Homme - anno II - n.05 - 3 gennaio 1855

-SCIENCE.- ' -SOLIDARITÉ.- JOURNALDELADEMOCRATIUENIVERSELLE. N' 5. MERCREDI, 3 JANVIER ]855.-2e Année 1 (Jersey), 19, Dorset Street.-Les manuscrits déposés ne seront I ANGI,ETER_RE~T CoLONTES: pas rendus. - ON s'ABONNE: A Jersey, 19, Dorset street. - A U_nan, _8 shillmgs o~ 10 fran es. Londi·es, chez M. STANISLAS, 28, Greek-street, Soho Square.-A Six mois, 4 sh. ou 5 fr. Ve Joui•nal Jtft.t•nit une J'ois n•a•• se1naine. Genève (Suisse), chez .M.C?rsa_t,libraire, rne ~uillaume-Tel)- -:-1 Trois mois, 2 sh. ou~ fr. 50 c. Poun L'BTRANGER: Un an, 12 fr. 50. Six mois, 6 fr. 25. Trois mois, 3 fr. 50 c. Toutes lettres et correspondances doivent être affranchies .et Belgiq!œ, ~hez_tous les libraires. - A Madrid, clioz Casumr . CHAQUENUM 0 ERO: adressées au bureau de l' Imprimerie Universelle à St-Hélier .Monnier, libraire. 3 pence ou 6 sous. '.i'o1H les abGHllllllen11ens Me paient ti•awannee. L'ITALIE. Le Times publiait, il y a quelques semaines, contre l'Autriehe et son empereur, une de ces terribles philippiques dont il ~ 1~secret e~ 1~génie, quand viennent les heures difficiles. Il disait alors: "Combien faudrait-il d'étincelles de la pipe d'un "caporal français pour embraser et l'Italie, et la " Hongrie, et la Pologne'? '' Aujourd'hui, la conscience du 1~imes a changé, comme a changé le vent, et la propagande italienne, qui t:ravaille contre l'Autriche, est déuoncée par ce Journal, comme une intrigue russe ayant sa caisse à SaintPâtersbourg. • Nous u'avons pas reçu directement le manifeste ainsi flétri par la feuille des contradictions et des conversions rapides ; nous ne connaissons pas la Société nationale d'action, et certains points dl'Jvue qui se trouvent exposés dans ce document, ne sont point les nôtres; mais la pensée générale, la pensée d'action qui l'inspire, E->stnotre religion : nous sommes convaincus que, si la propagande est nécessaire - ce que certains oublient un peu troppour empêcher la mort des âmes, le devoir sacré, le devoir impérieux est la lutte, la lutte en France, comme en Italie; en Hongrie, comme en Pologne, la lutte dans toutes les patries et sur toutes les tombes. ' Voilà pourquoi nons publions cet appel, toutes reserves faites pourtant, puisque l'authenticité de l'acte ne nous est point acquise. I. - Le temps de la RPvolution est pas:.é. L'idée à laquelle nuu~ avons consacré nos _bras et nos iute'lligences, l'idée qui a été le rêve de notre Jeunesse et le but de nos veilles, l'idée qui a soutenu notre foi dans les ténèbres des cachots et dans les angoisses de l'exil, l'idée que nos plus braves camarades or!t co~ifessée _jusqu'en pr~se~1c_edu bourreau, ne veut plus m plarntes 111 terreurs femmmes. -Elle exige de nous aujourd'hui le témoignage de sang sur les champs de bataille. IL-L'insurrection, notre devoir toujours, est aujourd'hui une ntcessité vitale. Il faut se lever avant que l'Italie ne devienne le théâtre d'une guerre ou napoléonuieune ou royale, ou n0us livrer à la merci de la diplomatie et cles caprices du sort. Le danger devient chaque jour plus imminent. Aujourd'hui, nous pouvons encore le défier; demain il serait trop tard, peut-être. Les armes de la Frauce et cle l'Angleterre, concer.trées pour la destruction des Russes, peuvent revenir vaincues de Crimée, et transporter leur destination de l'O~·ient à l'Oc~ident. ~a France peut se soumettre à la tyranrne de la gloire, mais elle ne pardonnerait pas l'humiliation de ses drapeaux ; s'il ne les porte pas jusqu'au Rhin, Augustule aura cessé de régner, et à la parodie de l'~mpire succ:édera la Rév~- lution. D'un autr0 côté, la nation et le Parlement anglais sortiraient de lea1r apathie si les· Cosaques trbmphaifn~, et le vieil Aberdeen, l'ami de Nicolas, ne résisterait pas lonO'temps à la tempête de l'indignation publique. Une gue~re européenne éclaterait alors nécessairement. L'Autriche doit, avant qu'il soit longtemps, renoncer à cette perfide neutralité dont.' jusqu'_ic_i,la Russie s~ule a profité. C'est clone notre devoir de sa1s1r cette occas1011pour nous soulever, si nous ne voulons mériter le nom de lâches. Malhe11rà nous si nous nous laissons devancer par une invasion française ; malheur à nous si une coterie dynastique prend l'initiative d'un mouvement uational. Pour que l'indépendance italienne soit une réalité et non une • fiction, po11rque 'la Papauté - l'fternelle étrangère, - soit détrnitr, pour que la Nation accomplisse sa tftche, il faut que le Peuple, dans-son Droit :t daus sa Force, entre dans l'arêne. Que la Démbcratie pousse donc son cri rle guerre, et que l'épée n_e rentre plus _au. fou~reau tant qu'il restera un seul vestige de Tyranrne, mténeure ou étrangère. III. - Les circo11stancees sont plus favorables qu'elles ne l'ont jamais été. Les forces compactes et prêt:s à ~ou~ écraser il y a peu de temps encore, sont auJourd hm éloiO'nées et divisées, découragées par les événements d'm~eguerre malheureuse, indignées contre celui qui les gouverna, hors d'état de comprimer _nosgénéreux efforts. Si TIOUS ne sommes pas les premiers, nous ne serons pas du moins les derniers _às~isir l'occasion qui nou~ o~- fre un succès magnifique, 111fa1ll1bl;e et nous saurons 1m1ter nos sœurs, la Grèce, et la brave nation espagnole. La première~ insurgée dans toute la puissance d'une colère longtemps comprimée, et toujours prête à recommencer la lutte de Mars, a succombé, après d'héroïques efforts, sans qu'on puisse accuser le courage de ses enfants; ce serait 11neleçon pour nous, si notre expérience ne nous suffisait pas pour nous méfier de toute alliance royale. La seconde, - qui a détruit en quelques jours le règne de la fraudé- et de l'immoralité, qui a forcé une petite fille de Philippe V de s'humilier devant les barricades populaires de Madrid, et qui, nous l'espérons, chassera bientôt de son sein l'infâme race de~ Bourbons, - nous montre que, dans la situation actuelle de l'Europe, l'intervention étrangère est impossible conlre un peuple déterminé à défendre sa liberté et sachant se faire craindre. Il y a d'autres raisons encore rle découragement pour nos ennemis, d'espoir po11r nous. Les Etats-Unis d'Amérique convoitent depuis longtemps Cuba, et il entre dans leur plan de distraire l'attention du Vieux-1\fond,e, par une Révolution européenne. Le Président Pierce ne quittera pas le pouvoir sans avoir accompli ses projets d'in- . tervention dans les affaires d'Europe et sans avoir ajouté une étoile à la ban.nière de l'Union américaine. Elle ne perdra pas non plus de vue l'occasion que lui a fourni Bonaparte lui-même, en faisant arrêter et reconduire à la frontière comme un malfaiteur, un citoyen américain, le Plénipotentiaire Pierre Soulé - réalisation de l 'axiôme de nos ancêtres : " Dieu rend insensés ceux qu'il veut perdre." , IV. - Deux ro11tes s'ouvrent devant nous, celle de la résignation ou celle du courage, le lot du faible ou le triomphe du fort. En vue è.'une victoire certaine, infaillible, nous avons été humiliés, écrasés; des milliers d'exilés sont, loin de nous, torturés de corps et