• -SCIENCE.- -SOLIDARITÉ.- JOURNALDELADEMOCRATIUENIVERSELLE. ANGLETERRE ET CoLONTÈs : Pourt L'tTRANOElt : N' 44. - MERCREDI, 27 SEPTEMBRE 1854, 1 (Jersey), 19, Dorset Street.-Les manuscrits déposés ne seront pas rendus. - ON s' ABONNE : A Jersey, 19, Dorset street. - A Londres, chez M. Zmichowski, 28, Greek-street, Soho Square.-A Genève (Suisse), chez M. Corsat, libraire, rue Guillaume-Tell. - Un an, Il shillings ou 10 fran es. Six mois, 4 sh. ou 5 fr. Un an, 12 fr. 50. Six mois, 6 fr. 25. Ce .Jou1•11al parait une fei11 par se111aine. Toutes lettres et correspondances doivent être affranchies et adresgée~ au bureau de l' Imprimerie Universelle à St-H~Iier On se doit aux. hommes qui font le service actif et qui tiennent labrèche : voici donc, tout travail personnel supprimé, une lettre adresséepar Mazzini à M. Fazy, de Genève. Ce Monsieur Fazy était, jadis, un de nos plus ardents soldats et propagandistes. Qua11tumrnutatus ab illo ! A MONSIEUR F.A.ZY. Monsieur, 1e ne vous estime pas. Il m'est donc parfaitementindifférent qu( vous écriviez_'pour ou contre moidans votre journal. .Mais vous représentez toute une classe de faiseurs journalistes. Vous êtes l'exposant, je· ne dirai pas d'un parti- un partis'appuie st r des principes/et vous n'avez que desimpulsions et des intérêts -mais d'une faction quigreffe d~p11islongtemps sur l'arbre des libertés suissesla mauvaise plante de/immoralité politique doctrinaire française, et il ne sera peut-être pas inutileque je leur adresse sous votre couvert quelquesmots de réponse. Je profite des loisirs que mefait votre Conseil fédéral. J~ ne m'attendais pas, Monsieur, à vous trouver juste, impartial, généreux. Je pensais que vous seriez habile dans vos attaques. Vous l'étiez autrefois. Vous ne l'êtes nullement dans ce qu'il vousa ~lu d'écrire contre moi dans la Revue de Genève. La chute vous a évidemment affaibli. Le point d'appui de vos facu,ltés n'est pas en vous, dansvotre conscience : il est au dehors. Vous êtes de ceux que le succès seul inspiré. J'ai cité des •faits : vous ne les expliquez pas. J'ai tracé, assez largement, les droits du Gouvernement suisse à l'égard des proscrits italiens, et j'ai accusé le Conseil fédéral d-eles dépasser. Estce vrai ou non '? Vous n'en dites rien. J'ai dit que l'asile réduit à une protection accordée à nos corps, réduit à la simple formule : olt ne prend pas chez .nousles sujets de l'Autriche, et à condition que nous abdiquions notre âme, nos croyances, nos devoirs, notre culte '})Ourla patrie, nos amis ·et nos correspondances avec eùx, serait 1me ironie ·et un outrage au malheur : vous me r-épondez que je ne doispas confier mes correspondances à la poste. Merci : je ferai profit du conseil, si jamais vous êtes au pouvoir à Genève et que je m'y trouve. Mais est-cP-là la question? Vous glissez à côté, vous ne la touchez pas. J'ai beau lire et relire votre article, cherchant à y trouver un argument, une dénégation, quelque chose que je puisse sai~ sir. Je n'y trouve rien, si ce n'est un mauvais tour dejésuite et une confession naïve de la politique matérialiste qui adore le succès et qui vous a toujours dirigé. Le Gouvernement fédéral suisse, dites-vous, n'agit pas contre nous pour l'Autriche; c'est contre 61\equ'il agit en nous persécutant : il emp~clteque mes efforts ne continuent de servir de prétexte à f Autric!te pou1· sans cesse ltarceler la Suisse au sujet de l'asile, etc. C'est le tour de jésuite .. En vérité, réfute-t-on des choses telles que cellelà? et ne devrait-il pas suffire d'en appeler au bon senset à la conscience de toute la Suisse ? Comment! les populations de ia Lombardie manquent d'armes pour se soulever contre les Croates qui les oppriment : je cherche - c'est votre hypothèse-à leur en envoyer : vons saisissez les armes au passage; et c'est contre l'Autriche que vous travaillez en faisant cela '? Des proscrits jouissant -dequelque influence dans leur province s'apprêtent à s'y rendre pour communiquer à leurs concitoyens les faits extérieurs que la triple muraille chinoise élevée par les prêtres, par les douaniers et par les gendarmes, empêche d'être connus en It~lie; yous les arrêtez, vous les retenez longtemps prisonniers, vous les poussez ensuite au-delà des mers; et ..c.'.est à nous que vous rendez un service, c'est à l'Autriche que vous faites injure? Nous correspondons, par des émissaires, avec l'intérieur; vousnous éloignez tous des cantons frontières ; et c'est l'Autriche qui devrait vous adresser des reproches? Nous imprimons nos pensées ; nous publions des Revues, f ltalia del Popolo, par exemTrois mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. Trois mois, 3 fr. aO c. Belgique, chez tous les libraires. - A Madrid, chQZ Casimh' Monnier, libraire. ple, qug •nous faisons paraître en 1~51-52, à Lausanne; nous exposons nos principes qui sont ceux de la Suisse : écrivains, publicateurs, expéditeurs, teneurs de reg·istres, vous chassez tout en masse; et c'est le parti national italien qui vous doit de la reconnaissance ! Nos efforts, prononcez-vous, sont ridicules et impuissnnts. Qu'êtes-vous, qui êtes-vous pour en juger? L'insuccès de Saragosse n'a-t-il pas précédé, enfanté peut-être le succès de Madrid { Les derniers reflets de l'incendie de Mayenberg n'éclairèrent-ils pas la victoire de Sempach? Le massacre de ,v esen ne fut-il pas le prélude de N refels? Vous avez vu en Europe, pendant les derniers vingt ans, dix révolutions précédées par cinquante émeutes; saviez-vous à l'avance quelle était l'émeute, quelle était la révolution? Savezvous si en étouffant une de nos tentatives vous n' ~touffez pas la liberté italienne au berceau ! Voilà un homme tout près de vous qui se noie : il rencontre dans son ag·onie une poutre surnageant et que le courant, il le croit du moins, poussera lentement vers la rive; il cherche à s'y cramponner; mon ami, lui dites-vous, tu te méprends : cette poutre,je le crains bien, est pourrie, elle va se briser, et vous la poussez loin de lui. Ah, le rôle que vous prêtez à la Suisse n'est pas beau, M,oBsieur; c'est celui des valets de l'inquisition, qui étranglaient don Carlos en lui disant: Todo queJe tiace es 710s pe bien. Le rôle du Conseil fédéral est du moins plus franc : il dit : Voilà un homme plus fort que moi qui me dit de t'é_qor, 1er ; j'ai peur :je t' egorge. Comme la France bombardait Rome pour la sauver de l'Autriche, vous dites, vous : je n'ai pas peu.r,je vais te sauver, et vous étouffez &n embrassant. Non, rentrez dans le vrai, ayez le courage du mal que vous faites; le