le consentement de son père - qui de tous les hommes sur terre est tombé dans le plus profond mépris au dire des Bonaparte eux-mêmes, pour son indignité envers sa mère - a été obligé de résigner sa commission d'officier dans l'armée des Etats-Unis et ses droits de citoyen américain pour se faire le sujet soumis du parjure LouisBonaparte. Je certifie que vous trouvez, dans cette conduite généralo, des preuves que les Bonaparte américains représenterit aussi peu l'esprit américain que LouisBonaparte, l'honneur français ! Nos voyageurs américains en France sont ordinairement à la recherche des plaisirs, parcourant vos villes les plus agréables comme distractiou à cette vie sévère d'affaires à laquelle l'Amérique républicaine pou:,,se tous ses enfants. Sur les boulevards, aux théàtres, à l'opéra, la foule est gaie et présente à l'œil de l'étranger le spectacle d'une joyeuse harmonie. Le chagrin de l'épouse ou de la mère dont l'époux ou le fils est à Cayenne, en Algérie ou dans les bastilies de Bonapart.e, ne se rencontre pas au bois de Boulogne, ni n'assombrit l'esprit enjoué des cafés; les murmures désolés des enfants souffrants et affa_ més qui osent prononcer le nom d'un père enlevé et perdu pour le travail-salaire, dans une nuit obscure, ne se mêlent pas aux ris joyeux des jardins de:,, Tuileries, ni aux divertissements, ni aux spectacles des Champs-Elysés ; dès lors n'ayant pas les moyens de s'éclairer, je suis forcé d'avouer que nos Américains ont, trop souvent, basé leur jugement sur votre contentement officiel qui paraît s'accorder, à s~s yeux, avec la gaieté et la mode. (La s1tite au. prochain numéro.) LA FRANCE ET LA RÉVOLUTION. Quel est le but de ce travail? C'est d'étudier la France la France aclitelle dans ses sentiments, ses idt>es, ses passions, ses tendances dans les partis qui l'agitent; et, par le résultat de cette étude, de tirer des inductions et des prévisions pour l'avenir, Mais si le présent contient l'avenir en son sein, il a été lui-même engendré par le passé. En d'autres termes, et pour développer plus complètement ma pensée, les sentiments, les idées, les passions, les tendances, les partis de la France d'ai~jourd'hui sont issus des sentiments, des idées, des passions, des tendances, des part•s de la France d'hier. Donc, pour bien étudier et connaitre la France actuelle, il faut étudier et connaitre la France qui l'a précédée, au moins immédiatement. La Franee actuelle date de 1789. Quelle était la France d'avant 1789? Une Ftance d.'inégalité dans le monde social, dans le monde politique et <laus le monde moral. Dans le monde social, inégalité dans les personnes, dans les choses : des personnes nobles, des personnes roturières ; de1,;terres nobles, des terres r-0tirrières; des persounes jouissant de tous les bi-néfices, de tous les avantages sociaux, exemptes de toutes les charges sociales, - des personnes supportant exclusivement toutes ces charges, et exclues des bénéfices, des avantages de'la société; des terres supérieures et des terres inférieures, des terres possédant la ver-tu de procurer à leurs propriétaires des priviléges sur d'autres terres : en un mot, tous les abus de l'organisation féodale, alors que la féodalité était tuée politiquement; c'est-à-dire le mal sans compensation, le revers de la médai Ile sans sa face. Même inégalité dans le monde lJolitiqne, ou, pour mie11xdire, absence complète de tous tlroits, de toutes garanties : d'une part, la royauté, pouvoir absolu et san.s contrôle, se regardant comme maîtresse de la vie, de la libert6 et de la propriété de ses sujets ; et d'autre p:Lrt, l'Eglise enseignant que les rois sont les représentants de Dieu sur la terre, et légitimant ainsi, n.e par' la Religion, la souvernin~té monarchique. Il n'en était pas différemment dans le monde moral. En vain l'Eglise prêchait le dogme de l'unité morale du genre humain, la fraternité, le dévouement des uns pour les autres ; en vain ses c..