Homme - anno I - n.39 - 23 agosto 1854

,. L'IlOM!1'E. Au citoyen Charles Ribryrolles, rédacteur en chef de l'Homme, à Jersey. Les républicains français, jetés en exil par la plu~ cy- nique et la plus odieuse des persécutions, ne . se . seror1t pas mépris sur le caractère des événements qm viennent de se produire à Madrid; ceu~ qui att~ndent, en A~gle- terre, en Belgique, en Suisse, en Sardaigne, en Amérique, l'heure prochaine de notre grande réhabilitation nationale, les jugeront co111menous qui en voyons, mai ntenant, se dérouler sous nus yeux toutes les conséquence s. Comme nous ils ressentent une vive sympathie pour le courageux et loyal peuple espagnol qui a su briser e n quelq11es heures, non pas un ministère, mais, bien mi eux encore, l'impure domination de la trop fameuse rei ne-régente, d'où sont provenus, pendant onze ans, tous le s malheurs, toutes les hontes de la Péninsule. Ils ne p eu vent pas douter un instant que ce peuple n'ait dev ant lui un magnifique avenir de liberté, de puissance mor ale et matérielle, si une active propagande, fécondant s es instincts vraiment démocratiques, le vieux sentiment d 'égalité qui jouir, comme on ne cess~ de l'écrire, des résu ltats de .sa victoire, le peuple prévoit de nou\'elles luttes, non po1~t contre ses impuissantes idoles de 1837 ou de 1843, mais contre la fraction non encore abattue du par ti modé~é, dont l'intelligence s'appelle N arvaez, et ~ont l~ moraht~ peut se personnifier en des hommes aussi déc riés, aussi abhorrés qn'Esteban Collantes ou San-~Juis. . , turer les délits en cause et de frauder jusque da ns la poursuite. Ainsi, tous les délits ou crimes ci-dessus énoncés ont été commis par voie de publicité : les a u- teurs ont signé ces différents écrits, et il n'y a rien de clandestin en cette affaire. Pourquoi donc ne pas poursuivre dans cette limite et ,pourquoi ba ser l'accusation sur la société secrète ? Les proscrits fo1nçais, habitant itfadr~d, ~vaien t d ~bor~ résolu de garder le silence. Mais un f~1:-s est prodm~ qm oons force d'exprimer toute notre opunon. Deux :E ra~- çais prenant, sans y avoir d~oit, ce titre sacré de proscnt, at un troisième qui a tout f~tt pour ne plus ~~ p~rter, dè~ que cela pourra lui convenir, se sont ass?c1c s a ce ~ut vient de s'accomplir à Madrid, et le bruit q ue certams journaux ont fait de leur adhésion,_ a évi~emme nt pour but de donner le change sur nos vrais seutiments . Par respect, non pas seulement pour nous, mais pou r. to1:_sno~ compagnons d'exil, pour le peuple esp_agnoll m-~eme, <l qui nous souhaitons un p1us haut et meilleur a v~mr,_nous repoussons nettement une si compromettante s ohdanté. Parce que la société secrète étant reconnue,- et elle est toujonrs reconnne à la 6e chambre,- on pourra appliquer, la peine finie, le décret de transportation à Cayenne, et se délivrer, ainsi, de Uoi<-hotqu'on ne veut pas juger sur l'affaire du 13 juin, quoiqu'il soit en instance de contumace. Qu'elle justice, quel coupe-gorge! Autre comédie : Voici ce que raconte l' Etoile belge: "On prétend que M:. Brunet (de !'Argentière), ancien officier de l'armée française , et qui habit~ Bruxelles depnis plusieurs mois, mais qni n'est pas r éfugié politique, aurait commandé à M. Sanders, fabricant d'armes, certains tubes incendiaires. Il lui en aurait demandé la livraison par une lettre accompagnant un env oi de 60 fr. à compte. Dans cette lettre se trouverait une p hrase ainsi cQnçue : " Quant à M. Victor Considérant, je préfère que se manifeste dans la plupart de ses traditions, dans chacune de ses aspirations et de ses habitudes, l ui apprend enfin jusqu'où il doit inflexiblement pousser la rfalis ation de son droit et l'accomplissement de son devoir . Pourtant nous sommes tenas de le dire, dans no tre sympathie, acquise tout entière à la nation espagno le, il n'y a Ait nom de tous les proscrits républicains français, habitent Madrid, qui ont si_qné l'original. XAVIER.