Homme - anno I - n.48 - 25 ottobre 1854

LETTRE AUXBONAPARTISTES. MORALITÉ DE L'ALLI..AN.C·E ANGLAIS&. l\hssieurs, Mi11u;r vaut Anglais debout qu' Em11ere11r tnterré. Vous nous accusez sans cesse d'exagération, d'excès, ile passion, de violence et de rage envers votre maitre ; voul: nous accusez toujours d'exciter, d'exagérer, de déclamer, d'amplifier, ~de calomnier à son égard, comme si l'invention, l'hyperbole et la diffamation étaient possibles avec cet homme ! Et par la raison suprême que vous avez la force, vous accusez sous le nom de Justice et vous nous condamnez quand même à la prison, à l'amende, à la déportation, etc. Eh bien! cette fois nous allons céder la parole à l'histoire. Nous allons lui passer la plume, si vous le permettez. C'est elle-même qui vo11sécrira .cette lettrf en notre lieu, .et, franchement, nous n'en serons pas fachés; il n'est p-1s agréable d'avoir affaire à vous. Silence donc au pampl1let ! Place à la vérité nue ! Qu'elle s'explique seule et sans nous, nous ne disons pas sur les crimes accomplis, mais sur le haut fait du jour, sur les exploits reluisant au soleil et devant les yeux de tous, sur le grancl acte de la politique actuelle. Nous nons abstien1hons, po11r notre part, de toute réflexion et de tout raisonnement; nous n'ajouterons rien à la logique des dates et à l'éloquence des faits, et nous vt'rrons ce que votre maître y gagnera ; nous verrons si vous pourrez aussi requérir contre l'histoire, accuser la vérité et condamner 1a mémoire pour crime de société secrète et t'l.e propagande, de conspirations, d'offense et d'attentat. Nons verrons si vou11pourrez arrêter, emprisonner, transporter le souvenir même, pour l'honneur de sa majesté. 0 Mamelucks et Icoglans du grand empire, Vénérants du Tombeau, Jardiniers du Saule, Gardiens des Cendres, Adorateurs du Dieu des Invalides, (l fidèles, pieux et religieux Croyants de la foi )i apoléonienne, ô Culottes de peau, votre avis sur l'alliance anglaise? Marins de Trafalgar, -soldats de Waterloo, vous tous, vétérans de l'ancien camp de Boulogne, votre avis sur le nouveau Héros du blocus cantinental, vot'l'e opinion sur le prince Albert? Répondez·! Certes, s'il y avait une alliance imprévue, impossible, impie, c'était celle-là, n'est-ce pas ? Si cette énormité était défendue à quelqu'un au monde, c'était au neveu de l'oncle, n'est-ce pas 7 Quoi! l'héritier de la Victime allié aux assassins. Quoi ! un Bonaparte ami, comme prince, avec un Pilt et CobDurg. 0 vieille Garde! Grognards et Chauvins, B.onnets à poil et Casques à crin, tambours et trompettes, canons et colonaes, poudre et foudre du Dieu des armées, de la grande armée bien entendu, vons ne frémissez pas, vous ne bondissez pas, vous ne crevez pas, ,·ous n'éclatez fas d'horreur devant ce sacrilége. Et l~s morts ne réclament pas, et le martyr ne remue pas dans son marbre, ne se lève pas dans sa tombe, ne crie pas vengeance,• et l'arc de triomphe ne roule pas, sur son dôme, fie scandale, de blasphème et d'abomination ! Mais que notre indignation se taise. Nous l'avons dit; laparole est à l'histoire. Recueillcms-nous ! Que l'histoire seule, calme et grave, q11e le passé, l'impartial et froid passé juge donc le présent. Qu'ils parlent donc ! Non le vieux passé, non l'histoire ancienne moatrant d-es faits d'un autre âge, des premiers Valois ,aux derniers Bourbons, d-eCrécy à Fontenoy, la lutte incessa:nte de l'Angleterre et de la France, comme celle de deux principes contraires que la République seule accordera, ,mais l'histoire moderne, le passé récent montrant par des faits contemporains, par des preuves d'hier et des témoins ,cl'aujourcl'hui, que la présentP. alliance des deux gouvernements est contre nature; que la mer gui sépare les deux pays n'est pas plus profonde que la .différence qui sépare l'aristocratie anglaise de la