dcncc ! .Je le sens à mon cœur, je le sens à l'amour que je te porte, tu es toujours la grande nation, la nation dévoué(;à la sainte cause de l'humanité, la nation cosmopolite par excellence ; et bientôt, épurée par le malheur, tu te relèveras 1ilus forte et plus puissante que jamais ! H. 1fA:1LET. ÉCONOMIE SOCIALE. I. L'économie 1101itique, a dit J.-B. Say, a pour objet ù'étuclier la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses. Uu publiciste anglais, i\L Stuart 1Iill, a été plus loin, et il a dit qu'un système unique d'institutions écouomiqucs est idéalement convenable pour tout le.globe, et par suite tous les peuples du monde doivent tendre, en se débarrassant successiv~ment du souci privé de leurs intérêts nationaux, à se rapprocher de ce système général, destiné à soumettre à l'unité de ses lois la diversité infinie tant géographique qu'historique des phénomènes de la richesse. Ainsi l'économie politique, ou plutôt, en se plaçant au point de vue de M. ~:huart Mîll, l'économie sociale est la science de la production, de la distribution et de la consommation des produits de la nature ou du travail humain ; et cette production, cette distribution tt cette consommation peuvent être idéalement ramenées à des lois communes qui doivent servir de b:,se aux tendances économiques de tous les peuples. 11 est clair qne la seule découverte de ces lois communes, classées scientifiquement, opérerait sans secousse et sans violence la fusion des intérêts actuellement en guerre dans le monde et résoudrait comme par miracle tontes les diilicultés sociales. Le devoir de tout hol!lme llensant est donc de rechercher si ces lois existent, et le premier pas à faire dans cette recherche est de mir comment la production pourrait être ramenée à des conditions égales pour tous dans sa diversité. L'économie sociale n'existe 11ipour le sauvage qui vit des fruits <le la terre ou des produits de la chasse et de la pêche, ni pour le barbare qui vit <lu croit de ses troupeaux. Elle 11ecommence que ùu moment où l'agriculteur, s'~tant approprié la terre et récoltant du blé au-delà de ses besoiüs, peut .en épargner une certaine quantité qu'il échange contre des r,roduits industriels : instruments aratoires, ustensiles, meubles, vêtements, etc., qui facilitent son travail et rendent la vie plus douce. A partir de ce moment l'industrie, jusque là concentrée dans la hutte du laboureur, a fait bande à part en vertu de la loi économique de la division du travail, et la vie sociale a pris une complication inconnue auparavant. Le producteur et le consommateur ne formant plus une seule et même personne, leurs intérêts divisés iloivent être maintenus en équilibre, pour que l'un ne sonffre pas tandis que l'autre jouirait au détriment de son voisin. L'industriel souffrira si l'agricul:c:,ur met un prix exagéré aux moyens de subsistance dont il dispose, ou s'il r1'achète qu'à vil prix les produits de l'industriel. L'agriculteur souffrira si ... mais ici évidemment l'agriculteur a la haute-main; car il peut se passer à la rigueur d'un ha1Jitneuf et l'industriel ne peut se passer de manger. Voilà donc des intérèts divergents qui peuvent et doivent nécessairement être la source de discussions, de querelles que la violence ne peut trancher sans injustice et sans oppression. 8'il plait à l'agriculteur de se reposer et de n'ensemencer que-pour lui, qui nourrira l'ouvrier des villes ? Si au contraire celui-ci met à son travail un prix tel que le labour0ur soit for ré d'aller en haillons. de dormir sous un toit défoncé, ou de creuser la terre avec une mauvaise bêche de bois au lieu d'un bon soc ùe fer, qui forcera le tailleur de se mettre à son établi, le couvreur à son chantier, le forgeron à son enclume ? Dans les sociétés antiques se présente ici le Deus ex machinâ, le dieu sortant .clesa machine sous la forme de monarque absolu qui promet de tout concilier ; dans les sociétés modernes la concurrence anarchique qui rétablit