Homme - anno I - n.43 - 20 settembre 1854

' L' llOIl )1 E . .CORRESPONDANCPEARISIENNE. 17 -6eptambre 1.l B54.. sbires, ,Vou11e, nvoyez ,à Lugano dix-huit agents de police:-pour me,trouver duna une maison oll je n'ai jamais - mia les pieds. Voua me ,füites l'honneur .d'acheter mes •portraits. Vous v-0ulei m'avoir. A Boulogne, il y a huit jours, ce .fil,,' étaient _quefestons, ee A'étaie,it qu'astragalts. To11-te.la police des 1de.ux toyaumes s'y était' rendue et,. faisait\la haie ,quand passaient les Majestés et les Altesses. Hélas! hélas! que de basses:ies dans ces grands d'almanach, et que de lâebctés sous toutes ces courtoisies ! Louis Bonaparte a vécu à Londres six ou sept ans : ls palais de la reine lui fut toujours fermé, les clubs l'admettaient à peine, ,et quand un p&tit salon d,ü était •nvert, il y jouait, grâce à son nom, le triste rôle de nriosité. Aujourd'hui que le crime l'a fait empereur, le mari de la reine s'embarque en grand appareil de cour et va rendre visite à l'aventurier qulon ··n'aurait pas salué, voilà 11ix ans à peine! - ,Cela s'appell~ .de la haute convenance, et les journaux anglais sont'à ce point émerveillés dt la protJidentielle rencontre qu'ils chantent à ,pleines voix jusqu'au menu ,du festin 1 Si Pitt est mort, Falstaff vit toujours. Les faubourgs d11Paris qu'on cr-oyait ensevelis dans fa guinguette, reviennent à la discussion : on parle dans les ateliers, non pas de la ~uer.re d'Orient,"mais des légions couchées par le choléra. Le reître Espinasse est maudit, comme autrefais le général D.µpont, et chose ftrange, le peuple associe· les soldats-victimes aux transportés de Décembre! Il croit et '.dit pre~que tout haut, 4u'on a jeté là-bas, dans les marais, l'éli.te •de l'armée, pour a'r.n défaire, tandis qu'on garaait les régimens.sû.rs, peuplés de vendus, pour tenir Paris et' Lyon. Le peuple se trompe évidemment, car sauf les ·corps spéciaux, les régimens se valent ; mais s?il s'égare· dans les commentaires, il a raison au fond, •quand, il s'indigne contre ces misérables généraux du guet-apens ·qui, sans br0ler une amorce, viennent de nous perdre -une armée, J/arus, rends-moi mes légions.! disait Auguste pleurant lmr les armes romaines humiliées : 1notre .Auguste, à nous, a la douleur moins ~ive, et, de Boulogne où il a largement festoyé, il vi.ent de se rendre à Biaritz ,où -l'attend Npouse. . Quatorze mille soldate morts, sans qu'H·.y ·ait en bataille, quelle misère! On ne compte pas pour si __peu-dan:i la famille des Bonaparte, d'ailleurs on ·va lever soixante ~ille hommes sur le prochain recrutement. Allons, serre les rangs, France 'de l'Empire, et 'Va mourir! Dordta.01'. prêpare one grande fête pour les M ajest~s. Vous savez que c'est la ville de la. ripaille et de la ser- 'tilité par excellence.. Tout le monde. y a mangé dans tttte auberge marchande : l'autre empereur, la. duchP.sse è' Angoulême, les Anglais de 1815, les fils de Louis- .. Philippe et le Bonaparte III. •Il y revient avec madame Eugénie, et, cette fois, grâce à Ducos, qui est là-bas ministre aux cuilsines, il y •aura grande saturnale : on parle déjà, ·comme d'une merveille, d'un Bomarsurid en truffes armé ·de ses trois· tours. .Voilà qui nous promet un"bel ·artil:le~Laguéroriière' 1 Les· prisons de Paris sont encore·pleines comme il. y a deux ans ; mais ce qu'il y a d'infâme, c'est _quecertains eondamnés ont disparu des geôles centrales : ainsi l'on ne sait pas ce-qu'est devenu Boichot. L'ont-ils muré vivant ians une -de leurs cellules de Mazas, l'ont-ils fait partir pour Cayenne, l'ont-ils dépecé dans l'ombre. pour crime Ile r~bellion, contre ses geôliers·? ·Ni sea amis, ni· sa faiDille n'ont rien ]>U savoir. C'est t~jours l'empire 'des e11carpes'! Le choléra est en Afrique, comme en '-Orient, comme èans ln mer ·du Nord .. Les soldats meurent par centaines à Cherchell, à 'Milliana, à BôRe, et 'les tTansportés ont . le même sort dans les camps-colonies. Bonaparte