Homme - anno I - n.38 - 16 agosto 1854

-SCIENCE.- -SOLIDARITÉ.- JO-URNADLELADEMOCRATIUENIVERSELLE. N8 • 38. - llERCREDI, 16 AOUT 1854. Ue .J@1111"11al 1un•ait une fi°&is 1&a1• se■naine. 1 (Jersey), 19, Dorset Street.-Les manuscrits déposés ne seront pas rendus. - O:-1 s'A1:o:SNE: A Jersey, 19, Dorset stréet. - A Londres, chez JI.X, Zmichowski, 28, Grcck-street, Soho Square.-A Gcnè11e (Suisse), chez :VI.Corsat, libraire, ru~ Guillaume-Tell. - Belgique, chl'z :\1. Leconte, rue de la Rivière, 16, faubourg de Cologne à Bruxelles. - A Madi-id, chez C. l\Ionnier, libraire. Toutes lettres et cü"rrcspondances doivent être affranchies et adressées au bureau de l' Imprimerie Universelle à St-Hélier I •LES FLEAUX. . I. LE CHOLÉRA. Le choléra décime la France comme à son premier passage, en ces jours désolés de 1832, où chaque nniison avait ses ag-onies, et chaque cha- ' rette ses cadavres. Invisible dans son mystère, il emporte la femme, l'enfant, le soldat, le travailleur, tous ceux qui suent et tous ceux qui souffrent : il y a des villes, de petites villes, co:nme Avigno1. où la iis~e des morts a ét6 de cinq cents à la journée ! Que fait l'administration napoléonienne povr arrêter cette peste-goule qui boit, à le 1arir, le sang de la France? Q 1e faiLelle, du moins, pour écarter ou prévenir '?-Il n' y a pas une ambulance de plus, un seul service spécial organisé dans tout · cet empire, et les fonctionnaires bien repus regarde t, impassibles, défiler les convois, quand ils ne fuient point comme des lâches , à la première odeur des cadavres. Sur un point, pourtant, ils exercent une surveillanca active, inquiète, sauvage; ils ne veulent point qu'on dénonce la peste, qu'on la signale aux villes menacées quancl pas~e son soufile: ils ne veulent pas qu'on compte les morts! Et pourquoi ce fonafü,me du silence à l'endroit d'un danger public? Le choléra, comme les époux de .Biaritz, aurait-il son droit d'inviolable majesté'? Ferait-il partie de la Constitution impériale, comme le Sénat, ou Mousieur Bonaparte aurait-il compris qu'il e~t bien, entre fléaux, <l'en agir comme des cousins et de se faire courtoisie ? Les docteurs, les diplomates du règne prétendent que tirer le rideau des alcôves et taire les m~rts est une grande habileté, quand il y a maladie pnbliq lJe : la peur, disBnt-ils, ne peut ainsi faire ses propagandes. Les fièvres no g-agne11tpas, ne s'étendent pas, et les sinistres particuliers, restant inconnus dans la vie générale, on ne tombe pas dans les grandes alarmes. Nous comprenons cette savante méthode, quand on l'applique aux idées, ces redoutables empoisonneuses qu'empqrtent et sèment les vents de la publicité : la tyrannie a besoin du silence, comme le vol a besoin de l'ombre; mais le choléra qu'on peut prévenir par l'hygiène, et qui ne rappone rien au despotisme, pourquoi le traiter comme l'éloquence, comme la pensée, comme la philosophie? Est-;! bien certain, d'ailleurs, qu'en parlant bas d'un malheur puhlic, en le taisant, on empêche les fièvres et le.s alarmes de courir? L'ioco11nu n'amènc-t-il pus les vertiges, et, ne sait-on pas que l'ignorance et la nuit engendrent les peurs folles? Q!le voulez-vous? En toute conduite, comme en toute chose, l'empire n'a qu'un moyen, les ténèbres, - un principe, la force. Laissons-nous une armée toute entière dans les neiges <lela Pologne et de l'Allemagne t on fait un bulletin de décès qui constate quelques morts et qui promet cent victoires. La récolte est-elle pauvre, insuffisante, presque nulle? on rédige une circulaire qui célèbre les plus riches moissons et l'on met en geôle tous ceux qui trouvent le pain de famine trop cher. C'est ainsi que l'on gouverne jusqu'aux. catastrophes! , Nous n'accusons pas les gouvernemens, quel qu'indignes et misérables qu'ils soient, d'enfanter ces invisibles et sinistres fléaux lJUi, portés snr l'aile des vents, viennent, parfois, désoler la famille humaine; mais nous ferons remarquer, cependant, que les années aux gTandes journées révolutionnaires n'ont jamais été signalées par de telles catastrophes : on dirait que l'âme publique, énivrée, exaltée, peut défier, en ces momehs, toutes les corruptions c.le la terre, et ce n'est jamais qu'après les longues déceptions que les g·angrénes arrivent. En 18t32, le choléra s'abat sur la }'rance et couche les familles, comme le vent les blés. En 1830, au milieu des chaleurs ardentes el des saintes fi.èvrf's révolutionnaires, il n'y avait eu d'autres morts que ceux de la bataille. En 1849, en 185!, par deux fois, la Fnrnce esclave reprend le deuil et la peste marque ses portes. Eu 1848, la Révolution renouvelant ses guerres, il n'y eut d'autres cadavres que ceux des barricades. Ceci ne serait-il pas le secret des élrctricités saintes? JI. LA. GUERRE. rrandis que le choiéra désole nos villes de l'i11térieur et répand ses poisons dans nos ports, Ja gunre entraine an loin nos armées; ceUe-ci tie:Jt la Baltique, cette région des glaces où le froid et la faim l'attendent, - celle-là campe aux contïées de l'Orient, entre le R1:sse et là mer des tempêtes. ~I ais qu'importent ie danger des hivers, !a foreur des élémens et la menace dt> l'étranger? Quand elle se bat, quand elle fait la guerre sainte, la France ne s'inq niète. pas de ses ennemis, et si les eaux ne peuvent porter ses étendards, 'elle traîne ses canons sur les glaces, comme en Hollande. La guerre est-elle juste, est-elle sérieuse et bien menée? Voilà la qnestion. Si nos armées faisaient face à la Russie, pour venger et pour relever la Pologne, dont la mort et les longs supplices ont tâché notre histoire, il y aurait religioq à les suivre, à les aimer, 'à les défendre. Si elles allaient châtier le despotisme et l'aristocratie russes, dans