Homme - anno II - n.16 - 21 marzo 1855

.,. __ . "---- --~-------------------------------------,,~--------------- CORRESPONDANCEPARISIENNE. 18 mars. Après les révoltes partielles clu chômage et de la faim, voici Ja guerre active des consciences et les tiers mépris de l'idée qui se réveillent. On disait les 6coles mortes : elles n'avaient pas donné signe ne vie depuis Décembre, et le gouvernement se glo1·ifiait de ce triste et honteux silence qui auntrnce la mort .des âmes. Tout à coup, en plein Collége de France, la jeunesse indignée se lève contre un de ces miséra~les apostats qui font métier de vendre à tous les pouvoirs, leur habileté de clown-poète ou philosophe, et !eur petite intelligence deshonorée. M. Sainte-Benve est hué, sifflé, .conspué, e-0mme le fut, il y a vingt ans, Lherminier d'indigne wémoire. Il vent faire l'apologie de Bonaparte, à :propos sans doute ne qnelqu'autre empereur romain aussi pourri que son héros, et l'auditoire inrligné lui crie : "qu'avez-vous fait de votre co_nscience du temps de Carrel?'' li veut répondre à ces mépris par l'insulte hautaine, et la sall.e entière lui jette cette rude apostrophe: '·' qui donc: se déshonore ici, si ce n'est l'apologiste du crime? l'avocat de la trahison? le traitre à l'honneur ?" M. Sainte-Beuve n'a pu achever ses phrases : sa figure incrustée de bassesse et tout empourprée de haine féline était hideuse à voir. C'était la chouette faisant rage et tout hérissée. Comme justice et comme réparation morale à la foi publique tant de fois outragée, ce petit rhâtirhent P.St une bonne œuvre. 'M. Sainte-Beuve, en effet, était entre tous responsable, envers la jeunesse françai3e. Il vous souvient, sans doute, comme à nous, <le son rôle dans le c6nacle littéraire de 1828, de son concours actif et souvent .haineux dans la guerre rPvolutionnaire des deux écoles ; il vous souvient de ses relations intimes avec le National ,le 1834, de ses articles presque enthousiastes (lui si froirl comme tous les gens qui bavent!) à propos des Paroles d'un Croyant. Démocrate, révolutionnaire et même républicain, M. Sainte-Beuve était alors estimé, presqu'..,imé ,dans le camp des penseurs, non pas comme un esprit cl'une puissance véritable et d'idées éleYées, mais comme une probité loyale, incapable de trahir l'esprit de la révolution er de vendre les lettres. Eh bien, M. Sainte-Beuve a fait comme Lherminier, comme le Fortoul, cette autre bas1oesse du temps : il a t.rahi toutes ses amitiés, toutes ses idées, toutes ses premières études et tous ses premiers respects; M. SainteBeuve est, aujourd'hui, plus bas que ce hideux bourgeois de Pa1is qui s'àppelle Véron. Donc les étudiants qu'on disait morts, ensevelis dans les bestialités de l'empire, les étudiants de 1855 ont fait bonne justice, comme leurs ainés, et ce réveil nous est un heureux, un nouveau symptôme, pour de prochains et de plus grands redressements! A la seconde leçon, la tactique a changé : les étudiants pressés comme des grappes, dans l'amphithéâtre, voyaient et sentaient autour d'eux, à côtl> d'eux, dans leurs rangs, les vieux bacheliers fauves et louches de larue-Jérusalem., Ils étaient sous le regard et sous la main des estafiers qui font en bourgeois les besognes de la police, et ils ne vonlaient pas se faire empoigner, sachant bien que sous l'Empire u11simple corps-de-garde peut être le préau ,le Belle-Isle ou de Lambessa. Mais la protestation n'en a pas moins été faite par les rhumes orageux, les toux acharnées, les enrouements et les éternuements. A chaque parole du professeur, c'était une tempête ùe plein hiver, et M. Sainte-Beuve forcé à faire retraite, a déclaré que sou cours serait suspendu jusqu'à nouvel ordre. Des arrestations ont été faites, sur