érémonies religieuses étaient des symbolés visibles de l'égalité ; en vain les penseurs avaiPnt proclamé les mêmes principes au nom de la raison et de la philosophie, l'inégalité ne subsistait pas moins 1lansles sentiments et les idées que dans les institutions politiques et sociales, dans le fond que dans la forme des choses. En sorte que les éléme11ts constitutifs de l'ancienne société se prêtaient réciproquement appui, et concouraient au même but. La France actuelle est tout autre; est absolument le contraire de la France d'aittrefois. L'inégalité était la base de l'ancienne société française ; l'égalité est la base de la société française actuelle. Et, d'abord, dans l'ordre social, l'égale admission de tous les citoyens aux fonctions publiques, l'égalité devant la loi, la proportionnalité de l'impôt, la liberté individuelle, la sûreté des personnes, l'inviolabilité des propriétés proclamées et consacrées par la loi, sont des applications diverses du dogme de l'égalité. Assurél'I).ent, l'égalité devant la loi e~t encore illusoire dans un très grand nombre de ras, les fonctions publiques sont le plus souvent la récompense du vice et de la médiocrité et non de la vertu et du mérite, la proportionnalité de l'impôt n'existe pa~ dans toutes les-matières qu'il frappe, 11. liberté indiL'HO.MME. ' viduelle, la sûreté des perso11nes, l'ill\'iolabilité des propriétés sont en maintes occasions peu respectées ; mais enfin ces principes, ces droits forment le fonàement de l'organisation sociale de la France actuelle. Or, cm dépit du mauvais vouloir et de la résistance, pacifique ou violente, îls prévaudront tôt ou tard complétement et définitivement ; car il est dans la nature de:-. choses que toute cause produise ses effets, que tout principe réalise ses conséquences. Dans l'ordre politique, physionomie analogne, situation analogue. L'ordre politique, en France, repose sur deux principes, sur deux faits, dont l'un n'est t(Ue le développement de l'autre: d'une part, sur le principe, sur le fait de la souveraineté du peuple; et d'autre part, et comme conséquence, sur le principe, sur le fait de ] 'indépendance du pouvoir civil relativement au pouvoir religieux. Or, la souveraineté du peuple, l'indépendance du ponvoir civil relativement au pouvoir religieux, qu'est-ce autre chose que l'application politique de la souveraineté individuelle, de la souveraineté de chaque membre du corps social, c'est-à-dire, en d'autres termes, de l'égalité; que lr dogme de la souveraineté du peuple ait des inconvénients; qu'il ait produit souvent des résultats funestes à la liberté comme au bien-être des nations, là n'est pas la question. Qnoi qu'il fût très facile de répondre: premièremrnt, au point <le vue rationnel et théorique, que les avantages qu'il présente surpassent de beaucoup les inconvénients qui s'y trouvent, ce qu'il serait certainement difficile d'établir pour les autres principes de gouvernement ; que, d'ailleurs, ce principe semble le plus conforme au droit naturel et à la justice, au bon ordre de la société dès lors; et, deuxièmement, au point de vue historique, que le mal qu'il a fait ne doit pas surprendre, que la perfection n'est pas de ce monde, et que pour apprécier ce mal, il faut le mettre en balance avec le bien qui a découlé de la même source, - qu'en outre l'homme n'apprend que parce qu'il se trompe, et qu'avec le temps l'institution de la souveraineté du peuple s'améliorera comme s'améliorent insensiblement toutes les institutions sociales qui ont vie et durée. Mais, je le répète, là u'est pas la question. Il ne s'agit pas pour nous, en ce moment, de discuter sur les vertus et les vices des différents principes de gouvernement-; il s'agit tout simplement de reconnaître et de constater ce qui exist 0 , ce qu'est l'ordre politique de la France· actuelle. Et il n'est pas niable que l'égalité en est la base et le fondement. La domination, le règne ùe l'égalité dans l'ordre moral éclate de tontes parts : par les sentiments, par les idées, par les mœurs, par les habitudes, par les œu vres de la littérature et de l'art. C'es't à peine si l'on trouve quelq11'un qui, je ne dirai pas ose, mais sente naître en soi la velléité éle sen'timents et d'idées contraires au