uu esprit de propagande et d'affranchissement pour 50 millions de frères-esclaves, leurs armes seraient trois fois saintes; mais c'est une querelle d'intérêts et de suprématie qui divise les empires et lt-'smet aux prises: il n'y a rien d'élevé, de générnl, d'humain, dans le grand sens du mot, eu cette guerre: on n'y travail!e ni pour les peuples, ni pour les idées, et l'enjeu des parties est un enjeu marchand. Voilù pourquoi cette guerre n'est pas religieuse, n'est pas nationale comme celle de 92; et voilà pourquoi la France est froide, n'ayant pas son cœur eng·agé. Nicolas, dans ses ambition<;monstrueuses, a cru pouvoir, cette fois, mettre la main sur le riche Orient, et pourquoi? parce qu'il a vu la Révolution à la chaîne et l'Occident vassal. Croit-on qu'il aurait osé, sous la République, ouvrir cettP- g-uerre où la France se serait jetée avec toutes ses énergies et toutes ses propagandes ? la Pologne, les serfs, b Finlande, et jusqu'aux Cosaques des steppes, tout ne pouvai•-il pas se lever au grand appel du peuple libre et soldat, tandis qu'aujourd'hui l'E:,rope esclave n'entend que le cri des marchands de Lo11dres et le dialogue des princes? Cette g·uerre juste en principe n'a donc ni le graud esprit ni les grands moyens qui donnent les victoires saintes et fécondes : ce n'est plus qu'une campagne sur l'échiquier des hasards et des nombres. Maintenant qui la conduit, et comment sont organisées, sont dirigées les forces? Les gouvernemens de France et d'Angleterre sont, disent-ils, unis fraternellement; c'est officiel, l'on n'en saurait douter, sans aller au crime. Il est clair, cependant, qu'ils n'ont pus voul11,jusqu'ici, donner ensemble et marier les drapeaax sous la mitraille et le feu. Quelles sont les arrière-pensées, et n'y a t-il pas soupçou ou réserve ? En second lieu, Monsieur Bonaparte a confié les grands commandemens à Saint-Arnaud son ANGJ.ETERRJ; ET Cor.O:SIES : Un an, 8 shilli11gs ou 10 fran es. Six mois, 4 sh. ou 5 fr. Trois mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. CHAQUENUMl:RO: 3 pence ou 6 sous. Puun L'ÉTRANGr.R: Un an, 12 fr. 50. Six mois, '6 fr. 25. Trois mois, 3 fr. 50 c. '!l'out1 ~e§ aDto1ua~1ne11u1 me iH~B.4'1111.t 1ll',n,a.11~ce. homme de nuit, à son cousin MonsiLur J érome, dont on ne voudrait pas à Saint-Cyr, à Canrobert, Espinasse, Baraguay-d' Hilliers, tous capitaines de petit combat ou de guerre civile . Nos armées, autrefois, avaient à leur tête les Desaix, les Hoche, lei- Marceau, les Klt'ber et les rudes aventuriers du premier empire! Les soldats les connaissaienL et les suivaient: on pouvait avoir avec eux chance mauvaise et,, rude journée. mais on faisait retraite .• Aujourd'hui, qu'un sinistre • l' ' d' b arrive et qne armee se e ande ...... ce sera la débùcle des ueiges ! Voilà la guerre d'Orient; elle est sans foi, sans idéal, sans grandeur, et de plus, elle est mal faite: homm:;s, institutions, souvenirs, en toute chose, le seconrl empire est destin6 à tuer l'ancien!- Ayons ccnfiance; qu'ils s'appellent la Famine, la Guerre, .Bonn parte ou le Choléra, les fléaux passent, et la France reste ....... CHARLES RIBEYROLLE8. UUI-LETIlNELA SEMAINE. Dans la dernière séance des Commnnes, lord ,T olw Russell a déclaré, sur une interpellation de., M. Hnme, que l'ambassadeur russe à Vienlle avait annoncé, d'après son ma1tre, comme ils disent maîH~ena11teu Europe, l'évacuation immédiate et complète des Principau(és. L'Autriche, on s'en souvient, u'a jamais demandé que cette retruite du Czar, et quoique le ministre anglais ait dit, sans pouvoir l'affirmer, qu'elle exigerait, d'accord avec l'Occident, de nouvelles et plus larges g:wanties, )10us ne croyons pas qu'elle veuille ::iller plus loin. La prudence est dans son tempérament, et si les services s'oublient, on se souvient des malheurs! D'après les dépêches télégraphiqites, dix mille 'furcs seraient entrés à Bucharest, et le général en chef, Omer-Pacha, anrait débattu, réglé avec un officier d'état-major autrichien, l'occupation des Principautés et la distribution des forcrs. • Cette campagne finit bien vite, et Nicolas nous semble par trop débonnaire avec ses deux cent mille hommes qui font retraite, sans combat, pour qu'il n'y ait pas, en tout ceci, calcul d'hiver outrahison rnssquée. • Les dépêches de la Baltique disent, (chaque mer a ses télégrnphes, sinon ses batailles,) que 3,000 Français ont débarqué dans l'ile d'Aland sans coup férir et sans dommage. Encore un facile, un trop facile triomphe: nous Graignons les revers. Les têtes à couronne ont eu du malheur, dans ces derniers temps, Ainsi le roi de Saxe est mort. et de la mort des cochers. Le fils du Czar, prince Constantin et ~rand amiral de la marine russe est tombé dans la mer (fatal présage!) et l'ex-reine Christine, idôle des Espagnes, est toujours bloquée dans le palais de sa fi.lie, avec tous ses Munoz. Le peuple, un peu trop oublieux et facile, pour les questions de principes, est sur ce point d'un intraitable souvenir et ressentiment. 11 ne veut point que cette femme sorte, en paix et tranquillité, chargée de dépJuilles des l'Espuln ~ : il p'ac!) ses grands gardes sur les routes, et le chef du gouvernement, Espartero, le divin Espartero, est fort perplexe à l'endroit de cette reinc-mère,qui l'a jadis chassé comme un laquais. - L'excellent cœur! Il ferait mieux, bien mieux, de garder ses miséricordes pour Barcelonne, la ville qu'il a saccagée jadis, et de n'y point lais,er fusiller de bra,·es ouvriers qui n'ont point trouvé dans la dernière révolution des épaulettes de capitaine-général, comme M. Concha. Ce sang crie vengeance et fait tache: Espartero ne l'effacera pas. • U u grand personnage vient d'arriver à Mr,drid: Persigny remplace Turgot! C. R.

