Homme - anno II - n.02 - 13 dicembre 1854

L' Il OM11E. nentc était là, toujours là, et les généreux initiateurs trouvèrent en récompense de leur dévoueme:nt la prison ou l'exil ! que deµx faces, deux manières d'être considérées de l'intelligencG) humaine; et, d'autre part, elles sont l'une à l'autre comme cause et €ffet, la première ayant la pleine maitrise et direction de la seconcle. traditionalisme singuliers de ce peuple dans la vie poli• tique et sociale. Le 13 Juin fut un des premiers actes de drame sanglant dont l'épilogue s'appelle le Deux-Décembre. Voilà cc que l'expérience de la persécution et de l'exil nous a appris à tolls ; voilà ce que personne •ne doit oublier. La guerre d'Orient est menaçante pour les Puissances Occidentales autant que pour le Czar. Personne ne sait encore comment se terminera cette lutte gigantesque. Souvent on s'étonne que la France et l'Angleterre ne soulèvent pas la Pologne et ne jettent pas ainsi un peuple entier au devant des armes moscovites. Donc, à l'imitation de la loi qui règle dans l'homme, dans l'individu, la faculté de vouloir et la faculté d'agir, il doit y avoir dans la société, la nation, union rnt11ne, indissoluble, entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. L'explication de ce fait est bien facile pourtant : Les rois peuvent se faire la guerre ~ntr'eux à leur profit, ils ne la. feront jamais au profit de la.Démocratie ; or, la Pologne soulevée c'tst la Révolution debout. Mais Bonaparte étant plus euncmi de la Révolution que de Nicolas, il ne saurait rendre à la Pologne sa nationalité. C'est pourquoL les Alliés ne font pas appel aux Polonais ; c'est pourquoi, quels que soient les désastres du champ de bataille, jamais la Pologne ne trouvera chez Bonaparte - et par conséquent en Angleterre - une main fraternelle qui la relève et la soutienne. Tout s'enchaîne : De quel œil le:. Anglais libres et même les Français esclaves verraient-ils, par exemple, proclamer l'indépendance de la Pologne, uniquement parce que la Pologne est soumise au Czar ; tandis qu'en même t€mps l'Angleterre et la France enverraient des troupes en Italie ,et en Hongrie pour maintenir ces deux pays sous le joug inexorable de l'Autriche, uniquement a11ssi parce que François Joseph est l'allié de Bonaparte et de Palmerston? De si grand.es fautes de logique ne se font pas. - On veut maintenir l'esclavage des Hongrois et des Italiens, pour garder la protection de l'empereur d'Autriche; on ne donnera poin~ la liberté aux Polonais. D'ailleurs, Fnm- ,çois-Joseph, maitre de la Gallicie, une province polonaise, ue le permettrnit .pas. Il faut que chac,rn se le persuade bien: la solidarité existe entre les H,évolutions, .comme elle existe ei:itre les Royautés. La lutte qui rlure depuis si longtemps en Europe entre les })euples et lfs rois n'est pas oubliée par ces derniers. Ils ont compris, eux, que Pologne, Hongrie, Italie sont :rnjourd'hui synonimes de Liberté et de Démocratie, et ils ne commenceront pas à charger la niine qui, en éclatant un jour, doit emporter toutes les Monar- {;hies et tous les Monarques. Polonai~, Hongrois, Italiens, Français, marchons à la conquête de !'Avenir. Réunis, nous vaincrons; s<>parés, nolis 5erions les dupes et les instruments des Bonaparte ou des Nicolas. Une seule devise peut nous rallier -,SOLIDARITÉ. n~:s PEurr.i::s. - Gardons-la, cette devise, et qu'elle soit le bouclier qtle chacun opposera au tentateur, soit que Bonaparte-divisant pour régnerye11ille envoyer les Polonais contre la Hongrie; soit que Nicolas-dans le même but-veuille lancer les Hongrois contre la Pologne. Nicolas et Bonaparte sont, au même titre, les ennemis de la D6mocratie, c'est-à-dire de l'Humanité. A l'un et à l'autre de ces tyrans nons ne devons que haine et guerre éternelle ! A. BIANCHI. LA FRANCE ET LA RÉVOLUTION. La Liberté doit être le fondement de la Rép11blique .démocratique française : nous l'avons démontré.