Homme - anno II - n.02 - 13 dicembre 1854

l\IAZZINI AU COMITÉ DE LONDRES. Voici ln lettre adressée par l\Iazzini a11 Comité Démocratique Polonais : " Mes amis, "Vous allez célébrer le 24e anniversaire cle votre glorieu,;e Insnrrection. Permettez ù l'11ndes plu;; anciens ami~ de la Pologne d'adresser à votre Président quelq11f's parole~ - de tristesse, mais non de découragement - et de se joiu~re ù. vous, <le loin, pour bénir, avec la fo11leq11ise pressera i::ertainement à votre meetiny, \'OSespérances, \'OS dforts, et par dessus tout, votre constance ! " Quelques parriles, ai-je dit, tristes m,1is non découragées! Tristes, parre que s'il y eût en un ~eu\ homme ù'.l!;tat on même nn i.eul homme dé\·oné à un noble Lut, Ja11s les Cabinets clc France et cl'An<rleterre, \·ous e11s,icz p11, fiers 0 ' ' de l'accomplissPment <l'une grande œuvre Enropeenne, celébrer ù. Varso'l'ie ce :Ne anniversaire. Tristes, parce que, grâce aux faiblesses d'une fausse politiquP., une année de pins a. \'Il s'ép11iser, dans la misère et dans l'exil, vos forces, qui eûs~ent pu comba1tre et vaincre pour lt.>Bien de tnus ! "T,·isfos, parce que je vois une guerre, 11uidevait être - et qui est, dans la pPnsée du Peuple Anglais - la Guerre Sainte du Droit et de la Liberté Européenne contre la Force ù:utale et la Tyrannie, tomber, par l'ineptie de gouvernans penrt'uX, tomber aux proportions d'une querelle vulgaire pour un intérêt temporaire et local, comme aux temps qui précédèreut le traité de WeRtph:.die: parce que j'enten,111, par to11te l'Europe, les plain1es de millions d'hommes, qui avaient salué l'étendart anglais se déployant enfin, com111e l'arc-en-ciel dans la tempête, .... et qui, désappointés et méfians, redoutent aujourd'hui que son 1riomphe sanc1ionne seulement le Despotisme actuel; parce que le~ fils vaillans de ma secondtJpatrie, l'Angleterre, sont tombés pu milliers sur les I hamps de bat11illede la Crimée, et que je sais qu'ils auraient trio111phé sans l'illusion irréafüable - combien elle serait pins fatale e~core si elle pouvait se réaliser! -riui obsède le Cabinet anglais et entrave l'élan de la Na1ion: l'allianc,0 a111richie1111e. " l'ristes, muis non découragées..... J'ai confiance en r-p;e\rl'te chose qui domine les combinaison, é1rnites, nthée~, mesquine~, des Cabinets: Le flot irréfrénable des événemen6, l'énergique et pratique bon-sens du Peuple anglais, Dieu, et nous-mêmes! "Amis, ne l'o11bli<·Zpas au sein de cette agitation que vous ossoyt'z d'exci:er : si l'on vous laisr,;e,vons, le~ seul:; alliés na111rels de l'Anglderre contre la Ru,,;sit>,si l'on vous laisse isolés' ~ans vous donner ni demander ussislance; si l'on vous laisse célébrer le deuil solennel de la Vie l'assée, au !ieu c\e créer la Vie Nouvelle; c'est seulemc:nt parce qu'une partie de 111 Pologne, la Gallicie, est devenue province autrichienne. Si I' Angleterrc0 , concen trnpt toute sa vigueur et s'épuisant pour envoyer des renforts au camp, néglige le concours 1l'u11earmée puissante-le peuple polonais-attachée aux flancs de l'ennemi et prête à répondre à l'appel de l'Angleterre, c'est seulement parce que le Cauinet anglais couribe uue Puissance toujours prête à trahir, et tl promis à l'Autriche que la Justice ne lui reprendrait pas les conquê:es dn Crime. . " Que ce mit là \'Otre cri-de-guerre. Dissipez ces illusion~. Réveillez l' A11gleterre de son cauchenwr. C'est la ,•éritable manière de récom-penser l'Angleterre de son hospitalité. Car l'honneur et l'a venir de l'Angleterre sont en jeu, er. ils St'ront en danger tant que sou étenclart sera souillé par l'alliance clu crime et de fa. trahison. Dites hardiment la vérité; si elle n'éclaire pas lt>s Anglnis taudis que l'élite cle leurs braves expire, ils resteront éternelleme11t ave1i,gles. Cite;: les faits; ils sont abondan1s, irréfutables: vous n'avez 11u'à résumer le:,; événemen:s de la Cam1rngne. " Si on n contraint l'armée turque victorieuse à faire halte; si on a permis à un ennemi vaincu, démoralisé, de rt'preudre haleine et courage; si on n'a pas frappé un coup victonreux alors qne la Ru,sil', se fiant aux diplomates et a1~xparti,mns <le la paix, n'était pas encore préparée ,\ la rési.tance; si les Alliés so11t restés si lunglemps éloignés