Ainsi, sur 34 millinns d'àmes la France en contiendrait 7 millims 500 mille que dévore la faim ! Et dans ces 7 millions 500 mille indigents, combien n'y en a-t-il pas dont le sort fait véritablement frémir! A Lyon, à Rouen, à Lille, etc., dans nos grar,ds centres manufacturiers, on trouve notamment des tableaux <l'emisère affreux, horribies. Le temps me presse : je ne veux pas insister. Quelques faits néanmoins à l'appui de mon allégation. Aiusi, je lis dans un ouvrage à i feu M.. Blanqui ainé, de l'Institut, qu'à Lille," plus de 3,000 personnes "habitent dans des caves situées à deux ou trois mètres "au dessous du sol, et sans communie tion avec les mai- " sons dont elles font partie .... qu'elle-s couchent sur la "terre nue, sur des débris de paille de colza, sur des "fanes de pommes de terre desséchées, sur du '<able, sur "les débris mêmes périiblem<mt recueiliis dans le travail "du jo11r, ......... que la plupart sont presque nues, "et ne mangent pour toute nourriture que deux "kilogrammes <le pain noir p:.ir semaine, et sont si mai- " _qresque leur corps est presque diaphane." D'après le même auteur, le plus grand nombre des ouvriers de Rouen, de Lyon, et antres villes manufacturières, seraient presque onssi misérables. Quant à la condition lies travailleurs des champs, elle n'est p?.s moins mau\·aise, surtout dans certaines contrées. Aujourd'hui, je ne veux examiner ni les causes de cHte déplorable situation, ni les moye-ns d'y remédier. Il suffit à mon dessein de l'avoir tracée à grauds traits. Plus tarù, j'aurai occasion d'aborder et ùe traiter c~s questions considérables. Eh biei1, de ce qui précède il ressort, si je ne me trompe pas, q11e la Révolution de 1789 n'a pas tout fait pour l'amélioration des classes inférieures en France; et qu'il y :i encore à faire sous ce rapport, et :beaucoup à faire. Cette œuvre posée si clairement, pos,ée par la logique de l'histoire, la monarchie de Juillet la comprit-elle? Chercha-t-elle à l'accomplir? Non. Elle ne la vit pas, parce que la corruption !ni dérobait à la fois et l'état social et l'état politique du pays_; ou, plutôt, enivrée par l'optimisme et l'orgueil, elle ne craignit pas de la méconnaitre audacieusement, et, pù l'organe de M. Guizot, son Teprésentant' le plus éminent, elle s'écria : "La misère est un jrein salutaire ! " D'après l'Assemblée Nationale, si on avait tiré à boulets rouges sur les Parisiens, la catastrnphe de 1848 aurait été étouffée dans son germe. J'admets que la pensée atroce de ce journal ho1111éte l modéré ait été mise à éxécution, et :,it eu un plein -uccès. Après? .... Est-ce que la victoire du pouvoir aurait fait disparaitre . le fonds des choses? Est-ce que, en dépit des mitraillades, des fusillades, des arrestations, des emprisonnements, des exils, -(les déportations, et autres aménités du même geure à l'u- -sage <les s·-1.uveurs patentés de la Société, ce fnnds des ,choses ne serait pas resté après ce qu'il était avant? Car on n'étouff~ pas dans le sang les besoins sociaux; on u'en arrête b violente explosion qu'tin les S,ttisfaisant, daus une mesure légitime et raisonnable, je le veux bien, toutefois ,en les sati~foisant. ·1\'Iais l'Assnnblée Nation.ale n'a pas vu que on souhait affretrX ne po11vait se réaliser en ] 848;. •que tout le monde s'était reüré d,, ce gourernement inin- •telligemment corrnpteur et têtu.; que l'armée elle-même :l'abandonnait, et q11eles canons ne pouvaient pas foire feu Et.outseuls. Il était donc inévitahle que, suivant la vraie ,et pittorestj_ue expression de M. cle Larnar:tine, l-a Révo1ion du m.é_pris ,passât sur l~ Monarchie de J uiilet et la ;\Jalayàt. H. MARLET. DE LA RÉVOLUTION ET DE L'ITALIE. La lutte actuelle qui s'agite era Orient, me paraît .c-on11.rmer la pensée déja dé~eloppée ; les gouvernements de l'Europe occidentale repré~entent, à mon avis,. la barrière-ricleau qu'on a voulu tirer entre le principe d'autorité et celui de liberté; la Russie défend le premier, et ht Révolution, derrière l'alliance bâtarde, combat pour le second. Dans cette guerre, rien ne paraît plus illogique que la conduite des puissances occidentales qui se battent à droite co11tre le principe rlu privilége qu'elles cherchent à défendre chez elles, à g,1uche contre celui du drnit qu'elles défendent ailleurs. On