11 • I' /~ H \1 f.' f U ,\1 !H r,. -·----------------------------------- On rcrrait partent le cerveau qni pense, le bras qui agit, la lnatière qui obéit; la machine serv~nt l'homme; les expérimentations sociales sur tme vaste échelle; toutzs les fécondations merveilleuses <luprogrès par le progrès; la science aux prises avec la création; des ateliers 'toujours ouverts dont la misère n'auraitqn'à pousser la porte pour devenir le travail; des écoles toujours ouvertes dont J•ignoranéc n'aur:i.it qu'à pousser la porte pour devenir la lumière; des gymnases gratuits et obligatoires où les aptitudes seules marqueraient les limites de l'enseignement, où l'enfant pauvl'e recevrait la même culture que l'enfant riche ; des scrutins où lA.femllle voter:lÏt comme l'homme; car le vieux monde du passé trouve la fcmllle bonne pour !es responsabilités civiles, commerciales, pénr.les ; il trouve la femme bonne pour la prison, pour Clichy, pour le b:1gne, 11our le cachot, pour ]'échafaud; nous, nous trouvons la femnie boune pour la dignité et pour Ja liberté ; il trouve !a femme bonne pour l'esclavage et pour la mort, nous la trou,·ons bonne pour ia vie; il admet la femme comme personne publique, pour la souft'rance et pour la peine, nous l':idmettons oomme p~rsonHe publique pour le droit. Nons ne disons pas: nme èe pre:11ière qualité, l'hon.1nc; âme de deuxième qudité, la fra1me. )lo,:s proclamons la femme uotre égale avec le respect de plus. 0 f,muie, mère, compagne, sœur, éternelle mineure, éternelle esclave, éternelle sacrifiée, éternelle martyre, nous vous relèverons! De tout ceci le vieux monde nous raille, je le sais. Le droit de la femme, p.rncbmé par nous, est le sujet principal de sa guîté. Un jour, à J' .\..~semblée, 1111 interrupteur me cria : c'est ,urtout :ivec ç,1, les femmes, que vous nous faites rire. - Et vous. lui répondis-je, c'est surtout avec ça, les femmes, que vous nou~ fait~s pleurer. Je reprend-s, et j'achève cette esquisse. Au faîte de cette sp1endeur universelle, l'Angleterre et la France Tayonneraient; car elles sont les aînées de la civilisation actuelle ; elles sont au dix-ncuviè1::e siècle les deux nations mères; elles éclairent au genre humain ca m:irche les deux routes du réel et du possible; elles portent les deux flambeaux, l'une le fait, l'autre l'idée. Elles rivaliseraient sans se nuire ni s'entrdver. Au fond, et à voir les choses de la hauteur philosophique, -permettez-moi cette parenthèse - il n'y a jamais eu ..entre elles d'autre antipathie que ce désir d'aller au delà, cette impatience de poussPr plus loin, cette logique de marcheur en av:rnt, cette rnif de l'horizon, cette ambition de progrès indéfini qui est toute la Frn1~ce et qui a quclqucfoi~ importuné I' Angleterre sa vo;sine, volontiers satisfaite des résultats obtenus et épouse tranquille clu fait accompli. La France est l'.1dversaire de l'Angleterre cowme le mieux est l'en11e1:1idu bien. Je continue. • Dans la vieille cité du dix aoftt et du Yingt-de-ux septembre, déclarée désormais la Ville d'Europe, Urbs, une colo~sale assem-- blée, l'assemblée des Etats-Unis d'Europe, arbitre de la civilisation, S.Jrtie clu suf:ragc universel de tous les peuples du coutinent, traiterait et règlerait, en présence dr ce maje$tueux mandant, juge clffinitif, et a1•cc l'aide de la presse universelle libre, toute~ les questions de l'humanité et ferait de Paris au centre du monde un vole.in de lumière. Citoyens, je le dis en passant, je ne crois pas à l'éternité de ce qu'on appelle aujourd'hui les parlements ; mais les parlements, générateurs de liberté et d'unité tout en6emble, sont nécessaires jusqu'au jour. jour loint:i.in encore et voisin <le l'idéal, où, les complications politiques s'étant dis-soutes dans la simplification du travail universel, la fo:·mule: Le ·~101Ns DE oouvr:RNCl!ENT, ross!BLi; recevant une