Homme - anno II - n.10 - 7 febbraio 1855

en dehors quelque chose, à nous parf:.itemer,t inconnu quoique réel, yui est l'occasÎùtl clu jeu de l'entendement. Gràce au philosophe allcm ,n<l, l'esp:·it humain connait s:i puissance et ses limites. Il sait que toutes les idées qni sont en l11i sont sul(jectives, et db lors il ne spiriwalisera plus la matière, il ne tombera p'.us <l:rns le sensualisme, le matérialisme et !'athéisme ; et il sait et, outre qu'il ne peut p6nHrer les cho:,es en soi, qu'il lui est do11né seulen1ent de <·o,maitre le ph6uomé11al, et <lès lors il ne realisera plus les conceptions de la raiso:1 p~ire, il ne s'égarera plus dans les rêveries du p:rntltéisme et <lu mysticisme. Et, tout en réduisant nos connaissances aux rapports des choses, Kant demontrP. l'immortalité de l'ùme, la vie future et l'existence de Dieu. l\Iais j'aurai occasion de revenir plus tard sur ceci: j'ai hàte <le terminer. Maintenant notre conclusion est facile à formuler. La voici en deux mots : C'est que la méta;)hysique, la science est fi!le ,le la philo~ophie moclerne; que les di,·isions i11téri(•ures de la philosophie ont servi et poussé eu avant la métaphysique, la scienct:; que, d'ailleurs, ces divisions tendaient à l'u:1ité, qui a été réalisée p.ir le g6,1ie de Kant; et qu'aujourd'hui la métaphysique, la science est assise s11r un roc solicle où l'esprit hutllai11 peut s'appuyer avec toute confiJnce pour al;er pins loin; -et c'est que, d'une autre part, la religion essenticllemant hostile, contradictoire à la métaphysique, à la science, est restée _étrangère au progrès scientifique df" notre temps, et que, sous le rapport de l'intelligence et des lumières, elle est comme un revenant d'un autre ùge, sorti hier du tombeau où il était enfermé depuis des siècles et des siècles. H. MARLET, La philosoplüe du dix-huitième siècle ne s'est pas co11tentée de jLter à l'ancien ordre de choses les terribles ironi-?s, les é:oqnentes rrutestatious, de Voltaire, cle Rousseau et des Enclyclopiù:stes. Elle ,i po1irsuivi, <lans une yoie plus mo<leste, un trarnil de ùéclnction et d',111alyse qui devait aboutir il une négation complète ùe l'ancienne synthèse métaphysique. D-:s.::artes, après avoir rejeté la sci •nec tr,1.cLtionn!lle, s'érnit hàté <le refaire une sci,nce avec sa raison. ~fais cette n.i-0.1 était encore, ~n dépit d'ellQ-m~me, sous l'influence de la trnùitio!l ; b science qu'elle venait de reeonstruire üait <10nc suspecte. C'est pour0,uoi le dix-huitième siècle aVoit bien :.1.dopté 1a négation Où le doute méthodique de Descartes, mais avait rcponssé ses affirmations et ses hypoth~ses. Le problème à résoudre pour ce siècle était évidemm~nt celui-ci : De quel droit la ruison afftrm"!-t-elle? Ava11t cle porter un jugement sur les idées que nous t1Ol)Vons en 11ous, il faut se rendre compte de la nature et de l'origine de ces ie,léc·s. Ce problème des idées avait été traité en Angleterre par Locke, placé soi.s la double influence de Bacon et de Dtscartcs. Locke app:irte11ait au mouvement négateur ou révolutionnaire dont ces deux philosophes avaient tlonné le signal. Mais il e1m:loppa .;es plus gra11d~s hardiesses de toutes les prl!cautious et <le toutes les réserves exigées par la prudence conservatrice de l'esprit brit,rnnique. -Sou analyse imparfaite, accueillie e11France comme_ un évan. gile, y fut poussée jusqu'à ses dernières extrémités. C'est là seulement qu'on a le courage <le la logique et qu'on ose demander à un principe toutes les conséquences qu'il renferme. Coudillac reproduisit avec une admirable clarté le système de Locke, en élagua soigneusement ce qu'il renf P.rmait encore de mécaphysique spiritu:iliste, et ramena toutes nos idées à la sensation, c'est-à-dire à une origine matérielle. La doctrine de Condillac conduit à l'11théisme, mais elle ne le proclame p~s encore. Le philosophe avait une position sociale; il devait à Dien quelques ménagements, et la politesse exigeait qu'il lui laissât encore une petite place dans le monde. Ses successeurs s'affranchirent promptement <le