LA SESSIODNUPAilLl:MENT ANGLAIS. Ouverte au mois de février 1854, la session <lu Parlement anglais se ferme au mois d'août de la même année: 1[ aura duré six mois ce coucile, au milieu de la crise la plus formidable qu'ait vue notre part de siècle, - celle <l'une grnnde guerre, - et des plus sinistres fléaux qui puissent frapper Je_., peuples - la disette et le choléra, la peste et la faim. Quand des hommes libres qui représ~ntent une grande nation , se réuuissent pour délibérer en de si graves circonstances, quand ils out eu six mois pour étudier et pour conclure, - au· nom de la famille humaine qui n'accepte et ne compre.ud ni l'étranger ni le proscrit, - chacun a le droit de leùr demander compte. Ce droit est d'autant plus sacré, dans les jours que nous traversons, qu'il n'y a pas en Europe une autre consciPnce libre, une autre tribune ouverte, et que le Parlement anglais est la seule responsabilité, la seule dignité qui reste à la civilisation publique tombée, partout, esclave et baillonnée. La France ne peut pas parler: elle n'a plus que ~es trétea_ux où <les laquais, paradent, _quelques Jours à peme, et parlent entr eux, à voix basse, dans la note qu'a marquée le maître. - Dernier et s~nglant outi:age qui vient frapper. ce puissant g-éme, rebelle, 1l y a quatre ans à perne, à toutes les disciplines! L'Italie ne parle pas, ne peut pas parler, livrée qu'elle e1;t à tous les vaut,)Urs qui s'appellent des aigles ; l'Allemagne est une poussière d'idées, et l'Amérique est trop loin. Il n'v avait .donc, il u'y a doue que l'Angleterre. ~ Eh bien, qu'y a-t-il au registre, après six mois de séance et quand les intérêrs · les plus chers sollicitaient inquiets, alarmés, cette surveillance active, ces résolutions hardies qui étaient autre- .fois la relig·ion de Rome et qui tant de fois la · sauvère11t? Nous ne parlerons pas de la·chambre ·dei:Lords: c'est pr_esque une sinécure, comme la royauté dans les affaires de ce pays: on l'honore, ou la glorifié comme les statues: on respecte ses priviléges, ses pourpres,, ses sï,,stes, ses rhumatismes illustres, et on laisse courir les ·-petits Irlandais derrière ses •-voitures ; mais elle ne oompte pa3, elle ne compte plus, comme au temps de Pitt, quanèl, véritable Sénat patricien, elle était l'homme ·d'Etat, l'oraiteur et le banqn-ier des coalitions géantes contre la Ré\·o:ution française. Dans la période qui· vient de s'ouvrir, période • étrange, période nouvelle et par les alliances et par les dangers et par ies ennemis,-comme direction politique et comme conseil, elle s'est effacée. Qu'avait-elle à dire et que pouvait-elle faire? tous ses souvenirs étaient renversés, troublés comme ses sentiments. - On faisait alliance avec un Bonaparte, avec cet empire qui fut, pendant quinze ans, l'insulte, la guerre, la menace de mort, et qui rPvenait après le grand meurtre de SainteHélène ! On tendait la main à cette aventure, héritière des longs ressentiments, et l'on entrait en campagne contre qui? Contre la grande, la véritable armée des oligarchies et des couronnes sur le continent, contre la Russie, corps d'armée <le la vieille Sainte-Alliance! !.tes pairs ang·lais, hommes de la tradition, ne pouvaient suivre ces nouveautés dans lesquelles !!'engageait assez témérairement la politique du pouvoir, et s'ils ue se sont pas abstenus jusqu'au vote, s'ils n'ont refusé ni la confiance officielle ni les subsides, il n'en est pas moins vrai que leur attitude est toujours restôe froide, impassible, inquiète souvent. Nous parlons ici de cette majorité silencieuse qui ne fait ni l'excentricité ni le discours, mais. qui, par son poids ·et son nombre, gouverne les Assemblée::;, tandis que d'nutres font merveille sur les aîles et s'illustrent par la harangue ou l'épigramme. Y a-t-il, après tout, à s'étonner de ces résistances habiles et prudentes qui, s'adossant aux traditions, ne se laissent jamais entraîner dans lïnconnu des rélations et des affaires ? Les corps •politiques de forte expérience et de date ancienne • connaissent trop bien les retours rapides des révoJutions et les nécessités changeantes des fortunes mal assises, pour se Jivrer à la première aventure t>t ne pas réserver l'avenir. L' HOi\l!l E. Voilà 'po~rquoi l'aristocratie et la royauté britanniques ont été suspectées et même dénoncées, au commencement de cette guerre : voilà pourquoi l'on peut encore à bon droit douter de leur coïdial assentiment. - C'est une loi de la vie que de se défendre, et, la faute est au peuple qui garde certaines institutions, quand il les trouve eu travers de ses vœux et de ses destinées. Mais la Chambre des communes qui vient <le l'électiori et qui a tous les contrôles, la Chambre des communes, tutrice du peuple, aura du moins rempli sa charge dignement, éoergiq uement, et laissé denière elle le:1 grands actes qu'appellent les temps de Cïise ? Il y avmt, à son progr:-imme de cette année, des questions plaidées depuis villgt ans : on les a passées s01.s silence, pour ne pas troubler le travail ides diplomaties et I.Ps méditations guerrières des lords Pi:llmerston et Russeil. Ainsi, la réforme financière et commerciale, qui sous Peel marchait si vite et si hie11, ou n'en a point parlé pendant les six mois, sauf en un point, celui du cabotage. La réforme électorale dort avec monsieur H urne, son :vénérable président, et le juif Rotschild n'aura point l'heur encore cette année, d'aller s'asseoir aux Communes. rrout le mouvement intérieur des améliorations t d 'e ' t "t' • 'à 1 e es reiormes s es arre e : on ne pensait qu • a guerre! Mais, cette guerre, du moins, la Chambre des communes l'a-t-elle comprise, l'a-t-elle poussée vigoureusement, et comme savent le faire les assemblées qui out un sentiment profond du .péril et de l'honneur? On a parlé bas, très ·bas, sur cette questio::i de la guerre, dans la Chambre des communes : les ministres st'uls ont eu le verbe haut, et leur éloquence a rempli la sessioQ d'innocens anathèmes contre les ambitions du Nord. En fait, on a réalisé des armemens puissans, expédié des flottes formidables; mais on a perdu quatrP mois en négociations plus qu'inutiles; on a dépemé trois ou quatre cent millions, et l'on n'a pas encore ouvert la lutte! Après les négociations, "les temporisations ... et, puis viendra l'hiver... et puis, on se retirera, sauf à rf'commencer l'an prochain cette admirable campaglle qni pourra s'appeler dans l'histoire: Les promenades sur mer. La Chambre des communes a tout accepté, tout ratifié, tout voté sans débattre. Elle a douné les millions sans compter, et l'on peut dire que le gouvernement a11glai.;est aujourd'hui libre de tout contrôle, comme celui de France, où rien du moins, ni tribune ni presse, n'est resté debout pour jetP.r le cri d'alarme. En donnant,. ainsi, blanc-seing et pleins pouvoir.,, en se laissant proroger au milreu de la crise, la Chambre des communes, dit-on, a fait acte de patriotisme: nous disons-nous, que la Chambre des communes a trompé les espérallces de l'Europe. 