. -SCIENCE.- ' -SOLIDARl'"rÉ.-· JOURNALDELADEMOCRATIUENIVERSELLE. Ne 36. - MERCREDI, 2 AOUT 1854. C:e .Dour!llla! 1uu•ait une l'ois pat• se1nai11e. Toutes lettres et correspondances doivent être affranchies et adressées au bure:m de I' Imprimerie Universelle à St-Hélier ESPRITDE L'ESPAGNE. I. Y a-t-il en Espagne raison suffisante de Révolution,d'une Révolution sérieuse qui puisse se constituer et durer? Les peuples ont parfois des colères terribles et fort légitimes, mais qui ne frappent que les personnes, dynasties ou gouvernemens : c'est une courtisane comme la Dubarry, c'est un favori, commeGodoï, c'est une haine qui s'appelle Polignac, Marie-Christine ou Ferdinand de Naples, qui jette tout à coup les vagues d'en bas contre les trônes.• Dans ces demi-révolutions on brise les marbres, on brftle le velours et les quatre planches, on rase les palais , ou traîne les statues au ruisseau : mais les institutions restent ou se modifient à peine, et, de ces orages qui n'emportent que des pierres et des cadavres, il sort, bientôt, un ordre nouveau, c'està-dire les anciennes tyrannies restaurées. Pour qu'une Révolution soit sérieuse, il faut qq'ellc soit profonde, que son droit et sa nécessité soient entrés dans· l'esprit des masses; qu'il y ait non pas instinct seulement, mais religion à la produire, à la servir, à la défendre: il faut que toute Révolution soit une conscience nouvelle, si elle veut aboutir et durer. Trouve-t-on ce caractère essentiel de la force vitale dans la dernière guerre civile qui vient de soulever l'Espagne? autrement dit, le passé catholique et royaliste est-il assez mort dans l'esprit de ce grand peuple, pour qu'il s'en veuille détacher à tout prix, et qu'il ne redoute point le terrible inconnu des destinées encore voilées'? Il ne suffit pas, en effet, d'avoir la haine de la monarchie, le mépris des vices et des !:)caudales royaux, le courage de la lutte coq,tre les vieilles idoles, et toutes les saintes fièvres puritaines, il faut encore avoir conscience de son droit, d'un droit supérieur, comme l'avaient en face de Louis XVI les hommes de la Convention, et comme l'avaient aussi, quoique dans un idéal pius restreint, il y a deux siècles passés, les fanatiques de l'armée de Cromwell. Où donc en est l'Espagne en ces points de la connaissance et des idées ? II. L'Espao-ne n'a pas eu, comme la France, sa Conventio~1de penseurs, son dix-huitième siècle, si hardi , si compact, si lumineux, travaillant, sous la Sorbonne et sous les Tuileries, comme le mineur sous la terre, portant la lumière sur toutes les questions et la torche sur toutes ces faces blêmes, monarchies et papauté, que masquaient les grands voiles de l'idolâtrie et du temps. Lorsque la Révolution française éclose au souille des philosophes éclata, comme une convulsion de la terre, au milieu des peuples effarés, l'Espagne ne comprit guère mieux que l'Autriche ou le pays des Lapons : elle n'en éprouva point cette première et forte émotion qui avait saisi l'Angleterre. filledes Hampden, des Milton et des Knox : elle ne sentit s'éveiller en son cœur, ni les haines aveugles, ni les enthousiastes amours : elle était 'indifférente, n'ayant point de parenté, par sa tradition, avec les idées nouvelles, et elle laissa son gouvernement se commettre, puis se retirer, mais sans le suivre. - L'Espagne ne sentait pas, ne comprenait pas. Ce n~ fut que plus tard, quand l'épopée tout entière eut couru l'Europe, quand les armées en se mêlant l'eurent chantée sur tous les chemins, que l'Espag·ne indignée des bassesses de sa maison royale prit intérêt aux textes nouveaux, et comprit qu~il y avait mieux que des fueros dans ln grande Charte humaine. (Jersey), 19, Dorset Street.-Les manuscrits déposés ne seront pas rendus. - ÜN s'ABONNE: A Jersey, 19, Dorset street. - A Londres, chez M. Zmichowski, 28, Greek-street, Soho Square.-A Genève (Suisse), chez M. Corsat, libraire, rue Guillaume-Tell. - Belgique, chez M. Leconte, rue de la Rivière, 16, faubourg de Cologne à Bruxelles. - A Madrid, chez C. Monnier, libraire. Les premières inspirations révolutionnaires servies et propagées par l'affiliation secrète datent de là, de ce moment sombre qui.fut la transition entre la chute prosternée de Charles IV et l'invasion de l'empereur. Il y avait, en effet, dès 1808, un esprit libéral espagnol qui se battait pour l'indépendance commune, entre les moines et Wellington : faible et suspect au fanatisme cathelique, il se cachait dans ses ventes secrètes : mais on le retrouva plus tard quand il fit la Constitution de 1812 avec le vieil esprit des privilèges et des franchises municipales qui, depuis des siècles, était toute la résistance et toute la gloire des Espagnes. Depuis, le sentiment du droit a grandi, le besein et l'amour de la liberté se sont accrus dans les âmes : les luttes malheureuses, les supplices cruels, les désespoirs, les vengeances ont attisé la flamme sainte. L'Espagne a eu ses Révolutions, sa Marseillaise, ses martyrs, et comme en ce pays les légendes ne meurent jamais et deviennent hientot des religions, il est certain qu'aujourd'hui l'Espagne a, dans son âme, le grand esprit, celui de liberté! III. Mais l'instinct n'est pas tout, et la connaissance elle-même ne suffit point aux peuples pour qu,'ils , l . se gardent: n en sommes-nous pas e tnste exempl'e? Il faut aux nations, •comme aux individus, cette autre force morale pal' excellence, cette qualité première de la vie qui s'appelle le caractère. Eh bien, il n'y a pas un peuple au monde qui ait dans sa conduite plus de décision, plùs de suite, plus de fermeté que la nation espagnole: ses habitudes sont graves, sobres, dignes et même fières : il a, profond, le sentiment de sa dignité, de la dio-nité d'lwmrne, et peu lui importent l'écharpe, h ' l , l' la pourpre, la couronne, c est a nature, c est empreinte humaine qu'il reconnaît et qu'il salue dans ses courtoisies. Le peuple espagnol n'a pas appris la notion de l'égalité dans les livres; il n'en doit pas le sentimeCJtà l'envie, cette triste conseillère: c'est chez lui comme un parfum