Homme - anno II - n.01 - 6 dicembre 1854

-·-------------------------------------------------------------------------------------------- sabre et les privilégiés ùt1 capital po11sse le <:ri de la d!:livrance et de l'uenir ...... . Vive la République universelle, démocratique et sociale! Après .ce discours, la parole est au citoyen Victor Hugo, proscrit français: PROSCRITS, L'anniversaire glorieux que nous célébrons en ce moment ramène la Pologue d:rns toutes les mémoires ; la 1,ituation de l'Europe la ramène également dans les évènements. Comment? je vais essayer de vous le dire. :Maisd'abord, cette situation, examinons-la. Au point où elle en est, et en présence des choses décisives ~ui se préparent, il importe de préciser les faits. Commençons par faire justice d'une erreur presque universelle. Grâce aux nuages astucieusement jetés sur l'origine de l'affaire par le gouvernement_ frança!s, et, co_mplaisamment épaissis par le gou\'ernement anglais, auJonrd ht11, en .Anglet.erre comme en France, on attribue généralement la guerre d'Orient, ce désastre continental, à l'empereur Nicolas. On se trompe. La guerre d'Orient e~t un crime; mais ce n'est point le crime de Nicolas. Ne prêtons pas à ce riche. Rétablissona la vérité. Nous conclurons ensuite. Citoyens le 2 Décembre 1851,-car il faut toujours remonter ' ' là, et, tant que M. Donaparte sera debout, c est de cette source horrible que sortiront tous les événements, et tous les événements, <JUelsqu'ils soient, ayant ce poison dans les veines, seront malsains et vénéneux et se gangrèneront rapidement; - le 2 Décembre donc, M. Bonaparte fait ce que vous savez. Il commet un crime, érige ce crime en trône, et s'assied dessus. Schinderhannes se déclare César. Mais à César il faut Pierre. Quand on est empereur, le Oui dn peuple, c'est peu de chose; ce qui importe c'est le Oui du pape. Ce n'est p:is tout d'être parjure, Îra1trc et meurtrier, il faut encore être sacré. Donaparte-lcUrand avait été sacré. Bonaparte-le-Petit voulut l'êtrl'. Li\ était la question Le pape consentirait-il? Un aide-de-camp, nommé de Cotte, un cles hommes religieux du jour, fut envoyé à An~onel!i, ~e Con_salvi ~l'à présent. L'aide--de-camp eut peu de succes. Pie VII avait sacre Marengo; Pie IX hésita. à sacrer le boulevard :'.\fontmartrr. i\fêler à ce sang et à ce1te boue la vieille huile romaine, c'était grave. Le Pape fit le dégoûté. Embarras de M. Bonaparte. Que faire? de quelle manière s'y prendre pour décider Pie IX? Comment déeicle-t-on une •:lille? comment décide-t-on •un pape? par un cadeau. Cela est l'histoire. Un Pro:.crit (le citoyen Bianchi) : Ce wnt les mœnrs ucerdotares. Victor Hugo, s'iiitèrro111pa11: t Vous avez raison. Il y a longtemps que Jérémie a crié il Jérusalem et q,ue Luther a crié à Rome : Prostituée ! L'orateur 1·eprend: M. Bonaparte ·donc résolut de faire un eaùeau à M. MasLaï. Quel cadeau? Ceci est toute l'aventure actuelle. Citoyens, il y a deux papes en ce monde : le pape latin et le pape grec. Le pape grec, qui s'appelle aussi le Czar, pèse gur le sultan du poids de toutes les Russies. Or le sultan, possédant la Judée, possède le tombeau du Christ. Faites attention ;\ ceci. Depuis des sièclei la grande ambition des deux catholicismes, grec et romain, serait de pouvoir pénétrer librement dans ce tombeau et d'y officier, non côte à côte et fraternellement, mais l'un excluant l'autre, le latin excluant le grec ou le grec excluant le latin. Entre ces deux prétentions opposées que faisait l'islamisme? il tenait la balance égale, c'est-à-dire la porte fermée, et n~ lais_sait e~trer dans le_tombeau ni b croix