et 'le choléra sur ie peuple et S'tlr .ln and~ ... ... Paune France'! XXX. Le gouvernement fédéral 'Suisse est, •-comme eelui de la Belgique, l'humble servant de toutes les tyrannies qui tiennent l'Europe aux fers. ·Il se fait chasseur de proscrits, au compte de Bonaparte et de l'Autriche. Qu,on lise la lettre suivante de Mazzini :·c,est une nouvelle pièce au proc~s contre ces petits pouvoirs, républiques ou monarchies, qui vendent le dernier honneur pour,vivre. La Suisse, si elle n'arrête pas son gouvernement dans cette voie, tombera dans le mépris-des peuples, et sa lâcheté ne la sauvera point. A ·MESSIEURSLES MEMBRESDU CONSEIL 'FÉDÉRAL. Messieurs, Veus me cherche21psrtout. Vous tuez de travail vos tfUgraphistes. Vous inqui~te1 de pauvres voyageurs paeifiques qui s,enfnient en croyant que la Suisse est de- ?C\ae une province autrichienne. Vo\fs gâteJ vos bons et inoffensifs iendarme:i tn lour donnant fles allllrcs tle , \ Il est três probable que vous ne m'aure:i pas. Mais enfin, supposons que je sois en Suisse·; ,supposons que vous réussissiez à me saisir : .qu.e ferez-vQus de moi, Messieurs ? Me livrerez-vous·? à qui? an pape? au Piémont? à la France? à l'Autriche 1 c'est-à-dire, à Alexandrie, à Cayenne, au Spielberg ou à la mort ? .Vous ne l'osercriez pas.. ,Je sais'bien -qu~on·livre de temps à ·autre, dans le Tessin, ..de pauvres dê.serte.urs hongrois qui ..quittent le ,ëlrapeau du bourreau de leur .tpatrie et se croient sauvés,·en touchant le sol -suisse. C'est horrible. Mais ·cela-se fait· sans bruit,, comme le crime, la nuit, sur··des territoires frontières, et contre des inconnus. Moi, je suis connu. Le crime ne pou·rrait pas être consommé à huis- •clos. Le -flot aurait le· temps :de monter. 1Un cri d'indignation,.se lèverait sur toute la Suisse progressiste ou ·conservatrice, et le fer chaud. de la Honte , vous marquerait au'front,pour- ·toujours ,de&deux.lettres : V. B., valets de bourreau. • .Vous ne .f.erez-donc: pas• t'ela, -Messieurs. Hais alors, supposez ,que . les iJPUissances qui vous entourent ne veuillent pas me liv.rer.:passage.; ou bien, supposez 1qu~je refuse, moi,· de traverser, .sous v.otre faible garantie, des rontrées ennemies ; me garderez-vous en prison à perpétuité'? ··Pourquoi'? •En vertu de ,quelle loi? Qu'ai-je fait à la Suisse, ·contre .la Sûisse? 1~unit-.on, .en Suisse, ·d'emprisonnement à pe;pétu.ité les étrangers _qui aiment leur patTie et ··cherchent tle temps à. autre ·à s'en -rapprocher? fi ;y a pllrmi ·von11•ou ·_près de vous, Messienrs, des hommes ,qui ont conspiré avec ,moi en 1833-; 'd'autres· qui sont venus me serrer la main dans une mansarde en 1836, lors de l'organisation de la Jeune Suiss-e qu'ils, approuvaient, et quandj'étais sous le_poids d'.un conclusum ·de votre Diète: d'autres encore gui ont bien voulu me rendre visite en "l 84'9, en me félicitant de ma conduite à Rome et en m'engagez.nt, moi, proscrit de ,VOS ·vororts ·d'autrefois, à s~journer,dans· leur canton. Ceu.x-là pourraient-ils signer, ~u lâisscr •s'accomplir, sans_protester, un ·ordre d'empr-isonnement -contre moi? Il est .vi:ai qu'ils n:étaieut pas au ,pouv.ôir alors et qu'ils ;y sont aujourd'hui; mais est-ce 'là. ·une ràison pour me. condamner à une détention _perpHuè'tle'? En 1848, J'ai ira versé _publiquement ·la •:Suisse dans toute sa longueur, ave-cun passeport sous mon nom, ne trouvant sur mes ;pas que ·des vi-sages souriants et des poignées 'de mains amicales. Les décrets qui m'avaient expulsé de .'la"Suisse étaient donc à cette. épo,que-regardés comme non .avenus ou abolis par les événements supé- ·rieurs. Il est vrai que l'Italie était alors en armes et sur la voie de ·Ja' liberté. 