intérieur; c'est une révélation de sa force intime et personnelle; c'est la conscience de sa nature ; il ne se sent pas alcade, colonel ou roi ; il se sent lwrnme, Si cette analyse est vraie, et, nous croyons qu'elle est vraie, combieu, avec de telles mœurs, l'institution républicaine ne serait-elle pas facile à réaliser, à constituer, en Espagne, et combien ne serait-elle pas bientôt vivace et puissante ? Ce sont les idées qui font les révolutions, mais ce sont les mœurs qui gardent les révolutions et les idées. Dans notre France tant éprouvée, l'on aime l'égalité passionn?ment; mai~ tout le mond_eveut la faire, l'organiser, la swveiller, la conduire: on a cent formules pour la démontrer et cent formules pour l'établir: il ne lui manque à cette pauvre religion si richement dotée en versets, décrets et commentaires, il ne lui manque, pour rayonner et monter, qne des cœu:rs simples et droits qui la portent en eux-mêmes ! La France y viendra, nous le savons, mais par les rudes chemins de la science, et quand son esprit si puissant et si net aura été saisi ]?Urdes ·solutions sans réplique. En 89 elle avait conscience des vérités relatives que le dix-huitième siècle avait établies et répandues; a-t-elle marchandé, dans la bataille, ses générations, ses trésors et son sang ? Non certes; et lorsque pour l'évolution nouvelle t>lle aura connaissance exacte du droit et des moyens, la guerrière ne se fera pas attendre ! Mais l'Espagne a dans ses penchans, dans son esprit, dans ses habitudes particulières, comme une révélation naturelle de l'égalité; si elle n'a pas, comme l'Allemagne on comme la ,France, la conANGLETERRE ET CoT.ONTES : Uri an, 8 shillings ou 10 fran es. Six mois, 4 sh. ou 15 fr. Trois mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. CHAQUE NU~1ÉRO : 3 pence ou 6 sous. Poun L'BTRANGER : Un an, 12 fr. 50. Six mois, 6 fr. 2/5. Trois mois, 3 fr. 150 c. 'l'eus les abonne111e11s se 1•aieut cl'a-.·ance. naissance philosophique, elle a le caractère républicain, et, quand on veut bâtir c'est une force que le ciment. IV. De cette étude fort incomplète et trop rapide, il résulte qu'il y a, dans la Péninsule, tout ce qu'il faut aux Républiques, - (le citoyen et I'Ttomrne), - le citoyen fils des fuéros et des.guerres de la Rêvolution, l' homrne sorti du sang et des mœurs, après une longue formation historique : il en résulte, encore , que l'institution républicaine est pour l'Espagne non seulement de droit, mais de besoin, de natnrè, et, qu'elle seule, en ce pays, comme en bien d'autres, fermera l'ère des Révolutions. Maintenant, qu'adviendra-t-il du nouvel orage qui bat ce trône où s'étalaient les impudicités royales, et quel sera le dénouement du jour? Nous craignons bien que les ambitions municipales et les épées victorieuses ne détournent encore la Révolution et ne relèvent les digues : nous les avons vues à l'œuvre, en d'autres lieux, et nous les connaissons ! Quoiqu'il en soit, nous somm,es certains qu'en Espagne la monarchie a fait son temps; qu'elle ne fora plus qu'y râler au milieu des crises, et que la République en sortira ! · CHARLES RIBEYROLLES. VIOLATION DE FUNÉRAILLES. Presque tous les journaux étrangers - ( à Paris, silence par ordre ) - ont parlé, dans leur correspondance, de la mort de Madame LedruRollin, mère du grand proscrit qui vit à Londres, exilé de sa patrie, comme le droit et comme l'honneur. Madame Ledru-Rollin avait 85 ans·: elle était sacrée par la vieillesse et par le malheur : - elle n'avait pu voir son fils depuis le 13 Juin 49 ! Eh bien, la police de M. Bonaparte a fait une visite à la morte : elle a mis la main sur ce cadavre, pour l'enlever avant l'heure que la famille -avait marquée : elle avait peur de ce convoi, de cette bière qui emportait 85 ans! Est-ce l'ticheté, seulement, ou besoin de profanation et de vengeance ? En vérité, ces violations hideuses épouvanteraient, si l'on ne savait pas ce que sont ces hommes, les Piétri, les Baroche, les Bonaparte. Ils ont assassiné, par troupeau, dans Paris : ils peuvent bien voler un cadavre! La famille avait arrêté les funérailles pour une heure. Vers sept heures ils forçaient le cortége à partir, et le chassaient dans la rue: - grande campag·ne ! - Et comme il faut toujours une hécatombe, petite ou grande, dans les manifestations bonapartistes, les alguazils-héros se sont rués sur des ouvriers qui, fidèles au souvenir, snivaient la mère morte au nom du fils absent. Ainsi trois victoires en un jour; une avanie commise contre un cadavre, une insulte à . la douleur de l'exil, et des républicains en prison. Est-ce qu'ils croient, les misérables, abattre par ces vilénies sauvages certains caractères? On peut bien en souffrir, mais le mépris sauve. II reste encore au citoyen Ledru-Rollin, comme à nous tous que le deuil de famille a visités, la mère commune, la patrie : dans un jour prochain, nous en avons la foi, celle-ci vengera l'autre , et nous vengera tous ! Ch. RIB.
CORRESPONDANCE D'ESPAGNE. 25 juillet. Les nouvelles d'Espagne arrivent lentement, grâce au silence imposé à la presse française par la prudence bonapartiste; et faut-il le dire ? les journaux anglais qui tiennent tant à l'information exacte et rapide, sont presque aussi boiteux que ceux du pays voisin. Voici tout ce que vous saurez, le 30, des événements, complications et péripéties de la lutte espagnole jusqu'au 23. On attendait Espartero d'heure en heure et dans l'espérance d'un concordat possible. Sous ce nom aimé, l'armistice continuait depuis deux jours entre les barricades et les troupes. La nouvelle municipalité réorganisait la garde nationale et donnait rles armes à tous les citoyens, ce qui nous fait espérer qu'on n'étranglera pas cette Révolution entre deux portes, ou plutôt entre deux intrigues, comme tant d'autres ... ' Le général Evariste San-Miguel, patriote du temps des Torrijos, et fort sqspect à toutes les camarillas ( car il y en a même dans les Révolutions), le général San-Miguel, qui est vieux, aurait peut-être faibli, mais Iriarte, nommé gouverneur militaire de Madrid, a fait contre-poids, et