toutes les considérations <le ce genre ; ils atLeignirent enfin l'extrême limite du doute et de la négtttion possible en rejctaut comme absurde tout ce qui ne tombe pas sous J"obserrntion sensuelle. La philosophie avilit poursuivi l'idée jns1ue dans la pulpe ncr\'euse. Arrivée là, il ne lui restait pl11s qu'à ahcliquer clevant l'autorité supérieure cle la chimie et de vhysio!oi',ie: c'est ce qu'elle fit en cléclar&nt par la houche de Cabanis que la pe11sée n'est qu'une sécrétion du cerveau et par la bouche <le Y olney que l'homme n'a pas d'antre mobile <le ses actions que l'utilité physique. Est-ce Ft le seul titre cle gloire <le l'école idéologique? S'('St-el.e stoïquement renCerm6e dans cette froi<le et inexorable analyse qui se te.r1'uine au néant? Non : elle s'en est affranchie dans b pratique par une noble inconséquence; et ces hommes qui niaient en théorie la momie sacrée et l'àmc immortelle, se sont montrés les plus zélés défenseurs <les <lroits éternels de la raison. C'est qu'il y arnit en eux une Jouble \'ie, une double intelligence, une dou1le mission. Leur scie)1ce protestait contre tout cc qui s'.était appelé morale et religion dans le passé ; m.iis au moment même où elle semblait expirer <lans le vide, elle se tra ,sformait et puisait une vie nouvelle dans le sei11 cle l'Humanité. Les idéologues croyaient agir et parler au nom de leur philosophie; mais ,,ette philosophie n'avait d'autre objet que d'anéantir les vieilles institutions, et c'est la rPligion humanitaire qui agissait et p:irlait en eux, quand ils se dévouaient pour la cause de la iiberté et du progrès; c'est cette religion qui inspirait à Co11<lorcet l'hymne de l'avenir devant la hache de la Terreur; c'est elle qui soutint le courage et la clignité d'uu petit groupe de penseurs au milieu des fureurs des p:ntis et devant la fortune ins'.>- lente rlu soldat couron11é, Napoléon qui voulait enrégime11ter à son service tout<::sles gloires et tous les genres de mérite, s'efforça ide disr:ipliner un bataillon d'idéologues ; mais la philo- ~opliie refnsa de marcher au son <lu tambour et de se prêter à toutes les évolutions qu'on exigeait d·e11e. Elle prit pince dans les grands corps de l'Etat; mais elle réserva toujours sa liberté d'allures et son franc parler. Cette ind~\pendance obstinée de quelques hom nes vis-àvis de la plus absolue puissance des temp~ modernes fut sans doute le plus sérieux obstacle et le pins cruel embarras qu'elle hit rencontré. Une victoire gagnée sur l'idéologie eût été d'un plus grand prix il ses yeux qu·un triomphe obtenu sur ses plus sauglants ennemis du dehors. Mais que pouvait l'orgueilleuse colère du Ilespote contre cette tran4uille opposition de la science? Par quelles :.urnes l'atteindre sans se blesser elle-même? Il fallut se contenter d'injures, de sarcas111es et de vexations ; et dans cette sour<le guerre, la puissance <le l'égoïsme finit par succomber sous la puissance de la raison. C'est un idéologue, Destutt le Tracy qui fit décréter, en 1814, la déchéance de Napoléon. Quel que soit le jugement qu'on porte aujourd'hui sur' le système de cette école, il faut rendre justice à la grancleur de ses travaux et reconnaitre dans sts errenrs mêmes uue phase importaute de l'histoire dé l'esprit humain. Il!ais ce qui est supérieur à tous les systèrnes, c'est la faculté <le les pro<luire et de les exprimer, c'està-clire la vie même de l'intelligence; et le premier titre cle l'école idéologique à la recounaissance dl.! la p!1ilosophie, c'est de 11011savoir tra11smis, à trave:s la double épreuYe de la tourmente révolutionnaire et du despotisme impérial, le dépôt sacré qu'dle avait reçu du dix-huiti~me ~iècl<J, la liberté de la pensée. L. C. VARIÉ'rÉS. LRS VOLOKl'_\.IRES DE -1792. ...... L'avant-gurde de la Fédération est à Paris, peu nombreuse encore, mais impo:.ante par son altitude, et laissant deviner ce que sont par toute la France les recrues de l'<'nthousiasme. Q,ie vont faire ces hommes violents? Se fixeront-ils dans la ville ? Se contenteront-ils de la traverser ? Est-ce