grecque, ni la croix latme, 111 Moscou, 111 Rome. Grand crèveoœur surtout pour le pape latin qui affecte la suprématie. Donc, en thèse génér:i.le et en dehors même de M. Bonaparte, quel présent offrir au pape de Rome pour le déterminer à sacrer et couronner n'importe 'lue! bandit? Posez la question à Machiavel, il vous répondra: - Rien de plus simple. Faire pencher à Jéru11alemla balance du côté de Rome ; rompre devant le tombeau du Christ l'humiliante égalité des deux croix; mettre l'église d'Orient. s0us les pieds de l'église d'Occident; ouvrir la sainte porte à l'une et la ferrner à l'autre ; faire ùne avanie au pape grec; en un mot, donner an pape latin la clef du sépulcre. - C'est ce que Machiavel répondrait. C'est ce que M. Bonaparte a compris ; c'est ce qu'il a fait. On a appelé cela, von, vous en souvenez, l'affaire des Lieux-Saints. _ L'intriaue a été nouée. D'abord secrètement. L'agent de M. Bonaparte à''constantinople, M. de Lavalette, a denundé de la part de son maître, au sultan, la clef du tombeau de Jésus pour le pape de Rome. Le sultan, faible, troublé, ayant déjà les vertiges de la fin de l'islamisme, tiraillé en deux sens contraires, ayant peur de Nicolas, ayant peur de M. Bonaparte, ne sachant à quel empereur entendre, a lâché prise et a donné la clef. M. Bo. 11aparte a rt!mercié, Nicolas s'est ~ché. Le pape grec a envoyé _au ~érail son. légat a latere, Mensch1koff, une cravache à la mam. Il a exio-é, en compensation de la clef donnée à M. Bonaparte pour le 0pape de Rome, des choses plus solides, à peu près tout ce qui pouvait rester de souveraineté au sultan ; le sultan a refusé; la Fcance et l'Angleterre. ont appuyé le sultan, et vous savez le reste. La guerre d'Orient a éclaté. Voilà les faits. Rendons à César ce qui est à César et ne donnons pas à Nicolas ce qui est au, Deux-Décembre. La prétention de M. Bonaparte à être sacré a tout fait. L'affaire des Lieux-Saint, et la clef, c'est là l'origine de tout.. Maintenant, ce qui est sorti de cette clef, le voici: A l'heure qu'il est, l'Asie Mineure, les îles d'Aland, le Danube, ]a Tchernaïa, la Mer Blanche et la Mer Noire, le Nord et le Midi, voient des villes, florissantes il y a quelques mois encore, s'en aller en cendre et en fumée. A l'heure qu'il 'est, Sinope est brûlée, Bomarsund est brûlée, Silistrie est brûlée, Varna est brûlée, Kola est brûlée, Sébastopol brûle. A l'heure qu'il est, par milliers, bientôt par cent mille, les Français, les Anglais, les Turcs, les Rmses, s'entr'égorgent en Orient devant un monceau de ruines. L'Arabe vient du Nil pour se faire tuer par le Tartare qui vient du Volga; le Cos:ique vient des steppes pour se faire tuer pàr l' Ecossais qui vient des highlands. Les batteries foudroient les batteries, les poudrières sautent, les bastions s'écroulent, les redoutes s'effondrent, les boulets trouent les vaisseaux; les tranchées sont sous les bombes, les bivouacs sont sous les pluies; le typhus, la peste et le choléra s'abattent avec la mitraille sur les assiégeants, sur les assiégés, sur les camps, sur les flottes, sur la garnison, sur la ville, où toute une population, femmes, enfants, vieiilards, agonise. Les àbus écrasent les hôpitaux : un hôpital prend feu, et deux mille malades sont •• cl\lcinés'' dit un bulletin. Et la tempête s'en mêle, c'est la saison; la frégate turque Bahira gombre sous voiles, le deux ponts é~ypticn Abttd-i-Dji>.rul s'englourit pr~ d'Eniada avee • sept cents hommes, les coupi. de Yent dfmlltent la flotte, le navire il hélice le Prince, la frégate la Nymphe des mers, quatre autres steamers Lle guerre, coulent bas, le Sans-Pareil, Je