê,re l'ins.trument de la_ju_stice.~om- :prise et acceptée par tous, le gouvernement, des qu 11est ::attaqué, n'a qu'à faire un signe .pour que la nation en- - mètre arpenteur se sert du mètre e't de la toise. Le plus souven't même, cette unité est insuffh1nte·; on lui en substitue une .rutre, par exernp:le le rayon de l'orbite d'Uranus, lequel •est -de 7.37 mil-lions ,ke lieues. Ainsi, on exprirne la distance de la première étoile de la Lyre au Soleil en disant qu·'elle •ést à 41, 600 fois le rayon de l'orbite d'Uranus, c'est-à-dire à 41,600 fois 737 millions de lieues. Enfin, il y a ·des distances telles qu'on ne peut les exprimet commodément en prenant une longueur pour terme de comparaison ; on les évalue par le temps qne la lumière: met à les parcourir. Tellv est la distance qui nous sépare <les nébuleuses, vues par Herschell à l'aide de son télescope de 40 pieds ; leur lumière met deux millions d'aur1ées à nous arriver, c'est-à-dirë qu'elles sont à autant de fois 72 niille lieues qu'il y a de secondes en deux millions d'années : essayez de convertit· cela en kilom.ètres ! Rame~ons ici-bas nos regards éblouis; ramassons quelques grams de cette poussière dônt la terre est faice, et le éorps presque impalpable qui reposera dans un des sillons de notre main est une autre immensité qui ne le cède en ri~n à celle des ~ieux. Il ne nous faudra pas moins de cluffres pour exprimer la prodigieuse petitesse des espaces moléculaires, qu'il ne nous en fallait tout-à-l'heure pour rendre l'étormante étendue des espaces intrà-stellaires • les fractions qui expriment les dimensions des molécule; ne seront pas moins fantastiques que les grands nombres devant lesquels notre raison s'humiliait. Chacune de ces petites outres qui représentent chez les mousses le fruit des phanérogames, renferme p.es milliers de graines ; or il faudrait entasser de~ milliers d'o'utres pour faire un volume égal à celui d'une tête d'é11ino-le! A l' ' l' 0 .nu 1eu ui espace, considérons le temps: en regarJ. de c_esgrands corps célestes, dont le développement se conturne. pendant des milliers de siècles, voici des cryptogames dont le tis3u, d'après les calculs de Kiéscr, s'accroit de soixante millions de cellules en une seule minute. Ainsi, nou3 rencontrons ce nouveau motif d'admiration en une matière où il semblait que l'admiration eüt atteint ses dernières limites: !'infiniment grand, dont le télés.c~pe ue no~s a révélé qu'un détail, est comblé par l'iufimm~nt petit, dont le microscope, dans ses plus forts grossissements, ue nous montre encore que de grossières apparences. Dotés par la science de nouveaux organes de vision, nous avons assisté à une véritable phantasmagorie : nous avons vu les astres fnir en grossissant, et les molécules des .corps, démesurément grossies, creuser, en s'écartant, de véritables abimes. Ali-dessous tt au-delà du moncle sensible, nous avons découvert de uouYeaux mondes : <les étoiles par-delà les étoiles visibles à l'œil humain, et dans les entraiiles d'un point microscopiq11e <les amas innombrables. Aujourd'hui, les principales opérations de la science n'ont plus pour objet rien de ce que nos yeux sont habitués à voir, nos mains à toucher ; elle se meut hors de la. portée de nos sens, plus loin que le ciel visible, sous l'enveloppe opaque des choses. Mais si, avant que nous entrion~ dans l'analyse optique, uous n'apercevons ni les premiers éléments des corps, ni les véritables frontières des_cieux,_ n.ous nous élevons sans espérer d'atteindre jamais la hm1te; nous descendons sans espérer de jamais toucher le fond. Féconde dans la pratique, la science semble donc condamnée à une perpétuelle impuissance doctrinale. J'entends ses détracteurs s'écrier qu'elli! n'occupera jamais qu'un point insignifiant dans l'espace infini ... Ils auraient raison si on devait regarder son état présent - comme un état dérinitif. Mais voici ce qui est vrai : ou bien la science acquerra de nouveaux organes, ou bien elle n'aboutira pas. Que l'homme semble peu de chose. quand des espaces ~élestes les yeux retombent sur lui ! Avec quelle lenteur 11 rampe sur -ces voies de fer dont la rapidité excite son orgueil, si 11ou:s comparons la marche d'un convoi aux ondulationil lumineu~es qui feraient huit fois le tour du globe en u'ne seconde ! Mais avec quelle inexprimable pesanteur la lumière elle-même s'achemine dans l'espace quand nous nous arrêtons à cette pensée : avimt que cette terre, âgée maintenant de quelques millious d'années, se fût détachée de l'atmosphère solaire, des étoiles brillaient dont nous ignorons encore l'existence, parce que les messages scintillants qui doivent no11sles révéler, et qui se hâtent vers nous à raison de 72 mille lieues par seconde, n'ont pas eu le ttmps de nous parvenir ! Il n'y a donc là que de simples relations, indignes au fond de l'admiration qu'elles excitent ; il n'y a 1rnint non plus dans tout ceci de motif d'humiliation pour nous ; ce n'est pas l'excès de notre hille sur celle de l'infusoire qui établit notre supéri0rité, et les proportions de l'univers ne le mettent point au-dessus de nous. Pour l'animal dont la carapace siliceuse forme un quarante mille millionième d'un pouce cube de Tripoli de Billin, il y a, d'un bout à l'autre d'un cercu·eil humain, aussi loin que pour nous de la terre au soleil! Rien n'est grand, rien n'est petit, tout a ses racines dans l'infini. Voir l'Etre, !'Infini, et reporter sur ce qui est par soi l'admiration que nous prodiguüms puérilement aux fantômes, aux jeux d'optique, voilà donc qui est digne de l'homme. Cet être qui paraissait si petit, nous en .prenons une idée d.ifférente quand nous le voyons méditer sur les né- .bule 11set,, s'assnrër que l'action du soleil s'étend au moins à quarante-quatre fois le rayon de l'orbite d'Uranus, que la gravitation rég.it les étoiles doubles, etc. ; et l'opinion ~ue nous ~ous en faisons grandit encore, quand il prend a son service des agents dont la rapidité éblouit un ins- .tant I).Otreimagination. A quoi ·doit-il ces triomphes, cette grandeur ? A une force supérieure à toutes les forces de la na:ture, car dès qu'elle se montre, celles-ci obéissent. Que parlons-nous de la vitesse de ce qu'on nomme les fluides impondérabl~s ; en un temps inappréciable l'esprit se transporte
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