rôle que vos hommes d'Etat font jouer en ce moment à la Suisse est assez triste sans l'hypocrisie que vous voulez y ajouter. Vous servez l'Autriche, vous traînez dans fa boue des chancelleries le drapeau de ,..felll vous mettez la Rép 1 .1blique à genoux ,devant l'étranger. On persécute à Genève en conséquence de dépêches télégraphiques de Paris. Les perquisjtions domiciliaires se font dans le Tessin par suite de communications partant de Milan. C'est du Piémont que vous viennent les renseignements sur lesquels se rédigent les circulaires qui me prêtent une collection de passeports. C'est_pour plaire à l'Autriche que M. Furrer offrait, il y a trois mois, la liberté à un de mes amis, alors au secret à Berne, à condition qu'il me trahirait en dénonçant mon asile. C'est pour plaire à Turin que vous anéantissiez, vous, M. Fazy, il y a trois ans, le document ministériel qui accréditait l'espion Paschetta à Genève, manquant à la fois de conscience, d'énergie, de sentiment du devoir, du saint orgueil des traditions nationales, le gouvernement de la Suisse traîne aujourd'hui sa noble patrie de couardise en couardise, d'immoralité en immoralité, daus ces bas fonds de police et de diplomatie monarchiques où se perdent l'honneùr et l'avenir des pays. Par peur de pouvoirs qui mourront peut-être demain, il isole la Suisse dans l'Europe qui doit se faire, il lui ravit une à une toutes les sympathies populaires; il la perdrait si Dieu et l'oubli que nous serons, Monsieur, les premiers à prêcher, n'étaient pas là pour la sauver. C'est là la vérité de la situation. Vous disiez ces choses, Monsieur, en 1833. Vous les disiez avec beaucoup d'énergie contre les gouvernements suisses qui tenaient la conduite que vous tenez aujourd'hui. Et vous les disiez après un fait bien autrement éclatant qu'aujourd'hui, l'expédition de Savoie, pour laquelle vous aviez longuement conspiré avec moi. Pourquoi donc dites-vous tout le contraire aujourd'hui? J'insérai en 1834, sur votre demande, dans votre Europe Centrale, deux articles intitulés Passé et Pré.,ent, bien plus acerbes de repro~hes, 3 CHAQUE NU~~ÉRO : . 1 pence ou v aous. 'l'ous le■ abo111111e1nen• se paient d',n·an12e. ~i,en. plu~ hai;dis. d'exigences que tout ce que J ecns auJourd hm. Quelques personnes les attribuèrent à M. Richard, d'Orbe. Et vous fîtes paraître, taut vous teniez· à établir votre solidarité avec le contenu, une déclaration portant qu'.ilsappartenaient, ce qui n'était pas vrai, à la collaborat10n habituelle du journal. Comment ce qui était alors juste et vrai se trouve-t-il être aujourd'hui injuste et déclamatoire -~ Vous me <lisiezen 1849, en me serrant la main: " Restez à Genève, je romprai des lances tant que vous voudrez c,mtre le gouvernement central!" J'ignore le motif qui vous faisait alors me parler ainsi. Mais pourquoi écrivez-vous aujourd'hui d@ mauvais article:; contre moi ai1 lieu d'en écrire con• tre Berne'? Est-ce parce que j'ai été lié d'opinions avec Albert Galeer, bon, calomnié comme tous lc·s bons, et que vous avez, vous, Monsieur, tué de chagrins et d'ignobles persécutions? Est-ce parce que je suis lié d'opinions avec M. Vettiner, qÙi a contribué à vous-·renverser et qui s'en fait,je crois, honneur? Etes-vous donc doué de penchants si despotiques qu'on ne puisse avoir d'amis que parmi vos souteneurs, d'ennemis que parmi ceux que vous haïssez? Oui, c'est bien aussi cela. Homme de petit~~ passions et de petits ressentimens personnels, vou1 n'hésitez pas à leur sacrifier la vérité à mon égard. Vous savez bien qu'il n'est pas vrai que j'aie conseillé l'alliance entre les conservateurs et les démo~ crates : ils n'avaient pàs besoin de mes conseils pour trouver, les uns et les autres, votre gouvernement mauvais. Vous savez bien qu'il n'est pas; vrai que j'aie favorisé dans un but politique des conversions au protestantisme; je crois en quelque chose au-delà de ces deux communions qui harmonisera ces deux principes ég;alement sacrés pour moi : la tradition et la conscience individuelle. Et cependant, ce ne sont là que les causes occasionnelles, secondaires. Je vous connais, Monsieur. Vous êtes, vous et les vôtres, la queue de cette faction qui, depuis 111. comédie des quinze ans, a perverti sous les dehors du libéralisme, la cause de la liberté ; qui a tou• jours, depuis 1830, trahi nos meilleures espéranceg ;· qui a déserté ses engagements envers le ptmple et les peuples aussitôt qu'elle eut atteint son but de classe ou d'individu; qui a partout substitué les intér~ts aux principes, ,les droits personnels au devoir commun ; qui a depuis longtemps pour dra- • peau, en religion, l'indi.fférence, en économie le laissez-Jaire, en politique le fait accompli; faction is~ue des grandes luttes du -XVIIIe siècle, composée aujourd'hui de matérialistes sans portée, sans audace, sans vigueur de pensée·, qui a honteusement abouti à la formule sensualiste le pouvoir pour le pouvoir. Moi, j'ai tot]jours fait la guerre, guerre franche et loyale, non de persécutions et de calomniés, à cette faction. Je l'ai faite avant, pendant et après, dans mon pays, hors do mon pays. C'est pourquoi je vous déplais. Vo~s avez changé : je n'ai pas cbangé. Vous savez que jamais je ne changerai. C'est pourquoi vous voudriez m'anéantir. Je Ilesuis rien par moimême, mais je suis pour vous tous, hommes qui avez commencé p, r compter dans nos rang·s, un reproche, un vivai;t remords. Je n'ai pas réussi, dites-vous, et c'est bien en ce mot que se résume votre système. Persécutez donc jusqu'à la réussite. J ~ ne vous envie pas votre rôle. Seulement, n'oubliez pas entièrement une chose : nous avons été tous les deux malheureux; mais je suis descendu du pouvoir que j'exerçais à Rome avec mes collègues, au nom de la RépubliquP, par la force des. bay11nnettes étrangères; vous, ·Monsieur, vous êtes descendu de celui que vous exerciez à Genève par le vote de vos concitoyens. Entre malheur et malheur, permettez que je préfère le mien. Septembre, 1854. . Joseph MAZZINI.
