trop incomplètes pour le mettre à. même de porter un jugement éclairé sur l'histoire de la langue celtique, comparée aux dialectes orient~x. Mais de sa tn1éorie tout incomplète qu'elle est et surchargée d'hypothès~s fausses ou trop légèrement hazardées, il n'en ressort pas moins un grand nombre de données sérieuses et que la science peut utiliser. L'érudit celte, différant en cela du docte-ir Knox, qui n'en dit pas m1 mot, accepte les traditions religieuses des jtüfs, et il essaie de ramener toutes les spéculations au texte des livres de Moïse. Cependant, 1 en si qualité de philologue conscier,cieux, il se permet de rnctifier assez carrément les erreurs de copiste et de traducteur qu'il rencontre en chemin, quand ces erreurs viennent se mettre en travers de son utopie. Ainsi, pour faire remonter l'usage ùu celte bien ~tvant la construction de la tour de Babel, il établit fort bien que ce ne fut pas le langage qui fut confondu parmi les ouvriers employées à l'édification de cet édifice, mais bien la foi, la croyance religiense ! La Genèse, dit-il, exprime textuellement (chap. XI) que : " tout le pays n'avait qu'une langue (DBRIM} et une mème croyance (8EPT. )" Or, dans les versets suivants qu'est-ce qui se trouve confondu? Est-ce Lt bnJue et la croyance (DB RIM et SEPT)? Non! C'est !a croyance seule (SEPT)! 11 est vrni que les disputes et les controverses religienses auqnelles ce passage fait ,illusion impliquent p:tr elles-mêmes mw certaine.confusion de b langHe; comme nous pouvons nous en convaincre de 1tos jours quand nous voyon.; des adversaires·irréconciliable:; se servir de la laugue française, la plus précise <ietoutes, dans ses termes, vour invoquer l'ordre, la liberté, l'honneur, le pa~riotisme, etc., ou pour ..,. se flétrir réciproquement des nom:; 1lr h • "X, de traitres, deparjures, etc., en se plaçant à db ;vl "" dr \·11ediamétralement opposés. Mais les considér:ttions ile cet ordre :1c préoccupent aucunement notre philologue celte : il lui suffit d'avoir rétabli le texte de la Genèse pour faire remonter le ga.5liqut?bien nu-delà. de la tour de Babel. Maintenant, dit-if, qui pourrait rérnquer en doute que Gomer ait parlé celte, et si Gomer pourquoi pas Japhet, son père, et si Japhet pourquoi pas Noé, Math11salcrnet Adam lui-même? Qui.nd ull raisonnement a pri'> sa c0nrse dans une tête bas-bretonne ou wrlsche, ce qui est tout un, rien ne pe1:t plus l'arrêter; aussi le celle se trouve-t-il porté du coup à la Création du Moude suivant les traditions de la Genèse elle-même. Ce n'est pas tont : les tra,litions paycnncs ne sont pas à dédaigner non plu'- quand il s'agit de la généalogie d'une langue q_ui n'aspire à rien moins qu'à détrôner le 1 zend, le sanscrit, le chaldéen, lG chinois, etc. A11ssi, notre philologue écosssais s'empres~P.-t-iJ. de nous foLlrnir un document curieux emprunté à l'antiquité payenne et derrière lequel il se retranche pour défendre sa théorie. On sait que le palais Farnèse, it Rome, possède une statue antique cl'Atlas portant le ciel sur ses épaules. Le ciel est figuré par nn globe céleste sur :iequel sont dessinés les constellations et les signes du zodiaque à la manière des Egyptiens. Maintenant, dit M. Maclean, riue l'ot\ montre ce globe nu la gravure qui le représente au premier paysan celte venu , qnelqu'illétré qu'il soit, et il nommera sans hésiter les consteliati(lns et les signes du nom même quc. leur -donnèrent les anciens il y a 30 à 40 siècles. Cette assertion, tout étrange qu'elle paraisse, si:mble établie d'une manière irr(H\ltable, au moins quant à la majeure partie des signes et des constellations. L'affinité du celte et du sanscrit est clepuis longtemps établie ; mais cela ne suffit pas pour expliquer comment les Gaëls d'Ecosse ont conservé daus leurs montagnes les noms qui désignaient précisément l'homme, le chien, le taureau, la balance, le persée, etc., du zodiaque égyptien ; tandis que le reste de la langue n'a que des rapports éloignés 11.vecles dialectes orientaux. Hudclleston, dans sa préface à !'Histoire des Druides, par Toland, écrite à la fiu dn 17c siècle, affirme que la langue celtique est-un dialecte des langues primitives de I' Asie, et que les Druides out conservé jusqu'à l'établissement du Christianisme les traditions de l'Inde et le langage que leurs pères avaient apport~s du l,ercea11 de l'humanité. La filiation de la croyance et sa tran~ission de peupl,: à peuple est plus facile à ,suivre que celle de la langue, mais c'est retomber dans l'erreur des traducteurs de la Genèse què de les confondre l'une et l'av.tre. Nons voyons encore de nos jours les idées religieuses passer assez facilement d'une nation à une autre. nation taudis que les langues ont un caractère à peu près 111tochtoue, et ue franchissent que très lentement et avec beaucoup de diffi8ultés les frontières ethnologiques qui _séparent les races et les nationalités. Si la religion tle l'Inde a pu se transmettre assgz rapidement aux Druides, rien ne porte à croire que le sanscrit ait suivi simultanément la même marche. En effet, il est prouvé que les mythes religieux de la Gaule antique ont une affinité très grande avec ceux de la péninsule indienne, il ne l'est pas moins