Samson, l' Âgamemném, se brisent aux bas-fonds dans l'ouragan, la Rétribution n'échappe qu'en jetant ses canons à la mer, le vaisseau de cent canons le Henri IV périt près cl' Eupatoria, l'a,iso à roues le Pluton est désemparé, trente-deux tramports chargés d'hommes font c6te, et se perdent. Sur terre, le!! mêlées deviennent chaque jour plus sauvages : les Russes assomment les blessés à coups <le ()fosse ; à la fin des journées, les tas <le morts et de mourants empêchent l'infanterie de manœuvrer; le soir, les champs de bataille font frissonner les géuéraux. Les cadavres anglais et français et les cadavres russes y sont mêlés comme s'ils se mordaient. - Je 11'aijamai:. rûm vu de pareil, ( 1) s'écrie le vieux lord Raglan, qui a vu ·w aterloo. Et cependant on ira plus loin encore : on annonce qu'on va employer contre la malheureuse ville les moyens "nouveaux" qu'on tenait "en réserve" et dont on frémissait. Extermination, c'est le cri de cette guerre. La tranchée seule coûte cent hommes par jour. De$ rivières de sang humain coulent ; une rivière de sang à Alma, une rivière de sang à Balaklava, une rivière de sang à Inkermann; cinq mille hommes tués le 20 septembre, six mille le 25 octobre, quinze mille le 5 novembre. Et cela ne fait que commencer. On envoie des armées, elles fondent. C'est bien. Allons, envoyez-en d'autres! Louis Bonaparte redit à l'ex-général Canrobert le mot imbécile de Philippe lV à Spinola : marquis, prends Breda. Sébastopol était hier une plaie, aujourd'hui c'est un ulcère, de. main ce sera un cancer; et ce caucer dévore la France, l' Angleterre, la Turquie et la Russie. Voilà l'Europe des rois. 0 avenir'. q11andnous donneras-tu l'Europe des peuples! Je continue. Sur les navires, après chaque affaire, des chargements de blessés qui font horreur. Pour ne citer que les chiffres que je sais, et je n'en sais pas la dixième partie, quatre cents hlessés sur le Panama, quatre cent quarante-neuf sur le Colombo qui remorquait deux transports également chargés et <lontj'ignore les chiffres, quatre cent soixante-dix sur le Vulcain, quinze cents sur le Kangui·oo. On est blessé en Crimée, on est pansé à Constantinople. Denx cents lieues de mer, huit jonrs, entre la blessure et le pansement. Chemin faisant, pendant la traversée, hs plaies abandonnées deviennent effroyables; les mutilés qu'on transporte sans assistance, sans secoms, misérablement entassés les uns s,,r l€s autres, voient les lombrics, cette vermine tlu sépulcre, sortir cle leurs jambes brisées, de leur~ côtes enfoncées, de leurs crânes fendus, de leurs ,entres ouverts ; et, ~ous ce fommillement horrible, ils pourrisse)lt avant d'être morts dans les entreponts pestilc11tiels des steamers-ambulances, immenses fosse~ communes pleines de vivants mangés des vers. ( Victor Hugo s'interrompant : )- Je n'exagère point. J'ai là les ,journaux anglais, lesjournaux ministériels. Lisez vous mêmes (L'orateur agite 1111e tinsse de journrmx) (:1) - Oui, j'insiste, pas de secours. Quatre (1) "Je n'ai jamais ,·n antérieurement <le~p,•ctach> JHtreil à celui qu'uffrait le champ de bataille." (LOllD lL~ULAN, - l,a1,port c.l11 l no\'embrc.) (i) ~:xtTait <l',me !P.ttre du 16 Septembre 18~,4 ~ '"U11 é,6ncme11t tr~l!lc-xtraor<li11airc qui mérite une sévè1·e censure a eu lien hier vendœc.li. Signal f,,t fait du vaisseau L'Rmpenu,· l to,1s les navires d'c11"Voyelreurs malades à bord du K1m,u1'00, Da11ri le cours cle laj,,11rné ,. ce dernier fut e11to,iré par <les cen,ai11cs <le bateaux chargés tl'hvmmcs m:,l:\dis et promptemcut rcmpliju~'{tt'i,. 