L'IlOMME. ______________ ___:_-=--:_::__ ____ -;--- ___ ~----- Les ùiverses colonies de la proscription française sont toujours rudement frappées, et le <levoir rempli nous -coC\.tera cher. A Jersey, cet oasis des vents, la mort nous d_écime.. En Suisse, en Belgique, en Espagne môme, les poltces alliées sout nuit et jour en chasse contre nos hommes, et_ en Angleterre, pays de solidarité fraternelle ... -pour les cluens et pour les chevaux, on nous laisse la grande liberté de la faim. Aussi, sous l'ac0aolante nécessité, 'les aéparts pour l'Amérique sont-ils de plus en plus fréquents, et chaque semaine emporte de 1~ouveaux soldats qui manqueront au rang. Qu'est-ce, ,pourtant, que cette Amérique où vont tous les rêves du désespoir? Voici qu .:lques <létails un peu trop empreints •peut-être de nostalgi·e et de désenchantement, mais que nous croyons utile de publier, dans l'intérêt et pour l'instruction de ceux qui restent. Ils sont extraits d'une lettre adressée par un des der~ niers émi~rants à un ami de Londres : " Ceux qui écrivent à Londres que tout va biel\ ici sont bien coupables, car c'est juste le contraire qu'il faudrait dire. Ce qui va mieux, c'est l'état de cuisiuier, tout le monde est d'accord à ce sujet, et cependant Pelletier n'a pu encore rien trouver. Plus de 2000 ouvriers menuisiers, charpentiers etc. sont sur le pavé, et Augsbu:ger, pas_plus f{Uelfs autres, n'est encore embauché. Le prix de la Journée est de 5 à 6 francs. Les meilleurs ouvriers cordonnier~ vont quelquefois.jusqu'à ,10 fr., c'est très rare, les mécaniciens, quand ils trouvent à se caser, gagnent de 6 à 12 f. Marche est obligé d'être manœ11vre à :30 f. par semaine ; ainsi, tu le vois, c'est bien loin de· ce que nous croyions. " Ceux qui gagnent le plus, ce sont les hommes forts, "igoureux, qui, toute une.journée, manient un marteau de 45 livres pour réduire des rochers en pavés ; leur journée varie de J 2 à 15 fr. Les hommes employés aux petits travaux ne gagnent que 3 fr. 60 cent. et sont obligés de donner 2 fr.50 de pension sans boisson aucune-; ainsi, tu le vois, c'est moins qu'en ELlrope. " Ce que l'on peut faire ici, c'est le commerce, mais il faut des fonds et c'est ce qui nous manque ; ·puis c'est un "enrc de commerce qui ne conviendrait pas à tous les fempéraments ; il faut faire banqueroute 3 ou 4 fois, brC\.- ler une ou deux fois son magasin et on réussit; quelques uns réussissent loyalement, mais c'e,t bien rare. Il y a encore l'agricultur~, mais il faut travailler longtemps., bien longtemps, et souvent on meurt avant d'avo!r ré_a~iséle fruit de ses sueurs. On ne voit prescp1e pas de v1C11lards de 60 ans. " " Somme toute, mauvais pays : 4 ou 5 incer,dies par jour, 2 ou 3 assassinats, une infinité Je banqueroutes, tel est le bilan de chaque jour. " Ne crois pas que je charge la situation, elle est exacte, et cela ne va pas mieux ailleurs ; dans ln maison où je suis il arrive chaque jour des ouvriers de toutes les parties rle l'Amérique; tous sont d'ac~ord pour dire que beaucoup meurent après avoir végété et que bien peu réussissent. (Comme partout, beaucoup d'appel6s, peu d'élus.) .Quand le choléra a dépeuplé un pays, l'ouvrage abonde pendant quelque temps, ceux qui restent sont pay6s très cher, mais bientôt cette nouvelle se répand, tout le monde y court; il y a affluence, trop plein et nécessairement déception et misère. Figure-toi qu'il arrive ici journellement et régulièrement une moyenne de deux mille émigrants! Serre la main aux amis et fais tous tes efforts pour ·empêcher de partir ceux ·qui voudraient venir nous rejoindre; misère ici comme là~bas, et de plus on est sans nouvelles du pays et on ne retourne _pas quand on voudrait. " Salut fraternel, .M....... " Ainsi le Nouveau-Monde serait aussi difficile aux pauvrei que l'Ancien! Nous ne croyons pas qu'il en soit tout-à-fait ainsi ; mais les deux srJciétés, sous des formes différentes, sont du même passé, du même sang, et se touchent en certains points. La jeune Amérique a beaucoup des vices de sa mère. . Que peuvent et que doivent faire, en ces extrémités, les proscrits, martyrs du devoir ? S'entr'aider et garder vivante la 'foi qui nous rallie, comme on le tente en ~elgique, à Jersey, comme on le tente à londr~s, quoique par groupe et séparément. . Si nous ne pouvons av.oir l'unité de personnel qm ~onnerait la concentration des forces, faisons tle notre mieux •dans ces groupes cl'adoption, et pour le pain et pourl'idée. N011s nous garderons ainsi plus dignes et plus forts, soit pour l'épreuve, soit pour la lntte ! LAQUESTIOSNOCIALE. Il faut que le travailleur s'empare révoluti~nnairement de l'instrument de travail. Cela est un des pomts les plus importants de la propagande que nous a~ons ~ faire si nous sommes vraiment socialistes et révolutionnaires. Cette prise de possession est nécessitée par l',impo_ssibilité reconnu12de faire participer tout le monde aux bienfaits de la propriété telle qu'elle existe aujourd'hui, e~ de la Mnveraineté politique q_ui en est la con!!équenee, 1mpossibilité qui ne laisse à la Révolution qu'une voie : celle que j'indique. . , . Cette prise de possess10n est encore necess1tée par les pr 1 ogrès mêmes de la science et de l'industrie, par l'introduction dans le travail de machines de plus en plus puissantes, de forces illirnitéés et impersonnelles comme la vapeur, l'électricité, l'air comprimé &&. Ce::point de la question mérite d'autant plus notre attention qu'il est un de ceux sur lesquels les économistes ont laissé à plaisir s'entasser les ombres. Certes, tout le monde admire, et moi le premier, les découvertes de la science et les applications magnifiques qui en sont faites à l'industrie. Comme tout le monde, dans cette science qui nom; rend maît:·e.~ du glob:: en nous ·le faisant connaîtr2, je vois la raison même du progrès. Dan::s ces machines que l'homme a créées, et qu'il a animées du souffle des forces invisibles et des fluides impondérables, je vois un monde d'esclaves puissants et terribles, mais admirablement obéissants, car ils 'ne souffrent pas à obéir, qui feront un jour pour tous les hommes ce que l'esclave faisait, au prix de sa vie, pour la famille aristocratique qui dans l'antiquité constituait toute la société. Oui, je vois tout cela, et je sais tout ce qu'on peut encore dire : que la vapeur forcera les peuples à la fraternité; que le télégraphe électrique leur ·permettra l'exercice direct de la souveraineté, rendant les assemblées de nombreux millions d'hommes sur d'immenses ·territoires aussi faciles que les réunions des quelques mille dcoyens d'une cité antique; que les ballons ..... . mais n'anticipons pas. Je sais que notre -plus grand adversaire, l'Eglise, traite les chemins de fer d'inventions diaboliques, et je me dis: cela est nécessairement bou, puisque les saints mrnistres de la sainte religion le condamnent si saintement. 