· Mais commeiat réaliser, constituer réellement et effectivement la Liberté? Faut-il, pour cela, suivre les principes des publicistes constitutionnels? faut-il diviser, équilibrer les pouvoirs politiques? Je ne le pense pas. Je regarde la théorie de la di vision et <lel'équilibre des pouvoi_rs politiques comme fausse et décevante, sous tous les points de vue. Et d'abord philosophiquement. Corisidéré comme être moral et libre, l'homme se compose de deux éléments essentiels, la faculté de vouloir et la faculté d'agir : la première par laquelle il veut ce qui lui convient; la seconde par laquelle il met à ex<icution ce qu'il a voulu. Qu'est-ce qu'une société quelconque, une nation? C'est une collectivité d'hommes, une portion du genre humain; c'est l'humanité, c'est l'homme en définitive. S'il en est ainsi, - et on ne peut le nier,- une société q11elconque, une nation doit se gouverner par les mêmes forces _par lesquelles se gouverne l'homme, l'individu, c'est-à-dire par la faculté de vouloir et la faculté d'agir. Il en est ainsi en effet. Les publicistes ont donné à la faculté de vouloir d'une société quelconque, d'une nation, le nom de pouvoir législatif, et à sa faculté d'agir celui du pouvoir exécutif. Mais quels sont les rapports qu'il y a dans l'homme, .dans l'individu, entre la 'faculté de vouloir et la faculté d'agir?- C'est ce qu'il faut savoir pour établir ceux entre le pou voir législatif et le pouvoir exécutif, puisque le gou- ·vernement de la société, tle la nation ne doit être que la reprocluction et l'image du gouvernement de l'homme, de l'iudi vidu .. Or, d'une part, la faculté de vouloir et la faculté d'agir ,sont indissolublement unies, ou, pour mieux ,dire, ne sont Qu'est-ce que font les publicistes constitutionnels? Ils méconnaissent et violent dans son double objet la loi que nous venons de reconnaître et exposer. Ils divisent et séparent l'un de l'autre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, au lieu de les rapproçher et de les joindre; et ils opposent le second au premier, dans une sphère égale et parallèle, au lieu d'en faire le serviteur et le bras. Qu'arriverait-il si tel procédé pouvait s'appliquer à l'homme, à l'individu? que l'homme, l'individu périrait à l'instant. Car, qu'est-ce que la vie? l'épanouissement et le développement de l'être suivant l'ordre de la nature. Qu'est-ce que la mort? le brisement de ce même ordre éternel, et souverain maître de toutes choses. A coup sûr, les publicistes constitutionnels tueraient aussi la société, la nation, - en tant que société, que nation,-si jamais ils atteignaient le but de leur rêve, si jamais ils pouvaient agencer et faire mouvoir un m~canisme constitutionnel parfait. Supposons-le atteint, et représentons-nous ce que seraient alors l'action et la réaction réciproques de leurs trois pouvoirs politiques? Le pouvoir exé_cutif, la chambre haute et la chambre basse ont des intérêts et <las passionil entièrement opposés, entièrement contraires, tel est le fond de la théorie ; et puisque nous la sJJpposons réalisée, c'est là le fait que nous avons sous ies yeux. Eh bieu, dans cet état de choses, d'où viendra le mouvement dans le corps social ? Chacun des trois pouvoirs se trouvant avoir naturellement pour adversaires et obstacles les deux autres, le mouvement ne pourrn se faite, ne se fera point; et comme en définitive la vie c'est la m.trche en avant et l'action, nous trouverons pour la société, la nati011, le même résultat que nous avons trouvé plus haut pour l'homme, l'individu, c'est-à-dire la mort de la société, de la nation, en tant que soc1été, que nation. Heureusement, le Constitutionalisme n'a jamais été qu'une utopie, pour nous servir cle la langue dPs réactionnaires. Le fameux équilibre recherché n'a jamais exi5té que d.111sles livres et les chartes des docteurs libéraux ; partout et toujours, l'un des trois pouvoirs a dominé et gouverné les deux autres. En Angleterre,· n'a été successivement la royauté, la Chambre des Lords et la Chambre des Communes, mais constamment au profit de l' Aristocratie. En France, pendant l'expérience que nous en avons faite, ce fut la royauté ou le pouvoir exécutif: la royauté rle la restauration, en vertu des