1nffuution ( 3p•c.til,11crowd"d to s:1fl'ucatiutl J. Avant la soirée, il contenait environ quinze cents invalides de tout rang ~(ntffrnnt à bord. Le spectacle q,ii s'otrro.it était épou\'antàble ( appallit1g) et les détails en sont trop e'ffn,yants pour que j'y insiste. C~uand l'heure d'appareiller fut \'CllUP. le lù111g11roo. en replique à l'ordre de parth·. hiss~ le ~hp1a1:" c•èst 1111e tentath·e dangereuse •· ( /t is a da11gero111,.xparimc11t. 1 L' E111pere11r répondit· par signal : h Que voulez-\'nl1~ dire 'l " - Le K.Jnvur ,0 ripotïta ! "Le na\'ire ne peut pas ma11œuvrer." ( The ship ts w1ma1wgeablc. J To111e la journée, le Kanguroo retta à l'ancre av,•c CP si!(nal:" Envoyez des bateaux au secours," A la fin, des ordres forent donné• pour transporter une partie <le cc triste chargement sur d'autres navires, partant aus&i pour Con•tantinopie. Bea11coup 'de morts ont eu lieu l l:mnl~ il y a Pli bien <les scènu déchirantes, mais, hélas! il ne sert à rien de les décrin•. Il e,t èvident, toutefois, lpte ni il.boni ni i< terrt•, le service m~dical n'est auffisant. J'ai ""• de mu yeux, des hon,mes nwurirsur le rivage, sur la lig-ne <lem:,rche et au bivouac, sans aucun s~ronrs n,édirl\l; et cela, 'à la portée d'une flotte <le ci11q cents voiles, en ,·ne d,• s quartiers gé11éra11x! :-< ons avons be~oin d'un plus grand nombre <le chirurgiens, et snr la flotte et dans l'armlle; sotl\'ent, trop sr,nvent, le secoure médical fait entièrc111cnt défaut, et il arrive fréquemment trop tard." ( 1'imcs du samedi 30 septembre 185-1.) Fxlrait d'une fot.tre de Constantinople. dn 28 Septembre 1851 : " Il est i1111Jos,iblcponr pt'rs<mne d'assister aux tri~Les scènee de ces derniers junrs, sans ~trl' surpris et indigné Lie l'insuffisance df not1e @ntême médical. La manière dont nos blessé, et :101 ma,a<les s011t traités, n'est digne que des sau"ages de Dahomey. Les ~onffrances à boni <ln Vulcaia ont été cruelle!, Il y avait là trois cents bles~és et cent soixante-dix cholériq nes, et tout ee n,nnde était assieté par quatre cllir11rgiens ! (.;'-était 1111 spectacle effrayant. Les blessés prenaient les chirurgiens par le pa11de leur habit q11and ceux-ci se frayaient leitr chemin il. travers les monceanx de morts et de mourants; mais les <chirurgiens leur faisaient lâcher prise ! On devait s'attendre, avec raison peut-être, à ee que les officiers recevraient ,es principaux soins et absorberaieut san! doute à eux settls l'assistance des qnatre hommes <le l'art; c'éLait clone néces•airement se mettre en défaut qne d'~mbarqul'r. des masses de blessés sans avoir per~onne pour leur donner lea secours de la chirurgie et pour suflire m0mc il. leurs besoins les plu a pressa11ts. Un grand nombre sont arrb és il. Scutad sans avoir été tottchés par le chirnrgien, depuis qu'ils étaieut tombés, frappés des balles rnsses, sur les hauteurs <le l'Alma.. Leurs bleasures étaient tendues (stij/) et leurs forces épnisées quand 011 les a. hissés des bâteanx ponr les transporter il. l'hôpital où heureusement ils ont pu obtenir les secou1·s de l'art. " Mais toutes ces horreurs s'effacent, compa1-ée1à l'état des malheureux passagers du Colombo. Ce nadrc partit <le la Crimée le lH septembre. Les blessés avaient été embarqués deux joun avant de mettre à la voile; et quand on leva l'ancre, le bâtea11 emportait vingt-sept officiers blessés, quatre cent vingt-deux soldats blessés et cent quatre prisonnier$ russes : en tout, cinq cent cinquantt-trois personnes. La moitié environ des blessés avaient été pansés avant ,l'~tre tttis à bord. Pour inbvenir aux besoins de cette masse de douleurs, il y avait quatre médecins dont le chirnrgien du b11.timc,,t,déjà suffisamment occupG il. ,·eiller u,1 équi• page qui dunne presque toujours des malades dans cette saison et dans ces parages. Le navire était littéralement couvert <le Jo,·m•s couchées à terre. 