Homme - anno I - n.48 - 25 ottobre 1854

française n'est point tombée sous les coafüions étrangères, et que la démocratie, quand elle le voudra bien, abattra le tyran. Voilà les deux points. Il est très vrai que l'étranger ne 'nous a ni domptés, ni menacés, et phlt au ciel qu'il eil.t tenté l'invasion, la République serait encore debout et l'Europe affranchie noos ferait famille. Ma,s nous avons eu plus qu'une invasion de quelques_ puissances alliees : nons avons eu tout un monde, tout le vieux monde, se ruant sur nous, depuis la boutique jusqu'aux trônes, et ce vieux monde était dans la place : il s'embusquait dans nos tribunes, il avait la main dans nos urnes, il tenait toutes les forces~it était la justice, la religion, l'armée, l'administration, le gouvernement ! C'est la religion de l'égalité qui nous a fait rouler à l'abîme, mais nous remonterons et nous remontons. Quant à la puissance de la démocratie, -lorsqu'elle voudra faire un effort, nous y c.royons pro• fondément, et c'est là notre plus chère espéra11cP.: mais il y a l'ignorance des masses et la peur des intérêts qui nous paralysent ~ il y a le Vieux Monde qui tremble et le Nouveau qui ne sait pas. Voilà pourquoi tarde tant l'aurore! Les proscrits de France, dit le citoyea Sanders, n'ont rien aleHllandé à l'Amérique. ~t pourquoi demandéjons-nous '? Est-ce q·ue, notre exil n'est pas un appel'? Est-ce que le droit qui sai-g-ne, errant, sur tous les chemins, a besoin de ,suppliques? L'Amérique est hospitalière à nos émigrants, nous le savons; mais nous attendions une solidarité plus haute de cet.te puissante fanai.Ile rép\iblicaine. ' Le citoyen Sanders, au milieu d.e Bons, a fait énergiquement son devoir. Puisse-t-il entraîuer dans sa politique généreus~ cette g·rande nation d'au-d~là des• mers que nous aimons. comme une seconde patrie, mais qui n'a pas fait de trop grands efforts, jusqu'ici, pour la cause humaine. dans le monde , - serait-ce même à Liberia! Ch4 R. Raisonnons .aYec calme, si c'est .possible, en parlant de ces événements ; et, croyez-le bien, je ne parle pas avec une impassible froideur d'un sujet qui doit émouvoir vos susceptibilités. - Depuis le coup de Décembre, vous l'avouerez, aucune voix partie de France n'a fait appel à l'Amérique comme à une sœur. Les exilés ne sont pas venus à nous ; le peuple ne s'est point adressé à nous, ni fl0Ur lui, ui pour les exilés. N~.est-ce pas vrai? Et votre apparente apathie ne justifie-,t-elle pa~ quelque peu la nôtre? Quant à l'lotre prêférerace pour d'autres Républiques, laissez.moi V-O'US -rappeler qu'au moment où l'enthousiasme américain s'exaltait pour la Hongrie et l'Italie, la République frain<raisesemblait n'avoir nul besoin de nos sympathies dans sa maT<Chetriomphante. Enfin, la cause de l'Europe républicaine a souffert injustement, je le sais, mais réellement, de l'asservissi;ment de la France par des Français. Car vous n'êtes point tombés victimes d'une <'0:ilition. La gran.de France pouvait seule se donner les chaines qu'elle porte! On comprend mieux aujourd'hui quels moyens inouïs out été employés pour cette terrible compression d'trn peuple magnanime. - Notre population éparse sur un immense territoire si avantageusament disposé, le chiffre de notre armée permanente presque nominal, le caractère militaire et l'intelligence exercée de nos citoyens, ne permettent pas de nous comparer à la France quaut aux garanties de liberté. Nous avons colonisé une terre prête à nous accueillir, sans d'autre adversaire que la Nature. Les fonrlateurs cle notre République eurent réellement pour baptême la Tempête, le Feu, le Sang ; et cette terrible éducation fortiliajusq_u'à nos mères qui nous bercèrent dans la haine de la tyrannie; et nous avons vu que les loups et les sauvages étaient moins hostiles à notre libre-existence que l'oppression d'une civilisation corrompue. Votr.e eKpérience nous a montré que les masses organisées d'une soldatesque brutale peuvent être entrainées à des attentats que ne commettraient jamais " les verts Montagnards" de Vermont, lts '' Carabiniers" de Kentucky, les "Chasseurs" du Texas. Ne