l' q,rmement rn grand tr.iin. Cet Iriarte fut forcé de quitter l'Espagne après la Révolution de Février; il avait voulu tenter un mouvement et créer une seconde République : puisse-t-il se souvenir -et cette fois réussir! L'Espagne républicaine aurait devant elle de belles destinées : elle serait à la fois exemple et protestation, exemple et lumière! Dans la junte de salut et d'armement, es11ècede gou- ·vernement qui fait l'intérim avec et sous le consentement des partis, à côté des noms d'Evariste San-Miguel et d'Iriarte, il y en a d'autres, entr'autres celui <lugé11éral Valdès, que l'Espagne aime et connait depuis longtemps. Quant à ceux qui n'appartiennent pas à l'armée ·et qui font partie de la junte, ils se trouvaient à peu près tous dans la dernière municipalité d'Espartero, municipalité détruite, honnie, chassée par Christine au jour de sa pleine victoire. Tous ces hommes ont été dépouillés, insultés, quelques-uns chassés et d'autres emprisonnés : prêteront-ils facilement les mains à l'intrigue mourante qui voudrait se rattacher Espartero? Nous espérons mieux: en Espagne on sait se souvenir et les ressentiments sont longs. Entre cette municipalité qui la couvre en la surveillant et les barricades qui restent armées, que fait la reine ? Elle attend avec impatience, presqu'avec désespoir, cet Espartero quelle a destitué, dégradé, mis au rebut, abreuvé d'outrages et presqu'interné sous surveillance de police, comme un voleur. Celui-ci s'avance par lentes étapes comme un triomphateur : en quittant Logrono, ses adieux d:saient à ses concitoyens : obéissez à la junte de Révolution - et pas un mot de la reine! - Il en a été de même à Sarragosse : il a rappelé le vieux passé de cette ville héroïque, a revendiqué la liberté sainte avec énergie - et pas un mot de la reine! Résistera-t-il au dernier appel qu'on vient de lui faire ? Saura-t-il profiter des rudes expériences qu'il a subies? Nous craignons bien que non : le duc de la Victoire n'est pas un de ces grands esprits politiques à la décision ferme, aux vues profonde:, : c'est une espèce -de Lafayette qui rompra difficilement et révolutionnairement : il a po11rtant l'avenir de l'Espagne dans les mains! Les conciliabules qui se tenaient à l'ambassade de France, à Madrid, ont cessé. Le représentant de Naples, le cliargé du gouvernement anglais, et 111. Turgot ont fermé leurs portes : seul, M. Soulé, Pambassadeur amé- ,ricain, a des rapports quotidiens avec la junte ! X ... CORRESPONDANCEPARISIENNE. Paris, 29 juillet. A Paris, les travaux de construction ne chôment pas 1111 seul jour et continuent à vider la caisse municipale : on vend les quartiers à démolir par lots de cent maisons, on maçonne, on peint, on élève par enchantement, et la police de s'écrier dans les cafés, dans les tavernes, au milieu des fêtes publiques : " voyez comme Napoléon fait travailler le pauvre monde! - Vive l'empereur ! " 11 est très vrai que les carriers, les plâtriers et les charpentiers ne re~tent guère sans ouvrage par ce temps de gâchis; mais les autres professions se trainent depuis trois ans ùans une agonie lente : les ouvriers émigrent, quand ils peuvent, surtout les tailleurs, les chapeliers, les bottiers. Quant à l'article-Paris, n'ayant plus guère pour débouché que l'empire de Soulouque et le Brésil, il se meurt ou plutôt il est déjà mort. Mais le travail de production n'est pas le seul à souffrir. Le petit commerce qui vit de détail est écrasé, tant la yente est faible, et les loyers, grâce aux démolitions, sont toujours au plus haut prix, comme les subsistancP.s. Sous ce régime des neuf millions de suffrages, qui vit _ tranquille? Personne ! Q1ü vit heureux et gras? La police, l'agiotage, le clergé, la haute fonction, et, pour tout dire ù'un mot, cette infime minorité àans la société générale, cette poignée de drôles qui se divise en deux familles séparées, - les espions et les parasites. L'HOM11E. Ce n'est pas à Paris seulement qu'il y a gaspillage des • j fonds municipaux. Presque to11tes les villes de département se sont imposées ou s'imposent. Les conseils communaux nommés sous l'influence administrative et composés de partisans bonapartistes, savent que la pensée du chef est d'empêcher le réveil ,les âmes en ralliant les ventres: ils se font donc autoriser à Paris ; ils ouvrent des travaux, ils démolisent, ils bâtissent et paient, par hypothèques sur l'avenir : or à quoi cela peut-il conduir_eet les villes et Paris et les départements? à la ban:. queroute, bourgeois ! Les chemins de fer sont poussés avec activité ; mais il est douteux, fort douteux pourtant que le projet-monstre du frère naturel, de Morny, le grand central puisse êtrf: commencé cette année, faute de fonds. Quant à cet esprit militaire qui jadis était si ardent, si vivace en France, et qu'on espérait voir se réveiller dans sa belle fougue, contre Nicolas, contre le Cosaque exécré, voici 1111 fait qui peut f:11 donner une idée : il n'y aura pas cette année pour la présentation à St-Cyr, le tiers des candidats ordinaires, et pourtant les officiers <les écoles militaires sont à peu près assurés, grâce aux guerres ouvertes, de prendre rang, bien avant l'époque fixée pour le service actif. La police fait toujours du zèle et les visites domiciliaires sont ses plus doux passe-temps : elle a fait, la semaine passée, une nouvelle razzia de travailleurs. LE> nombre des .victimes s'élèvti, dit-on, à 50 ; et pourquoi ces arrestations ? On aurait trouvé dans quelques ateliers des fragments ou sections ùe tuyaux de gaz, et lesdits tuyaux de gaz sont fort suspects d'avoir voulu devenir des canons ! 