1:,on silence au mil1e11du silence forcé des autres nations est plus qu·une faute : il ne s'agissait pas de discuter des plans de guerre, mais bien cle surveiller e. de_diriger la politique du gouvernement: on n'est une Assemblée sérieuse qn'à ce prix, et le peuple d'Angleterre s'apercevra bientôt, mais trop tard, qu'on l'a très mal engagé. Quand les peuples feront-ils eux-mêmes et par eux-mêmes • Ch. Rrn. Dans l'appel que vient de faire Mazzini, et dont nous avons rendu compte, il y u de tout un peu. Voici quelques lignes qui sont bonnes à méditer et que nous recommandons aux divers partis nationaux engagés dans la sainte cause de la République universelle. La France a ses royalistes qui se disent libéraux, comme l'Italie; la Pologne a son Czartoriskiprétend,rnt, et la Hongrie ses constitutionnels. - Tenons-nous en g-arde contre tous ces rôdeurs, et défions-nous des 'fausses alliances! Par suite du principe qui le gouverne , des traités qui consùuent son existence politique, de la diplomatie qui dirige ses mouvements, le gouverneme11t du Piémont est déshérité de toutP. initiative. La monarchie piémontaise peut, suivant ses desseins, aider et non provoquer 1me insurrection. Placé entre une insurrection Lombarde qui , abandonnée à elle-même , deviendrait républicaine et une agitation intérieure menaçante suscitée en Piémont par cette insurrection, le roi peut dire, comme, en 1S48 Charles-Albert, aux gouvernements européens : Je vais, appelé, en combattant l'Autriche, vous sauver, vous et moi, de la victoire d'un principe qui nous condamne; il ne peut dire : Je me constitue em·ahisseur par amour de conquêtes, sans déchirer les trait~s qui forment le droit public de l'Europe et gouvernent, prétend-on, même la guerre qui se fait aujonrd'hui. Le Piémont royal n'a que deux v6'ies à suivre ; ou s'ap. puyer sur le droit révoluiiom1aire, invoquer le principe national que nous invoquons nous-mêmes, déchirer la carte d'Europe, appeler à l'insurrection tous les peuples d'Italie contre quiconque s'y opposerait, renoncer à toute entente fraternelle avec les rois de l'Europe, affronter à la fois l'excommunication pontificale et les armes des pe. tits tyrans Italiens réunis, substituer notre drapeau au drapeau savoyard - ou s'appnyer sur les circonstances, sur la nécC:.'ssitéde mettre fin à une lutte qui brûle ses frontières, sur le frémissemrnt de ses snjets, sur le cri d'un pe11ple qui dit: venez, je suis ù v011s. Et qui peut, sans se déclarer insensé ou complice, affirmer que la monarchie Piémontaise suivra le premier parti ? Reste donc la guerre fondée sur les circonstances. Mais ces circonstances, il faut les créer. Il n'y a qu'un moyen, l'insurrection. Provoquez a\'ec nous l'insurrection Lombarde; provoquez en Piémont une agitation qui menace le trône, si le trône ne donne la maiu à l'insurrection ; moi Italien et non partisan de la famille de Savoie, je me tiendrai ~ l'écart, mais je vons comprendrai; sans cela, souffrez, ô fauteurs <le l'initiative royale, que je vous déclare insensés ou cornplices. Et cette initiative royale que pPut-on en espérer? Je parle aux hommes, républicains ou non, pe,u importe, qui réclament 1rne Patrie Italienne et non un simple agrandissement de la mon ..rchie Sarde. Espèrent-ils que le Piémont r0yal va se lever et combattre pour l'Italie? Espèrent-ils que le roi va, dans le même moment, rléclarer la guerre à l' Autriche, à Naples, aux petits gouvernements des Duchés, au Pape? L'initiative royale permise sous l'instigation et la clixcction presqu'inévitable des cabinets de France et d'Anglcter:·e - sans quoi crtte initiative royale est imposioible- n'aurait pour but, dans l'esprit de ces deux cabinets, qne de contrai1:dre l'Autriche, encore hésitante, à les seconder dans leur guerre contre le Tzar; dans l'esprit du roi de Piémont, elle n'aurait pour objet qu'un agrandissement de son territoire. Et l'Autriche·; ou elle serait victorieuse - ce qui n'est pas difficile -- dans une seconde bataille de Novarre; ou, Yaincue, elle ferait des propositions d'arrangement qui seraient - cela est certain - immédiatement acceptée1'. Le Piémont obtiendrait peut-être un partie de la Lombardie, plus probablement encore les Duchés. La Vénétie et les passages des Alpes resteraient dans tons les cas entre les mains de l'Autriche, et les pauves populations .insu, gées seraient encore une fois livrées en victimes trahies aux vengeances impériales. Est-ce là ce que veulent les Lombards partisans de l'initiative monarchique? Trahir ainsi bassement l'Italie dont ils invoquent le nom? Vendre leurs frères? Signer, eux peuple, un nouveau traité de Campo-Formf'J ou quelque chose de pire? Se couvrir d'infamie, eux et le;ur patrie à la face de l'Europe? A Dien ne plaise que je puisse un seul moment admettre la possibilité d'une telle honte. Et pourtant ;--our l'empêcher- pour empêcher qu'une dynastie bâtarde française vienne s'implanter dans le Royaume de Naples - pour empêcher un protectorat anglais en Sicile, destiné à équilibrer cette implantation française - pour empêcher les six Italies projetées - pour empêther une nouvelle <liv;sion mille fois pire que celle qui existe aujourd'hui, minée et rouillée rlans l'opinion, tandis que la création de nouveaux intérêts, résultat de tout changement et la nouvelle sanction des gouvernemens européens, donneraient à celle-là une force que le temps seul pourrait détruire - quelJe voie nous reste, sinon une seule l'insurrection ? L'insurrection de la nation qui, levant la première son drapeau, s'emparant de l'arène politique, puisse tlonner de plus grandes espéranres, pl11s de résolution aux desseins du Piémont, et par sa conduite durant la guerrP-, garantisse ses destinées à venir. Que d'autres pensent qu'on doit attendre pour agir que l'Autriche se soit jointe en armes à l'un ou l'autre des combattans. C'est malheureusement l'opinion la plus