applic:i.tion cle plus en plu~ complète, les lois factices ,iyant toutes disparu et les lois naturelles demeurant seules, il n'y aura plus d'autre assemblée que i'assemblée des cïéatenrs et des inventeui•s, ·découvrant et promulguant la loi et ne la fais:int p:is, l'assemblée de l'intelligence, Je l'art et de h science, l'Institut. L'Institut transfiguré et rayonnant, produit d'un tout autre mode de nominqtion, délibérant publiquement. Sans nul doute, l'Institut, dans la perspective des temps, est l'unique assemblée future. Chose frappant-e et .que j'ajoute encore en passa11t, c'eH la Convention qui a créé l'Institut. Avant d'exp;rer, cc sombre aigle des révolutions a déposé sur le généreux sol de France l'œuf mystérieux. qui contient les aîles de l'avenir. Ainsi, pour résumer en pe!.i cle mots les quelques linéalllents que je viens d'indiquer, et beaucoup de détails m'échappent, je jette ces idées au hasard et rapidement, et je ne t:-acc qu'un à-peu-près, si la révolut:on de 1848 avait vécu et porté ses fruits, si la république fut restée debout, si, de république franp1se, e:lc fut dévenue, comme la logique l'exig~, république européenne, fait quô se serait aceompli alors, t:erles, en moins d'une année et presque ~an~ secousse ni déchir(•m<'nt, sous le souffle du gra;1d vent <leFévrier. citoyens, si ies chot·es s'étaient passées de ia ~orle, que seBit aujourd'hui l'Europe? une famille. Les 11a:ioi1s sœurs L'homn e frère de l'ho:11rnc. On ne serait plus ni frauçais, ni prnssien, ni e~pagnol; Oil serait européen. Partout b sérénité, t'.ictivité, le bi_.11.être, la vie. Pas d'antre lutte, d'un bout à l'autre <ln conti11l'nt, que la lutte <'.u bien, èu beau, du granrl, <lujuste. du vrni et de l'utile domptant l'obstacle et cherclnnt l'idéal. Parto11t cette immense victoire 4u'o11 appelle le travail dans cette immense clarté qn'ou appel;e la paix. Voilà, citoyens, >'i la rôvolu\lou eut trioillphé, voilà, en raccourci et en abrégé, le 8pectacle que llOUSdonnerait à cette heure l'Europe des peuples. Mais ces ch ,s~s ne se sont point réalisées. Heureusement on a rétabli l'ordre. Et, au lieu de cela, quP. voyons-nous? Ce qui est debout en ce moment, ce n'est pas l'Europe des peuples: c'est l'Europe des rois. Et que fait-elle, l'Europe de~ rois? Elle a la force; elle peut ce qu'elle veut; lrs rois sont libres pnis,1,i'ils ont é1ouffé la libcr:é; t'Europe des rois est riche; elle a d..!smillious, ede a de~ milliards; cHe n'-a qu'à ouvrir la vemc des peuples pour en faire jailiir du sang et de l'or. Que fait- elle? ciéblaie-t-dle les emoutwlrnres des fleuves? abrège-telle la route de l' Iude? rclie-t-ellc le Pacifique à l'Atlantique? perce-t-elle l'isthme de Suez? coupe-t-eile i'isthmc de Panama? jette-t-elle clans les profondeurs de t'Océan le prodigieux fil électrique qui r:itt:ichera les contillents aux continents par l'idée devenue écl<1ir,et qui, fibre colossale de la vie universelle, fora du globe 1111 cœur énorme ayant pour battement la pensée de rhomme? à quoi s'occupe l'Europe des rois? accoa1plit-clle, maîtresse <lu monde, quelque grand et saint travail de progrès, de civiiisation et d'humanité? à quoi dépense-t-t'lle les forces gigantesques du continent dont elle dispos1::? que fait-elle 1 Citoyens, efle fait une guerre. Une guerre pour qui? Pour vous, peuples ? Non, p•Jur eux, rois. Quelle 6 11erre? Une guerre misérable par l'origine : une clef; épouvantable par le début: Balaklava; formidable par la fin : l'abîme. Une guerre qui part du risiolc pour aboutir à l'horrible. Proscrits, nous avons déjà plus d'une fois p'arlé rl.ecette guerre, et nous sommes condamnés à en parler longtemps encore. Hélas! je n'y songe, <;uant à moi, que le cœnr serré. 