pour une fête seulement qu'1ls arrivent? Est-ce pour le combat ? Et quel combat? Il est certain que, depuis quelques jours, la situation s'est singulièrement assombrie. Déjà, de cette Constitution dout 1cs plus hardis naguère se bornaient à demander le maintien, quelques-u11s disent que c·est "la boite de Pandore;" d'autres parleIJt de déchéance ..... Danton a rappelé puLliqnement que le droit de pétition n'était pas -resté enseveli dans le Champ-de-Mars, sous les cadavres de ceux q11'011y avait immolés, et Robespierre a fait adopter par les Jacobins un manifeste où la société-mère, s'adressant aux fédérés, I'eur dit : " Ne sortez poi11t Je cette enceinte sans avoir décidé dans vos gœurs le salut ùe la France et de l'espèce humaine. " On a vu quelles espérances la Cour fondait sur la marche des armées étrangères, et que Marie-Antoinette s'attendait à être bientôt délivrée; mais cet espoir, incrssamment mêlé d'effi-oi, n'était que celui du naufragé qui aperçoit un navire passant à l'horizon. Comment savoir d'ailleurs où conduirait cette fête du 14 juillet, qui condamnait le roi à se trouver comme englouti dans le peuple? On commanda secrètement pour Louis XVI un plastron qui pût résister aux coups de stylet et aux balles. Or, telle était chez le monarque, chez la reine, chez tous leurs sen-iteurs dévoués, la crainte d'être surpris, que, quand il fut question <le faire essayer le p:astron an roi, on resta trois jours à épier le moment fa\'orable, trois grands jnurs p0 ndant lesquels M:ne Campan ciut porter en jupe <le dessous l'énorme et pesant gilet! L'é\·énement ne justifia point ces alarmes. La f-'..tc dt1 14 juillet 1792 ne fut qu'humiliaute pour le mi, artisan obligé du triomphe qu'on y décerna à Pétion. Cdr, tandis qu'entouré du corps municipal, l'air serein, le front radienx, et semblant couvrir de sa pretectio11 généreuse ce même duc de La Rochefoucauld qui, par les mains du Dir~ctoire, l'avait suspendu, le maire rGiutégré s'avançait m,,jestueusement à trn\'ers une immense multitude de citoyens criant : Vive PJtion ! et portant ce vœu écrit sur leurs chapeat1x aYec de la craie; Louis XVI, revêtu de son plastron et prol~ôé par un nombreux Lataillon de grenaclicrs nationaux, se trainait au C:1amp-d<J-l\Iars à travers d(:S rues détournées. • -Une estrade avait été préparée pom la fami1le royale, qui arriva la µrtmièrc. Le Champ-de-1\Iars, encore désert, était couvert de quatre-vingt-trois tentes, représentant les quatre-vingt-trois <lépartemellls, et devant charnne desquelles se drer,sait un peuplier. Au centre, on avait • figuré, pour ceux qui mourraient à la frontière, un tombeau avec Ct!S paroles écrites sur un des côtés : Tremblez, tyrans, nous les vengerons! A cent toises clen-ière l'autel <le la Patrie s'élevait un grand arbre, l'arbre <le la féodalité, aux branches duquel pendaient des boucliers, des casques, des écussons bieus, et qui sortait du milie11 d'uu bùcher où l'on voyait entassés couronnes, tiares, chapeaux de cardinaux, manteaux d'hermine, titres de noblesse, sacs de procès, bon11ets de docteurs. Le cortége national étant entré clans le Champ-de-Mars, par la grille de la rue de Gn,nelle, cléfila sous le balcon du roi et se porta vers l'autel de la Patrie, pendant que l'Assemblée, présidée alors par Aubert Dubayet, s'arrctait pour atte1,dre le roi. Le maintien de Marie-Antoinette était ferme, sa parure brillante; mais il y avait sur sou vis::ige m,e indéfinisaùlc expression de douleur combattue, et ses yeux portaient la tr..,ce de-; larmes. Du pavillon sous !,!quel il était, Louis XVI se rendit à l'autel de la Patrie où il devait prèter sermvnt à la Constitution. -Sa démarche, sa conten:mce, avaient quelque chose de morne et cl~ bien résigné, bien propre à toucher les cœurs qui l',timaieut. " Je suivis de loin, raconte Mme de t,taël - elle était dans l'estrade - je suivis de loin sa tête poudrée au milieu de ces têtes à cheveux noirs; son habit, e11corcbrodé, resso1 tait à côté du c,,stume des gens d11 peuple qui se pressaient autour de lui. Quand il