répandue et la moins raisonnable. L'Autriche est lâche P.t astucieu1'e. Elle ne s'alliera décidément qu'avec celui à qui la victoire sera assurée. Et alors il sera trop tard pour nous. Tant que lé succès sera incertain elle restera hésitante. Elle caressera officiellement les puissances occidentales; mais ses armées ne livreront point bataille à celle <lu Tzar; elle se préYaudra probablement des troubles de la Grèce pour occuper les provinces contigues, afin de les joindre à ses domaines quand sonnera pour la Turquie l'heure du démembrement ; mais elle n'opèrera point sur les voies de communication des Russes, seul rôle qui lui conviendrait; comme aujourd'hui elle laissera, suivant la promesse secrète qui en a été faite, les troupes envahissantes libres d'avancer sans crainte ; elle n'attaquera pas ou vertement les forces anglo-françaises. Pourquoi d'ailleurs le ferait-elle? L'inaction assurée, c'est tout ce qne la Russie peut demander à l'Autriche. Mais à s11pposer que l'Autriche, oubliant les tenclances traditionnelles de sa propre politique et sacrifiant sans but ses propres intérêts, risque résolument le sort des batailles, où serait l'avantage pour nous? Si elle clioisit de s'allier à la Russie; la Hongrie, Vienne et l'Allemagne sont perdues pour nous ; notre insurrection périt tôt ou tard dans l'isolement. Si elle réunit ses armes ;\ celle&,

des puir sances o~.ciùcn_tnlcs,nous ~\·ons: n~n plus u~ seul, mais trois ennemis puissants. AnJourd hm, par smte de l'incertitude de ses rnonvements, l'Autriche n'a pas d'alliés. La Russie ne l'aidera pas à réprimer l'insurrection hongroise; l'Angleterre et la France n'enverront point _en Italie des armées destinées à combattre pour une puissance qui n'est pas aYec e11es. L'Autriche, neutre ~t inerte, est isolée ; suspecte à tous, mal vue de tous, quoiqu'en puisse dire, et pou~· cause, l_adi~lo~rntie. _ _ Mais, dira-t-011, une msurrection Italienne déciderait 1'Autriche à s'unir aux puissances occidentales ; s'unir, avec quelles forces? Quels éléments de puissance offrirait aux deux cabinets l'Autriche assaillie par l'insurrection Italienne et par l'insurrection inévitable de la Hongrie? La guerre royale, - _sijamais elle pouvai_t se faire - pourrait être arrêtée subitement par les premières propositions amicales de Vienne. Mais la guerre du Peuple? La guerrn du peuple, échappant à l'influence des ~abinets, supprimerait l'utilité de leur accord. Les puissances, pour lesqueiles serait inutile l'alliance d'un fantôme d'Etat, diraient à l'Autriche : Vous n'avez que ce que votts méritez; sauvez-rous si vous pom·ez et comme vous poun-ez. LAQUESTIONSOCIALE. L'humanité n ·est sortie jusqu'à ce jour de l'indivision qui est pour elle l'état de nature, eu _ég_ardà la propriété du domaine terrestre, que par la spohat10n du plus grand nombre au profit de quelques-uns; et il est certai11 que la propriété, telle qu'elle existe ai1jourd'hui, n'a pas de parts pour tous. Ceux _tlonc qni croient q_ue la proprié~é ainsi constituée doit toujours durer, ont raison de soutenir qu'il y aura toujours des pauvres. Leur opinion es_Lantihumaine , anti-sociale , blasphème et condamnation de toute loi providentielle; mais qu'importe que la nat~re et l'humanité aient tort, pourvu que la logique bourgeoise ait raison ! Oui : i! y aura toujours des pauvres sous le régiine de l'usure et de l'hérédité ; cela est incontestable. Aussi, la question n'est-elle pas de savoir s'il y aura ou non des pauvres sous le régime de l'usure et de l'hérédité mais de savoir si ct1 régime doit toujours durer, ' . et s'il ne peut pas être remplacé par un régime sous lequel il n'y ait pas de pauvres. Pour ma part, en regard de la négation de l'usure et de l'hérédité, je pose l'affirmation d'un mode nouveau de propriété dans lequel il y aura des parts _pour tous, sam qu·il y ait cependant auc_un partage; et J'app~lle 1 ce mo_de de pronriété, du nom qm lm est propre et qui n est pomt <lu re~te de mon invention, Propriété constituée par la fonction. Autant il est difficile de concevoir comm<>nt donner des parts à de nouveaux_ arrivaut~ snr un dom.aine où tout est approprié, a1itant 11 est facile de concevoir comment leur donner des fonctions, du moment qu'aucun droit seigneurial ne ferme l'industrie. Les nouveaux arrivants apportant par leurs besoins de _con~om;11ationun débouché égal à leur faculté de produire, 11 n y a plus à craindre pour la société un surcroit de populatior1. On n'a à leur demander qu'une chose: quelfes fonctions ils savent remplir; et aussitôt leur droit se réalise dans les •ateliers des diverses fonctions,· où chacun devient possesseur de· l'instrument qui sert à ~on tr_avail,_et du prix des produits qu'il crée, défakat10n faite, bien entendu, de la portion afférente, sous quelque forme que ~e soit, aux services pnblic.s auxquels chacun, par sa condition sociale, est tenu de contribuer pour sa part. Et d<>même que la fonction constitue ainsi la véritable propriété qui, née des facultés de l'in~ividu, détermine ]a possession de l'instrument de travail dans tel 011 tel atelier, lais~ant à chacun la libre jouissance, selon ses goùts , du fruit de son travail ; de même, la fonction constitue aussi la véritable hérédité, la filiation sociale en vertu de laquelle on est industriellement , artistiquement, scientifiquement, héritier de celui dont on continue l'œuvre. Qu'est-ce donc que cette loi bestiale qui, depuis le trône jusqu'à la hutte, i~pose au~ ~nfants la con~ition du père? Des hommes, libéraux d a1ll.:mrs et amis du progrès, s'étonnent de notre haine contre les royautés, et ils ne voient pas que la royauté est la plus haute incarnation, l'assise suprême de cette loi qui maintient l'homme dans la condition natnrelle aux bêtes, m ,is non pas naturelle aux hommes. C'est ne rien comprendre aux choses de l'ordre social, que de ne pas voir que cette filiation selon la chair est un lien de la matière contre lequel l'esprit est en révolte perpétuelle. Les prêtres du Catholicisme, dans leur aspiration à la domination unive,selle ont été mille fois plu:; clairvoyants que tous ceux qui ont passé dans le' monde pour des savants et des politiques. Quelle profondeur de vue ! Laisser le monde s'organiser selon la loi animale, bruta 1e et royale : et s'organiser, soi, selon la loi morale, spirituelle et sociale ; et ainsi dominer le monde à toujours l C'est à jeter l'esprit de celui qui médite sur ces choses dans une