0 .Frauça1s qui m'entourez, la France avait 1me armée, une année, la première tlu monde, une armée admirable, incomparable, forméè aux grandes guerres par vingt ans cl'Afrique, une armée, tête de colonne du genre humain, e~pèce de lllarseillaise i'ivaote, aux strophes hérissées de bayonnettes, qui, mêlée au • souffie de la Hh10lution, u\ ùt c•nqu',l f:.irC' c!i::ntt•r ses cla:rùns pour faire il l'instant rnG1nct0it:b.:r ,•11 pon,sière ~u. le C'.llllinent tous ]es vjeux. se~ptr2'i Pt 1~, .es !e:, v1:-;idc•s ch:iî;1( 1 ~.;: cP:~e ari~1:.!c, où e~t-cllc? qu'est-clic c!, 1·,•nue? Citoy,•li~, :'.\[. B:rnap1,•e l'a pri,e. Qu'en &-t-il fait? d':tbord il l'a envdopi;ée daus l<! linceul de son crime ; ensuite il lui a cherché uue tombe. li a trouvé la Criméé. Car cet homme est poussé et aveuglé pa:· ce qu'il a en lui de fabl et par cet instiuct de la destrnction du vieux monde r1ui est son âme à son insu. Prnscdts, détournez un momqit vos yetL'<de Cayenne où i! y a amsi un sépulcre, et regardez là bas à l'Orient. Vous y avez de~ frères. L'année française et 1'11rmécanglaise sont là. Q,u'est-cc que c'est que cette tra:ichéc qu'on ouvre deYant cette ville tartare? cette tranchée à deux pas de laquelle coule le ruisseau de sang d'Tnkermann, cette tranchée où il y a des hommes qui passent la nuit debout et qui ne peuvent se coucher parce qu'ils sont dnns l'eau jusqu'aux genoux ; d'autres qui sont couchés, mais dans un dcmi--mètre de boue tJ ui les recouvre entièrement et où ils mettent une pierre pour que leur tête en sortP; d'autres qui sont couchés, mais dans la neige, sous la neigE-, et tJni se réveilleront demain les pieds gelés, d'autres qui sont couchés, mais sur la glace et qui ue se réveilleront pas; d'autres qui marchent pieds !IUS par un froid de dix degrés parce qu'ayant ôté leurs soulier~, ils n'ont plus la force de les remettre, d'autres couverts de plaies qu'on ne panse pas ; tous sans abri, sans feu, presque sans aliments, faute de moyens <le transport, ayant pour vêtements des hailhns mouillés devenus glaçons, rongés de clyssenteries et de typhus, harcelé; de sorties, criblés tle bombes, réveillés de l'agonie par l:i mitraille, 'et ne cessant d',}t1,edes combattants que pour redevenir des mourants; cette tranchée, où l'Angleterre à l'heure qu'il est, :i entassé trente mille soldats, où la France, le 17 décembre, -- j'ignore le chiffre ultérieur, - avait couché quarante-six mille sept cents hommes, cette tranchée où, en moins de trois mois, quatre vingt mille hommes ont disparn, cette tranchée de Sébastopol, c'est la fosse des deux armées. Le creusement ,le cette fosse, qui n'est pas finie, a déjà coûté trois milliards . La guerre est un fossoyeur en gr:rnd qui se fait payer cher. Oui, pour creuser la fosse des deux armées ù' A.Hgletcrre et de France ( 1), la Francz et l'Anglete:rre, en comptant tout, y compris le capital des flottes englouties, y compris la dépression de !'industrie, du commerce et du crédit, ont déj;i th~pensé trois milliards. Trois milliards! avec ces trois mil1iarcls on eût complété le réseau des chemins de fer anglais et françai~, on eût construit le tunnel tubulaire de la Ylanche, mrilleur trait d'union des <leux peuples que la poignée de main de lord Palmerston et de l\I. Bo11:1parte qu'on nous montre au-dessus de nos têtes avec cette légende: A LA BONNE ror; avec ces trois milliards, on eut drainé toutes les bruyères de :France et d'Angleterre, donné de l'eau ~a!ubre à tontes le~ villes, à tous les villages et à tous les champs, assaini la terre et l'homme, reboisé dans les deux pays toutes les pentes, prévenu JHr conséquent les inondatio11s et les débordements, empoissonné tous les 1cuves de façon à donnt!r au pauvre le saumon à un sou la livre, multiplié les ateliers et les écoles, exploré et ei.:ploité partout les gisements houilliers et minéraux, doté toutes le~ communes de pioches à vapeur, ense:ne11cé les millions d'hectares en friche, transformé les égouts en puits d'engrais, rendu les disettes impossibles, mis le pain dans toutes les bouches, décuplé la production, décuplé la consommation, décuplé la circulation, centuplé la richesse! -il mut mieux prendre-je me trompe -· ne pas prendre Sébastopol ! Il vaut mieux employer ses milli:ird~ à faire périr ses armées! il vaut mieux se ruiner à se suicider! Donc, devant le continent qui frissonne, les deux :irmées agonisent. Et pendant ce temps-là, que fait" l'empereur Napoléon HI?