démocratie française, dont les Bonaparte se disent représentants. Et que dans cette alliance monstrueuse, infamie et mensonge à la fois, oû les peuples ne sont pour rien que pour les frais, or et sang, où chacune des parties cherche à tromper l'autre, tout est à perdre pour tous, même l'honneur, I. PITT. A.u début de la Révolution française, en 1790, le ministre anglais Pitt, (Saluez!) répondit à un agent secret ~u roi Louis XVI, qu'il ne laisserait pas périr la monarchie légitime, que ce serait une faute à perdre pour toujours le repos public en Europe, que de permettre à l'esprit révolutionnaire de révolte de triompher en France. Cette pensée, cette volonté de l'Angleterre .de réagir, d'intervenir et de combattre la Révolution en faveur des Bourbons, apparaît tout <l'abord et la première, avant les intentions des autres puissances. Vous allèz la voir agir. Elle ne s'arrêtera· plus qu'au but. Elle précède la première coalition; elle inspire secrètement les conférences tle Mantoue, le 20 mai 91, 1e traité de Pilnitz et le manifeste de Brunswick en 92; elle· signe ouvertement enfin les quatorze traités d'alliance et de subside après le 21 janvier 93, le 4 mars ave~ le Hanovre, le 25 mars avec la Russie, le 10 avril avec Hesse-Cassel, le 25 avec la Sard.~;,.,..,~: le 25 n,ai avec l'Esn:1;•ne, le 12 .Tuille-ta,ce Naples, le 14 avec la Prusse, le 30 Aoüt avec l'Autriche, le 21 septembre avec Bade, le 26 avec le Portugal, etc. etc .., _payant ainsi la seconde levée en masse de l'Europe monarchique qui vint, comme vous le savez, se briser contre la force in.vincible des quatorze armées de la Con- ,,ention. .1'invasioR repoussée deux fois et repor.tée sur l'ennemi, l'Europe deux fois battue demandant paix et grâce, à la République, l'Angleterre isolée s'obstine et ne désarme _point ni sur mer ni sur terre. Elle cherche d!autres alliés et les trouve dans le sein même de la France. Non contente <le susciter la guerre étrangère, elle fomente la gtierre civile. Elle soudoie les insurrections comme les coalitions. Elle entretient les bancles 8.e la Vendée comme les troupes de Cobourg. En 1795, une flotte anglaise jette sur la plage de Quiberon dix mille émigrés avec 60,000 fusils et un équipement complet pour une armée de 40,000 hommes et à cette occasion, Lord Granville dit aux ambassadeurs de Russie et d'Autriche : "Vous con- " naissez, messieurs, les efforts et les sacrifices que le "gouv_ernemeut britannique n'a cessé de faire pour les "royalistes; vous savez que M. le comte d'Artois ayaut "désiré d'aller en Vendée, nous avons mis en mer une "expédition digne de son altesse rorale." et, tOl.l·t en armant, l' Angl:>terre corrompt, achète nos généraux, fournit l'argent nécessaire pour payer la trahison des chefs, ne pouvant vaincre le courage des soldats. En 1796, elle négocie avec le général de l'armée de Rhin et Moselle, Pichegru, •et lui offre, entr'autres appâts, un million comptant et une rente de 200,000 livres. Suspect et r~ppelé de l'armée, le traitre touche 71,000 livres en or par le consul anglais à Francfort, M. Wickham, ainsi qu~une lettre du comte de Provence où on lit text11ellement CE: qui suit : "je me flatte qnc M. Wickham conti- " nuera de vous fournir avec la même générosité les se- " cours que vous pourrez désirer. je sens combien ils " deviennent indispensables lorsqu'il faut plus gue jamais " former et diriger l'opinion publique. M. Louis Fauche " vous remettra cette lettre : je lui ai donné mes pouvoirs " afin que dans le cas où vous jugeriez à p,ropos de .faire "faire des démarches auprès du général de l'armée "d'Italie, elles n'éprouvent pas le moindre retard." Ainsi, c'est clair, dans les intrigues comme dans les batailles, guerre, sédition, trahison et corruption, partout et toujours, la main et l'argent de l'Angleterre. En 98, sous le Directoire comme sons la Convention, l'Angleterre, toujours en guerre avec 'la 'France, décitlc l'Autriche à déchirer le traité de paix de Campo-Formio, recrute, enr.