0 tnyau-Piétri, si jamais vous avez des petits, quel nom vous allez leur laisser ! Le citoyen Boichot comparaîtra bientôt, dit - on, en jitstice: ils appellent de ce nom cette mii-érable ·police correctionnelle qui condamne à l'ordre et selon les fantaisies ou besoins de l'inquisition admiuistrati\'e : il n'en faut pa:; clouter, le citoyen Boichot sera con<lamué comme les autres, et les généraux qui ne prennent ni Cronstadt, ni Sébasîopol, seront vengés de cet ex-représentant, de ce petit sons-officier q1.1i,sur mand:it du pays, élait allé s'asseoir avec eux sur les bancs de l'Assemblée souveraine! M. Bonaparte, qui est toujours à Biaritz, a fait démentir la formation d'un nouveau camp militaire à Bayonne. Soyez certain qu'avant trois semaines, il y aura trente mille hommes sur la ligne des Pyrénées. La Révolution espagnole est une menace trop sérieuse, et les diplomatesespions qu'on a lachés sur la Péninsule, adressent à Biaritz des rapports assez inquiétants, pour qn'on se concentre et qu'on surveille ...... Encore des millions et toujours <les millions : le sang viendra plus tard ! Y... -CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 31 juillet 1854. Les journaux sont pleins <le petits faits et de grandes phrases : on dirait qu'ils reçoivent de leur gouvernement l'inspiration ou le veto, comme ceux de France. Que se passc-t-il à Cronstadt? Lisez le Times, et le Morning Chronicle, ·:!tle Daily News : c'est un touchant accord! on ne fait rien à Cronstadt. Les deux flottes se sont retirées, après avoir reconnù les fortifications et les passes ... de loin. On saisit de temps en temps quelques méchantes felouques de commerce, et l'on enregistre ces petiles prises en victoires. Savez-vous comment se consolent les organes de la fierté britannique et ceux de la vaillance napoléonienne ? - Les Russes n'osent pas accepter le combat ! Ainsi, les Russes sont des lâches et s'inclinent devant la supériorité des forces alliées, parce qu'ayant une assez belle flotte qui est leur première ligne de défense, ils ne la risquent pas sur la mer, parce qu'ils ne la font pas sortir des redoutables fortificati_ons qui l'appuient et la couvrent! • Il nous semble qu'avec leur écrasante supériorité, les forces alliées auraient mieux fait de se ruer sur Cronstadt et de le raser, ainsi que l'avait promis l'amiral Napier. Cela aurait mieux valu que d'entamer avec l'ennemi des dialogues à la façon d'Homère. Les amiraux parlent d'établir leurs quarti~rs d'hiver à l'ile d' Aland ; et Je ravitaillement'! La Baltique n ·est pas facile, dans les temps de glace et de neige, et le pays làbas est bien petit et bien pauvre, pour une telle agglomération d'hommes. Donc, rien, jusqu'ici, du côté du Nord. A l'Est, que fait-on? la flotte se promène, fière et charmante, sur les· eaux bleues : les généraux, après quatre grands mois, massent leurs divisions à Van1a, mais n'avancent point : les Turcs seuls se battent et se batteJ:J.tbien, toutes les fois qu'ils en trouvent l'occasion. Sébastopol est encore ùebout, comme Cronstadt : la Crimée n'est pas encore envahie; l'Autriche est toujours au port <l'armes sur ses frontières : les armées russes continuent leurs mystérieuses évolutions, et les ministres de la reine d'Angleterre disent aux Communes que la guerre pourra <forer longtemps. - Je le croiJ bien ! Le peuple anglais commence à murmurer <levant toutE:s ces équivoques de situation et de langage : il trouve étrange que Charley, son Charley, ne fasse rien, et il tourne son regard défiant du côté des ministres. C'est bien de là, en effet, que partent les ordres, mais 11epartent-ils que de là ? Il y a eu, depuis longtemps, de violentes et de fréquentes querelles entre M. St.-Arnautl et M. Bonaparte, fils de Jérôme. Ce dernier, comme tous les présomp,tifs qui cherchent clientelle , avait admis dans sa relation princière, quelques officiers polonais de la nuance Czartoryski. M. le maréchal a vu là une inconvenance contre l'An_triche et même contre le Czar, qui a écrasé les révolutfonnaires de Pologne : il a d_onc enjoint à son lieutenant d'écarter les démagogues de sa suite. Sur l'injonction, refus insolent et formel. M. St.-Arnand, furitmx, a fait son rapport et demandé le rappel du NapoléonJérôme : mais on a répondu, dn Camp de Boulogne: Occupez-vous de la victoire et non de la. police, M. le maréchal. Et le jeu des deux cousins continue : à chacun ses dupes. Le mouvement italien, dont les journaux ont parlé, est encore confus, indécis, mal dessiné : les premières fu_ mécs s'échappent de~ petits cratères, Modène et Parme; mais soyez certains qu'avaut huit jours il y aura éruption volcanique. L'Ital c entière est une poudrière ... Ah! si la France n'était pas si lasse ... Nos derniers amis qui sont partis pour l'Amérique, par convoi de réfugiés-émigra11s, out écrit, ayant fait relàche à Portsmouth, à quelques-uns de ceux qui restent, et ils se plaignent amèrement de la qualité des vivres. Ils étaient à. ce point avariés, disent-ils, que nous en avons jeté la moitié à la mer, et qu'il ne reste plfts guère que les vines du bord ... Il y avait là de jeunes enfants et des femmes qui venaient d'être mères : quand on consent à transporter des hcmmes qui ont fait œuvre <le foi et qui sont sacr~J par le malheur, on devrait du moins les traiter en hommes. C. C. Au citoyen Ribeyrolles, rédactear du journal l'Homme. Cher citoyen, Le 23 juillet ] 853, Louise Julien est tombée dans une d:5 fosses de l'exil : elle n'a lai<;sé derrière elle qu'une vie tonte de dévouement, et quelques poésies q11'avait inspirées le grand sentiment socialiste et républicain. Ces poésies, je crois qu'il est bon de les publier; je les pnhlierai. Mais ne serait-il pas convenable et fraterne!, en mêmo temps, de laisser une pierre-souvenir sur cette tombe de Louise Julien et sur les autres tombes non moins sacrées qui l'entourent.