extase d'admiration. Si on n'était pas socialiste, on voudrait être jésuite. C'est que c'est vrai. C'est que l'héritier véritable d'u~ homme est celui ,1ui contiuue son œuvre. Sans doute, 11 L'1TO~lME. arrive quelquefois que le fils selon la chair continue l'œuvre du père; mais ce fait est excessivement rare. En dehors de cette filiation naturelle, il y a une filiation sociale, une filiation par l'esprit, en vertu ~e laquelle l'industriel, l'artiste, le savant ont leurs apprentis, leurs élèves, les fils de leur pensée, les continuateurs de leur œuvre, les héritiers de leur savoir, de leur talent, de lenr génie. C'est en vertu de cette filiation que les fonctions se transmettent, que les instruments du travail passent <le mains en mains et trouvent des intelligences toujours jeunes, des bras toujours vigoureux, des cœurs toujours amoureux de leur œuvre ; tandis que la filiation selon la e,hair ne transmet l'instrument du travail paternel qu'à une iutelligence lassée, à un sang appauvri, à un camr fa_ tigué par le travail même qu'il s'agit de continuer. Pas plus qu'il ne faut faire éternellement porter· à un champ la même moisson, il ne faut faire continuer à une famille la même fonction. Les romanciers (je dois citer ici George Sand) savent cela. Les politiques et les législateurs du l 9e siècle ne le savent pas. Ainsi, la véritable propriété doit être d'avoir une fonction, (d'en avoir même plusieurs; je reviendrai sur ce ce point,) et de possé<l~r dam, l'atelier de sa fonction, l'instrument de travail· qu'on sait mettre en œuvre. Ainsi, la véritable hérédité doit être de succéder à un homme dont on continue l'œuvre, et d'hériter, dans l'a- , telier où cette œuvre s'accomplit, de tous les moyens matériels, moraux. et intellectuels nécessaires à la fin poursui vie. Que les 11èrcs, selon la chair, ne craignent pas cette révol11tion, moins ils seront des maîtres pour lours enfants, plus ils en seront aimés. Les pères ont gagné beaucoup dans l'affection de leurs enfants à la suppression des lois féodales. Ils gagneront immensément encore à la suppression des lois qui régissent l'hérédité actuelle. Je voudrais pouvoir m'étendre sur cet 'lrlmirable sujet, et montrer quelques-unes des perspectives qu'ouvre sur l'ensemble <les fonctions humaines, cette r,otion vraiment sociale de l'hérédité. D'un côté, des généalogies absurdes, monuments de l'orgueil insensé des Castes, par lesquelles des familles se disent nobles, constatent qne depuis tel homme, leur aïeul, puissant par le cœur ou l'intelligence (souvent• aussi par la force ou la rusE:) lt!s descendants n'ont fait que dégénérer: enquête permanente établie involontairement par la f.jOttise vaniteuse pour montrer cornbien il faut <legénérations sans mésalliance pour descendre du ],éros à l'imbécile. ' De l'autre côté, l'humanité lal1orieuse, artiste, savante retrouvant ses vrais tftres de noblesse et les inscrivant dans l'histoire des créations humaines. _ Un jour ce serait, je suppose, l'histoire de la locomoti~n, et nons suivrions la filiation d'hommes de génie et d'ouvriers habiles qui, depuis la première brouette cahotant sur un sol abrupte, se sont succédé, apportant, à e,haque siècle une nouvelle création ou un nouveau perfectionnement, et arrivant, par une' suite d'inventions dont la série n'est jamais close, à ren,lre le genre humain maitre de la terre et <le la mer, du temps et de l'espace, et demain du ciel. Uu autre jour, ce serait l'histoire des instruments de musique, et nous suivrions 1a série qui du roseau où le premier pâtre a soufflé, nous conduit à l'orgue et à cet instrument humain et multiple qui a fait trouver à Berlioz cette saisissante expression : Jouer de l'orchestre. Un autre jour ce serait l'histoire des inventeurs de la lumière , depuis le premier sauvage qui a allumé à grand'peine un bois résineux, jusqu'aux ProméthéP.s modernes qui semblent, avec le feu électrique, avoir vraiment ravi au soleil un rayon de sa lumière. Et ainsi de toutes les créations de l'homme, monde obéissant auquel l'esclavage ne pèse ras, et grâce auquel tous les homrçes pourront conquérir la force, l'it1telligence, l'amour et la beauté qui est la réunion harmonieuse de ces trois choses. J'aurais plaisir aussi à prouver par l'analyse des faits humains que la fonction est bien véritablement. la propriétété naturelle et sociale. Que la vraie propriété d'un poète est <lefaire des vers, d'un mâcon de bâtir cles maisons ou des palais, d'un jardinier de r.ultiver et de créer des fruits et des fleurs; que cette propriétl'> est celle à laquelle, au fond du cœur, tout homme qui travaille tient véritablement, plns fier de sa charrue, de son ciseau ou de sa plume, que toutes les propriétés acquises par l'usure et l'héritage (l ). J'aurais plaisir à montrer qu'il n'y a que les sots et les impuissants qui, ne pouvant se faire gloire ne rien dans le monde, tirent vanité <le ce que produisent les autres. Infirmes qui, tout fiers de leur luxe, ne connais~ent pas qu'au point de vue des fonctions sociales, ils ne sont que des enseignes vivantes pour leurs bottiers, gantiers, perruquieri; carrossiers et maquignons de toutes sortes ; enseignes infiniment trop coüteuses pour le public qui (1) Ces vérités sont évidemment voilées clans un milieu ou l'insuffisance du salaire fi,it du travail, pour le plus grand nombre, un esclavage. Mais que chacun gagne hrgemcnt sa vie par son tra-- vail et on rira de cette propriété fausse et mal acquise dont, en vérité, on ne peut pas rire aujourd'hui; aujourd'hui qu'on en meurt. Il y a aussi des travaux répugnants dont l'accomplissement est un vrai supplice; mais dans un temps très court. les machines et les procé<lés scientifiques doivent débarra~ser l'homme rle ces affreuses corvt>es. finira par les prier de gagner leurs bottes, et ce, en choi~ sissant dans les divers ateliers des fonctions selon lenrs aptitudes. Oui, ce serait un très hel et très utile enseignement. Mais que <ledifficultés ù Yainc:re ! et que de temps il faudrait! D'un côté, mon insuffisance à remplir une pareille tâche, de l'autre, mon sujet qui me presse. Il est plus prudent de ne pas s'égarer dans les chemins de traverse, quelques charmants qu•'ils soient, et de ne pas entreprendre sur le domaine de l'histoire et de la poésie. :Mais assez pour aujourrl'hui; dans le prochain article, je tâcherai de <lémontrP.r que chacun peut et doit avoir plusieurs fonctions; que cela est juste, et qu'il