'Mais voulez-vou11 qu'on dise en ··Europe que pleins de clémence et d'oubli,pour :ceux qui triomphent, vous ne proscrivez que ceu.x gui succombent? Je._vous rappellerais éhaqu~jour ces choses à travers mes barreaux : je vous les rl!,ppe11eraisavec un sourire; ·mais ce sourire, ·Messieurs, en dirait plus -sur .votre compte à toutes les âmes honnêtes que n'en -disent aujourd'hui sur le mien toutes vos colères. • Non, Messieurs; ce n'est plus le proscrit de ,183't5que ·vous persécutez : il n'existe ,plus : la forme de votre gouvernement même a changé 'depuis lors. Vous persécu,tez en moi, vous républicains, l'ennemi de l'Autriche, et vous me persécutez, non.par amour pour l'Autriche - vo11s 'la ·haïssez autant que moi;bien qu'avec moins de ·courage·: -·non parce q.ue vous .me croyez méchant ou ·coupable - vous m'estimez, Messieurs, malgré vous, moi qui n'ai pas changé - mais urii,quement _parce que l'Autriohe est forte et que je suis faible. Voilà ce que vous dirait 'mon sourire : voilà ce que vous répéterait tout ce qu-'il y a de bon et de brave en Suisse. ·vous ne pouvez, Messieurs, ni me livrer, ni m,eyqpriS-OJlnt:pr our toµjours. Q11e fere:i-vous donc de moi si vous parvenez à m'arrêter quelque part? Peu importe au reste : vous ferez de moi ce que vous pourrez. Hier stehe ich : ich kann nicht anders ; Gott hclfe mir : .j'ai-pris depuis longtemps ces mots du vieux Luther pour tlevise ; il11m'ont protégé ju:.qu'ici, ils me protégeront peut-être encore. Ce qui importe, ce sur quoi j'éprouve le besoin d-e vous dire deux mots, puisqu',on se tait en Suisse, c'est le zèle de persécution qu'avec le courage de la peur vous dépl<:>yezsa, ns preuves, sans indices, contre tout ce qui s'appelle .exilé et qui de- :vrait à ce titre vous être doublement sacré ; c'est l'injustice tyrannique avec laquelle vous emprisonnez, souvent sans motif, à chaque note, à chaque dépêche télégraphique qui vous arrive de Milan ,ou Paris, des hommes qui ont combattu chez eux, par l'action ou par la parole, pour la cause que vous professez, la liberté ; c'est la cruauté insouciante avec laquelle vous poussez invariablement en Anglete;rre ou en Amérique, comme s'il n'y avait pas à deux pas de votre frontière des mères, des sœurs qui pleur~nt leur éloignement, tous ceux qui sortent de vos prisons innocents; c'est une série d'actes vils~ ignobles, .inqualifiables, qu'un de vos proconsuls accomplit, peut-être à votre insu, depuis six mois dans un canton frontière,· 11 faut qu'on le sache en Suisse. Ce n'est pns la découverte de quelques caisses d'armes qui vous fait aujourd'hui prflseriptcurs. V eus 1'4tiez liier; nus l'4tiez, non pas. seulement ~vant le blocus du Tessin, ou, par reconnaissance, apre~ sa levée ; vous l'étiez pendant le blocus,_ lorsque. l'Autriche vous renvoyait pour chaque concession uue msulte, lorsque vous ~uriez dû. protéger le pays contre elle et non contre nous. Vous l'êtes systémati<1uement, et d'une manière qui avilit votre nation .aux yeux de ses amis et de ses ennemis. Je connai!' vos droits, Messieurs, et je les respecte. .Vous les dé.passez. Je n'appartiens pas à la politique " chacun chez soi, chacun pour soi " que vous cherchez à re?résenter·; mais je l'accepte. Je me soumets à apprécier v~s 'actes par cet~e form~le athée, et je dis que vous la,v1olez à chaque mstant contre nous. Vous ne·protégez pas la Suisse de toute menace d'in. ' fraction à sa neutralité; vous intervenez sans cesse contre le parti national .italien. Vous faites, M essiettrs, la P"· lice pour l'Atttriche. Votre politique a 1,le drait d' empfrn.er toute contrebande d'armes qui se ferait avec l'Italie. Elle a le droit d'empêcher toute.invasion à main armée 1ur lu territoires voisins, et tout enrôlement qui se ferait dan., ce but. Elle a le droit, si des faits de ce genre sont découverts, àe remonter :à :leur.sou-,:ce et de punir. Elle a même, si tJoua le voulez, le droit d'interner, atJec tou, les fgards possibles, ceux des exilés dont la présence près de la frontière pourrait, à cause d'une influence réelle et exceptionnelle exercée par eux sur leurs compatriote~, ressembler à une provocation, à un défi. Je vous f~is, vous le voyez,-,une part assez larg<r ; mais je vous dis qu.'un seul pas en-delà de ces limites constitue un acte de sol,da,,:ité servile envers l'Autriche, ttne injustice envers nous,une violation de votre principe et de votre drapeau, dont vw , commettant\f ,devr.aienl pour l'honneur du pays, tJOU•d:e. nuinâe,r.