place, et dans la nuit, à domicile : mais les étudiauts paraissent organisés, ,et soyez certain que toute allusion bonapartiste sera chiltiée par eux, quelque soit le professeur. Les petites justices commencent ! • Aux Tuileries, on n'a pas pris le deuil pour l'empereur Nicolas: mais c'est à granrl regret, car nos parvenus sont très friands de toutes ces parades où l'on pose en majestés. MalheureU'Sement, l'héritier-successeur n'ayant pu· notifier la mort de son pè:e au~ gouv~rnements ~n11erois, puisque toutes les relat10ns d1plomat1ques sont 111terrompues, M. Bonaparte, qui n'était d'ailleurs que cousin, n'a pas été mis en demeure. On espère pourtant aux Tuileries que le rpi de Prusse, beau-frère de Nicolas, notifiera, comme intermédiaire, et que l'on pourra se donner les avantages de la grande moire. O les grands destins et les grandes choses que cet Empire charrie ! J'aime mieux la boutique de Curtius. L'Indépendance belge, journal-égofit des polices, a fait une centaine de correspondances sur le départ ou le nondépart de M. Bonaparte pour la Crimée. Quand on voudra plns tard faire comprendre à l'avenir r<lyonnant et libre toutes les misères et toutes les lrnssesses de ce temps, on n'aura qu'à condenser en brochure les cent pages de cette bouffone Odyssée sans voyage. C'est le créti11isme. et la platitude constellés de petits mots disr:rets et de réticences diplomatiques. Toujours est-il q~e M. Bonapa:te continue _à ne p~s s'embarquer et qu'il fera tout merit1r dans sa vie, depuis son serment jusqu'à sa chanson: Partant pour la Syrie, etc., etc. Que voulez-vous ? l'équinoxe a des vents terribles et les mers sont profondes. On ue veut pas disparaître commd les soldats et les matelots de la Sémillante, - ils. n'étaient que 750 à bord! Ils ont tous p6ri. Le capitaine Jugan, avant de pren<lre la mer, avait fait ses observations, à qui de droit, sur cette vieille carcasse dès longtemps usée qu'on lui donnait pour aller heurter les tempêtes. Mais l'autorité supérieure avait menacé le capitaine cle le mettre en disponibilité, s'il ne prenait son bord, et l'officier avait obéi, malgré ses pressentiment. C'était pour lni nécessité de pain, et question d'honneur. On fait toujours la guerre, comme vous voyez, aux timides avis, et les clésastres s'accumulent, et les hommes disparaissent par centaines, par milliers, ici, dans les marais, là, dans les flots. M. Bonaparte ferait-il autrement et mieux, s'il avait conçu le dessein, s'il s'était donné la mission d'épuiser et de ruiner la patrie? Dans tous les cas la peste, la famine, la guetre, les naufrages le servent bien! Il est vrai <ledire, que par ordre, on vient de célébrer à Notre-Dame, un service funèbre en l'honneur des naufragés de la Sémitlante. (Quel nom pour un tel sinistre !) Autour du catafalque, <lit le Siècle, étaient disposées les statues des quatre Vertus chrétiennes, et ,Monseigneur Sibour officiait .... Quelle chance et quelle magnificence ! heureux naufragés d'arnir un catafalque à Notre-Dame, quand leurs cadavres roulent encore au hasard des vagues, ou s'échouent sur les grèves, déchirés, défigurés, sanglants et vert$ ! Ce n'est pas la mer seulement qui a ses proies : la prison, sous M. Bonaparte, reste toujours approvisionnée richement ; et comme les geoles de Paris sont encombrées, le bateau-poste de Quiberon emporte de temps en temps un 11G11veauconvoi pour Belle-Isle. A la date du 1er Mars, tn,ize nouveaux détenus politiques sont partis des prisons <l:;la S~ine pour ce,te citadelle des vents et des douleurs, qu'ont traversée tant de martyrs ! Ces treize-là, qu'ont-ils fait? ont-ils été jugés seulement ? On n'en sait rier,. L'Administration ne rend compte qu'à la Police. J. J. LA GUERRE DES