du terrain des lutteR actives; si 011n'a pas formé de Léoions Polonaises; si on n refusé dn service, Jans l'«rmée ~urorée11ne dn Sultan, aux 111eilleurs officiers Ho:,groi~, Italiens, Allemand,.; si l'expédition de Crimée a été décidée si ta1d et ùa ns une saison si <léfovorable; tout cela e,t dû ù. la tactir111eaut•·ic:hienne, à l'alliance autrichienne. Si on n'a pas forn:é snr le champ-c'est étrnuge à di, el'armée tle réserve <J11'onréclame aujourd'hui, c'est dû aux rêvri; ~e la coopéra1ion a1~tiveÙPS Autrichiens~ Si Omer Pat'ha ne pouslie pas en avant, et n'rxécute pas la se11le opération qui pt111rra:t ,a1ner l'expédition, c'est 'lu'un général ne ~aurnit s'av,111ccr, laissant sur ses flancs et derrière lui, des troul'es dont il ignore le:! i11tentiuns. La. guerre eng11gée en Orient, offre ce cluuble et incompréhensible spectacle-une armée, la Pologne, prête à tomber sur les naucs de l't'11nemi,et dont on ne se sert P\l~;-et une autre armée, celle de l'A111ril'he, à qni l'on perlllet, avar,t qu'elle ait déclaré ses inte11tions, de prenJre une position ttlle, qu'elle peut, q11a11tlelle le vo11dr;,, couper les communications entre les arméf'S alliéc-s. "Oui, 1 ar l'occ11patio11des Principautés, résultat de taqt de concessions lâc:h,•s et imprudentes, l'Autriche est maintenio.nt l'a, bitrP. <les dcl>tinées tle la Campagne. Et, pour obtenir ce résnltat-germe d'une second~ guerre, car l' Autric·he ne ltu:hs!jamms sa proie-le Gouvernement anglais a ôté à la gne,re tout cc qm la rendait juste et sainte de\'ant Di<.'uet de·.-ant les hommes: le Principe inscrit sur son drape:rn, un bnt élevé, lt's sympathies de toutes les NationH, la certitude d'une longue paix à l'issue de la lutte, lu consolation pour cenx qui meurent ponr l'Angleterre de sentir qu'ils soul les mar1yrs de. la cause du Progrès éternel de l'Humani1é ! " lis ont découragé la Hongrie et l'Italie. lis ont abandonné la Polugne. lis ont isolé leur Patrie. lis ont aventuré k succès de leurs armées. Cela ne peut pas durer! l1uisse votre meeting être le premier pas vers une position vlus clairr, plus éle\'ée. Les événements feraient bientôt le reste. " A vous dans la pen~ée l'l dans l'ac:tion, Josrph MAzz1x1. L'llOMME. LES RADICAUX ANGLAIS. Nous lisons dans le Leader : " Kossuth a frappé un coup terrible sur notre gouverment. Homme de génie, accusant les niaiseries ùe mesquins hommes d'Etat, il a flétri les erreurs et les crimes de cette année ; et bien qu'il soit grandement désirable que l'Angleterre ne soit pas guidée par un étranger, pourtant, si les Radicaux -à supposer qu'il en existe - se cachent dans !'insignifiance et le silence, la Peu.ple suivra la voix qui l'exhorte." L'importance du discours de Kossuth, l'influence conquise par sa parole est toute dans cette crainte du Leader: " un étranger dirigeant la politi1t11ede l'Angleterre!" Et pourtànt, l'opinion publique, arùente pour la guerre mais n'en voyant pas distinctement le but, s'exalte jusqu'à la fureur sans exercer aucune pression sur le gouvernement. Au moment même où toute l'Angleterre tres1,;aille d'admiration à la harangue de Kossuth, le Cabinet anglais signe lè traité d'alliance avec l' A11triche, c'est-à-dire qu'il garantit d'avance la Russie contre les chances de la guerre. L'alliance autrichienne interdit de jamais espérer, du triomphe des alliés, la dissolution de l'Empire Russe, cet épouvantail des Peuples, ce gendarme des despotismes; elle ôte tout espoir aux Polonais et aux Ro11mains, comme aux Italiens et aux Hongrois ; elle éteint les sympathies que pouvait éveiller, chez les autres Nations, une guerre qui n'eftt pas vainement englouti les millions et le sang des peuples, si elle eut abouti à la chüte de l' Autocratie ·du Norù. Cependant, l'opinion publique laisse faire. On s9uscrit des millions au fonds patriotiqi,e en faveur des victimes ùe la guerre ; on expulse, de la Bourse de Newcastle, un commerçant suspect de Russophilie; la ville de :Manchester brûle, en effigie, son député, M. Bright, un des chefs de l'école du jree trade, dite de Jl1anchester, et cela, pour a.voir éci:it qu'il lui est indifférent de voir les Russes chasser les Mahométans de Constantinople, pourvu qu'on épargne le sang humain et qu'on maintier,ne