reproche aux Ré·volutionnaires de •désirer la victoire <le la Russie ; ce n'est p:1s cela ; si les. Révolutionnaires ne so11t pas de cœur avec les piüssances alliées, c'est que seuls ils pP.uveut -combattre la Russie, la combattre par la Révolution qui -est le droit, et qui sera la force. Ou assure que le Tzar est furieux contre les gouveme- ' ments de l'Europe, tt il a raison, puisque représentai'lt l'autorité, ce sout des transfuges de son camp, ce sont dts lieutenants qui se sont tournés contre le chef, ce sont des guidons qui font face au drapeau; s'il avait devant lui la Révolution, il chercherait à la cpmbattre, mais il ne serait pas désappointé; c'est son ennemi naturel, il le sait bien. Les deux drapeaux, qui se nient pourtant, portent la même formule: sur l'un comme sur l'autre, on lit la devise éternelle de la marche humanitaire: Solidarité,-de par la force et de par les gouvernements, crie le Tzar avec le passé, -de par le droit et les peuples, répond la Révolution pour l' A.venir! On dit que le Tzar se moque des efforts des Alliés ; il Jl~ se moquait pa!'I d~ Ré\·oluti~ns en 1848 et 49; il avait gran•l souci des événements de la France et cl,el'Italie; il i11tervenait e11Hongrie: un peuple libre lui faisait peur, et, bien loin de song~r à s'emparer de Constanti1rnplc, il rendait Pesth à l' A utricht, parce que Pesth libre représentait la Révolution triomphante, et le triomphe de la Révolution disait : mort à l' Autocratie ! Au lieu de cela, il <lit à présent, que peu lui importe la prise de Sébastopol : qu'on lui brûle sa flotte, la R11ssie, il le répète, restera toujours là, et il a raison : la Russie restera, car la Ru:,sie c'est le despoti-mle selon qu'il l'énten<l; la Russie c';(:;stl'autorité pùur lui, le front de bataille contre la liberté, et il n'aura qu'à faire b.1ttre le rappel pour que les sous-officiers ivres rentrent dans les rangs. Nicolas doit se souvenir de la Révolution de la Garde, à St.-Petersbourg, et il doit y voir de l'analogie avec le drame que lui jouent ses Vassaux-Potentats ; il la d-ompta alors en c:omman<lant l'exercice aux révoltés : ne pourrait-il pas eu faire autant anjour-<l'hui ? Et vraiment, que peuvent-elles, les puissances alliées? Opposer à la monarchie nniversel\e à laquelle vise la Russie, <les Etats qui ne sont pas même des Nations, des Nations qui sont en antagonisme eutr'elles, dont les classes sont en guerre, qui toutes sont en lutte contre les gouvernements qui les régissent. On parle toujours dts armées, on ne voit que flottes et régiments; mais il faudrait se souvenir que si le3 soldats tiennent les batailles, cc sont ies peuples qui, le plus soavent, décident du résultat des gne-rres, et si cela n'était pas, Bonaparte au lieu de mou- • rir à St.-Hélène, aurait fait du palais d'hiver son palais d'Eté : cela doit arriver aujourd'hui. Le but constant du despotisme et de tous les despotes qui représentent la réaction, a été la mor,archie universelle; leurs moyens sont l'autocratie et le privilége. La Révolution qui représente le progrès ne p::ut les combattre qu'au nom de la République universelle par la liberté et le droit, et les comb·tttre également qu'ils se nomment Nicolas on Napoléon. Et c'.est à canse de cela, qu'ainsi que je le disais en commençant, c'est une erreur de chercher les causes de la Révolution dans les diverses nationalités, dans les inci<lents de leur vie particulière; si vous scandez nue Révolution ,comme on fait d'un vers ù'Horace 011 de Virgile, vous aurez des sons ùe prosodie, mais ni mots ni idét3, et jamais un vers. La Révolution est une, nous le répétons encore, une pour tout le monde dans le but et dans les moyens; et c'est pour· cela riu'à. <:eux qui me demandent quelles sont les conditious r~volutionnaires e11 Italie, j'ai l'habitude <le répondre: elles sout celles du continent européen, de l'Europe je pourrais dire: je pour rais ajouter ile l'humanité. L'Italie comme toute autre nation cherche à secouer le joug de l'autorité poiir rentrer dans la liberté~ el'le sait aussi bien que tout antre peuple qu'ell~ ne peut trouver de garanties ailleurs que dans la solidarité réµublic~a'Ïne. Elle sait antant qu'un antre que la Démocratie est un contre-sens avec une Théocratie et uu non-sens en dehors de la liberté sociale; sachant