· Nous allons partit peut-être, à l'appel de la Révolution: en quittant cette terre, ne laissons pas nos amis sans 1111 dernier - souvenir, celui d'une pierre, celui des pauvres. Dans cette vue, j'ai l'intention de me mettre en rapport avec plusieurs citoyens et de faire un appel à tous ceux qui sentent, afin que les noms de ceux qui sont morts puissent vivre à Jersey, et guc le peu que Louise J uliv.1 .a laissé ne meure pas. Salut et fraternité. JuLI.EN HoP. Nous insérons avec plaisir l'appel qu'adresse aux_ hommes de cœur le citoyen Julien, et nous l'appuyerons avec ardeur. Cet appel est religieusemertt motivé, dans le vrai sens du mot. Les pierres des martyrs sont, à la fois, des propagandes et des vengeances !.... . LES ISPIONSRUSSESENAlLEJ1AGNE - KOTZEBUE ET CARL SAND. - :Maintenant que la politique russe va le masque levé à la réalisation <lu panslavisme autocratique, maintenant que Metternich lui-même ne pourrait feindre la moindre illusion sur les iatentions réellec; de Nicolas, il n'est peut-être pas inutile de jeter un coup d'œil retrospectif sur les intrigues russes en Allemagne pendant la longue paix qui suivit la chute de Napoléon. La mort terrible et méritée d' A. de Kotzebue, l'un des plus vils instrumens du cabinet de Petersbourg, est un enseignement d'1m certain intérêt quand les innombrables mercenaires d'une tyrannie sans foi ni loi, chercbent ~ tromper le peuple allemand sur ses vrais intérêts dans la crise actuelle. Tout le moude sait que si cette partie éclairée de l'Allemagne qui est représentée par les jeunes gens des universités prit, en 1813-1814, unP. part extrêmement active à la lutte contre l'empire français, cc fut moins par un sentiment de haine contre la France que par un désir immodéré mais bien légitime d'obtenir enfin des institutions
libres qu'on faisait m1ro1ter à leurs yeux à travers l'abaissement du gendre de l'empereur d'Autriche. On sait aussi comment les promesses solennelles jurées au· milieu du danger furent, comme toujours, foulées aux pieds dès que l'heure du, péril fut passée. , Le peuple allemand sentit avec amertume cette déception atroce. Il avait prodigué son sang généreux pour secouer le joug étranger, et la main de fer d'un despote à dcmi-.barbare pesait maintenant sur lui plus dure et plus inintelligente que celle de la France qu'il avait repoussée. La classe moyenne témoigna surtout une indignation sans bornes contre l'Autriche et la Russie, et les universités, professeurs en tête, réorganisèrent les sociétés secrète.; que les préoccupations de la guerre avaient fait abandonner par la plupart <leleurs adhérents. La poiitique russe devina plutôt qu'elle n'éventa ce mouvement. Elle sentit que contre le travail souterrain qui s'opérait ainsi, les bayonnettes resteraient impuissantes, car elles ne sauraient où frapper; et elle ne trouva pas de meilleur expédient que d'égarer l'opinion publique en attirant à sa solde la plume vénale d'un dramaturge, que des ouvrages littéraires d'un mérite réel avaient ren~u populaire en Allemagne. A. de Kotzebue, né à Weimar, et auteur ùe· drames restés au théâtre, fut appelé à Petersbourg avec le titre de consul-général de Saxe-Weimar; mais il n'y resta que peu de temps, ce voyage n'avait pour but que de couvrir une odie11se trahison; car, jusque là, Kotzebue avait semblé défondre la cause de la liberté. Il donna donc sa démission <leconsul-général et revint à Weimar comme agent secret de la police russe avec des appointements de L5,000 roubles. Il devait gagner cc salaire en faisant des rapports de police à l'empereur de la Russie et en attaquant dans son Journal littéraire tout ce qu'il y avait de grand, de bon et de libéral dans l'organisation des universités, en calomniant les professeurs les plus distingués et en jetant la discorde, la haine e.t la défiance parmi les étudiants. Kotzebue ne pflt remplir cc rôle infâme sans révéler bientôt son déshonneur et sa honte. Sa conduite équivoque avait causé d'abord une extxême surprise; sa gloire littéraire militait en sa faveur; on suivait avec douleur un changement d'opinion qui pouvait être consciencieux bien qu'un peu soudain. }\fais quand on le vit disséminer effrontément des opinions que la majorité de ses compatriotes considérait comme autant d'absurdités révoltantes, quand il se mit à traiter avec un souverain mépris les idées libérales dont il avait jadis été l'apôtre, quand on le vit flétrir avœ acharnement toutes les gloires • de son pays., sa trahison devint évidente, et il n'était déjà plus considéré que comme un rénégat et un vil mercenaire, quand le professeur Luden de Iena publia i!ans la Némésis un rapport dé police écrit de la main de Kotzebue et adressé à l'empereur Alexandre. Dans ce rapport que Wielaurl reproduisit immédiatement dans le Patriote, l'espion russe disait q 11e Luùen et son journal étaient les deux_ plus détestables instrumens de l'eufer. Kotzebue eut l'impudence non seulement de reconnaître • son écriture, mais encore de déployer sa patente impé1iale d'agent russe et de se réfugier sous la protection de cc document. Cette bravade audacieuse décida sa mort! Le meurtre politique que les anciens considéraient comme un acte de vertu héroïque, et que les modernes a;-plau<lissent encore dans les Brutus, les Scœvola, les Harmodios et les Timoléon, les Charlotte Corday, etc., est la seule sanction que trouve la justice soui; le régime de la tyrannie. Quand la morale outragée, le patriotisme insulté, l'opinion publique méprisée, ne peuvent se défendre ni par la presse, ni par le .droit de réunion, ni par aucune voie légitime, c'est la jeJnesse enthousiaste qui se charge de les venger par la violence. Carl Sand, étudiant d'Iéna, l'une des universités vilipendées par l'espion russe, résolut d'imposer ,silence à ce mercenaire insolent et làche, qui n'élevait la voix que parce qu'il se sentait appuyé dans son infamie par les bayonnettes des Cosaques. Cette résol11tion discutée pendant plus de six mois avec sa conscience, le jeune Sand écrivit, au commencement de mars 1817, à sa famille et à :-;esamis une longue lettre où il exposait les motifs de sa détermination. " N'est-ce " pas, écrit-il, un des plus grands malheurs de la vie, " quand la volonté de Dieu manque de s'accomplir par "notre inertie. Certainement le plus grand reproche que "nous puissions nous adresser, c'est de laisser dormir, " comme un fantôme informe, comme un vain rêve, ces "principes d'honneur et de justice qne des milliers "d'hommes ont taché d'établir an prix de leur sang et "de leur vie! Si le torrent du progrès est glacé, avant "d'avoir parcouru la moitié de sa course, c'est à la dé- " plorable indolenre de leur·s pères que nos petits-enfants " clevront l;,attribuer !......... Pourquoi la multitude se " courbe-t-elle sous le joug amer de tels misérables ? "D'impitoyables séducteurs préparent en secret la ruine "de notre peuple! L'un cl'eux est Kotzebue; le plus per- ,, fide et le plus vil de tous - la personnification de tout •" ce qu'il y a de pire dans notre époque ; - et cependant "sa voix a de -telles inflexions qu'elle émousse tous les "sens, e't déMture, en les justifiant, les actions les plus " atroces ; il nous berce enfin, pour tacher de nous en- " dormir dans le fatal sommeil Îles vieux jours. Chaque "jour, il trahit la patrie de ses pères, abrité dans sa tra- ·" hison sous une flatterie pleint>d'artifices. Drapé dans .. L'HOJIME. " le manteau é~lata11t de sa renommée poétique, sa là- " cheté n'en est que plus manifeste, mais il éblouit les " yf:ux du public, et nous absorbons le poison que nous "verse son journal demi-russe ...... Si l'histoire de notre " temps ne doit pas atteindre le co'mble du déshonneur, il " faut qu'il périsse !. ........ " Et Kotzebue périt en effet de la main de Carl Sand, au moment où, poursuivi par l'exécration de tout ce qu'il y avait d'éminent en Allemagne, il se préparait à aller jouir de l'impunité, près du despote dont il s'était fait l'instrument. " Le traitre est tombé ! " s'écria Sand, montrant au peuple la fenêtre d'où l'on criait au meurtre. " C'est " moi qui suis le meurtrier; mais c'est ainsi que doivent " périr tous les traîtres. " Puis levant les yeux au ciel, il dit tranquillement: " Je _te remercie, ô Dieu ! d'avoir " permis que j'accomplisse heureusement cet acte de jus- " tice. " Et déchirant les vêtements qui couvraient sa poitrine, il se plongea plusieurs fois dans le sein le poignard 11uiavait servi à tuer Kotzebue. Sand ne fut guéri de ses blessures que pour monter à l'échafaud. Sa mort fut celle d'µn héros et d'un martyr ; et sa mémoire trouva de sympathiques défenseurs, non seulement en Allemagne et en France, mais encore en Angleterre où son caractère et sa réputation furent chaleureusement vengés des hurlements du parti russe, dans un livre publié quelques 'mois après son exécution. J.-Ph. SOCIÉTÉ FRATERNELLE Des Proscrits répiiblicains-démocrates-socialistes français à Londres. Nous croyons devoir rappeler à nos lecteurs que la Société fraternelle de Londres tient toujours ouvert son burpau de renseignements (travail et places), pour les proscrits, 24 bis, Grafton Stn:;et, Fitzroy :::,quare. Cette institution naissante de solidarité a <lroit à tout notre concours fraternel. Nous y reviendrons dans un prochain 11uméro. ------- ---·- -- --------- -·- VARIÉTÉS. LA MÉDECINE. I. Toutes les branches accessoires de l'art de g;wrir, chimie, physique, botanique, toxicologie, physiologie, anatomie, etc., ont fait d'immenses progrès depuis que la médecine, renonçant à, son jargon latin, a donné une extension presque encyclopédique à ses travaux. Uais la thérapeuthique, but et fin de tontes ces études, est malhcureusemeut restée stationnaire depuis plus de 2,000 ans. Le médecin de nos jours a beau connaitre la pathologie des affections qu'il doit combattre, leurs symptômes, leur évolution, sa lutte contre l'ennemi est aussi empirique, aussi conjecturale que du temps <le Galien. L'art de guérir enfin manque de cette méthode qui lui donnerait le caractère de science et le droit de commaader la confiance <leshommes. Pourquoi la médecine, aujourd'hui, est-elle tout au plus au point où se trouvait la chimie au si.ècle dernier, avant que Lavoisier l'eût fait entrer à pleines vviles dans la science, en créant sa nomenclature et en fournissant ainsi une base fixe à la détermination ultérieure de ses lois? Ici encore c'est ·l'esprit de conservation, l'exclusivisme étroit de la sciP.nce officielle qu'il faut accuser de ce re, tard inconcevable dans le progrès de l'art le plus immédiatement utile au bien-être et à la préservati.on de l'espèce humaine. Tant que la médecine et la religion ont été dans les mêmes mains comme en Egypte, tant qu'elles ont eu pour base l'une tt l'autre l'étude de la nature, la médecine s'est perfoctiormée sûrement et tranquillement à l'abri de l'autel. Sacrifia medicamenta sunt, les sacrifices sont des médicaments, dit Iamblique (Chap. x1, ] re part.), axiôme répété par Héraclite dans son livre " des Choses incroyables." Mais aussitôt qu'obéissant aux nécessités de la division du travail, la médecine a fait route à part, la jal-0usie des prêtres s'est effrayée d'une étude qu'ils ne pouvaient plus contrôler parce qn'ils avaient cessé de la comprendre.- Aussi la médecine n'a-t-elle pas eu de plus grand persécuteurs que les prêtres quand ils out pu se faire soutenir par la tyrannie laïq11e. C'est, pê!r exemple, une curieuse et lugubre histoire que celle des alchimistes du Moyen-Age. Persécutés à outrance par les despotismes conttmporains et méconnus de nos jours, parce qu'ils étaient forcés de dissimuler sons un langage mystérieux le"urs découvertes et leurs travaux, les alchimistes eurent, aux yeux de la théocratie chrétienne, le tort immense .d'aller puiser dans l'Orient une science que des moines stupiJes regardaient comme l'œuvre du démon et flétrissaient du nom de Magie. Combien de martyrs ont vu brûler avec eux, sur les btl- ' chers <lel'Inguisitio11 ou pourrir à côté cl'enx: dans les inpace <les couvents, des trésors scientifiques 'dont le monde ferait son profit aujourd'hui sans que pape et empereur osassent y porter une main sacrilége ! • Au Moyen-Age, l'empereur et le pape jouissaient d'une toute puissànce d'autant plus inattaquable qu'elle reposait sur l'ignorance populaire : aussi volaient-ils aux savants les découvertes qui ne sortaient pas du cercle étroit tracé par la foi religieuse, et torturaient-ils impitoyablement les audacieux penseurs que la recherche de la vérité jetait hors des limites marquées par les conciles. Pour ne citer qu'en petit nombre d'exemples ·: au 13e siècle, un moine franciscain d'Oxford, Roger Bacon, l'un des plus grands mathématiciens qui aient existé, l'inventeur de la poudre à canon, de la chambre