croyez donc pas, chers et anciens n.lliés, que nous méconnaissions vos vertus, ou que nous tenions trop peu de compte des obstacles qu'ont à surmonter les Républicaius de France. Nous savons qu'aucun peuple n'a écrit, n'a parlé, n'a fait pour la Démocratie autant que vous, ,Français: Nous savons que la trahison a été la récompense de votre trop confiante généro,;ité. Nous connaissons, nous estimons l'honorable modération et le sentiment élevé de Justice qui ont distiugué la Révolution après la chute de Charles X, après la cln;ite de Louis-Philippe, S! tant de sang coula lorsque le Peuple se leva en 1789, re fut la conséquence de bieu <les siècles, d'une éducation brutale donnée par une aristocratie tombée au plus bas degré de la corruption. - Et ceux qui ont pris la peine d'étudier votre histoire savent que, malgré 11:1 L•HOM 1'1E. célébrité Jcs victime~. E:-tla publicité européen11e acquise à la plume de leurs amis, le nombre <les condamnés sous la Révolution fut à peine le cinquième du nombre cles victimes qui tombèrent :<ousles coups secrets de la monarchie restaurée,-à peine lé cinquième de ces "héros inconnus" assassinés dans les rues et les maisons de Paris sous le coup-Bonaparte. - 40,000 prisonniers d'Etat dans les forteresses, à Mazas, à Belle-Isle, à Doullens ! 10,000 transportés sous le ciel corrosif de Cayenne ou de Lambessa, et, parmi eux, vos écrivains républicains, vos légistes, vos professeurs, vos savants, tous condamnés à broyer les pierres et à trainer les charrettes sur les routes militaires ! Et cela, parce que ces hommes ont voulu vous hire ce que nous sommes, - Citoyens ,l'une République! Parce que Louis Bonaparte, " connaissant .rnn monde" savdit qu'il ne pouvait ni les intimider ni les oorrompre ; et le cœur du Peuple ne po-uvait cesser de battre qu'après y av~ir éteint ces étincelles de vie ! Au lendemain du Coup de Tyran, la nation, accablée par ses pertes soudaines, par l'habile arrestation, le meurtre implacable ou l'exil C:n masse <les chefa cle la dtmocratie, la nation ne pouvait peut-ê.tre se soulever et lutter encore. Et pourtant, telle était notre foi E:11 vous, nous l'attendions de Yous ! Nous ne pouvions croire que la main d'un seul homme püt ainsi vous bàillonner; vous, les pionniers redoutables <le la liberté; vous qui, seuls, aviez tenu tête à l'Europe et fait tre11\blcr toutes les couronnes ! - Non, nous ne pouvi>Gns d~ croire. Nous avons attendu, avec confiance d'abord, puis a,ec un reste d'espoir ; avec ~tlipeur, enfin. Pas une clametu, - pas nri murmure? La France obéissait en paix à -la loi dictée par les bayonnettes ? Mais si, dans l'ignorance des moyens mis en œuvre contre vous, nous avo.ns été peut-être injustes, f a.i le droit de vous clire qu'une Nati-0n intelligente doit eniin avoir la responsa~ilité de sa,n soi·t quand u.ne .coalition étrangère ne l'a pas abattue, comme la Hougr-ie o.ula Pologne, foulées aux pjeds par la Russ,ie, l'.\utriche et la Prusse; commè l'Italie, abattue par l'alli,rnce de l'Angleterre, de la Fr.mce et de 'l'Autriche. Si, darni ·quelques années, nous voyons encore la France sons le j0ug impérial, il faudra bien nous résigner à croire à l'acquiescement populaire. - Il peut y avoir d"a' utres motifs que le .pur amour de la 1\Ionarchie : - 011a pu exciter la jalousie et la crainte entre vos diverses fractions ou effrayer le commerce par la certitude d'uFle crise; le spectre de la République rouge - ce qui signifie, coml)'le le fait judicieusement obsen·er un éminent écrivain <des Etats.Um.is, une République sur 1~ modèle américain, - le spectre de la République rouge, .habilement évoqué, a pw précipiter la bourgeoisie dans le gouffre <lel'absolutisme. - Mais, après tout, nous, Etrangers, nous dev.ons ctmrber la tête.. Car, lorsque la Démocratie le voudra, la F.rance sera liDre. La France ne redoute aujourd'hui nnlle puissan,ce étrangère; nnl poavoir, à l'intérieur, ne saurait vous arrêter, quand l'heure sonnera où vous serez unis et résolus. Vous 111edemandez : que pouvons-nous, que devonsnous faire? .Y e vous répondrai, soyez ficlèles à vos nobles instincts! V011sle