·, J'ouvre un journal de l'empire, (l'orateur déploie un journal) et j'y lis: "Le carnaval poursuit ses joies. Ce 11e ~ont que fêtes "et bals. Le deuil que la Cour a pris à l'occasion des morts des "reines de Sardaigue sera suspendu vingt-quatre heures pour ne "pas empêcher le bal qui va avoir lieu aux Tuileries." Oui, c'est le bruit d'un orchestre que nous entendons dans le pav:llon de !'Horloge; oui, le Moniteur enrégiltrc et détaille le quadrille où ont" figuré leurs .i\Iajestés;" oui, I empereur danse, oui, ce Napoléon danse, pendant que, les prunelles fixées sur les téni'!bres, nous regardons, et que le monde civilisé, frémissa1rt, regarde avec nous Sébastopol, ce puits de l'abîme, ce tonneau som- (l) Les détails lugubres abondent. En voici 'luelques-uns pris au hasard: Correspondance particulière. - (Constantinople 5 février.) - " Les maladies dominantes, et les plus graves dans les hôpitaux, sont les dyssenteries et les congélations.· Les dyssenteries ont une intensité incroyable; j'ai vu un malheureux officier changer huit fois de draps en quelques heures.'' Balaklava 30 janvier. - " Un petit cours d'eau vient des montagnes à Balaklava et se rend à la mer. C'est à peu près la seule èau potable; c'est précisémt!nt cette eau qui a été la cause de maladies atroces, d'espèces d'empoisonnements inexplicah]Ps. En tout son cours, cc filet d'eau a reçu des détritus sans nombre et 1oansnom: carcasses de chevaux, entrailles de besti:rnx, cadavres même, parfois, etc. Vous devinez le résultat de cette imprévoyance .................................................................... . Le bois manque; c'est nne rude privation. On a distribué du charbon ; il en est résulté de fâcheux accidents. Deux officiers d'arlillerie, entre antres, ont été asphyxiés sous leur tente." Devant Sébastopol, 8 janvier. - " Les pleurésies, les fluxions de poitrine, les rhumatismes, et les pulmonies ont paru parmi nous, et quoique la diarrh.'.ie et la dyssenterie soient moins intenses, les cas de scorbut augmentent co11sidérablement. Hier, 7 janvier, le 63e régiment n'avait que sept hommes sous les armes. Le 46e n'en avait que trente. Une forte comp:ignie du 90e a été réduite à. J,,4 hommes par ll's épreuves <lela semaine dernière, et le régiment auquel elle appartient, quoique cité pour sa bonne sauté, :1 eu 50 morts en une 'lninzaine. Les Gardes écossa:s qui comptaient 1562 hommes au commencement uecomptent plus que 210 hommes à la parade, y compris les domestiques et caporaux. Tous ]e6 régiments ont subi dJs pertes analogues." ( Times, 2Djanvier 1855.) "L'armée anglaise a cessé d'être une armée. Elle n'en porte qup le nom. Des 5G,000 hommes que le gouvernement anglais a envoyés en Orient, il ne reste plus, en ce moment, que 10,000 ou 11,000 hommes, et encore ne sont -ils pas tons capables de porter les armes. Je dois ajouter, de plus, qu'il y :L 10,000 malades dans les hôpitaux de Constuntinople, et 1,000 clans les ambulances de Balaklava; les autres ne sont plus ....................................... . Le 63e régiment est parti le 21 janvier pour Balaklava, d'où il s'est embarqué pour Scutari. Il était fort de 30 hommes, officiers, ét:it-m3jor et soldats compris, escorte à peine [uffisante pour accompagner le drapeau. Lors du débarquement en Crimée, ce rég-iment compt:üt 970 hommes : il avait reçu depuis un renfort de 30\ hommes. Il n'y avait qu'UN sergent pour représenter une compagnie entière de grenadiers, qui était forte de 120 hommes ! (Times, 17 février 1855) . b.