ôle et racole jusqu'à. la Turquie 1qu'elle joint à la Russie même, dans la coalition. L'année suiv;mte, en 99, fidèle à soti système d'attaque intérieur et extérieur à la fois, elle ranime le bra11don ro:,:aliste dans 11'-Ouest et remplace la Vendée par la Chouannerie. Elle suit enfin sa logique jusqu'au bout, propase à Barras, s'il vent Livrer la République, une• somme équivalente à deux années .de ses bénéfices dans ses fonctions de directeur, c'est-à-<lir.e douze millions de francs, saas compter deux millions à distribuer aux principaux complices et toutes les s.ommes requises pour défrayer le mouvemen.t de Paris. Mais passons vite et pour mémoire sur ces évé.neroents qui ne regardent que la République, la patr:e, la Franc.e. Peu vous importent France, Patrie, République, à vons qui eonfondez tout dans un homme 1 Q.11'est-ce que cela auprès de Bonaparte?· Arrivons vite au poii.t qui vous intéresse le plus, qui vous pique au vif, à l'instant où la lutte devient personnelle à votre idole, où Bonaparte -succèrie à la République, qu'il a tuée le 18 Brumaire, et recueille, pour son compte particulier, la haine nationale de l'Angleterre contre la France. Nous y somm~s. Attention ! (-La suite au prochain numéro, ) CAMP DE BOULOGNE. 16 Octobre 18.'J-4<. On craint beaucoup l'esprit de corps de certains r<:!gtments, c'est pour cela qu'on nous promè1te depuis quatre mois de baraque en baraque, toujours à la recommandation de notre auguste maître. Plusieurs des régiments campés à Boulogne ont une grande célébrité pour leurs opinions démocraûques; quoiqu'on en dise, l'armée n'est pas si bonapartiste qu'on le pense : le 4le de ligne est un des pestiférés. Aussi, la fureur jésuitico-bonapartiste s'estelle concentrée sur lui. Ce malheureux corps en a vu de toutes les couleurs : prison, c:i.chot, conseils de guerre, Afrique, travau¾ forcés et publics, rien n·a servi. Les épinar,ls avouent tout bas qu'ils ne peuYent détruire ce poison anarchique qui s'est glissé dans les rangs. Cette phrase est un échantillon du rapport adressé, par le colonel, aux généraux Renaud et Chapuis, chargés de surveiller c,e régiment et de le débarrasser d'une foule d'anarchistes qui tendent la main à la crapule (lisez peuple). Le cadre des sous-officiers, la plupart jeunes soldats, a été renouvelé plusieurs fois : tout a disparu en Afrique, en Crimée et dans les ateliers de travaux publics 0ù ils cassent les pierres et couchent sur les planches, les fers aux bras et aux pieds. Les persécutions commencèrent dès J 848 à Toulouse. Le 4 le refosa de massacrer le peuple dans les rues, malgré les exhortations et les menaces d'une garde nationale rtlaetionna.ire 11econdée uar la faiblesse d'un cornmissaire général, qui, depuis, l'a regretté bien amèrement. L'ignoble Cassagnac se ttouvait alors en conO'é dans son pays natal et il ne manqua de pousser au m~urtre. Y_ oilà le crime qu'on a toujours reproché à ce régiment; de là mille persécutions inouïes. Son ancien colonel, maint e11ant général à Cherbourg, prit Jans le temps des mouchards à sa solde, pou_r_bien connaitre ce qui se passait au dehors et au dedans. Cet ,_x-sergent de l'Empire, brutal igno,rant, qui, en 1848, s'était mis à genoux devant quelques sous-officiers de son réo-iml•nt parce qu'il craignait que ceux-ci ne lui fissent perdre so~ gra<le, passa général à la recommandation de M. Carlier. - 'Le colonel actuel, ~- Bourgeade, permet à ses solclats de se soûler à la santé de l'empereur et de tuer des pékins, dans les maisons infàmes, pourvu qu'ils aillent à la messe! L'aide Ùe camp Roguet a commandé ce réo-iment pend~nt _ Près de 7 _ans en Afrique. Il avait la 0 réputation d avou ries ser.vitettrs à la Henri Ill, et de leur donner be1ucoup d'avancement. Les <létachements du l 7e cl'artil!erie et ce 1 ux du ?