savez 111ieuxque moi, rien ne saurn,it réprimer la volonté d'une nation. Un regard, un geste, un cri éle.:trisrnt d.es millions sympathiques à l'idée. L'espionnage ne peut agir ·contre l'Ol!'tun peuple; une nation ne peut être ph1'Sfaible qu'un homme, et trembler devant sa police, si elle ne lui a permis cle 'la d.,mpte, en se laissant égarer par la politique infemale qui met aux prises classes contre c:asses, frères contre frères ... , .. A l'heure où j'écris, il -est vrai, le mticontentement cle l-a Fnnce comme11ce à se faire jour. Les ,,oyageurs Américains racoiatent même que votre Empereur est universellement détes_té - mais aussi redouté. Plus il sera haï, moins il sera craint. Et malgré les t~nèbres et le silence où la France se1uble disparaitre, LE ItÉVEH, EST CERTAIN! - Vous avez vidé jusqu'à la lie la coupe de la Tyrannie ; voici venir, j'en ai la foi, le terme de cette douloureuse épreuve. Un jour glorieux s'approche, je l'espère, j'y crois; il luira quar1<lla Bourgeoisie et les Travailleurs verront que leurs intérêts s'harmonisent, sont identiques même. Il luira, C" jour, où justice sera enfin rendue à vos patriotes proscrits et à vos blouses de Paris, dont tout le monde célèbre l'intelligente bravoure ; où, dans les magnifiques palais resplendissants de votre histoire, à la place du tableau qui perpétue cette infàmie contre laquelle ils protestèrent vaillamment, - le meurtre de la République Romaine! - vos artistes retraceront l'imposante manifestation des OU'IJriers contre le siége de Rome, et l'indomptable républicain, Ledru-Rollin, anathématisant l'impie Fratricide du haut de la tribune populaire l Tout cœur améric::dn s'émeut et s'indigne au souvenir de cette honorable et légitime insurrection républicaine, ·protestant contre un crime international ; tout cœur américain- s'émeut et s'indigne contre l'oppression alors exercée sur'la France avec une férocité tellement inouïe qu'on ne peut, pour la qualitler, lui donner d'autre nom que celui de· Bonapartiste! Les populations pacifiques, désarmées, attaquée~, dispersées, passées par les armes ; 79 représentants bannis ou forcés à fuir ; les presses fidèles aux Principes sacrés saisies et détruites par la soldatesque; les instituteurs arrachés à leurs écoles, les étudians à leurs professeurs; l'abomination de la Terreur s'acharnant partout cont1e l'Esprit de Justice et d'Indépcndance ! Ils ont bien raison~ le~ perpétrateurs de ces attentat!!, d~ craindre l'heure de la Rétribution, et d'enchainer chaque jour plus brutalement le Peuple dont N aroléon-le dernier'! - redoute prudemment l'explosion en vain comprimée! Cette noble démonstration de la Démocratie française au 13 Juin, - et d'autres aussi, manifestations glorieuses <le l'esprit républicain, moins connues parmi nous, - ravivent dans la mérr.oire des Américains le souvenir de la dette de reconnaissance contractée envers ses généreux fils. Mais, en relevant ainsi l'honneur du nom républicain, à quoi vous appelons-nous, vous, l'avant-garde de la Démocratie eu Europe? Est-ce à l'orgueilleuse contemplation de votre passé, ballon gonflé resplendissant au soleil? Non! Nous volts appelons a1•x actes d'inflexible résolution, de magnanime dévouement. Nous vous appelons à reprendre le lourd fardeau cles devoirs civiques. Nous, citoyens américllins, nous savons que la liberté implique, exige la respo·usabilité de chaque citoyen; celui qui veut être son mai.tre. doit êlte l'intelligent et fidèle serviteur de la, Rép•1blique. Nous savons tro1-ic-0mbieu la Liberté-civiq ne exige ~le ltittes et de veilles incessawtes, llOlH vous faireespérer de la conquérir, de la conserv-er sans peine et san& efforts. l\(ais nous vons connai,sons _; l'énergie, le dévouement, ue Y-011m-.;anqweront pas, L' A.mérique n'est pas liée à la France seu lernent par ses souveniirs nationaux et ses sympathies ri:pttblicaines. D'autres liens, artis-ti"111es, commerciaux, rattachent les rleuit. .Etats. S1i1p.rresque toute l'<étendlie des Etats-unis, un Fran- •çai;; peut se cr,oi~·echer. lui, car, à ch.iqiae ras, il rencontre les ptodui,t.s de l'iu<lustrie