11 était impossilile de manœnuer. Les officiers ne pouvaient se baisser pour trou,·cr kt11s sextants et le navire mnrchait à l'aventure. On est rei;té douze heures de plus en mer à cause de cet empfohement. Les plus malades étaient mis sur la dunette et, au bout d'un jour ou de deux, ils n'litaient plus qu'un tas de pourritures! Les coups de feu négligés rendaient des ,·en qui couraient dans toutes les directions et empoisotmaient la nourriture des malheureux passagers. La matière animale pourrie e1halait une odeur si nauséal>onde que les officiers et l'équipage manquaient de se trouver mal et que le capitaine est aujourd'hui malade des suites de ces cinq jours de misères. Tous les draps de lit, .i.uuombre <lequiuze cenLS, avaient éléjetés il. la mer. Trente hommes sont morts pendant la traversée. Les chirurgiens travaillaient aussi fort que possible, mais ils pouvaient bien peu parmi taut d,1 malades; aussi beaucoup de ces malheureux ont passé • pour la première fois entre les mains du médecin il. Scutari, six jours après la bataille! "C'est une pénible tâche que de signaler les fautes et de parler tle l'insuffisance d'hommes qui 'font de leur mieux; mais une d4plorable uégli!(cnce a eu lieu depuis l'arrivée du steamer. Quarante-six hommes ont été laissés à bord deux jours de plus, quand av~c quelque surcroît d'effurts on aurait pu les mettre en lieu sdr à l'hôpital. Le nadre est tout à fait infecté; un grand nombre d'hommes vont l\tre immédiatement employés à le nettoyer et à le fnmiger, pour éviter le danger du typhus qui se décb.re génénlement dant cle pareilles conditions. Deux transports étaient remorquês par le C'olombo, et leur état était presque au•ei <l•- s.i.strenx." (7'1md8, No tlu Te11drcdi 13 Ocwbre lSM.) , chirurgiens sur le Yulcafo, quatre chirurgiens ~ur le Colombo, pour neuf cent dix-neuf mourants ! Quant aux Turcs, on ne . les pans~ pas du tout. Ils deviennent ce qu'ils peuvent. (1 )- Je ne 11u1squ'un démagogue et un buveur de sang, je le sais bien, mais j'aimNais mieux moins de caisses de médailles bénites au camp de Boulogne, et plus de m/ldecins an camp de Crimée. Poursuivons. En Europe, en Angleterre, en France, le contrc-coun est terrible. Faillites sur faillites, toutes les transactions su~pendues, le commerce agonisant, l' inùustrie morte. Les folie& de la guerre s'étalent, les trophées présentent leur bilan. Pour oe qui est de la Daltique seulement, et en calculant ce qui a été dépensé_ rien que pour cette campagne, chactm des <leux: mille pnson111ers russes ramenés de Bomarsund coûte à la France et à l'Angleterre trois cents trente-six mille francs par tête. Eu France, la misère. Le paysan vend sa vache pour payer l'impôt et donne son fils pour nourrir la guerre, :.....s.on fils! sa chair!, Comment se nomme cette chair, vous le savez, l'oncle l'a baptisée. Chaque régime voit l'homme à son point de vue. La République dit chair du peuple : l'Empire dit chair à canon. - Et. la famine complète la misère. Comme c'est avec la Russie qn'on se bat, plus de blé d'Odessa. Le pain manque. Une esp~ce de Buzançais couve sous la cendre populaire et jette ses étmcelles çà et là. A Boulogne, l'émeute de la faim, réprimée par les gendarmes. A Saint-Brieuc les femmes s'arrachent les cheveux et crèvent les sacs de grains à coups de ciseaux. Et levées sur levées. Emprunts sur emp.