111:aiscependant, malgré ces excell-enteB raisons, je ne puis pas trouver que le chemin de fer qui transporte en quelques .heures assez de troupes .pour écrase_r une ville révoltée soit, pour le moment, un agent de progrès. Je ne puis pas non plus me sentir pris de respect pour le t~légraphe jouant aux: mains des Bona partes~ et, quand je vois les populations, à certains jours de révolution, se rmr à la. destruction de q11elttuesunes de ces machines contre lesqu~lles leurs bras ne peuvent lutter dans le champ de la concurrence, je èherche la raison de cette haine ailleurs que dans la perversité de ces pauvres gens à qui il serait beaucoup -plus utile de clonner du tra\·ail et dP.s raiso11s que les épithètes si libéralement accordées, en tout pays, de brigands, de partageux, etc., le t'Out constamment appuyé sur .,f,'ultima ratio des. bayonnettes et de la prison. Il y a une raison à cette haine de certains ouvriers contre les machines, et une raison profonde. Seulement dans leur haine toute d'instinct, ils s'en prennent stupiùemeht à la machine, comme l'enfant qui bat le sol où il est tombé. Et les maîtres se gardent bien de faire sur ce point une véritable lumière ; et les économistes patentés du gouvernement, et les publicistes tolérés s'en gardent bien aussi : parce qu'ils savent "bien que le jour où l'ouvrier comprendra 'lue ce n'est pas la machine qui est funeste et détestable, mais l'ordre de choses au pro'fit dnquel elle agit, et qu'il ne faut plus songer à détruire la machine, mais à s'en emparer et à la faire agir au profit de tous; ils savent bien, dis-je, que ce jour-là la haine contre la machine s'évanouirn, et que la haine contre l'ordre de choses actuel, enfin éclairée, s'en prendra à la chose vraiment funeste et haïssable, le privilège du maître. Mais comment cette haine n'existerait-elle pas tant que les machines sont aux mains des riches un instrument de plus de l'exploitation de_spauvres ? Les bras de l'ouvrier peuvent-ils lutter contre la machine? Evidemment non. Partout donc où l'ouvrier est en concurrence avec la machine, il- est perfü1. Qui pourrait croire que l'ouvrier ait besoin, de r.aisot1ner pour comprendre cela? Il le sent : c est bien mieu-x. La preuve qu'il ne raisonne pas ou raisonne mal, c'est sa conduite : quelle plus grande folie que de ·s'en prendre à la machine! Cependant, ,si dans son raisonnement et dans sa conduite l'ouvrier a tort, dans son instinct il a raison. C'est à nous à éclairer cet instinct, à lui montrer la ,,oie qu'il cherche, ou bien nous manquons entièrement à n_otre fonction révolutionnaire; nous n'avons pas de raison d'être, et, dans ce cas, Bonaparte n'aurait pas clü seulement nous exiler, il aurait dü nous supprimer. Non, il n'est pas vrai que la vapeur, l'éle~tricité, toutes les forces naturelles découvertes par 1 homme soient des agents fatals du progrès. Ce sont des forces inconscientes et voilà tout. Comme le fer, l'or et la parole qui ont été à la fois agents de civilisation et agents d'oppression, les forces invisibles et les fluides impondérables n'ont en eux-mêmes aucune moralité. Ils rie sont ni bons ni mauvais que selon l'usage auquel la liberté humaine les fait servir. Par ces forces employées au bien, l'homme peut s'~- lever à un degré de puissance, d'intelligence, de liberté, de beauté dont il est impossible cle prévoir la fin. Par ces forces employées au mal, il peut descendre au dernier dègré de l'exploitation de l'homme par l'homme, à une décadence sociale complète. Il est bien commode de se dire : quoiq11'il arriyc, le progrès est dans le plan providentiel; le triomphe de la 1 justice n'est qu'une question de temps; rien ne rsaurait l'empêcher, et de s'endormir dans cette confiance béate que Leibnitz flétrissait du nom de raison paresseuse. Mais si le progrès est dans le plan providentiel, la liberté de l'homme y est bien plus encore, et le progrès humain est soumis à l'action de cette liberté humaine. Que le souffle de la création elle-même soit dans ces forces de la nature, je ne le nie pas; mais il est encore bien plus dans la volonté de l'homme qui dompte ces forces et en fait ses humbles esclaves. Il est donc absurde de dire que des forces inconscientes sont dlls agents fatals du progrès aux mains d'une volonté libre de qui ee progrès dépend. Supposons un instél'Tltque le socialisme est mort; que nul dans le monde n'élève de revendication contre la propriété, la religion, la cité telles qu'elles sont aujourd'hui constituées; que le capital, dieu véritable et unique de cette société, est reconnu sans contradiction comme juste, intelligent, bou, beau et infaillible en, soi ; que tous consentent que tout droit, toute force, toute vertu viennent du capital et y retournent, qu'arrivera-t-il? C'est qu'en moins de temps qu'on ne le croit généralement, la société offrira le s,pectacle de quelques richissimes propri6taires tenant en main toutes les forces sociales et forçant l'humanité tout entière à ne vivre que pour eux, à travailler et à mourir à leur merci. Le sort de !'Irlandais, voilà ce qui, dans cetre voie, attendrait l'immense majorit6 des hommes. Et les découvertes de la science, et la vapeur et les machines ne feraient que mener plus vite la société vers•cet idéal de la dégradation sociale. Cette supposition est-elle une pure fantaisie, une impossibilité, uae chimère? je le souhaite. Mais enfin on a vu des civilisations :::'éteindre, des nations perdre leur génie et leur puissance, et des lumières qui avaient brillé d'un éclat incomparable disparaître pour bien longtemps de la face du monde. Pour ma _part, en voyant quelquefois l'immense lâcheté des peuples envers les Ploutocraties qui les oppriment ; en me trouvant d'autrtfuis, au milieu des hommes les 1 meilleurs, obligé de me débattre contre les théories cle non-résistance qui laisseraient la tyrannie sans contradiction sur la terre; en entendant, parmi ceux même qui se disP.nt révolutionnaires et qui souffrent pour leurs opinions, des voix, échos inconscients du vieux monde, méconnattre les vérités les plus simpl~s, les d_roits les plus clairement lisibles au front de toute créature humaine, femme ou homme; je me suis demandé avec angoisse si les sociétés européennes allaient à une renaissance ou à une décadence complète, et si, de:: cette fièvre terrible, nous allions nous relever ou mourir. Sans doute la mort elle-même serait suivie d'une renaissance; mais quand? Dans toutes les choses-où la liberté h11maine se mêle, il n'y a rien de fatal; les sociétés européennes peuvent se sauver ou non, selon qu'elles oseront ou n'oseront pas franchir la crise terrible de la Révolution. Mais il faut bien le dire : au point où en sont arrivées les choses, la Révolution seule peut les retirer de la mort où elles s'en vont