monta les degrés de l'autel, on crut voir la victime s2inte s'offra11t volontairement en sc1crifice.'' Invité à mettra le feu à l'arbre de la féodalité, il s'en excusa en faisant observer qu'il n'y avait plus de féodalité. II rejoignit ensuite b reine et ses enfants. Le peuple se pressait pour le voir ; ce fut la dernière fois. Ou ne le revit plus en public que sur l'échafaud. Le Mcret du 2 juillet orclon11ait qu'après avoir a5sisté à la fête civique, les féclérés se ren<lraic:nt au camp de Soissc,ns ; mais, Paris les enveloppant, beauco11p répétaient déjà le mot de Danton: "Nous avo11s apporté ici, non-seulement notre via, mais notre pensée." Le 17, il::; envoyèrent une députation lire à l'.Asseml,lée une adresse que Roùcspierrr avait rédigée et qui conteuait ces som1·aations impérieuses : " ..1:-èresùc la patrie, suspendez le pouvoir t>xécutif dans la personne du roi : le s;tJut cle l'Etat l'exige. - Mettez en accusation Lu.fayette : la Constitutio11 et le salut ·public vous l'.orclo1111eut.,_ DJcrétez le licenciement des fonctionnaires militaires nommés par le roi, - Destituez et puuissez les dirtctoires.- Renou velez les coriJS juùiciaires." Tant de hauteur révolta le côté droit, et n'eüt peutêtre fait qu'étonner l'opinion, si le sentiment qui avait dicté cette adresse n'eût été jnstifié par les balancements cle l'Assemblée, tantôt pleine de fougue, tantôt timitle à l'excès, selon qu'elle cédait aux inspirations de la Gironde, on se laissait retenir par les :Feuillants. C'est aimi qu'après avoir, le 15 juillet, décrété l'éloignement des cinq régiments de t, oupe de ligne ou de troupes suisses, elle s'arrêta tout à coup, et recula devant la nécessité rle frapper Lafayette, dont la respo1'1sn.bilité, vivement débatti;e pendant troi;; jours, finit par échapper, à la faveur d'un ajournemeut. D'uu autre côté, d'alarmantes nouvelles arrivaient coup sur coup de la frontière. Luckner écrivait que l'effectif des quatre armées était à peine <le soixante-dix mille hommes disponibles, et que, vers le Rhin, au centre, quarante mille homme~ seulemeut allaient avoir à soutenir le choc <le deux cent mille Autrichiens, Prussiens, Hongrois, et de vingt-deux mille émigrés; Dumouriez, en annonçant à l'Assemblée l'occupation d'Orchies par l'ennemi, se plaignait de manquer de vivr(;!s, d'argent, d'instructions ...... Bien évidemment. le salut de la France dépendait de la force qu'elle puiserait dans sa foi et son désespoir. A elle désormais de prono11cer le fameux mot de Médée : Contre tant de malheurs, que vaus reste-t-il? -Moi! Et c'est en effet ce qu'elle osa dire. Qnelle àme vraiment française, l'oubliera jamais cette héroïque journée <ln 22 juillet 1792, où, siu toutes les places publiques, au bruit du canon d'alarme, au roulement de& tambours, la muuicip.ilité de P,iris pro:nulgua le décret qui proclamait la patrie en d:rng-cr? Dès le matin, Paris a fait entendre un mu.;issement semblable à celui de l'Océan soulevé dans ses plus noires profondeurs. Officiers municipaux et gardes à cheval parcourent les rues, agitant ùes bannières au-dessus desquelles se déploie celle qui porte ces mots effrayants et sauveurs : Cito.11ens, la patrie est en danger ! Aux salves d'artillerie, au son des trompettes remplissant l'air d'appels lugubres, une grande voix répond, une grande voix émue, celle du peuple. Voici l'heure des enrôlements volontaires. Des amphithéâtres ont été dressés sur les placts publiques. Quel tableau ! Une tente cou verte de feuilles de chêne, chargée de couronnes civiques et flanquée de deux piques que surmonte le bo111,etro11ge; en avant une table posée sur deux tambours; le magistrat en écharpe consigIJant cbns un livre impérissable le serme11t sacr.} d'affronter la mort ; des canons pour défendre les balustrades, les <leux escaliers, le devant de l'amphithéâtre; et, autour, des hommes de tout âge, de toute con'dition. se précipitant ... : " Ecrivez mon nom! Mon nom, mon sang, ma vie! Que n'ai-je plus encore à offrir à men •

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