-unts. Cent quar11nte mille hommes cette année seulement, pour commencer. Le, millions s'engouffrent après les r6gime11ts. Le crédit sombre avec le11 flottes. Telle est la situation. Tout ceci sort du Deux-Décembre. Nous, proscrits, <lont le cœur saigne de toutes les plaies de la patrie et de toutes les douleurs de l'humanité, 1101111 considérons cet ét~t cle choses lamentable avec une angoisse croissant11. Insistons-y, répétons-le, crions-le, et qu'on le sache et qu'oa ne l'oublie pins désormais, je viens <le le démontrer les faits 11 la main, et cela est incontestable, et l'histoire le dira, et je défie qui ,1ue cc soit soit de le nier, tout ceci sort <luDeux-Décembre ! Ott!z ]'intrigue, dite affaire des Lieux-Saints, ôtez la clef, Ôtez l'envie de sacre, Ôtez le cade1u II faire au pane, ôtez le Deux~ J.?écembre, ôtez )!. Doua parte; vous n'avez JHI~ la guerre d' 0nent. Oui, ces flottes, les plm~ magnifiques qu'il y ait au monde, son_tlrnmiliées et amoindries; oui, cette généreuse cav;'llerie anglaise est exterminée; oui, les Ecossais gris, ce5 lions de la montagne, oui, nos zouaves, nos spahis, nos chasseurs de Vincennes, nos admirables et irrép:trables régiments d' :\frique sont· sabrés, hachés, aué~ntis: oni, ~Ls populations _innocentci;,-et dont nous sommes les frères, car il n y a pas cl'etrangers pour nous, -~ont. 6crasécs; oui, parmi tant d'autres, ce vieux g·énéral CaLheart et ce jeune capitaine Kolan, l'honneur de l'uniforme anglais, sont sacrifiés ; oui, le~ entrailles et les cervelles, arrachée~ et dispersées par la mitraille, pendent nux broussailles de Balaklava ou s'écrasent aux murs de Séb:istopol; 'oui, la nuit, les champs de bataille pleins de mourants hurlent comme des liêtes fauves; oui, la lime éclaire cet épouvantable charnier cl' Inkermann où des femmes, une lanterne à la mnin, errent cà et lil. parmi les morts, chl•rchant leurs frères ou leurs maris, absolumen~ comme ces ~utres femmes qui, il y a trois ans, dnns la najt du 4 décembre, regardaient ]'un après l'autre les cadavres. du boulevard Montmartre (2) ; oui, ces calamités couvrent l'Europe, oui, ce sang, tout ce :.ang ruisselle en Crimée; oui, ces veuves pleurent, oui, ces mères se tordent les bras, parce qu'il Il pris fantaisie à M. Bon~parte 1 l'a!sassin <leParis, de se faire bénir et sacrer par M. Mast:iï, l'étouffeur de Rome 1 Et maintenant, ml!<liton&un moment, cela en vaut la peine. (l) " ...... Les Turcs ont r~ncl11de bon!I senices clans l~s retranchements. Les pauvres dial,lcs souffrent de la dyss~nterie. du lèvre~, du typhuij. Leur service mutlical est llul, et nos chirnrgiouo n'ont pas le loilir <le s'uccuper d't:ux."- Timts, corrc•poud1Lt1ce calée du :JO octobre. (2} Ce qui s\iit est extrnit d'une correspondance a<lreesh au Mo,·ni,19 Jicmld et datte de llalaklava, 8 novcn,l,re 1854 : ••:•:?d~i~. i j O ;;t i;; ~ tîi~' 0 éi,;·;;~ l ~~-;•;• ~~~" ;Î(!t;iÏ•~ i~~i;;~•~;; t ';' "(l•l; ;ii 1uffise de dire q uc parmi l•·s carcasses d'c1wiron d,·ux cents che~ vaux tués ou bfossé~, sont conchés les cadaHes de nos brans &r• tilleurs anglais et français, tous plus ou moius horrib ttment mutilé~. Quelqucij-uns ont la tHe détachée du cou, comme par 11ne hact,e; d'antres ont la ja111bcséparée de la hanche, cl'autrce, lea brai e111porté•: 1l'a11trrs encore, frappés à la poitrine ou d1rns l'ij&• tomac, ont ôté littérnlen,ent broyé• comme s'ils avaient été écrasés par une machine. ~lais ce ne sont pao;les alliés seulement qui sont étendus là: 11.ucontraire, il y a dix cadavres russes pour un du nôtres, avec cette ditréreuce qne lei; Russes ont tous élé tué~ par li\ mousqueterie nvanWj11e l'artillerie ait donné. St1r cette place, l'ennemi a mo.ilite11ucon~tamment une pluie de bombes pendant toute la nuit, mais les bombes n'éclataient que sur des morts. •• En tra,·ersant la route qui mi;ne à Sébastopol, entre des monceaux <lemorts russes, on arrive à la place où les Gardes ont 6t~ obligés d'abandonner la défcnsv cltl retrauchement qui domine la ,-allée d'lnkermann. 