l'équilibre au hasard, comme l'ii':iondation torrentielle couvre également de sable et de pierres la plaine aride et le champ fertile. Expérimentées toutes deux, plus ou moins complètement, ces solutions n'ont empêché,.ni l'une "ni l'autre, l'ouvrier des villes de souffrir et le paysan de se plaindre avec amertume. Examinons d'abord la question au point de vue du gouvernementalisme absolu, et p0sons k:s termes du coutr:.t social explicite ou sous-entendu qui doit régir l'intervention du gouvernement dans les querelles et les intérêts communs ou opposés de l'industrie et de l'agriculture. Ce ne sera point une vaine hypothèse, car on peut retrouver à peu près cc contrat dans les régions tropicales où le planteur colonial, roi absolu de son habitation, a la prétention de donner à ses esclaves, en échange du travail qu'il leur impose, un logement sain, uné nourriture abondante, un vêtement suffisant, des soins éclairés dans la maladie, et une retraite honorable dans la vieillesse ; on le retrouve encore dans la commune russe où le staroste a de ~ême la prétention de Jistrib11er au colon une .i uste part dans la récolte due au travail forcé de cc dernier; et enfin en Egypte où Mehemet Ali, en jetant une poignée de riz et quelques mètres de mauvaise toile de coton au malL'HOMME. heureux fellah, s'ima:;inait remplir avec loyauté le rôle de père du peupl,c. Qu'il accepte ou qu'il usurpe cette haute fonction d'administrateur et de rég,ulateur suprême de la richesse publique, le gouvernement se charge en masse de la responsabilité qui pesait isolément sur tous les producteur~, et son premier devoir comme sou premier soin est de voir par quels moyens, avec quelles ressources il pourra faire face aux engagements qu'il sera forcé de prendre comme nous le verrons. Il n'y a point ici d'illusion possible, de faux-fuyant, d'à peu près : le gouvernement devi~nt le chef d'une maison de commerce dont le bilan présente d'un côté son AVOIR inr.ertain, flottant, non liquide ; de l'autre un nÉnrT clair, limpide, d'une profondeur effrayante qu'il faut combler à tout prix, per Jas et nef as, sous peine d'une catastrophe épouvantable. Et d'aboïd, établissons l'avoir : Par exemple c'est un beau capital qu'un pays comme la France, avec son territoire d'un seul tenant, sous le climat le plus favorable au développement physique et moral de l'homme, avec ses côtes sur l'Océan et la Méditerranée, ses lignes de défenses sur le Rhin, sur les Alpes, sur les Pyrénées ; avec ses fleuves dont les innombrables affluents portent partout la vie et la richesse. Ce capital ne se compose pas de steppes incultes comme en Russie, de rochers et de plaines arides comme en Espagne, de vallées privées de soleil et de montagnes couvertes de neige comme en Suisse, de maremmes pestilentielles comme en Italie ; mais il comprc:,nd des terres labo11rables, des prairies, des vignes, des vergers, des jardins, des plants de _mûriers et d'oliviern, des forêts, des mines de fer, de plomb, de cuivre, de houille, de sel gemme, sans parler des maisons, des palais, des monuments, des édifices publics, des manufactures, des moulins, des ponts, <les routes, des canaux, des chemins de fer, etc., répandus sans nombre sur le magnifique territoire de la vieille Gaule transalpine. Malheureusement pour l'hypothèse gouvernementale, ce capital est, en presque totalité, approprié anarchiquement à un certain nombre d'individus qui en usent et en abusent comme il leur plait, qui le venùeut, le cèdent, le donnent, le changent, le transmettent héréditairement à leur volonté, La partie du capital qui appartient directement à la communauté et qui se compose des routes, des ponts, des digues, des monumens, des édifices publics, a aussi une très grande valeur de premier établissement; mais elle ne p~ut compter à l'avoir que pour mémoire; car au lieu de se reproduire comme les autre:; richesses, son.,entretien et sou renouvellement, sont au contraire un objet