d'un pas rapide ; et il faut ·que cette Révolution soit profonde. Plus profonde elle sera, plus salutaire elle sera aussi. -011 conçoit que la Révolution ne serait pas nécessaire dans un société où les sciences sociales marcheraient du même pas que les sciences physiques, et où, en même temps que de nouvelles forces s'introduiraient dans l'industrie, de nouveaux rapports de justice s'introduiraient parmi 1es hommes. Mais puisqu'il n'en a pas été ainsi, et puisque les forces nouvelles, en l'absence ùe rapports de justice nouveaux, ne font que profiter à quelques-uns au lieu de profiter à tous, et mises ainsi au service du mal, du privilége, de lïnégalité, ne font qu'agrandir le mal dans des proportion~ monstrueuses, il faut forcer par le fait révolutionnaire l'introduction de ces rapports de justice nouveaitx dans la société. La considération ~es machines r1'est certes pas indispensable pour prouver que le travailleur a droit à l'instrument de travail; mais elle est très utile pour prouver qu'il doit le prendre révolutionnairement; que c'est pour lui une nécessité de vie ou de mort. Car de ce que la société a été en progrès dans l'application à l'industrie des découvertes faites dans les sciences physiques, et de cc qu'elle a été en retard dans l'application à l'associatiou humaine des découvertes faites dans les sciences sociales, il est résulté un état de maladie véritable qui ne peut être guéri que par une crise révolutionnaire, crise que nous avons mission de provoquer . Pour provoquer cette crise, il fa11tnous appuyer snr ceux qui y ont le plus grand intérêt et_éclairer cet instinct populaire qui se manifeste en mal, lui aussi, lorsqu'il s'en prend aux machines, mais qui se manifestera en bien lorsqu'il s'en prendra au privilège de l'exploiteur. Connaissons donc bien la situation .. Avant 89 la féodalité pesait sur le travailleur et sur la terre ; sur l'homme et sur la chose. Par la première Révolution française l'affranchissement seul de l'homme a eu lieu; la terre, l'instrument de travail est resté sous le domaine seigneurial du maître. L'homme y a gagné d'être libre en apparence (liberté d'aller et de venir si comiquement restaurée dans la constitution Marrast) mais d'être Yot16à la misère par la
rupture du lien entre le travailleur et l'instrument de travail. , Il faut aujourd'hui que l'homme rentre en communion avec la tnre ; et pour cela il faut ôter de dessous la main du maître l'instrument de travail qui y est resté et snr lequel pèse encore vraiment le régime féodal. Voilà, si je me suis bien fait comprendre, c11 quoi la RéYolution actuelle diffère de la Révolution de 89-93 et en q11oielle en est la suitè et la continuation. Avant la Révolution l'homme était en commu11ion avec la nature sous la main du maître : la Révolution ne sera faite que lorsque cette communion de l'homme et de la nature sera rétablie dans la liberté. Si par la Révolntion le peuple ne renoue pas ce lien entre la nature et lui en s'emparant de l'instrument de travail, la décomposition sociale continuera. L'écart que j'ai signalé dans la marche de la société au point de vue <less. ciences physiques et au point de vue des sciences morales ira en s'élargissant, et l'inégalité deviendra telle que de nouveaux rapports cle justice seront impossibles à établir dans un monde qui sera en complète dissolution. Les inventions mêmes de la science contribueront à hâter la chûte des sociétés européennes : car les machines, au lieu d'affranchir tous les hommes des travaux répugnants, au lieu de diminuer le temps dne travail pour tou:,, au lieu de rejeter les ignorants, en leur donnant plus de loisirs, dans la vie morale et intellectuelle, les rejetteront dans la misère et dans la mort. Certes, on ne fait pas de p<:trcilstableaux var pure fa11taisiP et par amour de l'art. On ne les fait même que lorsqu'on a le puissant désir de conj~er un avenir aussi menaçant, la ferme résolution de dire la vérité telle q11'on la conçoit, l'espérance de convaincre ceux (les ouvriers at les paysans) de qui dépend le sort de la Révolution et de la société, et la foi d'être compris et appuyé par celles et ceux qui ne veulent pas mourir. Alfred ÎALANDIER. F.RRATA. - Dans l'article du num6ro ·41, on lit: "La femme doit s'inquiéter seulement de faire des enfants le plus prompte1111Cnt possible,'' c'est" proprement" qu'il faut lire. '' Mais les femmes sont éminemment artistes et ne se soumctte:1t,'' au lieu de : " ne se soumettront.'• " La candeur de ses formes,'' au lieu rie : " la ro11dem·.'• " Le froid engourdis~ement qni sent l'immobilité, " au lieu de : " qui suit." 13IENAF ITSD'UNEARISTOCRATIE. Nous empruntons à. un historien anglais, John Hampden, les détails qui vont suivre. (I) Après avoir montré comment, Cromwell étanc mort, l' Aristocratie anglaise, se vendant à Charles II dont elle Yonlait opérer la resta1Hation, trouva le moyen de faire supporter au peuple le fardeau des impôts payés auparavant par elle-même; après avoir établi 'Cette évidence que tout grand malheu.r public est source de gain énorme pour une aristocratie, l'historien anglais arrive à supputer les sommes fabuleuses dé~ pensées depuis la restauration de Charles II jusqu'en 1814 pour faire la guerre au continent. Parmi ces chiffres appuyés de l'uutorité de Sparkman, autre statisticien anglais, nous prenons seulement ceux relatifs aux gnerres contre la Révolution française et l'Empire·; ils nous apportent la mJsse de 56 milliards de francs, environ. La guerre de l'Angleterre contre la Révolution française a coûté aux Anglais 728,330,000 livres sterling, ou 18,208,250,000 francs. Il convient d'examiner quel emploi 011 aurait pu faire de ce tas d'or. Voici une famille composée du père, de la mère et d'un enfant, auxqne1s on danne 2 shillings, ou 2 fr 50 par jour, soit 14 sh. ou l 7 fr. 50 par semaine. J 4 sh. multiplié par 52 semaines égale 728 sh. ou ;f. 36. 