d'âme, et assaillis par le découragement; des milliers d'autres martyrs, des milliers d'autres proscrits viendront gr0ssir ces listes, si nous ne voulons pas comprendre les enseignements du passé; é't ces enseignements se résument en un seul mot : " Union ! '' Défiants, intolérants, nous perdons nos forces en les subdivisant en cent directions ; et cela, au nom d'un programme qui prêche la Tolérance et l'Amour! On voudrait qu'un plan de nos futures conquêtes précéJât notre entreprise ? Tous Italiens, nous marchons sous cent drapeaux divers, et nous no~s éparpillons auto~r d'eux en petites bandes, autour cl eux, au grand détnment de la Démocratie. Né vivons-nous pas avec la confiance de décider des conditions de l'existence ? Et le mot de Peuple n'exprime-t-il pas toutes les abstractions, religieuses et philosophiques, de l'avenir? . . Par dessus tout, il nous faut pourvoir aux nécessités de l'existence! Nos jeunes gens ont appris à mourir. Tout repose d one sur la volonté, sur la bonne intelligence, sur la fraternité qui nous unira pour former une armée. Il n'est pas besoin d'un programme complet de l'ave11ir. Il faut, sur les bases déjà conquises, choisir un terrain commun pour arrêter un contrat, un accord général qui rallie toutes les forces pour détruire les· obstacles accumulés s'ur la route de la Liberté nationale. Nous l'avons, cet accord, pour l'idée sainte, éternelle, inviolable - l'indépendance et l'unité de la nation. Que d'autre~ discutent, quand ils en ont le tempio ; - que d'autres prêchent la concorde avec du fi.el au cœur; - q11ed'autres implorent l'alliance des rois_ et l'aide de la diplomatie ;-Nous n'aurons q'un seul en de guerre. Unissons-nous enfin, serrons nos rangs; soyons prêts au combat. Nous parlons aux Italiens au nom de leurs droits, au nom de leurs devoirs : Droit et devoir de se lever pour former une nation libre et une ; Droit et devoir de faire la guerre à tous les ennemis de notre nation, intérieurs ou extérieurs ; Droit et devoir d'interroger la nation, émancipée et l~- brement constituée, sur les institutions et les formes poli• tiques par lesquP.lles elle veut régler son existe~ce. . Droit pour chacun d'exposer devant le Conseil National ses croyances, ses vœux ; , , . Devoir pour chacun de. se soumettre a la volonte nationale, sauf en ce qui concerne la liberté de la pensée et de la parole. Et, comme conséquence directe : . Direction suprême de la guerre confiée à un pouvoir national acclamé par la volonté uationale ; Armement du Peuple ; organisation de la milice nationale à côté de toute fo1ce régulière appa:tenant à une province quelconque de l'Italie et envoyée au combat par la nation. Condamnation comme traître de quiconque pousserait ~u démembrement de la patrie commune, de guiconque P,ssaierait de substituer, par la force, sa volonté individuelle à la volonté nationale ; de quiconque essaierait d'introduire une dynastie étrangère en Italie ; de quiconque négocierait avec l'ennemi avant la délivrance de la nation. Que, dans chaque province, dans chaque cité, dans chaque commune, il soit formé Ùn noyau d'organisation, cinq ou six des phis braves doivent se mettre à la tête, s'associant autant d'éléments vivaces qu'il sera possible, fraternisant dans le grand but d'avoir une patrie. L'Assemblée Nationale d'Action. Italie, Novembre 1854. CONTRIBUTION NATIONALE POUR L'ACTION'. L'inertie actuelle de l'Italie, en dépit des supplices de chaque jour, en présence d'une guerre qui tient éloignées ]es forces de l'Autriche, et malgré l'universalité de· l'opinion nationale répandue plus que jamais dans toutes les classes, est une faute contre la Patrie commune, une honte devant l'Europe. 11 font agir, récolter la moisson <le] S48 et 1849, on rester silencieux à jamais, et permettre à l' .Etranger de regarder l'Italie comme un cadavre. Les éléments abonclent pour l'action. Le peuple est avec nous, d',111bout à l'autre de l'Italie. Ce qui mauque, ce sont les moyens d'exciter l'action et d'assurer le succès du premier mouvement. Oublieux de leurs devoirs, sans souci de l'avenir, les riches refoi<ent de donner, tandis que leurs frères versrnt leur sang. Il est vrai qu'ils paient à l'Autriche. Mais quand il s'agit non de milliers, mais de millions d'hommes, recueillir les moyens de fonder le trésor du Peupie n'est qu'une affaire de vouloir. Ce vouloir, il faut l'avoir, Tout patriote a un cercle d'amis, plus ou moins étendu. Donnez, cercle après cercle, province après province ; donuez, tous. Que l'homme qui ne peut donner d'argent, donne sa montre, la femme sou anneau, un bijou, une broderie. Que l'Italie fasse, pour sa vie, pour son honneur, ce que la pauvre Irlande fit si longtemps dans un simple but d'amélioration. Que le peuple tout entier fasse pour lui-même ce que quelq_ues-uns devraient faire pour tous. Songez à l'honneur de l'Italie, et vous serez plus certains de recueillir 1 es fruits de la victoire. Il est très vrai que les détails de programme ne doivent pas diviser, en face de l'ennemi commun. Union et discipline sont la loi suprême, la loi de salut; mais en dehors de la Révolution active et de l'effort commun à ,produire, pourquoi ne pas continuer, ne pas développer les fortes études qui sont l'honneur de ce siècle et qui peuvent seules constituer la science sociale, nécessité souveraine de l'avenir? Le sentiment est quelque chose ; le combat est beaucoup; mais ]es idées bien faites et bien comprises sont la vraie puissance. Sur la question des formes politiques, il ne suffit pas de réserver les droits de lc1parole et de la pensée. La souveraineté n'a qu'une garantie sérieuse, une expression formelle, absolue, c'est la République. Si les Etats-Unis, en aidant la Révolution en Europe, n'avaient d'autre pensée que d'y créer une diversion favorable à leurs convoitises, à l'endroit de Cuba, ils ne seraient point dans la loyauté de la politique fraternelle et, chez nous, ils ne trouveraient pas de complices. Les républicains de l'Europe n'entendent point servir l'exploitation du Sud. Le principe avant les colonies: l'indépendance et la dignité humaine avant tout. Quand les Républicains font un appel d'argent, pour le service actif de la Révolution, sur eux s'abattent l'insulte et la calomnie des mercenaires, des parasites et de tous les drôles qui puisent aux fonds secrets et dans les cassettes princiaires. Il n'en faut point avoir souci : Les Républicains errants aujourd'hui sur tous les chemins de la terre, ont assez prouvé, dans· les dernières Révolutions, leur fier désintéressement. Leur misère porte assez témoignage, comme le o-aspillage des gouvernements fait preuve. 0 S'il y a des voleurs publics, ils ne sont pas loin des trônes. Ch. Rrn. '