-DURRlEl', 1.Iadrid, le 6 août 1854. On lit dans l' Estafette, journal publié à P;1ris : " vous lui parliez vous-même." Cette phrase serait le 1 seul indice rattachant M. Considérant-au complot, si complot il y a." pas seulement une haute opinion de son coura ge : il y a ;ussi une tristesse profonde, l'amer regret de v oir que, - cette fois, comme après tant d'autres luttes hé roïques, - de si dures épreuves, une si longue patience, une résolution si vaillante n'aient abouti qu'à une rlé.:ept ion. Oui, une déception complète, et, à qui essaierait de le contester, il nous suffirait de montrer quel dés olant spectacle donne aujourd'hui l'Espagne à l'Europe. L'ère nouvelle a commencé, s'écrient emphatiqnement l es journaux C'est le jeudi, 24 de ce mois, que par suite ~•une ordonnance de la chambae du conseil, seront traduit s devant le tribunal correctionnel ( 6e chambre), les sieurs J eau-Baptiste Boichot Félix-Edmond Poirier, Antoinet te Wandervalle femme' Coingt, Félix Pyat, Rougée, Vall ière, Colfovru A.lavoil'.leet Bianchi, tous prévenus de soc iété secrète. Èt en outre, Poirier et la femme Coingt d'avoi r distri- bué des écrits s:ms autorisation, et aussi d'avo ir, par l'nn des moyens énoncés en l'article le de ~a loi du 17 mai 1819, en vendant et distribuant des écrits, " Pour ce qui concerne M. Van der Elst, 011 raconte qu'étant allé à Liége , dimanche dernier, voir un de ses fils qui y est en pension, il ,1urait rencontré M. Brunet ( de l' .Argentière), qui allait aussi voir son fils ou le fils d'un <le ses amis dans la même pension ; ils auraient passé ensemble une partie de la journée, et, en se quittant, M. Brunet anrait dit à M. Van der Elst : " J'ai " une caisse de savon à envoyer à Bruxelles; voudriez, " vous me permettre de vous l'adresser, et seriez-vous " assez bon pour la garder pendant quelques j ours?" - M. Van der Elst aurait consenti, et c'est ainsi que la caisse contrnant les tubes incendiaires et le pistolet à. douze coups dont nous avons parlé hier aurait été_trouvé chez lui. du gouvernement actuel, mais elle se r6duit a ux proportions pitoyables d'un changement de ministère . La souverainct6 du peuple n'a eu qu'un jour, sur les pavé~ soulevés, et sous le feu des soldats ù'Isabelle II : le len- demain, il n'y avait plus qu'une reine, - la re ine de ces mêmes soldats, la fille de Ferdinand VII et de :i\farieChristine. Il y a plus : même durant le combat, <lès les premières barricades, une intrigue puremen t constitutionnelle avait pris les devants ; elle parvint si bien à tromper les combattants que le droit national 11e fut plus qu'un mirage fugitif, presque aussitôt t'.:clip sé par l'exorbitante popularité cle quelques généraux ; il fut prouvé que, de tout ce sang généreusement versé, pai; une goutte ne servirait à l'avénement du seul régime qui pût venger, relever la patrie en deuil, et la mettre en po ssession de •-ses dest\nécs. A Madrid, on déchaînait les plus ignobles soupçons contre quiconque osait prononcer _le nom d~ ce réoime ; 9ans les provinces, un si grand crime de logique et°de dévouement au peuple était menacé de mort pa r des capitaines-gt'.:néraux qui s'emparaient .du mou v~ment~ en toute hâte, pour l'enrayer le plus possible, et l m ôter JUSqu'à sa moindre tendance <l: régéné'.ation sociale. Le mouvement dès lors, manquait ec;sent1elleme nt du seul caractère ~ui eût pu nous imposer le devoir < l'en deveni_r. les soldats. - S'il en était ainsi pendant la lu tte, faut-11 s'étonner que, depuii:;, cette réaction étroite, o mbrageuse, ait de plus en plus envahi, pénétré la situatio n ? • Faut-il s'étonner qu'à Madrid, une Junte, sans mandat comme sans prestige, composée d'influences vieillies et clouteuses, de banquiers modérés et de quelqu es brocan- . teurs littéraires, ait