8 sh. ou 9] 0 fr. Telle est b. dépense annuelle de trois créatures humaines rétribuées comme nous le disons. En multipliant par 1,000, le nombre des i11dividus et la dépense, nous avons 3,000 individus dépensant par an 723,000 sh. ou 36,400ue ou 910,000 fr. La multiplication de ces derniers chiffres par cent nous donne 300,000, dépensant 72,800,000 sh. ou 364,000 .t-. ou 91,000,bOO.fr. Nous multiplions encore ces derniers chiffres par dix et nous avons 3,000,000 dépensant 728,000,000 sh. ou 36,400,000 .t. ou 910,000,000.fr. En doublant le nombre, 6,000,000 dépenseront 1,456,000,000 sh. ou 72,800,000;f.. ou l,820,000,000.fr. Si nous multiplions par dix cette dépense d'une année, l'opération nous montrera six millions de créatures humaines consommant en dix ans 728,000,000.t. ou 18,200,000,000. fr. Six millions d'âmes constituaient alors le quart environ de la population de l'Angleterre. Or, la guerre contre la Révolution française a coûté aux Anglais 728,330,000,;t. soit 18,208,250,000 fr. - Donc au lieu de verser tant de sang et de dépenser tant d'argent, Pitt et les siens auraient pu nourrir pendant dix années un quart de b po1mlation anglaise en réservant encore un boni de 330,000,:f,. soit 8,250,000 fr. Et quand on pense que cette guerre impie était dirigée par l'aristocratie contre la liberté et l'affranchissement des peuples, ne trouve-t-on pas bien juste la grande • L'JlO MME. Convention françuise dénonçant, du haut de sa tribuue éloquente, le 'gouvernement anglais d'alors et déclarant Pitt l'ennemi du genre humain! (le aoO.t 1793) La guerre cpntre le premier Bonaparte a coûté aux Anglais 1,498,500,000 livres sterling, ou 37,462,500,000 francs pendant une période de douze années. Près de trente huit milliards de francs et le sang humain versé comme de l'eau, pour le bénéfice d'une caste insatiable et ne reculant pas, afin d'assouvir son affreuse avidité, devant l'égorgement et la ruine des pe~ples ! N'est-ce pas à faire frémir les âmes les plus froides ? L'historien anglais le fait noblement comprendre. Après avoir supputé le nombre des hommes tués, Anglais i:;eulement, et l'argent dépensé durant les guerres suscitées par l':uistocratie depuis 1688, John Hampden laisse échapper ce cri de son âme désolée : " Une dépense de trois milliards, trois cent quatrevingt-trois millions vingt-deux mille cinq cents livres sterling, et la perte de dix-huit cent vingt mille hommes!" (Anglais seulement). Tels sont les bienfaits d'une aristocratie. J. CAHAIGNE. ( 1) The Aristocracy of England, a history for the people, by John Hampden, jun. - London, Chapmau brothcrs, 121, N ewgate Street, 1846. VARIÉ'rÉS. SCIENCE POPULAIRE. PHILOSOPHIE POSITIVE. Quel avantage moral le genre humain a-t-il retiré des vaines spéculations tMologiques et métaphysiques qu1 l'ont égaré si longtemps? Quelle est la valeur aujourd'hui ùe ces milliers d'écrits et de livres sortis de la plume <lesmoin'es et des théologiens des dix-sept premiers siècles du Christianisme? Qui s'intéresse maintenant aux disputes de la Sorbonne, nu fatras <lela scholastiqne, aux querelles des nominalistes,des réalistes et des conr.eptualistes? Tot1t cela est tombé sous le marteau des puissants <lémolisseurs du 18e siècle et sur ces ruinei ne doivent plus s'édifi.er désormais que des théories basées sur l'expérimentation. On ne nous ordonne plus de croire sous peine d'une damnation éternelle , on nous dit simplement qu'il fal!lt observer aYec exactitude, analyser avec précicision, génêraliser avec rigueur. "La vraie philosophie, ajoute Proudhon, c'est de savoir comment et pourquoi nous philosophons, en combiep de façons et sur quelles matières nous pouvons philosopher, à quoi aboutit toute spéculafion philosophique. De système, il n'y en a pàs, il ne peut pas y en avoir, et c'est une preuve de médiocrité philosophiqne que de chercher aujourd'hui une philosophie." . Est-ce là réellement ce qu'a voulu prouver A. Comte, un des plus éminemment penseurs de notre siècle, par l'immense travail qu'il a pnblié sous le nom de Philosophie positive? On serait tenté de le croire, car les idées nouvelles que développe le positivisme portent véritablement le coup de grâce à la philosophie théologique et métaphysique, au lieu de fournir un syi;tème destiné à la remplacer. L'opportunité de la philosophie positive d' A. Comte est incontestable en ce qu'elle présente s1utout un admirable plan d'éducation encyclopédique, que Pon peut considérer comme le seul. point de départ rationnel et grandiose d'une rénovation sociale telle que nous la comprenons au 19e siècle. L'esprit humain après s'être élancé d'abord avec un enthousiasme religieux dans les spéculations théologiques dont le dernier terme était un Dieu, s'est arrêté trop longtemps aux spéculations métaphysiques dont le dernier mot était la nature. Il est descendu maintenant sur un a11trs terraiu, sur le sol d'alluvion accumulé par le courant éternel du progrès ; il poursuit sans hésitation sa marche à la recherche de la vérité ; car le magnifique horizon qu'embrasse la science s'ouvre enfin devant lui. Arrière donc les langes de la théologie, les subtilités embrouillées d~ la métaphysique ! Notre enfance a pu se contenter de la première ; notre jeunesse poursuivre la seconde ; notre virilité n'accepte plus d'autre joug que celui de la démonstration rigoureuse appuyée s11rl'expérimentation. Le caractère fondamental de la philosophie positive est de généraliser, en les réduisant aù moindre nombre possible, les lois naturelles, invariables, auxquelles sont assujettis tous les phénomènes cle la nature; de n'accorder de valeur absolue qu'aux théories démontrées scientifiquement, et de rejeter comme inaccessible et vide de sens la recherche de ce qu'on appelle des causes soit ptemièrr.s soit finales. En partant de cc principe, toute science humaine se partage en denx grandes branches dont la première co!l'lpreucl les connaissances spéculatives, la seconde les connaissances d'application. Toute science spéculative se subdivise en outre en sciences générales et en sciences partict11ièrcs. .. Le grauù problème de l'éducation rationnelle consiste donc à classer les cat/ig-ories de phénomènes de telle sorte que l'étude ùe chaque catégorie soit fondée sur la connaissance des lois principal'es de la catégorie qui précède, et qu'elle devienne à son tour le fondement snr lequel repose l'étude de la catégorie suivante. Ce proli>lème sera résolu si on descend successivement de l'étude des phénomènes les plus simples ou les phs généraux, à celle des phé..a nomènes les plus particuliers ou les plus compliqués. Tous les phénomènes se divisent de même en deux classes : 1 ° phénomènes des corps bruts; 2° phG11omènes des corps organisés. Les seconds dépendent évidemment des premiers; tandis que ceux- ci ne dépendent nullement des seconds. Il en résulte que l'étude de la physique i1~organique_doit nécessairement précéder celle de la physique orgamque. Chacune de ces deux grandes classes se subdivise ellc- ~ême en deux parties distinctes. La physique inorgamque comprentl : lo les phénomènes généraux de l'univers ; 2o les phénomlines particuliers des corps terrestres; d'où résulte d'une part une