L'IlOMME. .,_...., __ ,, ---- ----------------------------------------------------·----------------- BAGNES D CAYENNE. LA TORTURE. Mon cher ami, En apprenant que trois de nos frères 6chappaicnt à la mort, M. Bonaparte a frémi de rage; ses journaux annoncent qu'il vient d'ordonner à ses officiers libitinaires " l'application de mesures plus rigoureuses, et l'emploi de "nouveaux moyens propres à rendre impossibles, désor- " mais, lis évasions. " Je m'explique la fureur du maître; il a pressenti que des voix accusatrices allaient dénoncer au monde une accumulation de brigandages et un raffinement d'atrocités dont Tibère et Torquemada eussent, eux-mêmes, été jaloux. Mais, je comprends moins, - et vous partagerez mon étonnement après la lecture de ma"1ettre, - quels moyens plus rigoureux les tortionnaires napoléoniens pourront substituer aux tortures infinies qui déchirent et brisent la vie des transportés, à Cayenne ; ces héros du devoir ont parcouru, me semble-t-il, la longue ot douloureuse voie des souffrances humaines. M. Bonaparte avait déjà inventé, pour eux, un supplice qui prendra sa funèbre place, dans l'histoire des bourreaux élus de Dieu, entre la cage de fer de Louis X[, le roi très chrétien, et le brodequin 111.fernal de Pie V, le doux pontife auréolisé. Imaginez-vous une large ceinture de fer qui embrasse étroitement le ventre du patient et qu'une vis serre à volonté ; des deux côtés pend une lourde chaîne, celle d':l droite allant au pied gauche, et celle de gauche allant au pied droit; elles se harponnent à. deux anneaux rivés au1lessus de la cheville, et auxquels se rattachent aussi deux ,boulets traînants. Cette ferraille est du poids de soixante livres. Ce n'est pas tout: les mains <ln supplici6, ramenées derrière le dos, y sont fortement retc,nues par des poucettes ; enfin, un haillon épais étouffe les cris de la victime. Le malheureux, ainsi privé du mouvement et de la voix, ne respirant que par ses narines, convulsivement dilatées, un air <lefeu, doit rester assis, dans un cachot, en face de ses gardiens qui le raillent. Lorsque, tourmenté par l'affreuse douleur de cette horrible position, il essaie; d'appuyer son échine sur ses mains, les poucettes qui mordent ses doigts bleuis, lui causent une donleur plus atroce encore. Ami, dites-moi si un pareil supplice n'est pas digne <lesplus beaux jours de l'inquisition catholique, et si le sombre génie <lumal créa jamais 11nc plilS monstrueuse torture? En 11résence de ces barbares excès d'un tyran sans entrailles, d'une aussi exécrable mutilation de l'homme, les l)artis politiques s'effacent; les antagonismes d'opinions s'oublient; - les hommes de cœur s'uniront tous, dans un immense cri de réprobation et d'indignation, pour vouer à la flétrissure des siècles, l'ordonnateur de ce crimelàchementexécuté sur des Français coupables d'avoir défendu les lois et les libertés cle leur p::iys. Je le demande à toute âme impartiale et juste: quand on a vu cet homme violer son serment, profaner la justice, assassiner la liberté, poignarder la Loi, proscrire des milliers d'honnêtes gens, - quand on le voit, à cette heure, tuer des pères de famillri par la torture, leurs femmes par le deuil et la misère, leurs enfants par le froid et la faim, - chacun n'a-t-il pas le droit <lerépéter, bien haut, jusqu'au jour de l'expiation, ce vers sublime que la CoNscrnNcE, prenant la voix cle l'illustre proscrit <leJersey, jette à l'hésitant Harmodius: "Tu PEUX TUER CET HO.MME AVEC TRANQUILLITÉ? " - Mais, allons retrouver, à Cayenne, les martyrs <le l'idée. En vérité, je m'étonne qus le jésuite Russ, do11t le sourire béai encourage les tourmenteurs bonapartistes. n'ait pas indiqué ù son fauve empereur, si cher à Pie IX, aux évêques et aux moines, la célèbre mordache qu'inventa un de ses pieux collègues, le père Alexandre, neveu du pape Léon X : C'était, - disent, avec un air de jubilation, les Veuillot d'alors, - c'était "u11e tenaille de fer " en forme de muselière; elle serrait si fortement les " lèvres qu'elle les mettait tout en sang. " L'épouvantable réseau de fer qne j'ai décrit fidèlement, se modifie quand on retire <lu cachot la victime hâletaute, et qu'on la ramène au travail: les deux chaînes, au lieu . de se croiser, rejoignent alors chaque pied, perpendiculairement, et s'allongent de manière à laisser à peu près libre l'articulation du genou ; les poucettes et le haillon sont enlevés; quelquefois, on supprime les deux boulets, - ruais la ceinture, les chaînes et les anneaux étreignent, jour et NUIT, les jambes et le ventre des condamnés aux fers; au moindre mouvement, les chaînes griucent ; ce bruit strident effraie le sommeil et l'éloigne de la baraque, où essaient en vain de le retenir, au milieu de leurs camarades agités comme eux, ces honnêtes ouvriers, ces braves paysans qui épuisent leur vigueur saus se plair,dre dans les constrictions d'une agonie jusqu'à présent ignor6e. Ce fut à la suite du conseil de guerre du 22 août, que les Républicains, transférés de l'ilet de la Mère à l'ile Saint-Joseph, virent ces étaus de fer pour la première fois; trois chaloupes en étaient chargées; sur le rivage, 400 hommes d'infanterie de marine ou artilleurs, et plusieurs canons b6ants, attendaient nos amis. On leur ordonna de couper les cheveux et la barbe, et on leur montrait les fers entassés dans les chn1oupf:s. Guérard, voilier du Hâvre, hasarde une légère observation; aùssitôt, des gardes-chiourmes le saisissent, lui mettent des poucettes et l'enserrent si fortement que le sang jaillit sous ·1es ongles; les doigs de Guérarcl gardent l'inueffaçable emprdnte de cette barbarie. Les Transportés dûrent subir le joug de la violence et de la force ; ils se soumirent au travail que les bayonnettes leur imposaient ; la résistance devenait impossible sous la bouche des canons. On jugera de l'aménité des directeurs de travaux par deux faits, pris au hasard, entre mille, qui me sont racontés : - On avait choisi Rigaud et Prunier pour servir les maçons. Prunier est un parisien, âgé de vingt-deux ans, transporté de Juin; M. Bonaparte l'envoya d'Afrique à Cayenne ; ce jeune homme est si frèle, si épuisé, qu'il semble près de rendre l'âme. Le garde-chiourme Ruffe conduit les deux manœuvres sur le versant de la montagne, et leur enjoint de porter une lourde pierre qu'il Ùésigne. Rigaud, s'adressant au garde : " Essayez donc, vous- " même, de la soulever." Ruffe, malgré ses efforts, ne fit pas remuer la pierre. " Comment, ajouta Rigaud, cet "enfant chétif et malade porterait- il ce que vos bras ro- " bustes ne soulèvent pas ?" -Un jour, à l'île Saint-Joseph, Lafon, tailleur rle Paris, tombe d'épuisement sous la brouette qu'il traîne; un garde-chiourme le relève et le traîne au cachot, où, de par la volonté du sous-lieutenunt Coste, on le laisse, pendant soixante-douze heures, sans pain et sans eau. Ce Coste, commandant sous les ordres de La Richerie, avait fixé la ration d'eau à deux litres ; il était défendu aux travailleurs, dont un soleil brûlant irritait la soif, de s'approcher des citernes " sous peine d'être fusillé. " Pendant que le gosier de ces malheureux se desséchait et s'enflammait, Coste prenait, chaque jour, plus de vingt tonnes d'eau pour en abreu\·er ses jarcfius. S'élève-t-il une réclamation au sujet de la détestable qualité des vivres, qui ::;ont, en outre, insuffisants, La Richerie répond invariablement : " Eh bien ! refusez-les, " tant mieux ! nous les garderons et vous mourrez de " faim. " Quant aux vêtements, sous l'administration Sarda-Garriga, on en fit une distribution convenable aux transportés des premiers convois. Aujourd'hui, lorsque nos amis, presque nus sous <les haillons que l'aiguille ne peut rapprocher, demandent au moins une chemise et nn pantalon, des gardes-chiourmes leur jettent la défroque des galériens, marquée <le l'estampille du bagne : " Il n'y a pas de " fonds votés pour vous, leur dit-ou, nous prélevons sur " les fonds destinés aux bagnes votre nourriture et le " reste. " A tant de souffrances et <leprivations, les victimaires ajoutent l'insulte et la raillerie. Lorsque Blanc et Julien, deux boulangers des Basses-Alpes, cuisaient le pain des transportés, le brigadier de gendarmerie Minime se plaisait à leur répéter : " Vous êtes heureux ici ; vous man- " gez du pain, l!t vous n'entendez pas vos enfants qui " crient et meure.nt de f 1im là-bas ; et vous ne voyez pas " vos femmes qui se prostituent au premier venu. " Fier d'avoir outragé le malheur de ces braves gens, et stir de l'impunité, le brigadier Minime s'en allait abattre, avec sou sabre, le.s tiges des papayers, afin de priver nos amis des fruits qu'ils y cueillaient. Le capitaine Mallet, qui fut mor1geôlier sur le Duguesclin, a tristement déshonoré ses épaulettes à Cayenne. Chargé d'inspecter la colonie, il visita l' Ilet de la mère, clans les premiers jours de septembre l 85~. Cr11ellement railleur, il osa se jouer de notre sainte devise, et ne sut point respecter l'infortune des vaincus du guet-apens : " Vous devez être satisfaits, s'écria-t-il, on a réalisé vos " vœux en vous octroyant la Liberté, l' Egalité, la Fra- " ternité. Vous êtes libres de parcourir cette île ; - '· vous €-tes égaux, car vos vêtements sont uniformes, et " la nourriture est égale pour tous ;-enfin, desfrères vé- " curent-ils jamais dans une plus parfaite communauté ?" Ensuite, apercevant un portrait de Miot, souvenir précieux que le représentant-martyr avait offert à Rigaud, en quittant le Duguesclin, M. Mallet ricana ces affreuses paroles : " En voilà un qut>j'ai envoyé plunter des choux " dans les dtserts de Sebdon ! '' Et il fit enlever ce portrait par un gendarme. l\L 1\Iallet a voulu, sans doute, racheter aux yeux du maître, par tant d'ignominie, l'hésitation bienveillante qu'il manifesta au début de son triste rôle : il est difficile de se mieux flétrir. Mon récit n'est. point terminé ; au prochain courrier, le martyrologe et la conclusion. ' Salut fraternel. HIPPOLYTJ,; MAGEN. Londres, ln janvitr 1855. E1tRA'l'A.- Dans la première lettre sur les bq,gnes de Cayenne, ligne 63~ an lieu de : ln Bichcrie, lisez la Richcrie. Ligne 73, au lieu de : par la Jorn, lisez par ln force. Ligne l J4, au lien de : Vcnu aux îles du Salut, lisez à l'ilet de la mèi-e. Ligne 175, au lieu de Ilautroll:c, lisez Hautreux. UN -CRENIER OUVERT AU HASARD. Entendant des sanglots, je poussai cette porte. Les quatre enfants pleuraient et la mère était morte. Tout dans cc lieu lugubre clrra.vait le regard. Sur le grabat gisait le carlavre hagard ; C'était déjà la tombe et ,Iéjà le fantôme. Pas de fou; le plafond laissait passer le chaume. Les quatre enfants song·eaient comme quatre vieillards. On voyait, comme une aube à travers les brouillards, Aux lèvres de la morte un sinistre sourire ; Et l'aîné lJ ui n'avait que six ans, semblait dire: Regardez donc cette ombre où le sort nous a mis ! Un crime en cette chambre avait été commis. Ce crime, le voici : - sous le ciel qui rayonne, Une femme est candide, intelligente, bonne; Dieu, qui la suit d'en haut d'un regard attendri, La fit pour être heureuse. Humble, elle a pour mari Un ouvrier; tous deux, sans aigreur, sans envie, Tirent d'un pas égal le licou de la vie. Le choléra lui prend son mari ; la voilà Veuve avec la misère et quatre enfants qu'elle a. • Alors elle se met au labeur comme un homme. Elle est active, propre, attentive, économe; Pas de drap à son lit, pas d'âtre à son foyer ; Elle ne se plaint pas, sert qui veut l'employer, Ravaude de vieux bas, fait des nattes de paille, Tricote, file, coud, passe les nuits, travaille Pour nourrir ses enfants ; elle est honnête enfin. Un jour on va chez elle, elle est morte de faim. Oui, les buissons étaient remplis de rouges-gorges, Les lourds marteaux sonnaient dans la lueur des forges, Les masques abondaient dans les bals, et partout Les baisers soulevaient h dentelle du loup; Tout vivait; les marchands comptaient de grosses sommes; On entendait rouler les chars, rire les hommes; Les wagons êbranlaient les plaines; le steamer Secouait son panache au dessus de la mer; Et, dans cette rumeur de joie et de lumière, Cette femme êtant seule au fond de sa chaumière, La faim, goule effarêc aux hurlements plaintifs, Maigre et féroce, était entrée à pas furtifs, Sans bruit, et l'avait prise à la gorge, et tuée. La faim, c'est le regard de la prostituée ; C'est le bâton ferrê du bandit; c'est la main Du pâle enfant volant un pain sur le. chemin; C'est la fièvre du pauvre oublié; c'est le râle Du grabat naufragé dans l'ombre sépulcrale. 0 Dien! la sève abonde, et, rlans ses flancs troublés; La terre est pleine d'herbe et de fruits et de blés, Dès que l'arbre a fini, le sillon recommence, Et pendant que tout vit, ô Dieu, dans ta clémence, Que la mouche connaît la feuille du sureau, Pendant que l'étang donne à boire au passereau, Pendant que le tombeau nourrit les vautours chauves, Pendant que la nature, en ses profondeurs fauves, Fait manger le chacal, ]'once et le basilic, L'homme expire l - Oh! la faim, c'est le crime public, C'est l'immense assassin qui sort de nos ténèbres. Dieu! pourquoi l'orphelin, dans ses langes funèbres, Dit-il : j'ai faim! l'enfant n'est-ce pas un oiseau? Pourquoi le nid a-t-il ce qui manque au berC'eau? VICTOR HUGO. Ces vers sont extraits de !'Almanach de l'Exil qui est en vente dans nos bureaux, à Jersey, 19, Dorset StreE:t, et à Londres, à la Librairie polonaise, 10, Greek Street, Soho square. (.Voir aux annonces.) LA FRANCE ET LA RÉVOLUTION. A la Révolution de Février, la question de l'armée n'était pas moins importante à résoudre que celles que j'ai abordét>s jusqu'à présent. Dans l'antiquité, l'armée, - l'armée entendue dans sa significat\on moderne, - n'existait pas. Sous les Républiques, tous les hommes libres, c'est-àdire non esclaves, étaient soldats, ainsi que citoyens; ou, pour mieux dire, comme les droits de la personnalité lmmaine u'y étaient point reconnus, comme on n'y était qu'instrument de la collectivité, on s'y devait corps et âme à la Patrie, en tout temps et pour toutes choses, dans la guerre et dans la paix. Sous les monarchies, chez les Egyptiens, Mèdes , Perses et autrfs peuples gouvernés par le despotisme, c'était le contraire des Républiques. Là il n'y avait pas de soldats. Lorsque les circonstances l'exigeaient, on ramassait les hommes valides dont on avait besoin; et, ces circonstances cessant, ceux que la guerre avait épargnés retournaient à leurs demeures et à leurs travaux. Ceci nous explique le caractère singulier des guerres de l'antiquité, nous fait comprendre comment les Grecs et les Romains, de petits peuples ont pu vaincre et soumettre cles peuples relutivement innombrables: c'est que les premiers, dressés pour la guerre, possédaient au plus haut point le courage, la tactique et le génie militaires, tandis que les seconds n'étaient que des populations arrachées tont-à-coup à leurs foyers, et, dès lors, sans discipline, sans cohésion et sans force. Cc que nous vc1,ons de dire est applicable à nos ancetre>, les Germains et les Gaulois, l'armée n'existait pas non plus chez eux ; mais ces deux peuples vivaient daus une organis::i.tionsociale qui les rendait éminemment aptes à