ordonné l'arrestation d'un journaliste qui réclamait le suffrage universel et la liberté radic:.i1ede parler et d'écrire? . . . . • Faut-il s'étonner que le droit de réumon ait disparu déja comme la souveraineté du peuple, 9ue la _liberté <:e la presse soit garrotée par un décret qm rétab lit des ~enalités excessives, le caut~nnement et d'autr es restrictions en vertu desquelles on ne peut publier un journal que si l'on est contribuable, et aussi riche qu'u n électeur de Louis-Philippe? . . . Faut-il s'étonner que les nouveaux organes m1 msténe~s dirigés, inspirés par des hommes qui, pour le b on vo~loir et le libéralisme soutiendraient à peine la comparaison avec M. Odilon Barrot ou M. Thiers, prodigu ent, matin et soir, l'injure au Socialisme français? un d'e ux'. l~ plus répandu, le plus triomphant, remontait,. il y a trois J~~rs, à notre colossale épopée de 93 pour en msulter gross1erement les plus nobles fioures·, Couthon, Saint-Ju st, Marat, b . Robespierre. Pauvres gens! ils ne s'ape~ço1ve nt pas que leur pilori est trop petit pour qu'ils y pmsscnt faire descrndre tant de génie et d'héroïsme, et qu'il n'y reste, en définitive <1ueleur mauvaise foi ou leur ignora nce! , N d. li nous répugne de compléter ce tableau. ous ne irons p11-savec quelle ardeur s'est jetée sur le s grades et les hauts emplois, sur les décorations de tout ordre, les cordons de toutes couleurs, la foule dorée des généraux, des brigadiers, des colonels, donnant le signal ~t l'exem- ple d'une curée infatigable, incessante. Nou~ laissons de côté cette gazette officielle, emplie jusqu'aux bords de nominations, de réintégrations, de faveurs, et ~ù pas un clécrct encore ne s'est glissé, pas même une s imple promesse annonçant quelques mesures de redre ssement ~u de réforme. Nous ue parlons pas des inquiétud es renaissantes rlu peuple qui, à l'heure présente, n·est pas :_11füne sôr qu'on ne demandera pas ses pro?hain~s Cort~s au pays légal de Bravo-1\Iurillo et de Sartonus. Lom de 1. Attaqué la constitution ; 2. Excité à la haine et au mépris du gouvernement; 3. Adressé aux militaires de terre et de mer des pro- vocations ayant pour but de les détourner de le urs devoirs et de l'obéi:-s mce due à leurs chefs ; 4. Attaqué le respect aux lois et à l'inviolabilité des droits qu'elles ont consacrés ; . . . 5. Cherché à troubler la paix publique en excitant la haine et le mépris des citoyens les uns contre les autres ; 6. Outragé et tourné en dérision une religion .. ..dont l'établissement est légalement reconnu en France; 7. Commis publiquement des offenses envers la personne de !'Empereur; , . . 8. Provoqué aux crimes d assassmat, sans que la dite provocation ait été suivie d'effet ; . , . 9. Provoqué à l'attentat ayaut pour b~t, soit ~ ~xc1ter la guerre civile, en armant ou portant les citoyen s a s_armer les uns contre les autres, soit de porter la dév astation, le massacre et le pillage clans une ou plusieurs communes, sans que la dite provocation ait été sui~ie d'eff et ; 1 O. Provoqué à l'attentat, contre la vi~ et ~a P:rso~1~e de !'Empereur, sans que la ltite provocation ai t étc suivie d'effet· 11. 'Provoqué à l'attentat clont le but e~t, ~oit _de M- truire ou de changer _le gouvernement, soit d exciter les citoyens à s'armer contre l'autorité impériale. Félix Pyat, Boichot, Bianchi, Vallière, Colfa :r~, Ala- voirie,' Rougée, d'avoir, à la même époque, en red1geant, pour être publiés, et en le~ leu~ envoyant, ~ou r être ven~ dus· e·t distribu~s les écnts ci-dessus désign és, fourm sciemment à plusi~urs, et notamment à la fe_m1~e_Coingt et à Poirier, les moyens de commettre les déh!s ci-dessus qualifiés, et de s'être ainsi rendus leurs comph_ ces. . Des neuf prévenus, trois seulen~ent sont en__é tat cl arrestslion, savoir : les sieurs Bo1chot et Pomer ,' et la femme Coingt. Quelle riche énumération de ,crimes, et <le