-e où Yiennent l'une après l'autre, pâles, échevelé<'~,versant dans le gout~·rc leurs trésor~ et leurs enfants, et rccom:neuçant to1:- jours, la F;-ancc et i'Angleterre, ces deux D;ma'itles anx yeux Han0;!ants ! Pomtant 011 annonce que "l'empereur'' va partir. l'ourla Crimée_! est-ce_ possible? Voici que la pudeur l1li viendratt et qu'il amait con~cience de la rougeur publique? On nous le montre brnndiss:mt vers SSii:istopol le sabre de Lodi, chaussant les bottes de sept lieues de \Vagram, avec Troplong et Baroche éplo~és pendus aux <lenxbasques de sa rcdingotte grise. Que veut dire ce v:i-t-cn guerre? - Citoyens, uu souvenir. Le matin du coup ~l'Etat', apprenant que la lutte commençait, }I. Bonaparte s'écria: Je veux a!lcr partager les d·rngers de mes braves soldats! Il y c;~t pro:>ab!e:n<•1ltlil quP!que Baro~he ou quelque Troplong qui s eplora. RH•n 11e put le rC'trn1r. Il partit. fi tr:iverna ], s Champ~--Elysé,'s et les Tn:Ic•rif's entre deux triples h.1irs cle bayonncttes. J◄:n débouchant des Toileries, il ,·:iîr:1 rn<' de !'Echelle. Rue de J•J,:chelle, ct•:a signifie rui' clu Pil0ri; i1 y av,1it là autrefo.;s, ('n ~flet_une échelle on pilori. Dans <''·ttc l'll(', fi aperçut de la foule, tl vit le geste menaçant du peuple; 1111 ouvrier lui cr:a: à ba, le trdtrc ! Il pâlit, tourna bride, et rentra à 1'Elysfr. Ne nous clonnon~ donc- pïs les émotions du départ. S'il p:H"t, la porte des Tuileries, comme celle de l'Elysée, reste entrebaill&e derrière lui; s'il part, ce n'est pas pour la tranchée où l'on a<ronis_e,ni_po~r la ù1~ècheoù l'on .meurt. ~e premier coup de caion qui lui criera: a bas le traitre! lm fera rebrousser chemin. Soyons tranquilles. Jamais, ni dans Paris, ni en Crimée, ni dans l'histoire, Louis-Bonaparte ne dépassera la rue de !'Echelle. Du reste, s'il part, l'œil de l'histoire sera fixé sur Paris. Attendons. ~itoyens, je viens d'expos~r devant vous, et je circonscris la pernture, le tableau que présente l'E,1rope aujourd'hui. Ce que serait l'Europe républicaine, je v.:ius l'ai dit: cc qu'est l'Europe impériale, vous le voyez. Dans cette situation générale, la situation spé-:iale de la Franee, la voici : Les finances gaspillées, l'avenir grevé d'emprunts, lettres è.e change signées DEUX-Df:GE!\ll3P.Eet LOUIS llONAPARTE et par conséquent sujettes à protêt, ]' Autriche et la Prusse ennemies avec des masques d'alliées, la coalition des rois, latente mais visible ; les rêves de démembrement revenus, un million d'hommes prêt à s'ébranler vers le Rhin au premier signe du czar, l'armée d'Afrique anéantie. Et pour point d'appui, quoi? l'Angleterre ; un naufrage. Tel est cet effrayant horizon aux deux extrémités duq,uel se dressent deux spectres, le spectre de l'armée en Crimée, Je spectre ~lela république en exil. Hélas! l'un de ces deux spectres a au flanc le coup de poignard de l'autre, et le lui p:irdonne. Oui, j'y insiste, la situation est si luguorc que le parlement épouvanté ordonne une enquête, et qu'il sem'ble à ceux qui n'out pas foi en l'avenir des peuples prov:dentiels que la France v.:i. périr et que l'Angleterre va sombrer. Résumons. La nuit partout. Plus de tribune en France, plu., de presse, plus de parole. La Russie sur la Pologne, ]'Autrich~ sur la Ho11gric, l'Autriche '3ur Milan, l'Autriche sur Venise, Ferdinand sur Naples, k pape sur Rome, Bonaparte sur Paris. Dans ce huisclos de l'obscurité, toutes sortes d'actes de ténèbres; exactions sp~lia_tions, bngandag.es, transportations, fusillades, gibets; e1; Cnmee, une guerre altreusc; des c11davrcs d'années sur des cadavres de nations; l'Europe cave d'égorgement. Je ne sais quel tragique flamboiement sur l'avenir. Blocus, villes incendiées, bomharde111ents, famines, pestes, banqueroutes. Pour