la guerre, et qui fit qu'après avoir résisté si longtemps aux Romains, ils finirent par l'emporter sur leurs conquérants et les subjuguer à leur tour. Cette organisation sociale était la Tribu, la Tribu extension de la Famille et second pas dans le développement général du genre humain, la famille en étant le premier. Entre les tribus également victimes, s'établissaient naturellement des rapports, des liens créés par le voisinage; entre les tribus moins rapprochées, des prétentions contr~i~cs j de là, d'une part, les confédératiorts des tr~bus vo1s111ese,t, d'autre part, les luttes entre les confedérations; de là, un état de guerre permanent en Germanie et Gaule, et cet esprit guerrier si redoutables aux Romains. Et ce n'est pas tout. L'esprit guerrier et impatient du repos, ne recherche que combats et aventures ; la paix existait-elle entre les tribus, des expéditions se formaient et portaient la guerre à l'extérieur. Ainsi, chez les Germains et les Gaulois, l'esprit guerrier s'alimentait et se nourissait sans trève ni relàche. Après la conquête des Gaules par les Francs, Bourgui-_ gnons et Visigoths, l'état de choses que nous venons de décrire, ne changea point ; par conséquent, l' Armée ne nous apparaît pas encore ici. L' Armée ne se trouve pas non plus dans le régime fJodal. Sous ce rég!me hiérarchisé du sommet à la base par des droits et des devoirs S•! correspondant, la force militaire se composait des contingents que devaient et fournissaient à leur Suzerain les vassaux et vavassaux de tous les degrés. L'Armée, -- !'Armée proprement dite, - ne se montre que lorsque commence la grande lutte entre les rois de :France et les vassaux ùe la Couronne. • Evi<lemmeut, pour combattre et abattre la Féodalité, nos rois ne pouvaieut se servir de la Féodalité elle-même, il leur fallait un autre élément. Cet élément fut l'armée; ils prirent et entretinrent à leur solde des troupes, nationales et étn.ngères, et, par ce moyen, ils accomplirent l'objet de leur ambition, ils atteignirent le but qu'ils s'étaier;t proposé. Ainsi, à sori origine, l' Armée a servi à l'établissement de notre unité nationale ; ainsi, à son origine, l' Armée a été une institution essentiellement et éminemment progressive. Mais la transformation en toutes choses est la loi de ce monde. Avec la chûte de la Féodalité, l'armée perdit considérablement de son importance ; et si, de Louis XIV à la Révolution française, elle fut encore utile à l'extérieur,. elle n'occupa plus à l'intérieur qu'un rang secondaire, parce qu'en dehors et à côté d'elle, s'étaient développés et manifestés !'Agriculture, le Commerce, !'Industrie, - les travaux de la Paix, - qui déjà primaient l' Armée et se la subalternisaient. Telle est en effet la différence radicale qui sépare le Présent et l'Avrrnir et du Passé: c'est que, dans la Passé, la guerre, avec ses horreurs, semble avoir Gté la voie de l'av:mcement humanitaire; tandis qu'il est manifeste que la Paix avec ses bienfaits est- la condition sine quâ non des conquêtes <luPrésent et de l'Avenir. Enfin, la Révolution rle 1789 donne le coup de grâce à l' Armée. Car, lorsque le cri <l'alarme est jP.té, qui se lève pour défendre !'Indépendance nationale, la Révolution, la Liberté? La :N" ation tout entière. Hommes faits, enfants, vieillards, to11t s'enrôle, tout part. Dans cet élan généreux, sublime d'un pruple, qu'est-ce que devient l' Armée? moins qu'une goutte d'eau dans l'Océan; elle est engloutie, elle disparaît. La Philosophie de l'histoire Je notre pays démontre donc que l' Armée est un fait- social qui a accompli son œuvre, à supprimer par conséquent. Il y a plus. L'intérêt sac:-é du Progrès, la nature et l'esprit de la Démocraiie nous amènent à la même conclusion. • Est-ce qu'avec l' Armée la moindre réforme est possible pacifiquement? est-ce,que par elle, au contraire, les mesures les plus ~·étrogrades, les plus funestes, les plus criminelles n'ont pas chance de succès ? N'est-ce point sur l' Armée que comptaient les Bourbons de la branche ainée pour imposer à la France les ordonnances de Juillet? N'a-t-il pas fallu une Révolution pour le, arrêter dans leur attentat liberticide? u'en a-t-il pas fallu une autre pour balayer la corruption systématique et hideuse du règne de Louis-Philippe? Et, en dernier lieu, l' Armée n'a-t-elle pas été le bras violent du Coup d'Etat? n'a-t-elle pas acclamé la violation de la Constitution et des lois ? n'a-t-elle pas envahi le temple auguste de la R~présentation Nationale? n'at-elle p:is empoigné et encellulé comme des voleurs et assassins des Représentants <lu Peuple? ne s'est-elle pas, jusqu'au bout et à satiété, vautrée dans le crime? Regardez, regardez: le sang des Boulevards ne s'y est. point effacé; il y flamboie comme au premier jour, et crie Justice, Cl1itiment ! Ecoutez, écoutez: les f'.lchosdes bois, <lesmontagnes du Var, <l.esBasses-Alpes, de !'Hérault, de Lot et Garonne, de la Nièvre, de nos héroïques départements du Centre l?t du Midi, retentissent toujours des gémissements de nos frères égorgés par une soldatesque en délire! Et la guillotine redressée ? et Cayenne et Lambessa, ces deux guillvti nes sèches ? et le pain dur et amer de l'exil, - la mort lente de la no ;talgie, de la misère et de la faim ? et les femmes, les enfants, privés de leurs époux, de leurs pères, n'ayant pour ressource que la charité publjque? et, par dessus tout cela, la Patrie L•IlO)1~l E . opprimée jusque dans son cœur et son âme: hélas·, plus rien qui sorte de cette noble terre de France, naguère foyer de lumiere et d'amour, qui se répandait au dehors et profitait à l'humanité entière. Quel ami du Progrès, de la Civilisation et des Hommes serait assez insensé pour demander aujourd'hui la conservation de la chose par laquelle ont été perpétrés tous ces forfaits ? Condamnée an nom du Progrès, l' Armée ne l'est pas moins au nom de la Nature et de l'esprit de la Démocratie. La nature de la Démocratie. c'est que le peuplt:! s'oit souverain, c'est que sa volonté prévaille, domine et gouverne en tout et pour tout. Or, cela peut-il être. lorsqu'il y a en dehors du peuple, une foree passive énorme, soumise forcément à des volontés particulières ? N'y a-t-il pas à craindre, dans ce cas, que l'ambition ne se serve de cette force contre le peuple, et, même, par elle, ne le dépouille de sa souveraineté, de