constant de dépenses. Maintenant l'avoir social, dans son ensemble, pe11t-il jamais être directement daus les mains du gouvernement? Evidemment non : à moins de deux suppositions égalem:mt irréalisables Jans nos sociétés modernes. D'un côté, le gouvernemt11t ne pourrait devenir propriétaire de toutes les valeurs créées que par le çonsentement unanime de tous les détenteurs actuels ; de l'autre, il ne pourrait pratiquer l'expropriation en masse par la violence, sans avoir contre lui la presque unanimité des forces vives de la nation. • Il est inutile d'insister sur la première supposition : elle est inadmissible dans nos mœurs présentes. Quant à la seconde, le nombre des petits propriétaires s'est tellement accru, notamment en France depuis 60 ans, qu'ils ajouteraient une armée formidable et invincible à celle des conservateurs que la pcrsua:;ion n'aurait pu toucher ou que l'égoïsme jetterait dans la réaction. Ces petits propriétaires se précipiteraient dans la lutte avec une fur3ur, une énergie d'autant plus redoutables que pour eux les douceurs de la propriété ont encore tous les attraits d'une conquête récente et longtemps convoitée. Ainsi, pour le gouverneme1:t, l'avoir social tangible et palpable se réduit nécessairement, fatalement, à une prime, à un impôt, unic1ue ou non, qu'il faut arracher bon gré mal gré aux vrais détenteurs du Capital. Ainsi, le gouvernement daus les sociétés modernes, n'a et ne peut avoir d'autre ressource normale que l'impôt, et, s'il prend de nouveaux engagements en sus de ceux qu'il remplit déjà fort mal, il ne peut y faire face 1° qu'en augmentant l'impôt dans la proportion des nouvelles obligations qu'il contracte. 2° Qu'en augmentant le personnel gouvernemental dans la proportion <les nouveaux services <1u'il s'engage à rendre aux citoyens. Voilà donc ce prétendu régulateur suprême de la richesse publique réduit par la force des choses à l'état de parasite, d'intermédiaire, de teneur de livres dont les services discutables ne sont utiles qu'à la condition de présenter une économie sur ceux de l'organisation anarchique. Que devient dès-lors l'influence de cet agent sur la production générale, lui, dont tout le rôle se borne à demander humblement, ou à prendre effrontément aux producteurs le prix qu'il met à ses services réels ou imaginaires ? J.-PH. B'ER.JEAU, VARIÉTÉS. Edgar Quinet avait honoré, servi la France et par ses livres, et par son enseignement. Le Deux Décembre le chassa comme tant d'autres et il expie depuis trois ans, en exil, c-es deux grands ct-imesdu temps, le talent et le caractère. Comme Victor Hugo, comme Eugène Sue et quelques autres, il emploie ses loisirs forcés à continuer la propagande, la propagande qui est la guerre, la grande g·uerre contre la •nuit, et, cette fois, ce n'e:et point de la fantaisi(', c'est de l'histoire qu'il nous doune sous ce titre, à 1a. fois appel et sou venir : Fondation de la Républigut des Provinces- Uuies. Nous empruntons à ce livre remarquable le chapitre suivant: , La même révolution religieuse qui a créé une Hollandé politique a créé l'art hollandais, eu sorte que l' ou a ici le spectacle d'une nation qui, née d'un€ parole comme le chêne du gland, s'épanouit dans une unité vivante, où la religion, la politique, l'iudustrie, l'art, ne sont que les formes diverses d'une même pensée. Depuis la réforme, les scène3 de la Bible n'apparaissent plu:s à travers les traditions accumulées de l'Eglise. Tous les temps intermédiai,es entre le christianisme primitif et l'homme moderne sont abolis ; le moyen âge disparait effacé comme par enchantement. La perspective du monde étant changée, l'antiquité chrétienne semble d'hier. De là une réalité saisis,ante dans la peinture hollandaise. Le divin s'.::st rapproché de seize siècles; il est descendu des hauteurs de la liturgie. L'homme s'imagine le rencontrer et le toucher à chaque pas. Le Christ n'est plus relégué dans le lointain obscur cle la tradition ni enfermé dans