1.il nos morts sont aussi nombreux que ceu'lt. de l'ennemi. En travers du sentier, côte à côte, sont étcndud cinq Gardes qui ont été tués par le même boulet en chargeant l'ennemi. Ils sont couchés dans la même attitude, serrant leur mousquet de leurs mains criepé~s, ayant tous sur le visage le même froncement douloureux et ternbl<!, Au-delà de cc gwupe, le• fantassins de la li~ne et de la (l'arde russe sont couchés ~pai!i comme des feuilles au milieu des cadavres. "Sur la droite du retranchement, est la route qui mêne l la Batterie <les Deux-C.i.nons. Le sentier passe à trarnrs un fourr6 épais, mais le seutier est glissant de sang, et le founé ~st couchE contre terre et encombré de morts. La scè11evue de la batterie est terrible, terribl<! au-delà de toute deecription. Je me suis tenu ,ur le parapet vers neuf heures du soir, et j'ai senti mon cœur s'enfoncer comme si j'assistais à l.i. scèue mê111edu carnage. La lune était à son plein et éclairait toute chose presque comme de jour. En face de n,oi était la vallée d'l nkermann avec la l'chernayY. 1erpentant gracieusement, entre les hauteurs, comme une bande d'argent. C'était une ,·ue @plenditlequi, pour la variété et le pittoresque, pouvait lutter avec les plus belles du monde. Pourtaat j~ ne me rappellerai jamais la vallée d'Inkermann qu'avec un sentiment de 1·épulsiou _et d'horreur; car autour de la place d'où je regardais étaient couchés plus de cinq mille cadavres. Beaucoup dl\ blessés a•Jssi étaient lil.: et les lents et pénibles gémisseme111i8 de leur agonie frappaient mon oreille avec une.précision sinistre, et, ce qui est plus douloureux encore, j'entendais les cris enroués et le r&.ledésespéré de ceux qui se débat~aient avant d'expirer. " Les ambulances, aussi vite qu'elles pouvaient 'l'enir, recevaient leur charge do souffrante, i,t on employait jusqu'à des couvertures pour transporter les blessés. " En dehors de la batterie, les Russe, sont couchés par deux ou trois les uns rnr les autres. En dedans, la place est littéra• lement encombrée des Gardes russes, <lu5je et du 20e régiments. Les belles et hautes formes <lenoii pauvres compatriotes pouvaient être distinguées d'un coup-d'œil, quoique les grands habits gris tachés de sang leur fussent devenu11semblables à l'extérieur. Lts hommts sont couchés comme ils 80nt tombés, en tas; ici un des nôtres sur trois ou quatre Russes, lil. un Russe sur trois on quatre des nôtres. Quélqnes-uns s'en sont allés avec le sourire aux lèvres et semblent comme endormis ; d'autres gont horriblement contractés : leurs yeux hors de tête et leurs traita enfül~ an• noncent qu'ils sont morts agonisants, mai11.menaçants jusqu'a1.1 bout. Quelques-uns reposent comme s'ils ,taient préparés pour l'ensevelis6ement et comme si la main d'un parent avait arrang6 leurs membres mutilés. tandis que d'autres ,sont encore dans dea positions de combat, à moitié debout 011 à demi-agenouilMs, s..rrant leur arme ou déchirant une cartouche. Beaucoup sont étendus, les mains levées vers le ciel, comme pour détoûrner uu coup ou pour proftrer une prière, tandis que d'autres ont le frono.e- • meut hostile de la crainte ou de la haine,, comme. si vraiment ils étaient mort~ d~.5e!plrt~. ta clarté de la I,i!_ncréi,u,d~i~ ~ur cea

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