parisiemie, et il cnrend parler sa langue <lans nos principales cités et daus toute la Louisiane. un Américain dsitant l'F:uro11e traverse à peine Lo1lllres, mais se fixe à Paris. "Cel,L ressemhlc tant à New-York," disons.nous. A mille, ,!eux mille, qmme mille lieues <h'l r.irnge rie France, le génil! in\'e11tif et legoüt exquis ,les E11fa,mts<lela ]!'rance stimnle l'industrie américaine ; et la lointaine Ca..lil'ornie,resplendissante d'or à uos frontières occidentales, se vante d'acheter plus devos soies, de vos vins et de \"OS cle11telles qu'aucun des Etats ses aîné~. Nos formiers de J"Ouc~t, à l'aide de nc,s immenses canaux et chemins <le l.!r, vous donnent en. échange, char1ue année, tout cc que mus nous demandez pour Yotre subsistance, en viamles et farines. Et ce commerce ,déjà si étendu sera <loablé quan<l la République, aiclée <la I.ibre-l~change, mettra la main des artisans dans celle cle nos L·olons.- l\Iais les énormes impôts iué,·itables sous un g-011vernement pro,ligue, soldant une nombreuse armée permanente pour vous asservir, interdisent sous l'Empire la réalisation du Libre-Echange. Si, d'un côté, il y :i. similitude ùe goûts, d'intérêts, de climat même entre les Etnts-Unis et la. France, d'antre part, nul peuple n'a plus de titre que le Frnnçais. uu droit de cité eu Amérique. En rne de ,·os rivages, des ouniers français, - proscrits par cet impérial Tartuffe qui se mimait en Socialiste, -périssent <lemisère. La Natiou toute entière peut seule leur rouvrir les portes <le la patrie. Mais les sympathiei inclivi<luelles suffiraient pour assurer lem passage en Amérique. Une faible somn1e envoyée par leurs amis aux exilés suffirn1t pour adoucir les souffrances <le l'émigra~ tion à tarit de ces braves et excellents démocrates qui 11'ont point appris à commander à la Fortun-e. L'homme ,l'Etat américain, - tandis qu'il contempla la majestueuse Exode des populations de l'ancien continent vers 110srivages, sous l'attraction d'une riche Nature protégée par notre immortelle Constitution, - montre avec orgueil notre naissante •-colonie à la côte d'Afrique, une nouvelle espèce d'émigration dirigée par nos compa. triotes. Là se fonde un établissement américrin, la République <leLibéri~, germe cl'un grand Empire républicain, propageant déjà notre civilisation jusqu'au cœur de l'Ethiopie. C'est le premier exemple <l'une colonisation sti. mnlée par la Charité, 1101p1ar le Gain. LiL même, dans cette Afrique négligente et méprisée, on reconnaît l'influencè de l'organisation sociale et politique créée par nous. La race africaine, jetée sur nos rivages par la main de ses monarques, Lrute, idolâtre, barbare, revient dans sa patrie, guidée, so11tenue par des mains américaines, et déjà ,ligue, par son intelligente activité, de faire l'éducation des féroces tribus de ces contrées presqu'inconnues. Le nègre américain, supérieur à tous ceux de sa race €t devant à son originE: de résister à un climat fatal à la. race , blanche, est le seul missionnaire que le monde puisse offrir po11r civiliser l'Afric1ue centrale .. Nous le deman- <lons aux Français <le tous les partis, qu'ils comparent l'action <ln principe républicain clans la colonie américaine de Libéria à celle de toutes les Monarchies d 1 monde ... La chute prochaine de la Russie, - annoncée par ses défaites sous les coupi des libres :Montagnards de Circassie et par la honteuse retraite dn Czar devant les Turcs tant méprisés, tant insultés lors de l'arrogante invasion de la Jiloldo-Valachie, - prouve au monde que le fantôme Russe était aussi peu réel qu'il était monstreux. Un long despotisme a énen-é ce peuple, qui ne conserve qu'à. peine la force physique pour soutenir le choc ennemi. La Russie, cet épouvantail de l'Europe républicaine, tremble sur sa base ; le gigantesq11e édifice de glace se dissout enfin! Que cela serve de leçon à la Démocratie française. Ell~ aussi est livrée à un fantôme sanguinaire. Qu'elle se réveille ; ce n'est qu'un affreux cauchemar accroupi s-ttr la poitrinè de la. Nation et e-rimaçant él.e joie • •

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