attributions qui lui étaient départies ; la monarchie de juillet , par la corrnption politique qu'elle avait inoculée au corps électoral ; et, de la sorte, dans l'application, l'imperfection même du système diminue les vices fatals et monstrueux qnc nous y avons signalés. Faux philosophiquement, le Constitutionalisme est, de plus, la plus décevante des formes de gouvernement. En effet, les libertés relatives qu'il accorde, ces franchises communales restreintes et circonscrites, ces droits électoraux privilégiés, ces vides et tapageuses discussions de la presse, ces terribles joütes de la tribunt, étant privées de réelle efficacité, trompent et abusent le souverain Véritable, c'est-à-dire le Peuple, lui font oublier son droit immortel et imprescriptible, et le rivent à son oppression pour un temps indéfini, puisque, pour la briser, il faudrait qu'il ouvrît les yeux à la lumière, qu'il vît ce qu'il ne voit pas, qu'il détestàt ce qu'il aime, qu'il aimât et voulût ce dont il n'a point d'idée. L'Angleterre est un exemple visible et frappant de la vérité de ce que nous disons. Elle est, en effet, si bien façonnée par le Constitutionalisme, que ce régime y est pour chacun, à quelque classe qu'il appartienne, l' Eldorado politique par excellent:e, cp1e personne ne voit rien en dehor.s ni au-delà, et que même les projets les plus audacieux des écrivains et des chefs du parti populaire ne tendent qu'à des changements secondaires, et ne s'attaquent jamais à la racine du mal. Reposant ainsi sur les mœurs du pays, le Constitutionalisme anglais 1éunit les conditions des institutions qui durent ; et l'on ne voit pas comment il pourrait un jour disparaître. Conclusion d'autant plus vraie, qu'il est, en outre, le produit naturel et logique du caractère de la nation et de son développement historique. L'égoïsme et l'orgueil, portés à la plus haute puissance, forment les traits distinctifs et saillants de la nation anglaise. Toute son histoire démontre qu'elle ne s'est jamais proposé d'autre objet, d'autre but et d'autre fin qu'ellemême ; qu'elle n'a jamais eu <l'autre ambition que celle de dominer le monde ; et comme, par une série de causes diverses qu'il serait trop long d'énumérer ici, elle a réussi en partie dans ses vastes.desseins, <lel'égoïsme satisfait et repu, est sorti logiquement l'orgueil. L'égoïsme et l'orgueil isolent et désassocient. Comment, en effet, uue nation pleine d'elle-même serait-elle accessible et pénétrable aux rayonnements intellectuels des aut~·es nations ? C'est son tempérament moral, bien plus que le détroit, qui sépare et difffre11cic l'Angleterre d'avec les nations du continent. De là, la lenteur et le 1 ' Il y a autre chose. Chez lui, ce sont l'aristocratie terrienne et l'aristocratie des villes - (l'aristocratie commerçante) - qui ont été dans le passé les agents du progrès ; ce sont l'aristocratie terrienne et l'aristocratie des villes qui y ont mâté la. royauté et y ont partagé la puissance souveraine avec leur ancienne ennemie; enfin qui, aidées par l'opinion générale, en ont conservé la jouissance sans altération essentielle, en dépit des changements innombrables que le temps a opposés en toutes choses. Par suite, rien de plus légitime que le constitutiona .. lisme en Angleterre : il y est le fruit de la vie nationale. Mais cc qui est bon pour l'Angleterre ne nous con. vient pas. Le peuple français, avec son tempérament passionné et ardent, avec son caract0re ouvert et franc, avec son esprit vif et rapide, avec son cœur sympathique et fraternel, ne saurait s'ajuster au constit..utionalisme. Au milieu des rouages compliqués du mécanisme doctrinaire, son génie s'émouss€rait, sa marche s<~rait fortement entravée et arrêtée, et la mission, qui semble lui avoir été départie ù'être daus le monde le promoteur des nouveautés néces. sa.ir,s, ne s'accomplirait pas. Et puis, chez nous, le mouvement social ne s'est pas fait par l'aristocratie terrienne et l'aristocratie des villes liguées ensemble ; il s'est fait au contraire contre elles deux, d'abonl par les efforts, ta.ut simultanés que