ses droits éternels et imprescriptibles, et ne le ramène en monarchie. L'esprit de la Démocratie c'est l'Egalité et la 1:,ib:rté, l'Egalité, en vertu de laquelle nous jouissons des mêmes droits et sommes soumis aux mêmes devoirs. La Liberté, qui fait que nous avons pleine possession de nous-mêmes, que nous sommei maitres de notn: destinée, et partant que nous pouvons penser , parler, croire, agir à notre guise, mais, bien entendu, sa11fla responsabilité morale et légale que nous imposent la raison, la morale et la loi. Or, par l'armée, !'Egalité et la Liberté s'évanouissent pour chacun et pour tous. L'exécution pure et simple des ordres reçus étant la loi militaire, il. y a. évidt'mment pour l'armée des droits et des devoirs qui heurtent les droits et les devoirs généraux ; et, ainsi, !'Egalité est violée en elle. Mais, violée dans l'armée, l'Egalité l'est fatalement en tout : car l'Egalité est essentiellement la réciprocité. Donc, avec l'armée, point d'Egalit~. Point de Liberté non plus. Dieu a fait de l'homme un être moral et libre. Il lui a donné la morale, la raison et la volonté : la morale, qui lui montre ce qui est bien et ce qui est mal; la raison, qui les distingue l'un de l'autre; et la volonté, par laquelle il peut accomplir ou non les prescriptions de la morale et de la raison. Or, l'obéissance passive supprime clans le soldat la morale, la raison, la Liberté : le voilà devenu une machine, comme un corps brut, dénué de la notion du bier1 et clu mal, et irrespomable. Ses chefs lui ordonnent d'arrêter, de frapper, de tuer, et il arrête, et il frappe, et il tue. Que ceux qu'il arrête, qu'il frappe, qu'il tue, soient des mandataires <lu Peuple, des défenseurs des lois, de bons citoyens, ses père, mère, frères, sœurs, que lui importe ? Est-ce que c'est là son affaire, à lui ? N'a-t-il pas été commandé pour cela? Ne devait-il pas obéir et n'estil pas en droit, par conséquent, cle se laver les mai us comme Ponce-Pilate, et de faire retomber sur autrui le sang innocent ? Mais, sans réciprocité, il n'y. a pas plus Liberté r1u'il n'y a Egalité. La Liberté ne souffre ni demi-mesures, ni demi-concE:ssions ; elle veut être tout entière, ou elle n'est pas. Donc, par l'armée, nous perdons la Liberté aussi bien que !'Egalité. Ainsi, motifs tirés cle la philosophie de l'histoire, du progrès et de l'amélioration sociale, de la nature et de l'esprit de la Dfmocratie, tout concourt et s'accorde pour solliciter la ruine <lel'arh1ée. Parce que la conscription fait sortir l'armée du sein du Peuple, on a cru longtemps que les sentiments, les idées, les inspirations du temps devaient finir par la pénétrer. Erreur grossière et fatale ! dans laquelle on ne serait pas tombé, si on avait considéré que, pour le soldat, la société générale disparaît derrière la petite société dont il fait partie, et que c'est dans cette dernière seille q'il vit, se développe et agit. Les moines, les Jésuites, toutes les corporations qui ont leurs règlements particuliers ne sontelles pas de nos jours ce qu'elles étaient autrefois ? Là où la canse est identique, l'effet est nécessairement identique. Mais hélas ! les nations, comme les hommes, ne s'instruisent que par l'expérience chèrement acquise. Cependant, même avant les horreurs de Décembre, que de faits accusateurs se dressaient contre l'armée ! SaintMéry, Transnonain, Mai 1839, la Croix-Rousse, Paris, J.,you éventrés par les boulets, décimés par les fusillades, et, dans ces grandes luttes, la ft.rocité constanta et horrible de la troupe, tout cela ne devait-il pas ·se présenter à l'esprit des membrP.s du gouvernement provisoire, des commissaires et agents du gouvernement, la plupart vieux lutteurs de la Democratie et de la Liberté, la plupart anciennes victimes de la monarchie ? Mais prenez garde, ncus dira-t-on, en abolissant l'armée, vous démantelez la Révolution et la livrez sans défense aux envahissements des rois de l'Europe absolutiste, C'est le contraire qui est vrai, répondrons-nous hardiment, car, à l'armée substituant le Peuple armé, la France debout, nous rendons la Révolution indomptable et invincible, bien loin de l'affaiblir. Lise::: philosophiquement les fastes militaires de la première République et de _l'empire, et vous remarquerez une différence sensible quant à la solidité entre les armées de l'une et de l'autre époque, différence qui va s'augmentant proportionnellement à la durée du régime impérial. C'est que les armées cle la République étaient la nation, et que celles de l'empire 11'étaient que ce qu'on appelle l'armée. L'armée nous a laissé conquérir deux fois, en 1814 et 1815 ; le Peuple armé eût alors sauvé la patrie, comme en 92. Regarrlez ce qui se passe sous nos yeux, la fameuse campagne de Crimée. Les Français y montrent les qualités militaires qui les distinguent: de l'entrain, de l'é!an, de la vigueur, de l'intrépidité ; cependant, si, au lieu de l'arm6e impériale, le Peuple armé étai.t là, je ne crains pas <l'avancer que la guerre y prendrait tout d'abord une autre physionomie, qu'elle y deviendrait et plus humaine et plus intelligente, qu'on n'y verrait point de ces monstrueux égorgements ù'hommes qui font horreur et pitié, et que la fortu11e s'y déciderait par quelques grands coups de génie et <l'audace qui épargneraient bien des malheurs, mais dont sont incapables les âmes criminelles des .crénéraux décembristes. 0 Fondre, en 1848, l'armée rlans la garde nationale n'offrait donc qu'avantages de toutes sortes, sans aucun danger. • H. MARLET. LA. SUISSE. Les montagnes de la Suisse, défendues p:n la valeur cle ses enfants, ont été jusqu'ici pour elle une garantie suffisante contre ses ennemis ; elle a pu, gdces aux couditions spéciales dans lesquelles elle se trouvait, défendre son indépendance et conserver sa libertés au milieu des despotes qui règnent en Europe. Elle a raison d'en être fière; sans sa position géographique, sans sa valeur, le sort de la Pologne aurait été peut-êtw le sien. l\fais elle a tort et grandement tort, satisfaite comm<::elle l'est de son passé, de ne pas songr.r à l'avimir, de ne pas voir que l'isokmcnt qui a été sa force va devenir sa faiblesse, de ne pas c0mpren<lre qu'elle n'a plus désormais pour ennemis certains despotes, mais le despotisme tout entier. Elle a tort de 11epas entendre cela dans le simple intérêt de sa conservc:tion, et elle devrait y songer aussi dans le devoir de sa mission comme nation, dans l'intérêt , de son honneur et de sa prospérité. Jusqu'à la Révolution de 184 7, la Suisse a vécu par la force de ses anciennes institutions ; emportée momentanément dans le tourbillon des grands événements européens, elle rentrait bientôt dans les traditions de sa vieille politique, et pendant que la Confédération s'isolait des autres peuples constitués en monarchie, chaque canton cherchait à améliorer sa condition particulière. On dut s'apercevoir en 1847 que les anciennes institutions n'étaient plus suffisa11tesà garantir l'intf\grité de la Suisse; que cette vie cantonnale dirigée par les inflnences étrangères, dans l'intérêt des