GÉNÉRAUX. Paris, l 7 mars. On ne parle, ici, que de la trahison du général Forey et de sa comparution prochaine devant un Cons_eilde guerre. Les militaires de salon, traîneurs de sabre aux Tuileries et dans les bals publics, annoncent qu'un grand exemple sera fait et que les lois de la guerre auront plein cours, s'il y a <:ulpabilité démontrée. Ainsi le veulent les traditions de l'Empirf:. Certes nous ne sorrimes pas fanatiques de ces lois de violence et de sang que le régime impérial a restaml>es : mais la trahison devant l'ennemi est un crime tellement énorme, elle entraîne des conséquences si graves pour la vie des hommes, pour l'honneur du drapeau, po11rle salut de la patrie, que toutes res mesures et toutes les rigueurs sont contre elle clc droit et de devoir. Mais il y a dans le cas, une question préalable à résouclre. Lt fait est-il constant, est-il prouvé? Le général Forey, chargé d'un commandement a-t-ir trahi sa mission et vendu son honneur ? Tous les généraux de Décembre, complicc>s ou ralliés peuvent être accusés et sont suspects à hon droit, comme assassins de la République lt traitres à leur serment. Pas plus qu'Espinasse, Canrobert, Magnan, Saint-Arnand et Goyon, Forey n'a su se garder contre l'ambition perverse et gloutonne qui sacrifie fout, les devoirs, la foi, les engagements à l'épaulette étoilée. Il est none une première fois entaché, comme tous ses compagnons du grand parju_re ; mais est-il récidiviste, et, comme on le dit, a-t-il noué des rapports sérienx de trahison avec Osten-Saken? Le général Forey comman1le une division <lesiège devant Sébastopol, et la plus engagée. Quand 1\1. de Lourmel se fit tuer en aventurant sa colonne sous les batteries et jusques sous. les portes de la place, le général Forey - qui ne l'avait pas appuyé - dégagea lentement les débris de sa phalange et se montra beaucoup trop Fabricius pour ne pas éveil.cr de soupçons dans les lignes Françaises. Il a, depuis, fait souvent échange de prisonniers avec les généraux russes ; on s'est abordé, ou a coqueté, non pas de gloire, mais de cigarres et de champagne. On a peut-être eutamé la discipline et dépassé les convenances qui doivent être un peu rudes en temps de guerre . .Mais a-t-on vendu les secrets du siége, les plalis du commandement? ou bien a-t-on entravé, paralysé Jes mouvemens généraux par son action particulière ? voilà. la question ; et, jusqu'ici, tout est resté mystère. Ce qu'il y a de bieu certain, c'est que le général Forey jalouse profondément Ca1uobert, son subordonné de la veille, et maintenant son chef rlans Ja campagne de Crimée : c'est qu'il le regarde comme un officier général incapable, pouvant tout au plus lancer un régiment contre un ennemi; c'est qu'il sf croit méconnu, rna!traité, sacrifié comme le croient tant d'autres, du reste, à des intrigues de palais, à <les faveurs de prince. Ajoutez à cela ce grief nouveau, l'arrivée du général Pélissier soüs Sébastopol, ce qui rejette le. général Forcy au q11atrième ou cinquième plan; or, nos généraux d'Afrique ne pardonnent jamais de telles impertinences ! Tout ceci nous ferait croire qne M. Foi ey n'a peut-être pas été bien sourd à des insinuations qui parlaient d'or et qui promettaient venge:mce. l\fais rien de précis et de positif n'est encore établi ; suspendons tout jugement, comme le veut l'honneur, jusqu'après les débats, si débats il y a. Je me permettrai seulement une modeste observation. Quand on a payé des généraux, avec l'argent du vol, pour les entraîner à l'assaut de la Constitutio11 et des libertés publiques, peut-ou s'étonner que ces mêmes généraux trahissent, pour de l'or, au ,profit de l'ennemi ? Quand on a soi-même <!onué l'exemple du parjnre et du guet-apens, a-t-on le droit de