successifs, de la royauté et rles communes ou de la. g6néralité tles habitants des villes, et, tn dernier lieu, par la for«e irrésistible du peuple tout entier; et aujourd'hui, aristocratie terrienne et aristoc1'atie de.s villes abattues, emportées par le mouvement, ont disparu de notre sol politique et 11esont plus qu'un souvenir. Dans une société arrivée à ce point, clans une société, d'où l'inégalité a été arrachée, où trou ver les éléments divers du constitutionalisme? On s'explique très Lien, cl'apr~s cela, que les tentatives faites pour l'implanter en France aient été infructueuses et n'aient abouti qu'à clcs révolutions. Et il en faut conclure qu'à la différenc.e de l'Angleterre la libert6 ne peut y être fondée par la divi$io11 et l'équilibre des pouvoirs, quelle que soit d'ailleurs h forme de la division et Ù<! l'équilibre, soit que l'on y adopte l€s trois pouvoirs de la monarchie angl:.iise, -pou\'oir exécutif, chambre haute et chambre basse, - soit que n'y établissant qu'une assemblée comme organe du pouvoir législatif, on en sépare et on en distingue le pouvoir exécutif pour lui servir de contrepoids. • La solution qne nous venons d'obtenir s'appuie, en outre, sur d'autres considérations non moins puissantes que celle,s que nous avons exposées jusqu'ici. Aux Etats-Unis, le système dee deux Chaml)fes et la sép:.iration du pouvoir exécutif d'avec le pouvoir législatif, la présidence, s'expliquent très bien et n'offrent ni inconvénients ni dangers. La Répuhlique cles États-Unis étant fédérative, chacune des Chambres a des attributions difforentes : l'une est' cliargée de représenter les intérêts des Etats de l'Union dans le11rs rapports, l'autre: les intérêts de l'universalité des citoyens de la République ; et, cette cornhinaison une fois admise, il faut bien un troisième pouvoir qui relie et unisse les intérêts divers qui ont pour organes les deux. Chambres .. D'ailleurs, les États-Unis ne sont qu'une émergence de l'Europe, une colonie ; ils ne sont point contraint, de transformer un passé d'erreurs et cl'abus qui pèse sur eux; ils n'ont qu'à conserver et à sauvegarder la Liberté qu'ils ont conquise du premier coup ; et, par suite, ils n'ont pas à. craindre tiue l'une de leurs Chambres, 011 la présidence deviennent des nids à tyrannie et à guet-apens. Il n'en va pas ainsi de la France. Là où il n'y a qu'un Peuple, là où les intérêts, quoique variés, sont convergents, pourquoi séparation et division dans le gouvernement ? pourquoi deux Chambres ? pourquoi une Présidence ? • Et ce n'est là <1uele mointlre des arguments, la moindre ùes raisons de décider. La France, elle, n'est point, comme les États-Unis, un produit du vieux monde, un pays neuf et sans précédents ; elle est ce vieux monde lui-même ; elle est l'Humanité à cet âge du temps, da11sson travail douloureux, mais incessamment progressif vers !'Idéal, c'est-à-dire ve:rs la V~- rité et la Justice ; elle est le champ-clos vivant de la lutta suprême et définir.ive entre toutes les oppressions du passé et toutes les libertés de l'avenir. A côté de la phalange intrépide et indomptable des soldats de la lum.ière et ·de l'Egalité, s'agitent en son sein les Condottieri de la :nuit et du despotisme. C'est là ce qu'au jour du triomphe ne doivent jamais perdre de vue les ·hommes du droit et de la Démocratie. Des dynasties que nous avons chassées, il nous a poussé force rejetons qui, à l'instar de leurs ancêtres, se croient des droits sur nous, qui nous regardent comme leur chose, comme leur bien, et qui, à tout prix, bon gré mal gré, veulent nou~ gouverner, pour notre bonheur bien entendu; si bien que si, de temps à autre, il nous arrive de nous affranchir de leur nomination, ils sont là qui s'embarquent et nous guettent pour nous happer et nous remettre, si faire se peut, sous les .foitrches caudines ; et, à leur suite, vient la foule des gens qui ont .mangé ou qui aspirent à manger au ràtelier monarchique, foule nombreuse, intri. gante et remuante, qu'il y aurait folie de dédaigner,

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