obscure, de la lentille optique, et, dit-on, du télescope , corrige les erreurs du calendrier, Julien et fixe l'ère vulgaire que nous suivons encore ; le p:ipe Grégoire XIII donne son • nom à cette réforme, comme pour insulter à la mémoire dn véritable inventeur qu'un autre pape, Innocent_ IV, avait fait confiner d'abord dans sa .cellnle avec interdiction de professer à !',Université, puis jeter pendant dix longues années dans un cachot, où l'illustre savant avait souffert les plus dures privations et les plus terribles avai1ies : il avait pour gardiens des moines fanatiques. Au 15e siècle, Agrippa devient médecin de la mère de François Ier, mais il refuse de satisfaire la curiosité indiscrète de cette princesse, est chassé de la capitale et vient mourir à l'hôpital de Grenoble, en 1535, après avoir ·publié sa µhilosophie occulte et un livre remarquable intitulG : " de la noblesse et excellence du sexe féminin et de sa prééminence sur l'autre sexe." A peu près à la même époque paraH le célèbre Paracelse, sorti des rangs du peuple, et que ses ennemis ont poursuivi de leur haine jusqu'après sa mort, en· lui attribuant des ouvrages évidemment indignes de lui. Paracelse né en Suisse, dans un pays comparativement lihre, avait adopté pour devise : ·' Alterius non sit qui :rnus esse potest." Ses voyages en Hongrie, en Tartarie, à' Constantinople, le mirent en relation avec les hachems de l'Orient, et à son retour, il ne manqua pa~ d'être accusé de ]fagif:. C'est Pararelse qui, le premier, oppose formellement la règle homœopathique similia similibus ù la méthode opposée de l'ancienne école hippocratique; il se vanta dans un de ses ouvrages d".avoir guéri une vingtaine de princes <le·divers pays qui avaient rcconn11 ce bon office d'une manière toute princière, c'est-à-dire en faisant chasser de leurs états le célèbre docteur. Appelé chez un grand seigneur malade, Paracelse n'arriva qu'au moment où celui-ci venait d'être administré et refusa de le voir en disant·: "Pourquoi m'avez-vous appelé, puisque vous avez eu recours à un autre médecin?" Un tel homme devait être odieu:,._aux prêtres et ceux-ci ne pouvant le brüler, l'accusèrent <l'ignorance, d'ivrognerie, de brutalité, et le poursuivirent partout de leurs injures, qu'il leur rendait d'ailleurs avec usure bien que dans llit latin peut-être moins académique. " Quoique mystique et illusionné, dit Moreau (de la Sart·he), dans l'Encyclopédie, Paracelse montrait très peu de respect pour les religions établies et pour les solennités religieuses, disant à ce sujet que Luther avait été trop timide, et que s'il se mêlait quelque jour de se faire réformateur, il euverrait le pape et Luther lui-même à l'école." Après Paracelse, un de ses disciplfs, _Guillaume Portel, né en Normandie en 1510, alla en Orient acheter des manuscrits pour le compt·e de François Ier·; mais disgracié à son retour, il erra en Europe et •fut emprisonné i, Rome et à Venise pour avoir osé manifester ses opinions qui tendaient à ramener toutes les nations à l'unité de religion, ce qui ne pouvait évidemment faire le compte d'aucune. Au 17e siècle, le plns illustre des disciples de Paracelse, le célèbre Van I-folmont, né à Bruxelles, fut poursuivi comme sorcier, par l'Inquisition, parce qn'au. lieu de tuer ses 1'nalades comme le fais:iient la plupart des médecins de son temps, il avait le talent de les guérir. Van Helmont n'échappa qu'avec beaucoup de peine aux griffes des T-0rquemada belges, et se réfugia en Hollande où il mourut eu ] G44. Maintenant, quand la magistrature française du 19e siècle poursuit en police correctionnelle M. Hahnemann ou le citoyen Raspail, pour exercice illégal de la médecine, que fait-elle, sinon imiter servilement les procédés de !'Inquisition du ]foyen-Age? Il est vrai qu'au 19e siècle le clergé n'ose plus se mettre en avant pour décréter de sorcellerie les novateurs, mais les illustres Purgon de l'Académie <lemédecine acceptent volontiers à cette occasion l'office des familiers ,de la Sainte-Hermandad, et le bon docteur Bartholo sait à merveille sauvegarder les petits intérêts de Bazile. Cependant il ne suffit pas d'appeler l'attention de la Révoiution :;ur les abus criants qui accompagnent l'exercice de la médecine en :France. Ce n'est pas tout de signaler les déplorables conséquences de ce gouvernementalisme effréné qui permet au pouvoir de toucher à tout; il faut encore vérifier où en est la science médicale et quelle signification économique aurait une réforme universelle de la thérapeutique dans le sens in?iqué par Paracelse au 15e siècle, et développé si brillamment par Hahnemann au 19e siècle. ·J.-PH. BF.RJEA.U. •
.• DERNIÈRES NOUVELLES. Sur la question de l'aliiance allemande avec~ les puissances occidentales, voici les chroniques'°les mieux fondées. La Prusse, pour faire traîner en longueur, (c'est là son rôle dans la comédie, et de par Nicolas), la Prusse n'entend plus s'exécuter, en même temps que l'Autriche, aux termes de la convention de Vienne. Elle discute, elle équivoque, elle se dérobe, elle continue le gachis des protocoles. L'Autriche, de son côté, n'avance pas et se contente de passer <l'innocentes revues sur sa frontière de guerre. Les troupes alliées sont toujours à Varna ou dans ses environs. Les Russes font marches et contre-marches, et les Turcs se fortifient dans les nouvelles positions conquises. Voilà la vérité sur les mouvemens, ce qui n'empêche pas lcsjournaux anglais et certaines feuilles belges d'annoncer avec fracas une gra9de bataille peur un jour prochain 1 Sébastopol n'est pas encore menacée, mais on a~rme ~ue _lesyaiss~au~ anglais ont transporté 80 p1eces d artillerie qm doivent tonner à Varna. . Ri~n de nouveau du côté de la Baltique: les s1tnations ne sont en rien chano-ées. .En Espagn_e, la Révolutign marche toujours dans les pro!mces, et le peuple de Madrid, Esparte!