-compte. , Vous a~ez arrêté à Locarno un homme -de la Romagne, Francesrh1. Vous avez trouvé parmi ses pl!J)Îers des lettres de moi et d'autres prouvant qu'il aJ>partenait à notre parti national, ·qu'il correspondait avec Jes ~atriotes de son pays, qu'il se préparait à y rentrer trois jours après le moment de son arrestation : rien q11i concernât la: Suisse. Vous l'avez fait condnire à Berne; vous l'avez gardé deux mois en prison ; puis, vous l'avez trans- ~is, sous escorte, à la France pour l'Angleterre. Ce Jeune. homme ne vous inquiètera plus : miné par les chagrms et la détention, il vient de moUJir à Gênes, d'II choléra. • Vous_ avez arrêté, près de Luganc,,, nn autre- exilt1 Lombard, appel! Bassin~. Vo~s avez trouvé sur lui quel~ ques lettres de Je ne sais qui, regardant les affaires de son pays : pas un mot q,ui touchât à la Suisse. Vous l'avez, après trois semaines d'emprisonnement achemin, vers l'Angleterre. ' Vous avez voulu arrêter, à Coire-, un ingénieur Jom-' bard, Chiassi, qui est, à l'heure qu•il est, à Londres. Vo~s avez envahi sa c~~mbre et emporté, je ne sais- pourquoi, tous les effets qu 11 y possédait. Cet homme venait d'être employé aux chemins de fer; il ne s'était pai. élo-igné un instant de Coire; vous n'avez rien à sa charge et, je vous l'affirme ici sur l'honneur, il était entièremen; innocent de tout ce qu'il vous plait appeler· les menée• rétJolutionnaires récentes. Vous avez en ce moment dans vos prisons de Coire ua p~oscri~ lo~bard, Cheza, sur lequel rien ne pèse, si ce n est d avoir été trouvé, promeneur inoffensif, dans !'Engadine. Il est pauvre. Il avait trouvé, lui aussi une occupation au chemin de fer. Vous le renverrez, mi~é·, en Angleterre. Un artiste, un des meilleurs hommes que j'aie rencontré sur la terre, aimé de tous ceux q11i l'ont connu en Suisse et én Italie, Sdpione Pistrncci, était venu, chassé du Piémont, chercher un refuge dans le Tessin. 11 se mourait d'asthme : il avait besoin d'air et de repos Vous l'avez tourmenté, hartelé. Forcé de Stl tenir cachd dans une maison amie, il mourut. Vous avea soumis à un procès deux citoyens suisses qui l'avaient recueilli mourant. Sa mère, sa fille et sa sœur étaient venues l'embrasser pour la dernière fois en deça de la tombe : vous les avez, au milieu de leur sainte douleur, brutalement expulsées. Je pourrais grossir indéfiniment la liste de faits tels que ceux. que_je ,viens de citer; ~ais je n'écris qu'une lettre, et Je dois m arrêter. Il est év1dt?nt,Messieurs, que vous nous regardez comme une race à part, comme une caste de parias ou d'ilotes, matière à persécution, taillables à merci, et envers lesque!s vons n'avez ni égards ni humanité, ni justice à garder. ' Messieurs, nous ne sommes pas ries ilotes. Nous voos valons par l'intelligence et par le cœur. Nous sommes des combattans d'une cause sacrée, auxquels vous avez battu des mains toutes les fois que cette cause a eu un commencement de succès, et que vous qualifierez du nom de frères et d'amis dès qu'elle aura triomphé. Traitesnous en h_ommesaujourd'hui, vous le devez, N,insultez pas au malheur, c'est lâche et indigne. Punissez-nous si nous violons vos lois par des faits ; respectez-nous tant que la violation :ne vous est pas prouvée ; honoresnous pour notre constance, pour notre amour de la patrie pour. notre culte à l'idée. Ne singe~ pas, vous, homme; de liberté et de croyances républicaines, les allures despotiques des hommes du bon plaisir. Et souvenes-vous que qu_elq?es-unesde vos meilleures familles portent ùe!' noms italiens, et 4ue quelqueg-unes des rri&ndes idées

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