Homme - anno I - n.36 - 2 agosto 1854

CORRESPONDANCE D'ESPAGNE. 25 juillet. Les nouvelles d'Espagne arrivent lentement, grâce au silence imposé à la presse française par la prudence bonapartiste; et faut-il le dire ? les journaux anglais qui tiennent tant à l'information exacte et rapide, sont presque aussi boiteux que ceux du pays voisin. Voici tout ce que vous saurez, le 30, des événements, complications et péripéties de la lutte espagnole jusqu'au 23. On attendait Espartero d'heure en heure et dans l'espérance d'un concordat possible. Sous ce nom aimé, l'armistice continuait depuis deux jours entre les barricades et les troupes. La nouvelle municipalité réorganisait la garde nationale et donnait rles armes à tous les citoyens, ce qui nous fait espérer qu'on n'étranglera pas cette Révolution entre deux portes, ou plutôt entre deux intrigues, comme tant d'autres ... ' Le général Evariste San-Miguel, patriote du temps des Torrijos, et fort sqspect à toutes les camarillas ( car il y en a même dans les Révolutions), le général San-Miguel, qui est vieux, aurait peut-être faibli, mais Iriarte, nommé gouverneur militaire de Madrid, a fait contre-poids, et l' q,rmement rn grand tr.iin. Cet Iriarte fut forcé de quitter l'Espagne après la Révolution de Février; il avait voulu tenter un mouvement et créer une seconde République : puisse-t-il se souvenir -et cette fois réussir! L'Espagne républicaine aurait devant elle de belles destinées : elle serait à la fois exemple et protestation, exemple et lumière! Dans la junte de salut et d'armement, es11ècede gou- ·vernement qui fait l'intérim avec et sous le consentement des partis, à côté des noms d'Evariste San-Miguel et d'Iriarte, il y en a d'autres, entr'autres celui <lugé11éral Valdès, que l'Espagne aime et connait depuis longtemps. Quant à ceux qui n'appartiennent pas à l'armée ·et qui font partie de la junte, ils se trouvaient à peu près tous dans la dernière municipalité d'Espartero, municipalité détruite, honnie, chassée par Christine au jour de sa pleine victoire. Tous ces hommes ont été dépouillés, insultés, quelques-uns chassés et d'autres emprisonnés : prêteront-ils facilement les mains à l'intrigue mourante qui voudrait se rattacher Espartero? Nous espérons mieux: en Espagne on sait se souvenir et les ressentiments sont longs. Entre cette municipalité qui la couvre en la surveillant et les barricades qui restent armées, que fait la reine ? Elle attend avec impatience, presqu'avec désespoir, cet Espartero quelle a destitué, dégradé, mis au rebut, abreuvé d'outrages et presqu'interné sous surveillance de police, comme un voleur. Celui-ci s'avance par lentes étapes comme un triomphateur : en quittant Logrono, ses adieux d:saient à ses concitoyens : obéissez à la junte de Révolution - et pas un mot de la reine! - Il en a été de même à Sarragosse : il a rappelé le vieux passé de cette ville héroïque, a revendiqué la liberté sainte avec énergie - et pas un mot de la reine! Résistera-t-il au dernier appel qu'on vient de lui faire ? Saura-t-il profiter des rudes expériences qu'il a subies? Nous craignons bien que non : le duc de la Victoire n'est pas un de ces grands esprits politiques à la décision ferme, aux vues profonde:, : c'est une espèce -de Lafayette qui rompra difficilement et révolutionnairement : il a po11rtant l'avenir de l'Espagne dans les mains! Les conciliabules qui se tenaient à l'ambassade de France, à Madrid, ont cessé. Le représentant de Naples, le cliargé du gouvernement anglais, et 111. Turgot ont fermé leurs portes : seul, M. Soulé, Pambassadeur amé- ,ricain, a des rapports quotidiens avec la