autres gouvernements, se séparant d'un état qui n'avait aucune autre force, en aurait bientôt causé la dissolution ; on l'évita par une Révolution. La victoire couronna les efforts des amis de la liberté de la patrie. Quel en aurait dû être le résultat? Que, respectant les libertés des Cantons, en eût introduit entre eux et la Confédération un lien que ni l'un ni l'autre ne pussent ~nfreindre. On ne pouvait le trouver ailleurs que daus _unmtérêt co~mun, et pour qu'il 11e fût pas à la mer~1 de~ for.ces mtérieures, il fallait qu'il représeutàt aussi un mtéret e:l.:térieur. Or, quel ponvait être l'intérêt extérieur de la Suiss~ républicaine, si ce n'est celui du triomphe de la Liberté ? La ~uisse ~vait couvé le germe dans son sein pendant plusieurs siècles, le défendant cor1tre les infiueuces contraire~ qui ré~rn.Lient en Europe; depuis, ce germe a grandi, et quoique combattu par la force brutale, ii est devenu capable de la défendre à son tour. L'occasion était propice; les peuples qui entouraient la St:isse étaient en lutte avec leurs oppresseurs, elle n'avait qu'à leur tend:e la main. Les soldats ne lui manquent pas, elle en envoie tous les ans au Pape et au roi de Naples ! Elle aurait bien 11u en envoyer à l' Allemao·ne insurgée, à l'Italie, et aider la Hongrie par une di version sur l'Autriche. Dans cette hypothèse, la victoire aurait été, selon toute probabilité, assurée anx peuples et l'avenir de la Suisse sauvegardé. Mais ce n'était pas l'intérêt <les hommes qni se trouvaient à la tête cles affaires, ce n'était pas celui de l'avenir auquel ils visaient pour eux-même~. ~l y a une grande ressemblance entre ce qui arriva en Smsse, en 1847, et ce qui arriva en France en 1830. Les hommes qui avaient fait la Révolution se tournèrent co~tre elle, la diri~eant contre le principe aùquel ils <levaient leur élévation. James Fazy avait vu de JJrès le gou_v~rnement.de Louis Philippe ; tout en lui faisant l'oppos1t1011la plus acharnée, il avait su calculer les avantao-es pers~nnels qn'on pouvait tirer du système, et, dès qu'il le pu_t, '.l se fit dans sa patrie l'imitatenr au petit pied du roi citoyen. Au lieu de garantir la liberté des cantons des influences anfi-nationales? on chercha ~ les priver <le la liberté qui leur_ap~artenatt au P:ofit d un gouvernement fédéral qui s~h1ss~1~ce~ mêmes mfluences. ~11 lieu <l'unifier par la 11berte 1act10n cantonnale avec l action fédérale, on fit de l'autorité sur les caHtons, pour s'assurer l'appui des autorités étrangères ; au lieu de ne voir dans les cantons que de grandes communes, on essaya de les réduire au rôle de départements. La conséquence de cette politique a été, pour la Suisse l'affaibfüsement à l'intérieur c:omme à l'extérieur. '

A l'intérieur, l'ancien parti réactionnaire est resté tel qu'il était, plus la haine contre ses vainqueurs; le parti libéral, comme on l'appelait, s'est fait conservateur doctrinaire. Le premier n'est plus à craindre, mais le second peut être fatal. Un troisième parti s'est formé, c'est le parti démocratique, le parti de la Jeune Suisse, celui qui seul peut désormais sauver le pays, le parti que j'appellerai de l'avenir, de la République universelle, démorra- ,tique et sociale. En attendant, cette division ne peut manquer d'affàiblir la Suisse, et d'autant plus qu'au-dessous cles divers partis se trouve une classe que j'appellerai les Satisfaits. Cette classe est malheureusement nombreuse ; elle se recrute de tous les partis, et, relativement contente de l'état actuel des choses, ne s'occupe en rien de l'avenir. On y voit des réactionnaires qui s'applaudissent, en voyant triompher dans le Conseil Fédéral ces mêmes sympathies envers 1e despotisme étranger, qu'ils avaient soutenues dans leurs Cantons ; il y a des libéraux, des révolutionnaires purs, comme ils se disent, qui en sont encore aux jours du.. combat cle 1847; pourvu que leurs adversaires d'alors ne soient pas au pouvoir, ils s'applaudissent de leur triomphe et, sans s'occuper d'autre· chose, vouent une haine éternelle aux hommes que la marche du progrès destine à les remplacer. On compte parmi lEs Satisfaits .mêmes des démocrates qui, se laissant prendre à l'appât des améliorations locales, refusent de s'•occuper du reste. Cela ~xpliq11ecette espèce <l'insouciance qu'on remarque, en Suisse, pour les·grands intérêts, les intérêts généraux <lu pays. On renvoie au Conseil Fédéral presque tous les mêmes hommes, qui ont perd11 la confiance du pays, pendant que les Conseils généraux des Cantons se renouvellent par les hommes les plus avancés. Cela explique les dernières élections. Pendant que la vraie Démocratie remportait la victoire sur toute la ligne, l'influence des Satisfaits permettait au Conseil Fédéral de rester presque le même. Il faut faire un~ exception en faveur de Genève ; dans catte ville, les élections fédérales ont eu le 111ême esprit que les cantonnales. Fazy a été -exclu, c'est une victoire pour les radicaux et un grand enseignement de moralité publique. Le peuple a fini par s'apercevoir qu'il ne pouvait pas compter avoir des logements à bas prix de celui qui, avec l'argent de la patrie, bâtissait des palais à son usage particulier. Le Tessin a profité de cet exemple. •Mais dans Vaud, dans Neufchâtel, dans presque tous ]es Cantons allemands, les Satisfaits ont eu le dessus. Pourvu qu'on leur laisse quelqu'inflneuce dans leur Canton, peu leur importe ce que fera le gouvernement Fé- ..déral. Ceux qui blâment sa conduite envers l'étrnnger sont par eux des révolutionnaires utopistes; ceux q11i se plaignent des réglements intérieurs, des réactionnaires dangereux, et on recommande les uns comme les autres à la surveillance de la police. En Valais, ce parti fait l'équilibriste, pendant qu'à Fribourg, il se laisse dépasser par les Sunderbundistes qui, pourtant, n'ont pas réussi iL empêcher le gouvernement cantonna!, établi en 1847, de remplir sa tâche avec courage et dévouement, méritant ainsi la reconnaissance de la patrie. Voici la position de la Suisse, à l'intérieur, telle que l'ont faite les Leaders de la Révolution de 1847. Elle n'est certes pas brillante. On peut la définir en deux phrases: Insousiance presque complète, pour ce qui regarde l'intérêt fédéral.; ,coteries, ,petites vues, expédients, i):1certitude, diversité daHs le but et dans les moyens, pour tout ce qui regarde l'intérêt cantonnai. . La continuatio.n ,d'un pareil é,tat <le choses aurait pour résultat que le Conseil Fédéral finirait par confisqu1:r, à son profit, toutes -sortes de libertés eantonuales, pour n'être, lui-même, qu'une espèce de préfecture, dépendant d'un cabinet multiforme austr-0-franco-prussien; c'est-àdire que, politiqueme1~t parlant, il n'y aurait plus de Suisse. La Suisse attendra-t-elle ce résultat, pour se sauver au .moyen d'une nouvelle Révolution? Il faut espérer que, l/ HO ~1~lE. pouvant le prévenir, elle l'aimera mieux. L'opinion publique peut librement se manifester en Suisse; que sans oublier les intér~ts locaux, elle s'occupe plus qu'elle ne l'a fait jusqu'ici des intérêts généraux du pays, et