n'y a pas dam ce,t ex<>rcicede plusieurs fonctions le cumul qu'il y a aujourd'hui dans la possession de plusieurs héritages, ou de fonctions et d'héritages tout ensemble. Alfred TALANm ER. VARIÉTÉS. BIBLIOGRAPHIE. llHx a1n de 1wiso11 au noa1t-§ai112t-?llit•ll11e! et a. la œitacieUe clc Jl)ouilen•, Michelet, dans son Histoire de la Révolution française, prétend que la tradition nationale, si toutefois on en écarte les ornements légendaire", c'est-à-dire ce que le peuple, an milieu des hénements qui se sont déroulés sur la vaste scène politique des nations, a vu des yeux du cœur, - la tradition nationale doit être la plus haute autorité en matière historique. Aussi, est-ce à ce propos que l'écriYain de talent, dont nous venons de citer le nom, croit qn'on peut, en tonte assnra11cr, adresser au peuple les questions suivantes. et que la quasi-majorité y répoi\<lra toujonrs avec une in\'ariaùle précision : " - Qui a amené la Révolution? Voltaire et Ro11ss<>au. 1 " - Qui a perdu le Roi ? I,a Reine. " - Qui a commencé la RGYOlution? l\iirabeau. " - Quel a été l'ennemi de la Révolution? Pitt et. Cobourg, les Chouans et Coblentz. " - Et encore? Les Godden, les Calot,ins, etc., etc .... ·• Si, à l'égard d'événements moins reculés, nous procédons de la même façon, et que nous demendions : - Qui a fait la Révolution de 1830? - on répondra: les Libéraux. - Qui a perdu la dynastie de Juillet, cette royauté cito.venne qui devait être - selon Lafayette - la meilleure des Républiques? Les Thiers, les Guizot, les Duchâtel, hommes du mensonge et de la compr~ssion à outrance, en compagnie de cette haute· bourgeoisie de la fonction, du capital et du privilége, encroûtée dans son froid matérialisme et suant la peur à chaque idée d'affranchissement on de régénération, à chaqne formule philosophique ou sociale que de nobles camrs, d'invincibles dévouements , venaient, de temps en temps, apporter à l'atelier, véritable ruche du socialisme, ou à la mansarde sombre et désolée du prolétaire, le dernier citoyen de Rome, le pariri, le déshérité du dix-neuvième siècle. . Aussi, pour ces Yoix éloquentes, pour ces ardents confesseurs de la justice et du clevoir, pour ces apôtres de la grande famille humai11e,montrant à l'ouvrier sa misère, son ignorance, l'insuffisance de son salaire et sa continuelle exploitation, aYait-on pour ces audacieux, ces fous, les vieilles bastilles du Mont-8aint-Miehel et de Doullens, bastilles formidables où toutes les tyrannies, tou3 les despotismes; depuis l..ouis XI jusqu'à nos jours, ont successivement entassé et torturé leurs victimes. D'ailleurs, est-ce que la persécution n'a pas été de tout temps la vertu héréditaire des têtes couronnées? En lisant l'ouvrage que vient de publier notre compagnon d'exil, le citoyen Martin Bernard, 11ous avons senti à chaque chapitre notre cœur bondir d'indignation aii récit des supplices qu'un pouvoir ombrageux et lâche faisait_journellement infliger à ces fiers caractères, martyn de la foi démocratique; à ces soldats de l'égalité qui, après les courtes illusions de 1830 passées, arrosèrent de leur sang les pavés de Paris, et plantèrent le drapeau de la République sur les barricades de Saint-Méry, Transnonain et Grenétat. Oni, la barricade de 1832, J 834 et 1839, dates saintes et indélébiles dans nos éphémerides révolutionnaires, était bien la .barricade de Février 1848 ! C'était la même cause, le même principe qui avait armé Jes combattants, c'était le même esprit républicain de Juin, Avril et Mai qui s'y trouvait! Nous avons suivi l'auteur de Dix ans de Prison aver un vif intérêt, avec une c;urieusP. anxiété dans tons les lieux où il conduit le lecteur. On reconnaît, en effet, le Mont-Saint-Michel, cette sinistre forteresse détruite tant de fois par les incendies, mais qui toujours, pour le besoin des tyrans, i,;'est relevée plus menaçante au milieu de ses grèves mortes et brumeuses. Nous avons pénétré dans les cellules vermineuses où 1 le _manque d'air et la séquestration abllolue rendaient fou

ou poussait au suicide; dans les cachots noirs suintant d'humidité, dans les oubliettes, les in-pace, ~nfin dans tous les coins et recoins, impassibles témoins dt la douleur, où l\brtiu Bernard et ses malheureux compagnons de captivité passèrent de l"ortgs jours, défiant leurs tourmenteurs avec une fierté dédaigneuse et un courage inébranlable. Dans cr.tte longue épopée des souffrances pl1ysiques et morales de nos pauvres amis, il y a des scènes d'une sauvagerie incroyable, scènes qui vous déchirent le cœur et vous arrachent des larmes. On voit l'a11rnônier du 1\IontSaint-Michel, espèce de Torquemada en robe noire, animant, excitant une dixaine de gardiens ...... puis Noël Martin roulant sous les pieds des argousins ...... Un coup de sabre lui avait ouvert les reins !... Pourquoi? - Parce que ce prisonnier av.ait protesté contre l'indignité, coutre l'infamie de ses geôliers. Qu'on reconnait bien là le prêtre,· ce bienveillant apôtre du Christ, instrument de toutes les ve11geances et de tous les despotismes ! Que le crime s'appelle LouisPhilippe, Bonaparte ou Pie IX, le nom ne fait rien à la chose, c'est toujours cc jésuite, limier de toutes les haines, yui vÎillt vous parler d'amour et de fraternité en vous livrant an bourreau ! Après Noël 1\Iartin, vient Armand Barbès, homme de ~ lutte et de pensée, âme brûlante aux nobles et saintes aspirations ... Oui, Barbès, cette ·nature qui s~mble avoir pour prédestination les prisons d'Etat, Barbès est terrassé ... on lui arrache la barbe et les cheveux, on le traine comme un cadavre tout le lo11gd'im escalier de _granit s1w lequel sa tête rebondit à chaque marche ! ... Une fois cette besogne accomplie, Barbès, Martin Bernard et leurs compagnons sont déshabillés, puis jetés dans des cachots-tombes où, dit l'anteur du livre, rien ne m111quait à l'horrenr idéale : nuit, rouille, humidité suante, infection délétère et atmosphère étouffante! En un mot, tout ce que la rage humaine peut inventer.,. tout ce qu'il faut pour tuer des hommes ! Quel triomphe !...... Arnnt de terminer, jetons les yeux sur le chapitre VIII, intitulé : Digression philosophique,-lfarchc de la Révolution. Dans ce chapitre, il y a de bonnes pages : i 1 y a du savoir et de la méditation. - Science et Révolution, réalisation sur cette terre du règne de la Fraternité et· de ]a Solidarité universelles, tels sont les prolégomènes de l'auteur de Dix ans de Prison. Nous sommes certain