junte ! X ... CORRESPONDANCEPARISIENNE. Paris, 29 juillet. A Paris, les travaux de construction ne chôment pas 1111 seul jour et continuent à vider la caisse municipale : on vend les quartiers à démolir par lots de cent maisons, on maçonne, on peint, on élève par enchantement, et la police de s'écrier dans les cafés, dans les tavernes, au milieu des fêtes publiques : " voyez comme Napoléon fait travailler le pauvre monde! - Vive l'empereur ! " 11 est très vrai que les carriers, les plâtriers et les charpentiers ne re~tent guère sans ouvrage par ce temps de gâchis; mais les autres professions se trainent depuis trois ans ùans une agonie lente : les ouvriers émigrent, quand ils peuvent, surtout les tailleurs, les chapeliers, les bottiers. Quant à l'article-Paris, n'ayant plus guère pour débouché que l'empire de Soulouque et le Brésil, il se meurt ou plutôt il est déjà mort. Mais le travail de production n'est pas le seul à souffrir. Le petit commerce qui vit de détail est écrasé, tant la yente est faible, et les loyers, grâce aux démolitions, sont toujours au plus haut prix, comme les subsistancP.s. Sous ce régime des neuf millions de suffrages, qui vit _ tranquille? Personne ! Q1ü vit heureux et gras? La police, l'agiotage, le clergé, la haute fonction, et, pour tout dire ù'un mot, cette infime minorité àans la société générale, cette poignée de drôles qui se divise en deux familles séparées, - les espions et les parasites. L'HOM11E. Ce n'est pas à Paris seulement qu'il y a gaspillage des • j fonds municipaux. Presque to11tes les villes de département se sont imposées ou s'imposent. Les conseils communaux nommés sous l'influence administrative et composés de partisans bonapartistes, savent que la pensée du chef est d'empêcher le réveil ,les âmes en ralliant les ventres: ils se font donc autoriser à Paris ; ils ouvrent des travaux, ils démolisent, ils bâtissent et paient, par hypothèques sur l'avenir : or à quoi cela peut-il conduir_eet les villes et Paris et les départements? à la ban:. queroute, bourgeois ! Les chemins de fer sont poussés avec activité ; mais il est douteux, fort douteux pourtant que le projet-monstre du frère naturel, de Morny, le grand central puisse êtrf: commencé cette année, faute de fonds. Quant à cet esprit militaire qui jadis était si ardent, si vivace en France, et qu'on espérait voir se réveiller dans sa belle fougue, contre Nicolas, contre le Cosaque exécré, voici 1111 fait qui peut f:11 donner une idée : il n'y aura pas cette année pour la présentation à St-Cyr, le tiers des candidats ordinaires, et pourtant les officiers <les écoles militaires sont à peu près assurés, grâce aux guerres ouvertes, de prendre rang, bien avant l'époque fixée pour le service actif. La police fait toujours du zèle et les visites domiciliaires sont ses plus doux passe-temps : elle a fait, la semaine passée, une nouvelle razzia de travailleurs. LE> nombre des .victimes s'élèvti, dit-on, à 50 ; et pourquoi ces arrestations ? On aurait trouvé dans quelques ateliers des fragments ou sections ùe tuyaux de gaz, et lesdits tuyaux de gaz sont fort suspects d'avoir voulu devenir des canons ! 