physique céleste on astronomie soit géométrique, soit mécanique, de l'autre une physique terrestre. C'est par l'astronomie ql1e doit débuter l'étude de la physique inorganique; car l'astrouomie enseigne la loi de la gravitation universelle et cette loi modifie la })hysique terrestre sans qnc cette dernière ait aucune influence sur l'astronomie. A son tour la physique terrestre présente cleu:t divi• siom:; l'une mécanique qui prenrl le nom de physique proprement dite, l'autre chimique qui consti.tue la chimie. lei encore cette dernière science a besoin du concourn cle la physique sans que celle-ci ait eu général besoin <le recourir à. la chimie. Dans les sciences rclati\·es aux êtres organÎséf;, cette double division se reproduit. Il y a deux séries de phénornè11es distincts qui se rapportent d'un côté à l'individu, de l'autre à l'espèce. Aussi la physique organique comprend-elle une physiologie ou étude de l'homme considéré individuellement et une physi:pie sociale ou étude du genre humain claus son ensemble et comme virnnt en société. En résumé, la philosophie positiYe comptend six sciences fondamentales dont l'étude successiYe est déter- ·minée par une subordination nécessaire et invnriablc; cnr ce qui s'appïend dans la première est absolument nécc'.;;- rnir~ dans l'étude rationnelle,des cinq suinntes. L'éducation encyclo11«'.'diquedoit donc parcoutit, pour être complète, l'échelle S'cicntifique suivante ~ 1. Mathématique ~ 2. Astronomie; 3. Physique ; 4. Chimie; 5. Physiologie ; 6. Physiqûe sociale 'ou science ne 1a sociocratie. Ce n'est qu'à la condition de s-uivre rigourc115ernent cette marche rationnelle d'enseignement que la société moderne peut espérer de substituer au règne de la force brutale et de l'anarchie intellectuelle l'équilibre scientifique appelé à servir de base dans l'avenir à la régénération spirituelle des sociétés humaines. J.-PH. BERJEA'lJ. DERN!ERNEOSUVELLES. Une dépêche télégraphique :de Vienne avait annoncé à Londres, <lès j-eu<li, le débarquement des alliés en Crimée, entre _Eupatoria et Sébastopol. Le Duc <le Newcastle a reçu lundi, de Lord Raglan, une dépêche, de laquelle il résulte que le débarquement s'est effectué, sans opposition; commencé le 14 au matin, il n'était pas entièrement terminé le 16 au soir, à cause de l'ag·itation de la mer. - Les Russes, au din:: des journaux allemands, n'ont que 38,000 hommes en Crimée, et devront se borner à défendre Sébastopol, jusqu'à l'arrivée de la garde impériale qui vient de quitter St.-Pctersbourg,et de l'armée d'Osten-Sacken, remplacée en Bessarabie, par l'armée de Gottschakoff qui, le 16, a repassé le Pruth. - Les troupes alliées, inférieures en cavalerie aux Russes, commencent par se retrancher sur la côte. Le cabinet autrichien a écrit pour féliciter les cabinets de Londres et de Paris de cet heureux commencemeut des opérations contre la Russie. Il a fait plus pour les alliés ; tandis que son armée avauce dans les Principautés et met le Czar dans la nécessité de déclal·er la guerre à l'Autriche s'il veut franchir. de nouveau le Prnth, l'empereur François-Joseph est convenu avec les alliés qu'ils pourraient, en tout temps, opérer dans les Principautés; et il a ordonné, en conséquence, au général Hess, de laisser Omer Pacha marcher contre Galatz et Ibraïla, s'il le jugeait utile. Tandis que les nouvelles officielles présentent ainsi l'Autriche comme hostile à la Russie, la
----------------------------------~-------------------;------------·.-;·..,.,;i presse censuree de ·vienne cherche· à démontrer que l'Autriche, en intervenant sans sortir de la neutralité, n'a d'autre but que de-'.'.pren:dre:.posses- ·1ion" de tout le cours du Danube, et n'entend ·pas autoriser les,alliés à profiter de son concours pour agir en Moldavie ·contre les 'Russes. Le correspondant-da ·•Times à Vienne a souvent appelé l'attention de l'Angleterre sur la conduite perfide et . envahissante de l'Autriche; il paraît que le gouvernement français, et aussi l'ambassadeur anglais à Constantinople ont vivement combattu la . convention austro-turque; c'est le cabinet de Londres qui en a exigé l'adoption. La flotte française quitte la .Baltique, laissant Sir Ch. Napier croiser seul devant ces forteresses de Kronstadt et de Sweaborg dont on croyait, à son départ, la chftte certaine -et prochaine. La flotte anglaise ne se retirera que devant les glaces, et continuera le blocus,pendant quelques semaines encore. Le Czar fait· une nouvelle levée.. Le gouvernement français appelle sous les drapeaux la réserve de la,classe de 1853. .Bientôt vont--revenir les emprunts ou les augmentations d'ipipôt ;-pour solder les frais de l'année et préparer la ·-campagne d~ 1855. Le prix des céréales, un instant. abaissé, remonte partout. Le choléra commence ·à diminuer, sans avvir encore complètement disparu. L'Espagne est en pleine--ag·itation électorale. Comités, harangues, professions de foi, polémiques de partis et de journaux, voilà ce .q. ui la préoccupe. - L' ordr·e d'arrêter M. Orense, échappé aux. gardes civiques d'Espartero, a été envoyé à Valence, eù le mouvement républicain p.ara,ît avoir son 4'entre d'activité. ' • • Nous. avons encore ·perdu •un 'des ·.membres de notre famille républicaine, et des plus :vaiUants et des meilleurs. Notre ami Bony vient--de 's'éteindre à St-Hélier, après.huit moi1,do souffrance, •t l'on pourrait dire d'agonie. • Bony n'était âgé gue de 30 ans : ses·funérailles auront lieu aujourd'hui .mercredi à midi. , Le. cortège se réunira à.George-Town, Victoria1load. La pr-0scripfüm française, à Londres, •comme tians ses tlivers centres, a gardé la religion de 1es >dates révolutionaires. 