que le livre de 1\Iartin Bernard sera lu avec plaisir par tous ceux qui aiment les beaux caractères et les grands dévouements à la cause sociale. C'est presque un livre d'actualité, puisque .les hommes du Mont-Saint-Michel et de Doullens se trouvent aujourd'hui, sur la terre étrangère, avec les proscrits de M. Bonaparte. Dernièrement, un chevroné de la démocratie, le citoyen Marc Dufraisse, disait dans l'introduction des Révolutions , d'Italie, par Edgar Quinet: '' Quancl ils restent oisifs et stériles, les proscrits sont " indignes du souvenir de ·1a mère commune et de ses '' regrets. Le banni n'a pas le droit de se taire lorsqu'il " sait écrire. Exil oblige. Il inspire aussi; les grandes " œuvres de l'esprit français furent presque toujours lr:s " saintes filles de l'exil. " Exilés, ne l'oubliez pas. " Quiconque d'entre vous sait tenir une plume a mis- " sion de s'en servLr, La proscription ne vous relève pas " de ce devoir ; il s'attache à votre conscience et suit " vos pas ; l'oublier, c'est oublier la patrie, et mériter de "mourir sans la revoir. Les Révolutions ne rappellent " que les bannis qui les préparent par leurs œuvres !" Puiss~nt ces paroles avoir de l'écho! Quant à nous, qui avons pris l'engagement de ne revoir la patri ./. qu'au grand soleil de la Liberté, qu'il nous soit permis de reconnaitre ici que Martin Bernard s'est act1uitté de ce devoir. A d'autres, maintenant! F. TAF.ÉRY. L'HOMME. Pour répond~ aux nombreuses demandes qui nous sont journellement adi·essées, l' Administration du journal l'HoMME vient de faire réimprimer les premiers numéros dont les exemplaires avaient été complètement épuisés lors de leur publication. En conséquence, on trouvera chez M.M. les agents du journ«l ou à l'Imprimerie universelle, 19, Dorset Street, à Jersey, les numéros qui manqueraie11t aux personnes faisant collection de l'HoMM E, à raison de 3 pence (6 sous) l'exemplaire pris séparément. Quant aux personnes, au contraire, qui désireraient avoir tous les •numéros qui ont paru jusqu'à ce jour, elles peuvent se les procurer aux mêmes conditions d'abonnements qui -se trouvent indiquées, pour chaque pays, en tête de notre journal. L'administration du journal l'Homme croit devoir poi:- ter à la counaissance du public de Jet sey que deux nouveaux bureaux, pour la vente du journal au numéro, viennent d'être établis: Chez l\Ime LEVAILLANT, marchande de papier et de fournitures de bureaux, Pièrson Street, près le Royal Square ; • Et chez M. HUREL, marchand de tabac, 24, Queen Street. On peut également s'abonner à ces bureaux. EN VENTE A L'IllfPRI11'IERIE UNIVERSELLE; • 19, DORSET STREET, SAIN'l.1-HÉLIER (JERSEY) : Ou par commission à L0NDRES, chez Erasmus ZMICHOWSKI, JO, Clarernont Place, J udd Street, New Road. DUDEVOIRD'AGIR. AU PARTI NATIONAL, PAR JOSEPMHAZZINI. Prix de la brochure : 4 pence. - Vingt exemplaires: 4 sh. ET LE VIEUXMONDE. l'AR ALEXANDRE HERTZEN. Prix : 6d. 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JEo ALA VOJIIWJE, Proscrit français, ancien élèce de lafawlté de Pa1·is, Donne des leçons de français, de latin, d"histoire, de géog;·a}'hie, <le ltttérat111~ ...te. Il i>nst'igne aussi les élémenrs des scienci•s mathématiques, t hy.,i'lue• et naturelles S':idres~er au profes,.-ur, 38, Rosevi Ile-Street. Références: chez M.M. Welman, Ph. Asplet et docteur Barbier. JERSEY, IMPRIMERIEUNIVERSELLE,19, DORSETSTREEoT. GUTEL PROSCRITou 2 o(;c&:1rnRE, a le triple av:mtage d'unir l'élég:mce, la légerté et ilrot"efjse1n• de eonape la solidité. . Tailleur d' Habits.-29, Belmont Road, St.-Hélier, Les semelles sont fixées avec du laiton et ne en plâtre, en cire', en mastic et en gélatine su.r nature mQrte ou vivante. Il moule aussi les ornements, les statues et fournit des épreuves à un prix modéré.-•-20, Donstreet, St.-Hélier. ~----------------- Jersey. ' laissent aucune aspérité ni à l'intérieur ni à l'ex- • térienr. - On peut m11rcher à l'eau sans nuire à la l BIANCHI r:a~~;;I!, l~~~~it~~~ Jl I jl 9 en chef pendant LUD, KORDECKI, solidité de la chaussure. huit ans du journal quotidien le Jl,fessagerdu Nord, PROSCRITPOLITIQUEPOLONAIS, paraiss1nt à Lille (France), donne à domicile des Donne à domicile des leçons de langue Allemande leçons de langue f~·ançais~,_d'arithmétique, d'his- et Latine; il démontre aussi la Gymnastique. toirP, de géograplue, de httcrature, etc. .l\I. Luù. Kordecki désirerait trouver de l'emploi 11 se ch~rge également. de toutes correspon- comme profes~cur dans une pcnsion.-61, Newman dances, écntures commerciales et autres, et des Street, Oxford Street.-Londres. mémoires dont on lui confie la rédaction. ------ ----, ----- s ' tl r 20 D t t St 15. COLO~tBERIESTREET, ST.-IIBLIER, JERSEY. ----------------- EDOUARBDIFFI, PROSCRIT ITALIEN, Donne des leçons de hngue italienne. S'adresser, 20, Don Street, Saint-Hélier. a resser au pro,esseur, , on-s ree, .- GU y Hélier (Ile de Jersey). • A proscrit du 2 Décembre, faiseur Références chez :MM. ·wellman, P. Asplet, ,de BOTTES sans couture, pour AIPHO'TSE mouleur en plâtre, se charge Geo. Vickcry. hommes et pour dames. - Ce genre de chaussure J 1' ,• de toute espèce de moulage HOrrELDEL'EUROPE DON STREET, No 11, TENUPARG.ROUSSEL, G. RoussEL a l'honneur de prévenir MM. les voyageurs qui viennent visiter cette île, soit pour agrément, soit pour affaires, aussi bien que les habitants de cetre localiré, qu'ils trouveront dans son Hôtel, bonne table, bons vins, et tous les soins, ainsi que tous renseignements possibles. ~ Table J'Hôte à 10, 1 et 5 heures.-Repas à toute heure.-Il sert aussi en villa. spécimen ci~après. Les Avis et Annonces sont reçus à l'Office de !'Imprimerie Universelle, 19, Dorset Street, à Jersey, S-Hélier, jusqu'à l'arrivée du courrier du ma1di. Toute correspondances doit être affranchie et contenir 11n bon, soit sur la poste anglaise, au nom de M. Zéno SwrnTosr.A wsK1, soit sur un des banquiers de J erscy ou de Londres. Le prix dés Annonces est uniformém~nt de six sous (trois pence) la ligne, pour les trois sortes de caractères courants employés dans ce journal. Dans l'intérêt du Commerce, de l'Industrie et de la Science, les Annonces de tons les pays seront acceptées 1 i la condition d'être écrites en français, conformément au Les ligues en capitales et en lettres de fantaisie, seront payées en proporti1,n de la hauteur <1u'elles occùpernntt calculée sur le plus petit texte.

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