d~ - lits ! C'est merveilleusement ~enombre, co~p te: pesé ; rien n'y manque .de~u~s la ,rrovo~at~on a à l'attentat contre la MaJeste, JUsqu au mepns de la Religion légale. . . . . Nous ne voulons pas discuter 1c1le bie~ ou le m? l fondé de l'accusation. A nos yeux, depms le 2 Decembre, il n'y a plus, en France, auto:ité ni j us- tice ; il n'y a que la _force, la ty!anme contre la- quelle tout est de droit et de devon-. . Nous ne ferons pas remarquer non plus com~nc _n est cynique et tristement bouffonne cette T!1e m1s impériale qui va prendre les gens au_collet a pr~- y,os de <;onstitution, et_~ui_les poursuit pour_ .av_o~r voulu detourner les rmhtaires de leurs devons • il ·y a trois a11squ'e1le en assassinait une ~e ces C?n~- titutions, il y a trois ans qu'elle achetait des gen ~- raux à beaux millions comptant, et qu'elle soft lait les soldats pour les enivrer au crime : aujourd'hu i, la cantinière de la veille fait la prude et court sus aux gens, pour offense à la religion. C'est dans l'ordre. Mais ce qui n'est n~?ans l'01:dre, ~i dans le ,bon sens, ni dans la prob1ty vulga1re, c est de den a- " Il paraît que la police faisait surveiller M. Brnne t, et que la caisse a été saisie à son arrivée de Liége. Une autre vcrsîon veut que la caisse ait été expéd iée directement à M. Y an der Elst par l\L Sanrlers." Le gouvernement belge avait besoin d'un complot, pour j nstifi.er ou du moim, pallier sa lâch eté dans l'affêlire-Charras. Voilà pourquoi l'on trou ve â point nommé des tuhes incendiaires, plus un pis - tolet à douze coups dans lequel on insère Victor Considénrnt. Les imbéciles ne crieront plus, et le gouvernement pourra se débarrasser des derniers prosc rits français sans qne l'opinion fasse tempête. Voilà le calcul, voilà tout le secret de la co - médie! C. R. DE LA, PEUR. La Peur est la reine du monde. Les deux pe uples les plus braves de l'anti<1uité en avaient fait une déesse ; à Sparte et à Rome, on lui érigea des autels, o n lui voua un culte et des sacrifices. De tels hommag es sont la preuve d'une connaissance approfondie du cœu r humain. Les cours drs monarques absolus offrent l'ima ge frappante de ce culte antique, bien qu'elles n'aie nt pas été instituées dans le même but. Le palais re présente le temple de la Déesse; le tyran, l'idole; les cou rtisans, les prêtres. Les victimes immolées S()nt la liberté, les mœurs, la pensée, la vertu, l'honneur et la vie des cito yens. Les théolognes disaient la Peur fille de la Nuit ; ce symbole est parlant, mais incomplet, car il n'ad met qu'une seule Peur, tandis qu'il y en a ùenx : celle qu i règne sur les peuples, et celle qui gouverne les tyrans . Or, si la première est fille de la Nuit, c'est-à-dire de l'ig norance, la srconde est fille clu crime et ne peur renier son pèr~. Montesquieu dit que l'honneur est le principe et le ressort Je la monarchie ; mais il ne le prouve p as. Quant à. moi, je dis et j'espère démontrer que le seul r essort de la tyran nie, c'est la Pe11r. L'opprimé craint, parce que, outre ce qu'il so uffre habituellement, il sait bien qu'il n'y a d'autre limite à ses souffrances que la volonté absolue et le capri ce de l'oppresseur. De cette crainte perpétuelle devrai t naître (si l'homme raisonnait) une résolution désespérée de ne vouloir plus la souffrir ; et si cette résolution na issait à la fois dans l'âme de tous ou du plus grand n ombre, elle mettrait fin immédiatement au mal 1 universel. Toutefois, c'est le contraire qui arrive : chez l'homme esclave et opprimé, la crainte excessive et continuelle p r~duit ~ne circonspection de jour en jour plus grande, qui dev1~nt promptement obéissance aveugle, lâche respec t, soum111sion entière au tyran. Celui-ci ne craint pas moins de son côté ; car au sen- timent de sa force immeni-e, mais idéale et emprunt(lc,

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