0 tnyau-Piétri, si jamais vous avez des petits, quel nom vous allez leur laisser ! Le citoyen Boichot comparaîtra bientôt, dit - on, en jitstice: ils appellent de ce nom cette mii-érable ·police correctionnelle qui condamne à l'ordre et selon les fantaisies ou besoins de l'inquisition admiuistrati\'e : il n'en faut pa:; clouter, le citoyen Boichot sera con<lamué comme les autres, et les généraux qui ne prennent ni Cronstadt, ni Sébasîopol, seront vengés de cet ex-représentant, de ce petit sons-officier q1.1i,sur mand:it du pays, élait allé s'asseoir avec eux sur les bancs de l'Assemblée souveraine! M. Bonaparte, qui est toujours à Biaritz, a fait démentir la formation d'un nouveau camp militaire à Bayonne. Soyez certain qu'avant trois semaines, il y aura trente mille hommes sur la ligne des Pyrénées. La Révolution espagnole est une menace trop sérieuse, et les diplomatesespions qu'on a lachés sur la Péninsule, adressent à Biaritz des rapports assez inquiétants, pour qn'on se concentre et qu'on surveille ...... Encore des millions et toujours <les millions : le sang viendra plus tard ! Y... -CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 31 juillet 1854. Les journaux sont pleins <le petits faits et de grandes phrases : on dirait qu'ils reçoivent de leur gouvernement l'inspiration ou le veto, comme ceux de France. Que se passc-t-il à Cronstadt? Lisez le Times, et le Morning Chronicle, ·:!tle Daily News : c'est un touchant accord! on ne fait rien à Cronstadt. Les deux flottes se sont retirées, après avoir reconnù les fortifications et les passes ... de loin. On saisit de temps en temps quelques méchantes felouques de commerce, et l'on enregistre ces petiles prises en victoires. Savez-vous comment se consolent les organes de la fierté britannique et ceux de la vaillance napoléonienne ? - Les Russes n'osent pas accepter le combat ! Ainsi, les Russes sont des lâches et s'inclinent devant la supériorité des forces alliées, parce qu'ayant une assez belle flotte qui est leur première ligne de défense, ils ne la risquent pas sur la mer, parce qu'ils ne la font pas sortir des redoutables fortificati_ons qui l'appuient et la couvrent! • Il nous semble qu'avec leur écrasante supériorité, les forces alliées auraient mieux fait de se ruer sur Cronstadt et de le raser, ainsi que l'avait promis l'amiral Napier. Cela aurait mieux valu que d'entamer avec l'ennemi des dialogues à la façon d'Homère. Les amiraux parlent d'établir leurs quarti~rs d'hiver à l'ile d' Aland ; et Je ravitaillement'! La Baltique n ·est pas facile, dans les temps de glace et de neige, et le pays làbas est bien petit et bien pauvre, pour une telle agglomération d'hommes. Donc, rien, jusqu'ici, du côté du Nord. A l'Est, que fait-on? la flotte se promène, fière et charmante, sur les· eaux bleues : les généraux, après quatre grands mois, massent leurs divisions à Van1a, mais n'avancent point : les Turcs seuls se battent et se batteJ:J.tbien, toutes les fois qu'ils en trouvent l'occasion. Sébastopol est encore ùebout, comme Cronstadt : la Crimée n'est pas encore envahie; l'Autriche est toujours au port <l'armes sur ses frontières : les armées russes continuent leurs mystérieuses évolutions, et les ministres de la reine d'Angleterre disent aux Communes que la guerre pourra <forer longtemps. - Je le croiJ bien ! Le peuple anglais commence à murmurer <levant toutE:s ces équivoques de situation et de langage : il trouve étrange que Charley, son Charley, ne fasse rien, et il tourne son regard défiant du côté des ministres. C'est bien de là, en effet, que partent les ordres, mais 11epartent-ils que de là ? Il y a eu, depuis longtemps, de violentes et de fréquentes querelles entre M. St.-Arnautl et M. Bonaparte, fils de Jérôme. Ce dernier, comme tous les présomp,tifs qui cherchent clientelle , avait admis dans sa relation princière, quelques officiers polonais de la nuance Czartoryski. M. le maréchal a vu là une inconvenance contre l'An_triche et même contre le Czar, qui a écrasé les révolutfonnaires de Pologne : il a d_onc enjoint à son lieutenant d'écarter les démagogues de sa suite. Sur l'injonction, refus insolent et formel. M. St.