frapper, dans les autres, le guet-apens et le parjure ? M. Bonaparte est impuissant pour châtier et puuir : car il est lui-même le crime et le déshonneur vivants! Après le départ de M. Jérôme fils, on espérait qne l'état-major entrerait en conciliation et que les chefs de commandement pourraient, enfin, s'entendre : mais la guerre est plus vive et plus acharnée que jamais : Pélissier lutte contre Canrobert, et Canrobert contre le vieux Lord Raglan qui veut bombarder la ville et bombard~r la flotte, mais qui repousse l'assaut. " Les fortifications extérieures foudroyées et prises, dit-il, il suffira dans l'intérieur d'une redoute, ou d'une barricade minée, pour que mes forces soient englouties et qu'il ne~reste pas un soldat à l' .Angleterre : assez de fautes et de folies : je ne veux pas engager ma responsabilité jusqu'au dernier cadavre." Canrobert persiste et résiste. Il faut un peu de gloire à son empe:,eur ! Le vrai motif, c'est que M. Canrobert vourlrait être maréchal de France. Et voilà pourquoi, par milliers, meurent les hommes! Y... MEETING DU 24 FEVRIER A LONDRES. Nous avons publié, dans un de nos derniers numéros, quelques-uns des discours prononcés au meeting du 27 Février, dans St-Martin's Hall, à Londres. Mais cette fête commémorative de notre dernière révolution n'a pas été seulement une fête du.souvenir, et comme un hommage aux morts: elle a donné lieu à des décisions importantes et qui peuveut être fécondes pour la révolution crénérale, si_elles sont appliquées et suivies avec ~et esprit de concorde ~t de fraternité qui. est l'esprit de vie, en toutes choses et pour toutes èhoses. En quatre propositions, voici le résumé du prog·ramme : Ire RÉSOLUTION. Que ce meeting, dans lequel sont 1'eprésentées les Démocraties de Frarice, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne, de Hongrie, d'Espagne, de Russie, d' A11gleterre et <l'au~ tres contrées, répudie les alliances que les despotes couronnés et les usurpateurs contractent faussement au nom des peuples qu'ils oppriment, et désire subftituer à ces alliances l'alliance des peuples basée sur les intérêts mutuels et tendant à la fraternité universelle. 2me RÉSOLUTION. Que l'alliance d'un gouvernement ou d'une,nation avec des despotes et des criminels tels que François-Joseph d' A1itriche, Louis-Napoléon Bonaparte de France, ou Nicolas de Russie, est une honte flagrante ; Que de pareilles alliances sont immorales et impolitiques, puisqu'ellPs dépendent <ln caprice, de l'égoïsme et de la Yile a111bitiond'hommes qui se sont déjà montrés parjures et traitres, et chercheront probablement à trahir et à ruiner la nation avec laquelle ils s'allient, comme ils ont déjà trahi le peuple et les lois qu'ils avaient juré de conserver et de défen<lrt. . Sme RÉSOLUTION. Que la seule garantie de paix et de progrès, soit entre la France et l'Angleterre, soit entre les autres contrées, est ,Jans la stricte allia11ce des Peuples; Que ce meeting, en conséquence, désire inaugurer et ratifier une pareille alliance, et que, dans ce but, il recommande l'établissement d'un Comité international permanent, composé de représentants des Démocraties de l'Angleterre et des diverses contr/ies de l'Europe continentale ; Que ce Comité sera ouvert à toutes les nations. 4me ET DERNIÈRE RÉSOLUTION. Que le Comité international est chargé de réunir en . conférence les représentants de toutes les Démocraties en vue de proclamer et cle propager les principes et de préparer l'avènement de la République universelle démocratique 1::T ~OCIALE. Ces 1·ésolittions ont un premier avantage, elles n'excluent ou ne patronnent ni les hommes, ni les systèmes. Loyalement fondées sur le principe

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