tout cela, elle est prête comme toute autre nationalité à entrer en lig!lc de bataille sous le drapeau commun, sous le drapeau de l'avenir. Il serait beau pour elle, selon moi, profitant dt! sa position géographique et diplomatique, de relever la première ce drapeau, pendant que les hommes du passé ~e querellent P.ntr·eux; mais si elle ne le fait pas, je serai heureux de voir une autre nationalité le faire à sa place; car je ne réduir.ailamais une question d'intérêt général aux mesquines proportions -d'nne discussion d'amour-propre national. La question <l'initiative est une qnestion d'opportunité, la question de solidarité une question de principe. Le peuple qui, pouvant prendre l'initiative d'une révolution ne se croirait p·-is en mesure, peut ne commettre qu'une faute; mais ct!lui qui ne soutiendrait pas l'initiative qu'un autre a11rait prise commettrait un crime. Celui-là commettrait une lâcheté, un crime de lèse-humanité, qui certain de pouvoir commencer le -mouvement révolutionnaire, s'en rapporterait au hasard des événements plutôt que de tenter l'action. Je dis cela pour l'Italie aussi bien quP. pour les autres peuples : attendre les événements est un mot qui trahit la peur; ce mot est exploité par ceux q~1i ont intérêt à arrêter les révolutions, les révolutions qu'on ne saurait empêcher, aussi bien que par ceux qui, - en acceptant les principes ne la Révolution, -e11 craignent les conséquences, par les ré 1ctionnaires en un mot et par les faux révolutionnaires. Attendrt les événements! mais c'est attendre que les éléments anti-révolutionnaires aujourd'hui divisés se réunissent; que cela se fasse par des combats ou par des protocoles, la chose est absolument la même; quP cela soit à l'avantage de la Russie on des alliés, la Révolution 11epourra qu'y perdre. Est-ce qu~ la cause du progrès, la solidarité républicaine, la République universelle, la Démocratie, le Socialisme, au raie-nt quelque chose de mieux à espérer de Lc,uis-N apoléon ou de François-1 oseph que de Nicolas ou de Frédéric-Guillaume? Que pouvons-nous attendre des événements, nous, tant que ce seront ces hommes-là qui décideront ? C'est pour cela que je ne puis m'expliquer ce sommeil léthargique des peuples. Mais on me dit : pour l'Italie la question est compliquée......... On nous fait observer que les nationalités déjà constituées sont toutes prêtes à entrer dans la grande famille républicaine, que la plupart d'entr'elles ont déjà fait l'expérience du régime constitutionnel et qu'elles peuvent, en conséquence, marcher droit à la Démocratie; que bcauc-oup :ut\'Ol'lt cl{>jà. ca que vaut une démocratie 0xclu!!iç-e~ ment politique; qu'elles peuvent dès lors adopter s-ani hésitation les doctrines sociales; .enfin qu'elles sont presque toutes affranchies du joug religieux, mais que la situation <le l'Italie est tout 11utre. L'Italie, dit-ou, doit avant tout couqu&rir son inJépentlance, elle doit euS\.lite constituer sa nationalité, elle doit se défaire des deux. grarnls ennemis qui pèsent sur elle, - la puissance religieuse du Pape, la puissance poli,tique de l'étranger,- de tous ses princes, -- et encore sera-t-elle prl'!te à rejoi11dre la grande famille républicaine comme nation, elle q11i n'est a.ujounl'hui qu'1111cagglomération de pro. Yiuces? Pourra-t-elle passer cl'nn bond de l'esclarno-e le plus hideux à la liberté entière, <le l'autocratie :utrichicnne ou bourbonienne, ile lu. théocratie pontificale à la Démocratie, et d::s fiJéicommis, <les majorats, du ré- ~ime de m;,.in-morte, de la féodalité, pourrais-je ,lire, au Socialisme? Voilà ce qu'on se demande; et il en rst qui en concluent qne l'Italie ne peut que rester en arrière des autres n:ttions, qu'elle doit battre la même route que les autres ont parcourue, subir les mèmes expériences, commettre les mêmes fautes pour arriver au même but en l'année de grâce 458 l peut-être! Il en est d'autres qui se montrent plus gén6reux: ils perme.ttcnt it l'Italie <l'es~ pérer entrer au port avec les autres p"nplcs, 111:iÎS train(:e à h remorque par quelqu'antre nationalité, co:-nme, une vieille coque de navire qui 11e peut plus marcher par elle-même. J'ai eu _le malheur de ·fae uno brochure qui concluait à ce que l'Italie 11epou,·:1it espérer que dans la dict«ture morale et matérielle ile la France . Vous croiriez peut-ê_trc que c'est de l' Amédée de Céséu.a ou du Granier de Cassa,gnac, du Chenu ot{tfo JJelahodr.le, de la littérature policière ou de la police littéraire, d'i.rn étraugcr à coup sûr. Point; c'était signé par un italien qui se dit républicain-socialiste. Je ne me laisse. pas entrainer par l'esprit de nationalité, mais j'ose affirmer qu'il n'est pas un cosmopolite de:cœur, pas un homme dans le grand sens de ce mot, qu-:ne se sento révolté contre celui qui refus~ à sa patrie la place à hiquelle chaque peuple a droit au banquet de l"humanité, Oll contre cerui qui condamne son p:1ys à subir la dictature d'un antre. Les h~mmes et les nations qni ne s-ont qnE' -des aggrégations, ont toutes tics droits égaux, et on ne peut refuser à l'un ce qu'o!1 croit ju::;te d'accorder aux autres. Les hommes comme les nations se doivent mut11ellemen.t l'assistance <le la fraternité, mais ni le:. uns 11i les autres ne doivent subir de Dictature ni morale ni matérielle: en irnbstituant à l'autorité Ile l'homme sur l'homme; celle <les nations sur les nations, on ne ferait qu'élargir les proportion!!! du despotisme. C'est pour le mieux <le tous, vous répond-on; mais c'est li c0 qu'ont toujoun; dit les tyrans depuis Mithridate O\,\ Denys <l.: Syrarnsc, jusqu'aux Soulouque blancs ou noirs de cc temps. Il faut pourtant oppose:r des misons à ces déclamations contre l'Italie; il fant prouver qu'elle est autant que tonte autre nation capable de prendre ou de suivre l'initiative <le la prochaine Révolution, selon que l'opportunité décide~a. En un mot, il faut prouver c1u'elle est mûre 1rnur la liberté telle que nous l'cutendons, qu'elle est 'digne de cette liberté telle que nons l'avons expliquée, telle, nous le répétons, que le progrès de l'humanité la réclame. Que rcproche-t-on à l'Italie? Ses malheurs peut-être? mais c'est dans le malheur que mîirisscnt les vertus civiques. Cc n'est pas certainement la poule rrn pot qu'un roi promettait aux Français qui a relevé l'esprit de la France ; c'est, au contraire, le régime ùu bon plaisir, c'est la dime, c'est la corvée, ce sont les droits <lu scigne11r et ceux du prêtre, c'est son Eminence rouge et son Eminen~e grise, c'est la Bastille et le Parc-aux-Cerfs qui ont enfanté la I~évolution de 89. Or, en Italie, il ne manque pas d'Emineuces de toute couleur, bien s'en faut. Nous avons le:- bastilles et les ca.:hots <le l'tnquisition ; nous avons le bon plaisir des princes, plus celui des çvèques, nous sommes tous taillables et co,véables à la. merci <lu premier Autrichien qui, porte une, épaulette, <lu premier juif qui prête 1m argent, or pour nos maîtres et fers pour nous. - Nous avons aus~i nos Parcs-aux-Cerfs; ce sont nos cours et nos cou vents ; nos femmes sont prostituées si elles vont au confessionual ; no., hommes, s'ils n'y vont pas, sont em·oyés. anx galère;;. On pend à Naples, on guillotine à Rome, on fusille en Toscane, on garotte en Lombardie; vous voyez qu'il y en a pour tous les goûts, il y en a pour content':!r tout lo monde. Que peut-on craindre de pire d'1111eRévolution? la Terreur elle-même - et la prochaine Révolution no peut pas faire rle la Terreur comme certaines gens l'en. tendent - ne saurait épouvanter les Italiens qui vivent sous une terreur continuelle, normale. Daus tous les pays il y a des classes qui profitent de l'ordre actuel, ùont l'intérêt est lié à celui des gou,·ernants, qui sont les suppôts naturels de la tyrannie ; mais rien de tout cela n'existe en Italie. Dans mon pays il n'y a pas ile classe gouver. nementale, il n'y a que des hommes qui soutiennent le gouvernement actuel, et ces hommes, à l'exception de quelques honorables personnalités, s'appellent espions, sbires et bourreaux. Ne reprochez donc pas à l'Italie ses malheurs. Ne lui reprochez pas son double joug spirituel et temporel. Ces conditio1,1s, bien loin de la retarder sut le chemin révolutionnaire, la pousseront en avant. Si la. Révolution ne deYait pas avoir lieu en Italie par nl:!cessitô de progrès, par la loi de raison, elle s'y ferait par instinct et par haine. Si une Révolution ne devait pas avoir lieu en Italie, comme partout ailleurs, il y aurait ur,e eom-inotion c,,mmc j-~ l'ai dlt è:n comme-it(i11'M_mt·:,.is ttn·e
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