-Arnand, furitmx, a fait son rapport et demandé le rappel du NapoléonJérôme : mais on a répondu, dn Camp de Boulogne: Occupez-vous de la victoire et non de la. police, M. le maréchal. Et le jeu des deux cousins continue : à chacun ses dupes. Le mouvement italien, dont les journaux ont parlé, est encore confus, indécis, mal dessiné : les premières fu_ mécs s'échappent de~ petits cratères, Modène et Parme; mais soyez certains qu'avaut huit jours il y aura éruption volcanique. L'Ital c entière est une poudrière ... Ah! si la France n'était pas si lasse ... Nos derniers amis qui sont partis pour l'Amérique, par convoi de réfugiés-émigra11s, out écrit, ayant fait relàche à Portsmouth, à quelques-uns de ceux qui restent, et ils se plaignent amèrement de la qualité des vivres. Ils étaient à. ce point avariés, disent-ils, que nous en avons jeté la moitié à la mer, et qu'il ne reste plfts guère que les vines du bord ... Il y avait là de jeunes enfants et des femmes qui venaient d'être mères : quand on consent à transporter des hcmmes qui ont fait œuvre <le foi et qui sont sacr~J par le malheur, on devrait du moins les traiter en hommes. C. C. Au citoyen Ribeyrolles, rédactear du journal l'Homme. Cher citoyen, Le 23 juillet ] 853, Louise Julien est tombée dans une d:5 fosses de l'exil : elle n'a lai<;sé derrière elle qu'une vie tonte de dévouement, et quelques poésies q11'avait inspirées le grand sentiment socialiste et républicain. Ces poésies, je crois qu'il est bon de les publier; je les pnhlierai. Mais ne serait-il pas convenable et fraterne!, en mêmo temps, de laisser une pierre-souvenir sur cette tombe de Louise Julien et sur les autres tombes non moins sacrées qui l'entourent.· Nous allons partit peut-être, à l'appel de la Révolution: en quittant cette terre, ne laissons pas nos amis sans 1111 dernier - souvenir, celui d'une pierre, celui des pauvres. Dans cette vue, j'ai l'intention de me mettre en rapport avec plusieurs citoyens et de faire un appel à tous ceux qui sentent, afin que les noms de ceux qui sont morts puissent vivre à Jersey, et guc le peu que Louise J uliv.1 .a laissé ne meure pas. Salut et fraternité. JuLI.EN HoP. Nous insérons avec plaisir l'appel qu'adresse aux_ hommes de cœur le citoyen Julien, et nous l'appuyerons avec ardeur. Cet appel est religieusemertt motivé, dans le vrai sens du mot. Les pierres des martyrs sont, à la fois, des propagandes et des vengeances !.... . LES ISPIONSRUSSESENAlLEJ1AGNE - KOTZEBUE ET CARL SAND. - :Maintenant que la politique russe va le masque levé à la réalisation <lu panslavisme autocratique, maintenant que Metternich lui-même ne pourrait feindre la moindre illusion sur les iatentions réellec; de Nicolas, il n'est peut-être pas inutile de jeter un coup d'œil retrospectif sur les intrigues russes en Allemagne pendant la longue paix qui suivit la chute de Napoléon. La mort terrible et méritée d' A. de Kotzebue, l'un des plus vils instrumens du cabinet de Petersbourg, est un enseignement d'1m certain intérêt quand les innombrables mercenaires d'une tyrannie sans foi ni loi, chercbent ~ tromper le peuple allemand sur ses vrais intérêts dans la crise actuelle. Tout le moude sait que si cette partie éclairée de l'Allemagne qui est représentée par les jeunes gens des universités prit, en 1813-1814, unP. part extrêmement active à la lutte contre l'empire français, cc fut moins par un sentiment de haine contre la France que par un désir immodéré mais bien légitime d'obtenir enfin des institutions

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==