dogme de l'égalité : chacun a conscience que ce dogme est le fond tle la vie moral de notre temps, en est nourri lui-mên1e de force on de gré, et en est dès lors le serviteur involontaire ou libre. Il y a plus: le dogme -de l'égalité s'est fait chair en quelque sorte, je veux dire, qu'il a faço1111é à son image les mœurs et les habitudes. Dans les mœurs et les habitudes françaises pouvez ..vous, en effet, trouver la moindre trace d'aristocratie, dans le vrai sens du mot? On y est sur le même pied ; et les distinctions qui s'y font étant tirées de la valeur de la pernonne, confirment l'égalité bien loin de la contredire. Enfin, les œuvres de Pesprit, soit artistiques soit littéraires, glorifient l'égalité sous toutes les formes. En peut ..il être autrement? Quelle est aujourd'hui, en France, la croyance, la foi générale? La croyance, la foi à l'égalité des hommes. Quel Est le roi qui acclame le talent, le génie, et qui distribue les couronnes de l'immortalité? C'est tout le monde, c'est-à-n.ire le peuple. Donc, nécess(lirement, les artistes, les poëtes, les philosophes, les savants, qu'ils le veuillent ou non, qu'ils en aient le selltiment ou qu'ils ne l'aient pas, puisent leurs inspirations dans l'amour de l'égalité, peignent, taillent le marbre ou écrivent pour parler et plaire au peuple. Cela est manifeste surtout c11ezlt•s écrivains politiques; car, naturellement, dans les ouvrages politiques, le dogme de l'égalité se fait sentir plus fortement, et dès lors se formule d'une manière plus formelle et plus accentuée. Tous, en effet, à quelque école, à quelque parti qu'ils appartiennent, ultramontains, rationnalistes, légitimistes, orléanistes, bonapartistes, s'inclinent devant le dogme nouveau et l'invoquent à l'appui de leur opinion, de leur système, de leur parti. Et les plus illustres d'entr'eux, les Châteaubriand, les Lamennais, les Viet.or Hugo, ayant dépouillé le vieil homme, et comme illuminés par les rayons n.e l'avenir, en chautent l'avènement inévitable et définitif. Les considérations générales que nous avons exposées jusqu'ici étaient nécessaires. Elles seront la lumière qui nous guidera dans les études qne nous avons à faire. En France, les révolutions succèdent aux révolutions, les formes de gouvernement aux for ,·es de gouvernemel'}t; et, au milieu de tout cela, une mer immense d'idées s'y agite, une multitude de partis s'y combattent et s'y dispute le pouvoir. A ne voir que la surface des choses, la France semble une anarchie vivante, un chaos vivant, une énigme incompréhensible. Il n'en est rien pourtant : toutes ces révolutions, tous ces changements de gouvernement, tous ces partis ont leur cause, leur raison d'être, tendent à un but, ont produit des résultats. La France n'e:1t point une l'l.ation.incon:1dquente et folle, temme en pourra: t être tenté de le croire ; m1is une nation essen .. tiellement logique, qui marche d'un pas ferme et assuré v_ersla réalisation de ses desseins, de sa mission providentielle. Or, pour la comprendre, il fallait bien d'abord s'ea. faire une idée philosophique et générale. H. MARLET. ÉCONOMIE SOCIALE. II Les champs, les préi;;, les bois, les vignes, les fermes) les bàtiments, les immeubles enfin, ne constituent pas se11ls l'avoir social: il se compose encore de valeurs mobilières, indus'trielles, q_ui,pouvant se reproduire indéfiuime?f: ~ans la main de l'homme, forment un capital non moms important que le capital foncier. En France la production ind11strielle s'élève au tiers eriviron de la production agrïc-ole. Mais cette partie de l'avoir social n'est pas tancrible comme le capital social ; elle est tantôt visible, t;ntôt invisible ; ici matérielle, là immatérielle ; transmissible, échangeable, aliénable sous certaines formes ; intransmissible et inaliénable sous d'autres. Ce qui distinD'ue surto~t le capital mobilier du capital foncier, c'est qu: le P;em1er,_ne se trouve que dans les sociétés perfectionnées; c e~t qu 11échappe à la conquête commt::au pillage; c'est qu'il uc se développe que sous le régime de la libert~ • c:est qu '!l s~ flétri_t et se