·o n arrivant pas, garde ses barricades. Le M_oniteurfr_ançais déclare que le duc de la Vic- ·toire et la reme se sont entendu... mais à distance et sans se voir ... Encore un mensono-e ! L' Evening 1lfail annonce qu'Espartero est enfi~ arrivé. , 9aant à _l'Italie, l'engagement de Parme a été senenx, puisque le canon a vomi ses bordées: une ·so~r~e agitation fermente partout en ce pays, et Y~1c1des paroles qui, nous l'espérons bien, n' étern<lront pas le feu ! El_les ~ont de ~azzini qui, toujours fidèle au .5-levo1r,vient de fa1re, au milieu des crises de l'Eu1·0J?e,un éloquent et nouvel appel aux énergies .vaillantes, aux colères saintes de sa patrie. Puisse cette grande voix être entendue ! " Hommes du parti national, à quelque fraction c1u~vo~s apparteniez, une grave responsabilité pèse auJourd hm sur vous. Vous demandiez pour vous lever une occasion favorable : vous l'avez. Vous vous plaigniez que des programmes exclusifs s'empa1:assentdu terrain politique : Voici un programme qui embrasse toutes les forces nationales et laisse la voie ouverte à vos théories devant le tribunal suprême du peuple. Au nom de l'Italie, secourezvous; sauvez l'honneur de la patrie et votre propre honneur. Il y a quelques jours à peine, les satellites del' Autriche fusillèrent un des nôtres. C'était la millième victime depuis 1848. Que ce soit le dernrer sang italien répandu sans provoquer partout une protestation virile. " Dans ce mois même où, frémissant de colère et_de honte, j'écris ces quelques pages, quatorze nulle des nôtres sont appelés à endosser la livrée de l'Autriche: affranchissez-les de cette infamie et offrez leur notre cocarde patriotique : Par tout ce qu'il y a de plus sacré au monde, ne permettez pas ~ue les hommes qui purent, il y a six ans, a?m~rer ~n nou~ des géants, puissent dire aujourd hui : S1x annees ont suffi pour amortir ces cœurs et glacer cette vie. " Nom, avons encore aujourd'hui la sympathie L'HOM~iE. de tout ce qu'il y a d'hommes généreux en Europe; demain, si nous ne profitons pas de l'occasion, leur mépris scellera sur nous la pierre du tombeau." A.VIS. Pour répondre aux nombreuses demandes qui nous sont journellement adressées, l'Administration du journal l'HoMMEvient de faire réimprimer les premiers numéros dont les exemplaires avaient été complètement épuisés lors de leur publication. En conséquence, on trouvera chez MM. les agents du journül ou à l'imprimerie universelle, 19, Dorset Street, à Jersey, les numéros qui manqueraient aux personnes faisant collec• tion de l'HoMME,à raison de 3 pence (6 sous) l'exemplaire pris séparément. Quant} aux personnes, au contraire, qui désireraient avoir tous les numéros qui ont paru jusqu'à c~ jour, elles peuvent se les procurer aux mêmes condit~ons d'abonnements qui se trouvent indiquées, pour chaque pays, en tête de notre journal. AVIS • L'administration du journal l'Homme croit devoir porter à la counaissance du public de Jersey que deux nouveaux bureaux, pour la vente du journal au numéro, viennent d'être établis : Chez l\Ime LEV AILLANT, marchande de papier et de fournitures de bureaux, Pierson Street, près le Royal Square ; Et chez M. HUREL, marchand de tabac, 24, Queen Street. On peut également s'abonner à ces bureaux . EN VENTE A L'I:AfPRIMERIE UNIVERSELLE, 19, DORSET STREET, SAIN''l1-HÉLIER (JERSEY) : Ou par commission à LONDRES, chez Erasmus ZMICHOWSKI, 10, Clarernont Place, J udd Street, New Road. DIXANSDEPRISON AU IIONT-SAINT-IIICHEL ET A LA CITADELLE DE DOULLENS, Par MARTIN BERNARD, 1 volume grand in-18 Charpentier. Cet ouvrage se tro1tt1cattssi : A LONDRES, chez JEFFs, libraire-éditeur, Burlingt0n Arcade; A BRUXELLES et à GENÈVE. LESBAGNES D'AFRIQ HIS'fOIRE DE LA TRANSPORTATION DE DÉCEMBRE, Par CHARLES RIBEYROLLES. l volume in-8.-Prix : 2s. Gd. ffift IR ill ~~Il1 ET LE VIEUXMONDE. PAR ALEXANDRE HERTZE~. Prix : 6d. (60 centimes). BIOGRAPHIES BONAPARTISTES, Par Pn. BERJEAt;. - Prix : 2s 6d. HISTORY OF THE CRll\!IES OF THE SECOND OF DECEMBER, By V. SCHŒLCHER, Representative of the People. l volume in 8. - Prix : 5 sh. A PROPOS D'UNE POLÉMIQUE RÉCENTE, Par ALFREDTALANDJER, brochure in-12 (grand format.) Prix : 2d ½ (25 centimes). Ouvrages imprimés en polonais. 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Kordecki désirerait trouver de l'emploi ll se _ch~tge egalement_ <le toutes correspon- comme professeur dans une pension.-61, Newman Donne des leçons de hngue italienne. ùances, ecntures commerciales et autres, et des Street, Oxford Street.-Londres. , . . mémoires dont on lui confie la rédaction. • S adresser, 20, Don Street, Samt-Héher. S'adresser au professeur, 20, Don-streot, St.- 15, COLOMBERIE STllEET, S'l'.-Uf:LIER,JERSEY. Héli_ei:(Ile de Jersey). GUAY proscrit du 2 Décembre, faiseur -------------- -- Réfcr~nccs chez MM. ·we!lman, P. Asplet, ,de BOTTES sans couture, pour ALPHONSE mouleur en plâtre, se charge Geo. V1ckery. • ' hommes et pour dames. - Ce genre de chaussure , de toute espèce de moulage HOTELDEL'EUROPE DON STREET, No 11, TENUPARG.ROUSSEL. G. RoussEL a l'honneur de prévenir l\IM. les voyageurs qui viennent visiter cette île, soit pour agrément, soit pour affaires, aussi bien que les habitants de cette localité, qu'ils trouveront dans son Hôtel, bonne table, bons vins, et tous les soins, ainsi que tous renseignements possibles. ~ Table ù'Hôte à 10, 1 et 5 heures.-Repas à toute heure.-Il sert aussi en ville. ·AVIS IMPORTANT. spécimen ci-après. Les Avis et Annonces sont reçus à l'Office de !'Imprimerie Universelle, 19, Dorset Street, à Jersey, S-Hélier, jusqu'à l'arrivée du courrier du ma1di. Toute correspondances doit être affranchie et contenir 1m bon, soit snr la poste anglaise, au nom de :M:. Zéno SwIETOSLAWSKT,soit sur un des banquiers de Jersey ou de Londres. Le prix dés Annonces est uniformément de • six sous (trois pence) la ligne, pour les trois sortes de caractères courants employés dans ce journal. Dans l'intérêt du Commerce, de l'Industrie et de la Science, les Annonces de tous les pays seront acceptées à la condition d'être écrites en français, conformément au Les lignes en capitales et en lettres de fantaisie, seront payées en proportic,n de la hauteur qu'elles occupercintt calcuMe sur le plus petit texte.
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