elle sera assez forte riour ill".poser aux hommes du gouvernement. Ou ils plieront devant elle, ou ils se retireront, et, alors, on en nommera de meilleurs à leur place. Mais, pour cela, il faut que ceux que nous avons nppelé les Satisfaits du présent, réfléchissent à l'~venir. Nous le répétons encore une fois, si on ne se presse pas, il n'y aura qu'une Révolution qui puisse sauver la Suisse d'un anéatissement complet. Ils ne peuvent la désirer, et pas un enfant de l'Helvétie ne voudrait permettre l'anéantissement de sa patrie, tant qu'il aura une vie à sacrifier pour l'empêcher. - Passons à l'extérieur. Qu'ont-ils fait de la Suisse, les hommes cle 1847 ? Que leur ont-ils permis d'en faire, les Satisfaits ? La Sui~se comptait auparavant entre les nations européennes ; les représentants entraient dans le cabinet des rois et y parlaient avec cette fierté qui sied si bien à des républicains. Elle défendait ses droits, et quand une puissance se permettait de la menacer, elle levait des armées, couvrait <le soldats ses frontières, et on se taisait. A quoi en est-elle réduite à présent·? La moitié de l'Europe est sous les armes et on ne la consulte même pas; pendant qu'on courtise le:s ducs et les électeurs <l'Allemagne, personne n'a songé if demander son alliance~ avec les a1itr.es on mendie des traités, à elle on euvoie des ordres. Dl;!scendae de l'état de p,uissance, on fait fonctionner la Suisse comme commissariat de police. Il y a quelques anuécs, elle acceptait la guerre plutôt que de refuser l'asile aux persécutés cles polices étrangères.. Aujourd'hui, elle fête les agents de ces mêmes polices et la République chasse les républicains de son sein selon les instructions royales on impériales. Voilà, quant à la politique extérieure, l'état de la Suisse durant la guerre; il n'est pas difficile de prévoir ce qu'il sera après. Si les monarchies arrivent à s'ente11dre entre elles, il y aura évidemment un remaniement de la carte européenne; et peut-on croire, en ce cas, qu'on veuille au milieu d'une E,uope monarchique fraîchement réorganisée, conserver la vieille République ! Divisée à l'intérieur comme nous l'avons démontré, avilie à l'extérieur, la Suisse peut-elle espérer être respectée ? Nous l'avons dit en commei1ç·111t, les circonstances sont chang6e:s ; ce n'est plus contre un despote que la Confédération devrait combattre, espérant secours de la rivalité d'un autre; c'est le despotisme qui, <l'accord sur tout le continent, a un intérêt majeur à détruire tout ce •qui représente le principe contraire . Le partage est tout fait. Les Cantons français à la France, les allemands partagés entre l'Autriche et la Prusse, les italiens à l'Autriche, vous voyez qu'il y a de quoi contenter toutes les puissances continemales, de les défrayer des dérenses qu'tlles auront faites pour la guerre contre la Russie, et sans que r.elle-ci y perde rien. Cela s'appelle faciliter un arrnngement, et la Diplomatte s'en réjouirait comme d'une bonne fortune. Nous savons que les Suisses,sa1uont mourir avant que cela arrive , mais, dans ce cas, ils mourront héroïquement '11ourne pas avoir su vivre sagement. La Suisse est encore maitresse <leson sort ; il peut être aussi glorieux que celui auquel elle s'achemine est désastreux. Mais pour cela il faut changer de route et substituer, à l'intérieur, l'union à la division, à l'extérieur, la force à l'abaissement. On aura l'union à l'intérienr q1iand, au lieu de s'occuper d'expédients partiels, la Suisse acceptera la discussion des principes généraux qui, dans les intérêts qu'ils représentent, confomlront les Canf ons avec l'Etat, en le préparant à se confondre plus tard avec l'Humanité. Voilà ce qu'on devrait faire, et, les intérêts étant les mêmes, il n'y aurait plus d'anomalies d'antagonisme entre les administrations cantonnales et celles fédér..iles; l'opinion publique dirigerait l'une et 1:autre également dan3 un but d'utilité commune et générale. La Suisse ne trouvera certes pas des éléments d'union dans les séries phalanstériennes auxquelles rêvent certains individus, non plus que dallS les réformes dont certains Cantons se servent pour accroitre la classe des Satisfaits, mais elle trouvera ces élrments dans l'application des vérités économiques, à laquelle, grâce à la forme de son gouvernement, elle peut parvenir plus aisément que les autres nations. • On aura la force à l'extérieur quand, au lieu de chercher un appui dans un élément hétérogène (les ll'Ionarchies ), la République Suisse le cherchera dans les Peuples; 11uand, au lieu de se faire l'exécutrice cles volontés des oppresseurs, elle se fera le défenseur des -droits <les opprimés. On n'a pas consulté la Suisse dans la guerre actuelle. Tant mieux ! elle n'a rien à faire dans les querelles des rois, mais qu'elle prenne acte de ce fait, et, au lieu de faire la police pendant que les rois se livrent des batailles, qu'elle s'·entende avec les Peuples, qui demandent la Liberté. Craind-rait-elle donc d'être envahie? Pendant la guerre, c'est impossible ; après, llO'US l'avons démontré, ce sera bien tard, à moins que la Révolutien, prenant la place des dynasties, ne prrpare à la Suiss-e un milieu dans lequel eUe puiisse vivre. C'iest donc la Révolution, c'est la République universelle qui ;;eule peut représenter un avenii' à la Suisse ;, qu'elle y songe, car toute démarche qu'elle fait, soit contre sa prop-.reHbe'fté, soit contre celle des a11tres, est un cqmmencement de snicide. Chaque pas qu'elle fait vers les despotes est un pas vers le tombeau. L'Alliance des Peuples, voilà la vie: A. V. Genéve, 22 décembre 1854. DERNIERNESOUVELLES. Le Times publie les dépêches suivantes : " Constantinople, 21 décembre. - Le 16, les Russes ont fait une sortie de nuit, mais ils ont été repoussés par les Français, après une lutte sanglante. " Les Rifles ont aussi repoussé uue sortie. " Nos mortiers et uos batteries sont prêts à ouvrir le feu : mais les pluies font obstacle aux progrès des assiégeants, et occasionnent de nombreuses maladies~ Le général Adams est mort de ses blessures. " Depuis le 16.novembre, il est arrivé 24,000 Anglais, Français et 'f ures en Crimée, sur des vaisseaux anglais. La garnison turque d'Eupatoria a été renforcée de Varna. " Odessa, 25 décembre. - Un convoi vient d'apporter la nouvelle que le général Liprandi, ayant reçu de nombreux renforts, attaquait Ilalaclava. " Vienne, 31 décembre. - Sur la demande du prince Gortschakoff, qui a déclaré que ses pouvoirs n'étaient pas suffisants pour lui permettre d'accepter les " quatre, conditions" telles que les interprètent les Alliés, les ambassadeurs des autres puissances ont consenti à attendre, jusqu'au 15 janvier, la réponse définitive de la Russie." Cette dernière dépêche prouve combien les gouvernements occidentaux désireraient traiter avec la Russie; des conférences sont ouvertes à Vienne, chez le comte de Westmoreland, entre les ambassadeurs des cinq grandes puissances ; pourtant les Bourses d'Europe n'espèrent pas une paix prochaine. 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