le tabernacle du saint des saints. Il est là, il passe dans la rue, il monte dans la barque, le voilà qui traverse le lac de Harlem. • Et ce n'est pas seulement le temps qui disparaît, c'est tout ce qui servait d'intermédiaire entre le Dieu et l'homme. Plus de pompes ni de fNes, à peine un reste de culte ; le christiariisme interprété non par les docteurs ou les Pères, mais par le peuple ; chacun marchant sans guide dans sa voie particulière, comme si le monde moral datait d'un jour : d'où la simplicité des Ecritures poussée jusqu'à !a trivialité; les objets plus vrais, plus réels, mais dépouillés de la pers-pective grandiose de l'éloignement dans le temps; 0011 "Plus l'église, la maison du prêtre, mais la demeure, ·Je foyer du pauvre laïque ; sou toit de chaume, ses meubles familiers, son champ, son bœuf, son cheval, ses vases de terre ou de cuivre, tout ce qui porte témoignage de l'individual:té humaine: Là est la révolution du xvre siècle, là est aussi la peinture hollandaise. Comment les biographes de Rembrandt et ses interprètes ont-ils oublié jusqu'ici son caractère de réformé? Ce devait être'le point de départ. Rembrandt est l'historien des Pays-Bas bien mieux que Strada, Hooft ou Grotius. 11 rend palpable la révolution, il l'éclaire à son insu de mille lueur:::. D'un autre côté, elle le montre tel qu'il est, elle le dévoile ; sans elle, il resterait une sorte de monstre inexplicable dans l'histoire des arts. Sa Bible est la Bible iconoclaste de 1\farnix; ses apôtres sont des mendiants; son Christ est le Christ des gueux. Une partie de ses œuvres est même connue sous ce titre. Le peintre est arrivG le lendemain du sac de la vieille église par le$ briseurs d'images d'Anvers et d'Amsterdam. Au lieu des magnificences pontificales de la peinture italienne, il ne reste ici que l'offrande d'une église dépouillée, mise à nu, qui n'a d'autre faste que son humilité : monde de mendiants, de paralytiques, de paysans déguenillé~ (gheusii, sylvatiei, gheusii aquatiles ), Lazares qui semblent tous se lever et porter leurs grabats à l'appel du Christ renouvelé de la réforme. Quand je me mets à la suite de ce cortége de misérables, je reconnais le caractère que je viens de montrer dans la réforme des Pays-Bas; j'entends un écho de ces mots de Guillaume d'Orange : " Nous ne sommes pas fournis suffisamment de personnages de qualité." C'est ici une cité de refuge. La multitude des bannis, des outlaws, des exilés de toute nation, de toute origine, qui affluent, dépouillés, ruinés, vers les Provinces-Unies, donne aux foules, dans Rembrandt, une variété de types, de physionomies, de races, qu'aucun peintre n'a égalée. Jamais hommes ne furent 11lus dénués, mais sous ces haillons ils gardent une singulière ténacité morale. On dirait qu'lls murmurent entre eux le Wilhelmus-Lied ou les psaumes de Marnix. Ces Samaritains blessés qui, de tous les coins de l'Europe, sont apportés sm le seuil de la Hollande, sont nus ; ils ont froid. Rembrandt les couvre de ses haillons demi-flamands, demi-orientaux ; ils lés réchauffe à la flamme inextinguible de ses rayons. C'est la récompeuse, le couronnement ici-bas de ces petits marchands, de ces manouvriers, de ces gens de trafic, de tous ces pôvres gueux, d'une âme si fortement trempée, qu'aucune adversité n'a pu les· abattre. Ils faisaient l'admiration de Guillaume et-de Marnix. Le peintre leur a ouvert son Panthéon populaire. Rembrandt a rompu avec toute tradition, comme son Eglise avec toute autorité; il ne relève que de lui-même et de son inspiration immédiate. Il lit la nature, comme la Bible, sans commentaires étrangers. Aussi donne-t-il l'impression d'un monde nouveau, d'une création spontanée qui'vient d'apparaître, sans analogue <fansles règnes précédents. Un Etat surgit tout armé d'une grève déserte ; un art splendide naît de lui-même, sans ébauche, sous le pinceau du 11eintre. Quand Rembrandt peint les
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