'Âinsi, -le 22 septembre, anniversaire de la première République, .a été .fêté cette année, comme toujour~, · et l'une des . sociétés du parti, la Commune 1·évolutionnaire, a ··célébré la •grande journée et le grand exemµle, en séance publique. I:.e citoyen Félix Pyat a lu, dans cette séance, ,une Lettre aux Bonapartistes que nous publie- ·rons, et le citoyen Jourdain, après plusieurs autres discours, a fait connaître, dans son texte vrai, la protestation de . .Boichot, refusant de comparaître devant le tribunal,- correctionnel : " Allez dire à. votre ,tribunal, •a ·répondu ·:BoiJ " chot, interpellé ·par ..l'huissier, que je ·refuse de " comp21raître devant les ·complices d'.un gonver- " nement parjure et assassin. Les hommes qui " ont violé toutes les lois et trahi la République "n'ont pas le droit de juger. "Vou8 avez pour vous l'arbitraire et la force : "j'ai po·urmoi la justice et le droit : au nom de la ·" République, je proteste contre tout ce qui sera •" fait à mon é.gard.'' ·Cette leçon donnée par un ancien soldat à des juges. les ,journaux de la police l'ont supprimée, et l'administration a fait enlever l'homme! C'est dans l'ordre ...... bonapartiste. JEll.11:T,IMPRlMERIEUNIVl!!RIIEL1'E, 19, ,DOltllET l'rltl!:J:11'. AVIS. Pour répondre aux nombreuse~ -dema.ndes qui nous--sontjournellement adressées, l' Administration ..du journal l'HoMMEvient de faire réimprimer, les premiers numéros ,dont les exemplaires avaient été complètement ·épuisés lors de leur publication. En conséquence, on trouvera chez Mfy.I.les agents du journal ou à l'lmprimerie universelle, 19, Dorset Street, à Jersey., les numéros qui manqueraient aux personnes faisant collec• tion de l'HoMME,à raison de·3 pence (6 sous) l'exemplaire pris -séparément. Quant aux personnes, au contraire, qm .désireraient avoir tous les numéros qui ont paru Jusqu'à ce jour, elles peuvent se les procurer aux ,mêmes conditions d'abonnements· qui se trouvent indiquées, ..pour chaque pays, en tête de notre journal. L'àdministration du journal l'Homme crait' devôil)·por- • ter à la connaissance du public de Jersey que deux nouveaux bureaux, pour la vente du .:.journal au ,,numéro, viennent d'être établis : Chez Mme LEV AILLANT, marchande'de~papi.er·et dtt fournitures. de bureaux, Pierson Str.eet, ,près le L Ro1 al Sq1:1are; Et chez• M. HU REL, marcl1and •de tabac,~ 24, '· Queen Street. ·On peut· également s'abanner à. ces bureaux. AVIS. JEAN.MANESSI,~:~:~~~!~i~: guerre a11trichienne, professeur de mathématiques reconnu par l'Académie 'de la Côte-d'Or, donne des leçons de mathématiques élémentaires ·et spéciales, et prépare les élèves pour entrer à Fécole navale. S'adresser à St-H~lier, 2, Halk.ett Street .. E. ALA VOINE, P,·oscrit frança1$, ancien élève de lafaculté de Pa,·i,, Donne dès leçons de· français, de latin, d'histoire, de géographie, de littérature, etc. Il enseigne aussi les éléments des seienCt'Smathématiques, l hysiques et naturelles S'adres~er au professi:-ur,38, Roseville--Street. Références: che_z MM. Welman, Ph. A&plet et docteur Bavbier. EN VENTE .Jt L'IMPRIMERIE UNIVERSELLE, 19, DORSET STREET, SAINT-HÉLIER (JERSEY): Ou par commission à LONDRES, chez Erasmus ZMICHOWSKI, 10, Claremont Place, Judd Street, New Road. , DIXANSDEPRISON AU MONT~SA.IlVT-HICH ET A LA ,CITADELLE DE DOULLENS, ,Par MARTIN BERNARD, ,1 volume grand in-18 Charpentier. • Cet ouvrage se trouve aussi : A LONDRES, chez JEFFs, libraire-éditeur, Burlingtn Arcade; A BRUXELLES et à GENÈVE. :DANGERS .TO ENGLAND ALLIANCE Wif'H THE MEN OF THE -:COUP .D~TA.T. /Io which are ·added, '·the personal confessions of the ; December ' Conspirators, ,an/i.,·somebiographical notices of the.most notorious,_of them. BY VICTOR SCHŒLCHER,' Representative of the People. .DU:DEVOIDR'AGIR. :AU PARTI NATIONAL, PAlt ~ JOSEPMHAZZINI. Prix de la brochure : 2 pen•e• 1BIOGRAPHIES BONAPARTISTES, Par PH. BERJEAU. - Prix: 2s 6d. HISTORY OF THE CRINIES OF THE SECOND OF DECEMBER, By V. SCHŒLCHER, Representative of the Peoi,le. 1 volume in 8. - Prix : 5 sh. A "PROPOS D'UNE POLÉMIQUE RÉCENTE, ·Par ALFII.ED TALANDIER, brochure in-12 (grand format.) Prix : 2d ½ (25 centimes). Oum·ages imprimés en polonais. ,LUD POLSKI W EMIGRACYI. 1835-1846. I volume grand in-8., à denx colonnes. - Prix : I0 sh. MYSLI SERDECZNE, K. BALINSKIEGO. 1 volume in-8. - Prix : 2s 6d. NIEZABUDKIJERSEYSKIE, Roc11A RUPNIEWSKIEGO. Prix: lsh. GUTEL PROSCllIT DU 2 DÉCEMBRE, a le triple av1ntage d'unir l;éléganee, la légerté et profe88et11• ,le eoupe la solidité. Tailleur d' Habits.-29, Belmont Road, St.-Hélier, Les semelles -sont fixées avee du laiton et ne A.VIS. en plâtre, en cire', en mastic et en gflatine s11r nature morte ou vivante. ----------------!Jersey. laissent aucune aspérité ni à l'inUirieur ni A l'extérieur. - On peut marcher à l'eau sans nuire à la. solidité de la cha11ssure. A . 1 BIANCHI Î:ao;;:t!, ~~~~it~~; • f en chef pendant }111it ans du journal quotidien le Messager dit Nord, LUDK. ORDECKI, ·Plt0SCII.ITPOLITIQUE PO LON .U8, para.issant à Lille (Fran.ce), d,on?e à d.omicile ~es Donne à domicile dez leçons ùelangue Allemande l~çons de langue f~ança1s~, d arithmétique, d'h1s- et Latine; il"démontre aussi la Gymnastiq1te. t-oire, de géographie, de littérature, etc. M. Luù. Kordecki désirerait trouver de l'emploi EDOUABRIDFFI, ,PROSCRIT ITALIEN, Donne des leçons de hngue it~lienne. 11 se ch~rge également. de toutes correspon- comme professeur dans une pension.-61, Newman iances, écritures commerciales et autres, et ·des Street, Oxford Street.-Londres. mEmoires dont on lui confie la rédaction. • , S'adresser, 20, Don Street, Saint-Hélier. S'adresser au professeur, 20, Don-street, St.- 15 , COLOMBERIESTltEET, ST.-HE:I;IER, JEJtSEY. .llélier {Ile de Jersey). GUAY proscrit du 2 Décembre, faiseur -------------- Réj,rencc, ehez MM. ,Wellman,, P. A11plet,.. . .,de .BOTTES,sans ·couture, pour ALPHONSE mouleur en plâtre, se charge •••·· Vickery. hommes et pour dames. - Ce genre de ·chaussure .1. , de toute espèce de moulage Il moule aussi les ornements, }eg statues et fournit des épreuves à un prix modéré.-20, Do11st reet, St.-Hélier. HOTELDEL'EUROPE DON STREET, No 11, TENUPARO. ROUSSEL, G. RousSEL a l'honneur de prévenir MM. le~ voyageurs qui viennent visiter cette île, soit pour agrément, soit pour affaires, aussi bien que les habitants de cette localité, qu'ils trouveront dans. Eon Hôtel, bonne table, bons vins, et tous les goins, ainsi que tous renseignements possibles. ~ Table ù'Hôte à 10, 1: et 5 heures.-Repas à toute heure.-11 sert aussi en ville. AVI1SMPORTANT. ::laRs l'intérêt du Commerc~, de l'Industrie et de •la Scienae, les Annonces de tous les pays seront acceptées 1 .à }a Mlufüi011 d'être-écrites 6!11{rançai11, oenfol'mément au spécimen ci-après .. Les A vis et Annonces sont reçus à l'Office de l'Imprimerie Universelle, 19, Dorset Street, à Jersey, S-Hélier, ,jusqu'à l'arrivée du courrier clu ma1di. Toute correspondances ùoit être affranchie et contenir 11n bon, soit sur la poste anglaise, au nom ùe 1\L Zéno SwIETOSLA wsKI, soit sur un des banquiers de J eney ou de Londres. Le prix Ms Annonces €St uniformément desix sous (trois pence) la ligne, pour les trois sortes de caractères courants employés dans ce journal. Les lignes en capitales et en lettres de fantaisie, seror payées en proporti<,n de la hauteur qu'elles occuper·. calculée sur le plus petit texte.
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