dessèche aussitôt que le despo~ t1sme lm fait sentir son contact odieux. S'imaginerait-on, par exemple, que l'habileté de maiu du Russe soit inférieure à celle de !'Occidental; que la classe moyenne des négociants et des boyards moscovites soit incapable de sentir les avantages de l'inùustrie? Certes ce serait une gtande erreur: tous. les voyageurs affirment le contraire. Et cependant les mineurs de l'Oural envoient à Vienne, à Paris et à Londres les ,métaux précieux que l'industrie occidentale renvoie à Petersbourg convertis en bijoux, en instruments et en objets d'art; les pasteurs des Steppes vendent à des maisons anglaises, françaises, allemandes, Jeurs laines qu'ils rachètent ensuite transformées en draps; les Cosaques nous expédient leurs cuirs qui, après avoir été tannés rue l\fouffetard ou à Bermondsey, retournent à Odessa transformées en chaussures, en harnais, en voitures, etc. De sorte que le producteur russe a, non seulement à payer en pure perte un transport d'aller et de retour, mais encore une main d'œuvre infiniment plus chère que la sienne, pour jouir des fruits naturels de la terre ingrate qu'il cultive, au lieu de fabriquer lui-même, en objets de luxe, la matiere première qu'il a. sous la main. A quoi cela tient-il? Cela prouve-t-il que les voyagP.liril ont menti et que le Russe est réellement inintelligent et qu'il se refuse au travail? Non. Tout le mal, c'est qu'il est ~scl~ve ; c'est que,_vivant sous _lejoug du despotisme, sa vie n est pas garantie, son travail n'est pas garanti, sa propriété n'est pas garantie. Il vit, travaillr., économise; et le premier barbare venu d'Asie ou cl' Allemagne peut le faire expirer sous le Knout, s'emparer de son travail et lui voler ses économies ; non plus parce que le ravisseur possède une bonne lance et un poigHet solide, mai~ simplement parce qu'il porte une paire d'épaulettes que lui a donnée le maitre de tout, l'autocrate, le despote, le Czar. Comment se pourrait-il que, sous un tel régime, le malheureux producteur prit la peine cle défendre une vie que la force individuelle ne peut protéger contre la force collective du porte-épaulettes ? Pourquoi s'amuserait-il à perfectionner un travail qui ne lui appartient pas et dont il ne profite que tout juste pour ne pas mourir de faim ? Comment songerait-il à accumuler un capital qu'on ne lui laissera pas? Ne serait-il pas vraiment stupide de tran$- former gratuitement les matières premières qu'il trouve il. sa portée, en objets de luxe à l'usage de ses oppresseurs, des misérables inti: ressés à l'abrutir! De même, partent où le pouvoir se dresse en maître devant l'industrie, la production dépérit et se dérobe; partout où le despotisme touche au travail, la force spontanée de l'ouvrier se change en inertie; le créateur n'aspire plus à la création, il ne songe plus qu'au repos ; la vie s'arrête; et la léthargie survient, en attendant la mort. Ainsi, l'avoir social n'est double que dans les sociétés civilisées ; car le capital mobilier ne se forme que sous Pégide tutélaire de la liberté. Qu'on transforme tant qu'on voudra les armées destructives de l'Europe en armées industrielles, qu'on leur fasse tracer des routes comme aux: légions de César, creuser des canaux comme aux soldats de Louis XIV assainissant Maintenon pour une favorite; on ne pourra jamais créer avec elles que de&. valeurs mortes, des richesses périssables et qui n'auront pas li:1. faculté de se reproduire elles-mêmes. comme les vraies richesses industrielles. Qu'on substitue tant qu'on voudra l'intelligence des chefs, des illustres, des savants, des meiileurs, à •l'intelligence infiniment diverse et indéfiniment perfectible de la multitude, on produira sans doute de gigantesques pyramides, de belles chaussées romaines, de superbes acqueducs, de merveilleuses voies ferrées, des monuments imposants par leur masse et l'unité de pensée qui aura présidé à leur construction ; mais on n'obtiendra rien de semblable aux chefs-d'œuvre de travail et à'intelliiencc que prt.1duit le Briarée ~ux bras :aus,
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