la paix à tout prix. On envoie aux armées cadeaux, rafraichis~ements, secours, vêtements, livres et journaux, conseils, pansements et encouragements de toute sorte, par caisses, par ballots, pà.r navires, par escadres ! Le patriotisme anglais se dissémine et se perd dans les détails, au lieu de concentrer son attention sur le but et la direction ile la guerre ... A ce même meeting où la parole de Kossuth a si éloquemment, si habilement aussi, appelé l'opinion libérale~ à diriger la politique anglaise hors cles voies des alliances despotiques, Ernest Jones, à peine sorti de la prison où le poussa son indomptable énergie en 1843, alors que le Chartisme disparaissait devant les bâtons des Constables, Ernest Joncs n'a pu se faire -entendre. Son apparition à la tribune a provoqué un tumulte tel que les délibérations ont été suspendues; et, sur la motion du président, la grande majorité du meetin.r; ayant voté pour que la parole ne lui fût pas acco::dée, Ernest Jones a quitté la tribune. Et pourquoi c~tte hostilit6 ùe la foule nombreuse qui remplissait, à s'y étouffer, St.-Martin's Hall, pour écouter la harangue de Kossuth? Est-ce ùonc que le seul but ùe ces libéraux anglais était la curiosité d'ente.nrlre un orateur comparable aux orateurs antiques, mais sans la moindre prétention de ressembler eux-mêmes à l'auditoire de Périclès et de répondre à la magnifique parole de Kossuth par des résolutions et des actes dignes d'un gra11rl parti dans une grande Nation? Avaient-ils peur, ces Libéraux, de blesser la susceptibilité de Louis-Bonaparte en écontant le secrétaire du comité constitué pour fêter Barbès, comité auquel le gouvernement anglais fait fermer toute salle de réunion, en menaçant sournoisement les propriétaires? Nous 11evou Ions juger ni la politique des Radicaux anglais, ni celle ile l'agitation Chartiste dont M. E. Jones est un ~es derniers et vigoureux champions ; mais nous ne cornprer}.ons pl us cc que signifie la Liberté anglaise, quand de tell-es violences s'attaquent aux hommes coupables de ne point partager l'opinion de la masse. Il y a un an, à 1m meeting polonais aussi, les furieux partisans du démocrate B. O'Brien ataaquaient, de force, la plate forme pour en précipiter un démocrate d'une autre nuance, M. J. Harney, choisi pour Président par les Refugiés. Aujourd'hui, les Radicaux sanctionnent les persécutions de la police anglaise en interdisant la parole à M. Ernest Jones, comme trop révolutionnaire et trop ennemi de Louis Bonaparte sans doute? Et pourtant, leurs opinions sont si peu fixées, si peu éclairées, que le Leader peut clouter si leur parti existe, et qu'après avoir expulsé M. Jones, ils applaudissent, à ce même meeting du 29 Novembre, un Anglais, Ami de l'Italie, P. A. Taylor, quand il s'écrie : " Il y a des crises décisives dans la vie des Nations, des moments où la chûte des Empires ne tient plus qu'à un fil, où l'atmosphère morale est comme surchargée d'électricité, et où la Pensée brille, semblable à l'étincelle élec:trique, dans sa course instantanée de Nation à Nation. L'histoire nous présente des époques semblables; et je crois que nous sommes arrivés à un moment où les étroits calculs de la politique doivent céder à l'inspiration d'une noble exaltation, et où le froid examen des probabilités affaiblit an lieu de fortifier. Je regarde comme une grande cause de faiblesse cette curiosité inquiète à l'endroit des pensées ou des paroles de tel ou tel Empereur ou Roi, du hochement de tête de quelques vieux diplomates, ou <les combinaisons des coteries et des cabales. Oh! si nous pouvions, dans un tel moment, nous débarrasser <les subtilités diplomatiques, et trouver, pour nons guider, un homme - un Milton ou un Cromwell - qui saurait tirer le glaive du fourreau, :.ans puériles précipitations, mais avec une calme et terrible résolutio11, déployant la bannière de l'Angleterre, et exposant son •but en quelques mots énergiques: Justice pour chaf!ue homme, Liberté pour l'Europe ............ Je crois qu'un tel homme forait tricmpher cette bannière contre tout un monde en armes !......... " F. LA LOI DE SOLIDARITÉ. La solidarité entre les hommes et les nations professant les mêmes 1wincipes, n'est pas seulement un besoin du cœur, c'est encore et surtout une nécessité créée par la logique qui gouverne l'intelligence humaine et enseigne les vrais intérêts de la société. Les rois, dans tous les Lmps, ont compris cette loi, et l'ont appliquée à leur profit pour opprimer les peuples en p1enant solidairement la responsabilité commune des actes de chacun. Ne remont,ms qu'à. la grande époque da la première Révolution française: que voyons-nous? Une Coalition monarchique déclarant la guerre à notre nation pour rétablir dans sa plénitude le pouvoir absolu de Louis XVI. La lutte dure vingt-cinq an:.. Napoléon, l'empereur, fils de la République qu'il avait assassinée, est abattu ù 8011 tour par les rois alliés, et le frère du guillotiné, Louis XV lII, succède à son neveu Louis X VII, à ce roinuméro qui, comme Napoléon II, n'a jamais régné. L'Espagne s'émeut, une révolution y éclate: Louis XVIII, au nom de la Sainte-Alliance, envoie une armée centre les E:spagnols et rend à Ferdinand VII un trône rouge de sang et entouré de gibets. Voilà pour l'absolutisme. Le mouvement de l 830 amène en France un nouveau genre de monarchie, la monarchie dite constitutionnelle, c'est-à-dire celle ou le roi partage le pouvoir nvec l'aristocratie de fortune. La. loi de solidarité est comprise par Louis-Philippe comme elle l'avait été par Louis XVIII. Seulemeat il ne s'agit plus cle 11rotéger les trônes absolus, mais bien d'étendre le plus possible le Constitutionnalisme sur l'Europe. L'Angleterre devient nécessairement l'alliée de Louis-Philippe dans l'accomplissement de ce projel. Le peuple de Bruxelles arrache la Belgique des mains de Guillaume. L'influence de la France et <le l'Angleterre s'exerce aussitôt afin de placer ce nouveau peuple sous le régime constitutionnel. Léopold est nommé roi ; on crée une chambre de représentants et un Sénat. Tout est dit. Ferdinand d'Espagne meurt après avoir fait un testament qui, en vertu de la loi Salique, donnait le trône à sa fille mineure et dépossédait son frère le "légitime" h6ritier de la couronne. Une guerre civile s'engage. L'Angleterrn et la France interviennent dans la lutte. Don Carlos est vaincu; une enfant, Isabelle, devient la rei11e d'un pays constitutionnalisé à la façon française, anglaise et belge. Les monarchies constitutionnelles avaient donc agi comme les royautés du droit divin : elles avaient pratiqué la solidarité dans l'intér~t du principe qu'elles repr6sentaient. Ce que le Despotisme a fait, la Liberté <loit le faire : La République étant la Liberté, toutes les Républiques et tous les Républicains doivent s'unir et marcher ensemble au b•1t commun. Incontestablement, une des cause::; principales de la chûte da la seconde République française a été l'oubli de ce devoir: les Peuples, nos frères, av:iient été délaissés par le gouvernement dès le début de la Révolution. La conséquEnce fatale de cet •abandon fut la réussite du coup d'Etat. En effet, si la grande guerrn émancipatrice eût commencé dans les premiers jours de mars 1848, il n'y aurait pas eu plus tard, sur le territoire français, cette masse énorme de soldats inactifs, absorbés par la vie de garnison et dispos6s à tuer leur père e.t lenr mère pour un verre d'Qau-de-vie; surtout, il n'y aurait pas eu à Paris cette multitude d'officiers besogneux, prêts à commander tonte boucherie, pourvu qu'elle leur r.1pporte de l'argent, des croix et des épaulettes. Une armée permanente restant inoccupée d,ms une Ré. publique, est à vendre à quiconque est assez riche pour l'acheter. L'homme qui fait ies armes tm métie-r ne sera jamais qu'un Prétorien. L'égalité le gêne, l'esprit militaire l'abrutit, la discipline lui enlève ses facultés morales, C'est avec de tels éléments qu'on prépare des coups d'Etat et qu'on les fait réussir. La portion démocratique du peuple français avait 8\J l'int1iition de cela : aussi demanda-t-elle, dès les premiers jours de la Révolution, que ]!armée fùt éloignée de Paris, - On ne l'écouta pas, hélas! Mais il avait compris surtout, cc peuple, que la cause des Nations opprimées ttait la sienne : le 15 mai 48, il se leva en criant : secours à la Pologne! le 13 juin 49 en crin.nt : vengeanee pour l'Italie ! Mais l'armée perma-

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