les intérêts et les égoïsmes le commencement d'un sam<-e qui peut. Révoltes obscures des soldats en attendant le réveil des citoyens. Etat de cho~es terrible, vous dis-je, et cherchez-en l'issue. Prendre Séb~sto~ol, C_'<;slta_ guerre sans fin; ne _ras, prendre Sébastopol, c est I hum1hat1on sans remède. Jusqu'a preMent on s'était ruiné pour la gloire, maintenant on se ruine pour l'opprobre. Et que deviendront, sous ce trépignement de césars furieux, ceux des peuples qui survivent/ Ils pleureront jusqu'à leur dernière larme, ils paieront jnsqu'à leur dernier sou, ils saigneront jusqu'à leur dernier enfant. Nous sommes en Angleterre, que voyons-no\is autour de nous ? partout des femmes en noir. Des mères, des sœurs, des orphelines, des veuves. Rendez-leur donc ce , 1u'elles pleurent, à ces femmes! ~'oute l'Anglet~1-re est sous un crêpe. En France il y a ces deux immenses demis, l'un qui est la mort l'autre, pire, qui est l'ignominie; l'hécatombe de Balaklava et l~ bal des Tuileries. Proscrits, cette situation a un nom. Elle s'appelle" la société sauvée. " Ne l'oublions pas, ce nom nons le dit, reportons toujours tout à l'origine. Oui, cette situation, toute cette situation sort du "grand acte" de décembre. Elle est le produit du parjure du 2 et de la boucherie du 4. On ne peut pas dire d'elle du moins qu'elle est bâtarde. Elle a une mère, la trahison, et un père, le massacre. Voyez ces deux choses qui aujourd'h,ü se touchent comme les deux doigts de la main de justice divine, le guet-apens de 1851 et la calamité de 1855, h catastrophe de Paris et la catastrophe de l'Europe. 1\1.Bonaparte est parti de ceci pour arriver à cela. Je sais bien qu'on me dit, je sais bien que M. Bonaparte me dit et rne fait dire par ses journa.ux: - Vous n· avez à la bouche que le deux-décembre! Vous répétez toujours ces choses-là! à quoi je réponds : - Vous êtes toujours là! Je suis votre ombre. Est-ce ma faute à moi si l'ombre du crime est un spech·e? Non ! non! non ! non! ne nous taisons pas, ne nous lassons pas, ne nous arrêtons pas. Soyons toujours :v,, nous aussi, nous qui sommes le droit, la justice, et la réalité. Il y a maintrnant :ru dessus de la tête de Bonaparte deux linceuls, le linceul du peuple et le I inccul del' armée, agitons les sans relâche. Qn'on entende sans cesse, qu'on entende à travers tout, nos voix au fond de l'horizon! ayons la monotonie redoutable de l'océan, <le l'ouragan, de l'hiver, de la tempête, de toutes les grandes protestations de la nature. Ainsi, citoyens, une bataille à outrance, une fuite sans fond de toute~ les forces vives, un écroulement sans limites, voilà où en est cette malheureuse société du passé qui s'était crue sauvée en effet parce qu'un beau matin elle avait vu un aventurier, son conquérant, confier l'ordre au sergent-de-ville et l'abrutissement au jésuite! Cela est en bonnes mains, avait-elle dit. (~u'en peuse,t-elle maintenant? 0 Peuples, il y a des hommes de malédiction. Quand ils promettent la paix, ils tiennent la guerre, quand ils promettent Je salut, ils tiennent le désastre, quand ils promettent la prospérité, ils tiennent la ruine, quand ils promettent la gloire, ils tiennent la honte. Quand ils prennent la couronne de Charlemagne, ils mettent dessous le crâne d'Ezzelin; quand ils refont la médaille de Césa_r,c'est avec le profil de Mandrin; quand ils recommencent l'e:npire, c'est par 1812; quand i!s arborent un aigle, c'est une orfraie; quand ils apportent à un peuple un nom, c'est un faux nom, quand ils lui font un serment, c'est un faux serment, quarid ils lui annoncent un Austerlitz, c'est un faux Austerlilz; quand ils lui donnent un bai~er, c'est le baiser de Judas; quand ils lui offrent un pont po:::r passer d'une riye à l'autre, c'est le pont de la Bérézi..:a.
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