énie ont é.té constamm;nt en quaranta:ne. On s_P,nméfie beaucoup. - Quant a nous, je vous prie de croire que nous ne sommes pas souvent cités à !!ordre du jour, mais la Garde, eu revanche,,est accablée - de faveurs. Tout ce qui a fait de& actions d'éclat pendant la campagne de -1851 êst en.rôlé, pens-ionné, décoré médaillé, commissionné <lans cette pha!ange. ' J'entendais dire dernièrement par uu officier ~upérieur, qne _pour entre7 là dedans -il fallait a,1oir tué cinq à six pékms. Je plams beaucoup ceux ùe-s Parisiens qui tomberont sous leurs griffes. Le caprice de chaque soldat sera désorma-is une loi qu'il faudra suiv.r.e s_ous peine de yatagan. Après tout, ils ne sont pas ·trop à craindre, ils ont un si grand faible _pour l'eau-de-vie et I.e saucisson! Je suis étonné gne malgré l'.alliance des tleux pays, la - Garde ab'hur.re ..tant les Anglais et leu.r p110d:iguetant d'injmes et 1le mépris. lis oe rêvent que combats et pillage dan,s la fière Albion: i-1 fattt que les chefs leur soufflent chaque jour à l'oreille Waterloo et Ste.-Hélèue ! L' 1h1glais verra -tôt -ou tard que la Garde nouvelle a du sa}1g.de la vieille dan-s .les veines et que son maître a du sang corse. Le Maréchal e-st rnor,t ,et enterré, fort peu regretté des soldats et des sous-officiers principalement, dont il entra,,va l'a.vancement, :soutenant que ces gens de basse class.e doivent subir des examens sévères avant d'arriver à l'épaulette. Un grand nombre de nos camarades se retirent tout-àfait dégoutés du service. Ils ont fait la sourde oreille à toutes les belles promesses des enrôleurs bonapartistes. Ce sont des gens à craindre et il était bon de les avoir sous la main. ·P.our moi, je ne tarderai pas à suivre leur ex':mple ; il y a longtemps que je cherche à quitter la livree du sang, comme le peuple c1ppellenotre uniforme. J'espère encore empoigner le mousquet et déchirer la cartouche avec les autres de la Pologne, de l'Italie et de la Hongrie; mais je ne puis et ne veux plus servir la baude de Décembre ! Un suspect du camp de Boulogne. Nous recevons les lignes suivantes de nos amis proscrits, Greppo, Malarmet et Chevassus. Nous ne,pouvons publ~er (pour cause de format) la:pièce qu ils nous envoient avec la lettre. Mais voici leur opinion sur la politique républicarne à l'endroit de la, guerre,: elle est de tout point conforme à la notre et c est houhPur comme devoir pour nous de lui donner place dans ces colonnes : Birmingham, 12 octobre 1854. CITOYEN' " Le devoir des républicains est-il de s'intéresser au'i entreprises de Bonaparte ? Le patriotisme leur comman<le,:t-il ~e faire. des vœux pou~ des succès qui, glorifiant_1mfam,e, seraient yonr le cnme une sorte de justi- • ficat1on devant la postérité? Tel n'est pas notre sentiment. Inspirer la haine de la tyrannie, traYailler à son ren- \'ersement, tel est le but auquel doivent converger, selon nou~, toutes l_es aspiratio~_s, to~s les efforts! Belle gar,~nt~e en v_ént~ contre 1 111vas1011de la barbarie que 1 111fa1~erégime issu du Deux-J?écembre ! N'oublions pas q~e ces~ après que la République eut été une première fois trahie et renversée que la France fùt vaincue et envahi:? ~'histoi;·e no~s le dit et l'exemple de nos pères est la : a la Revolut10n seule le pouvoir de vaincre le despotisme, qu'elle triomphe à l'Occident et la barbarie du Nord cesse de menacer la civilisation. " Agréez nos salutations cordiales, C, MALAHMET, L. GRFPPO, E. CH~VASSUS." Nous avons publié, dans notre dernier numéro la première partin de la Lettre au.Peuple français: du citoyen Sand ers. Voici la seconde : Quelques mots seulement. L'éloquent écrivain déclare que la Républiq'tie

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