que le celte-et le sanscrit n'ont qu'une parenté fort éloignée. Cependant, notre philologue écossais ayant fait remonter le celte jusqu'a'el jou~ de_la Création, il ne lui restait plus qu'à établir comment et pourquoi le père de3 1iemmes avait parlé celte plutôt que toute autre langÛe. Comme il admettait complètement la tradition mosaïque, no~reérudit celte pouvait aisément. se tirer d'affaire, en attribuantl'origine·d.e la. langue à une, révélation..s:pon.. t.anée; mais il a préfété chercher honnêteme1it, par quel . ,travail,Ad.am panintâ ·se former une lan~e uécesaire L'KOMll E. à l'expressiJll de ses besoins, de se:, désin et de ses sentiments. Il n'imite donc pas le roman naïvement absurde que Buffon met da11sla bouche de l'homme sortant des mains du créateur; mais, suivant pas à pas la formation de la première langue, il en trouve les élémens dans l'imitation des sons produits naturellement par les animaux, les plantes et les objets inanimés. Lorsqué Ad'.lm, disons l 'hoinme, pour traduire en français le mot oriental, voulut nommer le bœuf par axcmple, il se contenta d'imiter la note Je cet herbivore : il l'appela Bos, mot q:ti se retrouve en celte comme en sanscrit, non seulement clan,; sa si_~nitic:1.tionsimple, mais comme racine d'une gra11de quantité de composés ; il nomma le cheval Prus!t, mot que les Celtes ont conservé pur, et dont les Grecs ont fait Perses, Persée, Pyrrhus, Poros etc. ; le lion fut appelé Llho, Leo ; le grand chien Cou, le petit Ava_q,Ang; le serpent fut désigné par son sifflement S·rp, de là Scrapis, Seraphin; une poule fut appelée Cern (celte) Kerk (arabe) ; le co,1 Ga lac li, Galel. Gallus ; Li colombe Gourgourg, etc., etc. Si au l~eu d'appliquer cette théorie à un seul homme, comme il l'a fait, M:. Maclcan, l'eut étendu ù l'humanité tout entière, au véritable Adam des livres sacrés de l'antiquité, il eût élé éviùemrnent sur la trace de la vérité. Ce que des traducteurs vulgaires concentre:1t dans un coin imperceptible de l'Asie s'est pass~ simultanément ou successivement sur une vaste étendue du globe terrestre. Toute langue primiti\'e ne fut et ne put être qu'un assemblage ingénieux 'd'onomatopées, c'est-à-clire d'imitations des sons naturels. Tous les points de co11tact si frappans que l'on rem:lrque entre des irliômes d'ailleurs complètement diff~rents et p:irlés à des distances énormes l'un de l'autre, doivent être cherchés dans l'onomatopée, quand il u·y a entre les peuples composé-- aucun fait, aucune hypothèse plausible de rapprochement. Ad·un a parlé celte, chaldéen, sanscrit, copte, chinois et mi-Heautres dialectes à la foi:--; car l'onomatop0e est humaine et !l'admet ni races ni nation:ilités. J.-PH. BERJ!lAU. ··---... --- ------------------ VARIÉTÉS. :MADAME D ffi ST A EL. Le génie de madame de Staël a été successivement dominé par tleux maitres et deux idées, jusqu'en 89 par Rousseau, et, depuis, par Montesquieu. Elle avait vingt-trois ans en 89 .. Elle exerçait sur Necker, son•père, qu'elle aimJit éprrdûment et qu'elle gouvernait pat l'enthousiasme, une toute-puissante action. Jamais, sam., son ardente fille, le banquier genévois rie se fût avancé si loin dans la voie révolutionnaire. Elle était alors pleine d'élan, rle confiance; elle croyait fermement au, bon sPns du genre humaiu. Elle n'était pas encore influencée, amoindrie, par les amants médiocres qui depuis l'ont entourée. Madame de Stat!l fut toujours gouvernée par l'arnoar. Celui qu'elle avait pour son père exigeait que Neckrr 1':ît le premier des hommes ; et, en réalité, un moment, il s'éleva très haut par la foi. Sous l'inspiration de sa fille, nous n'en faisons aucun doute, il se lariça dans l'expérience hardie du suffrage universel, mesure hasardeuse dans un grand empire, et chez un peuple si peu avancé ! mesure toute contraire à son caractère, trèspeu conforme aux doctrines qu'il exposa avant et depilis. Le père et la fille, bientôt effrayés de leur audace, ne tardèrent pas à reculer. Et maJame Je Staël, entourée àe Feuillants, d'anglomanes, admiratrice de l'Angleterre, qu'elle ne connaissait point du tout, devint et resta la personne brillante, éloquente, et pourtant, au total, mé- ~iocre, si l'on ose dire, qui a tant occupé la renommée. Pour uous, nons n'hésitons pas à l'affirmer, sa grande originalité est dans sa première é})Oque, sa gloire est dans so11amour pour son père, dans l'audace qu'elle lui donna. --- Sa médiocrité fut celle de ses spirituels amants, les Narbonne, les Benjamin Constant, etc., qui, dans son salon, dominés par elle, n'en réagirent pas moins sur elle dans l'intimité. Reprenons, dès les commencements, le père et la fille. M. Necker, banquier genévois, avait épousé une demoiselle suisse, jusque-là gouvernante, dont le seul défaut fut l'absolue perfection. - La jeune N eckcr était accablée de sa mère, dont la roideblr contrastait avec sa nature facile, expansive et mobile. Son père, qui la consolait, l'admirait, devint l'objet de son adoration. On conte que Necker ayant souvent loué le vieux Gibbon, la jeune fille voulait l'épouser. Cette enfant, déjà confidente et presque femme de son père, et1 prit les défauts pêlemêle et les qualités, l'éloqueuce, l'enflure, la sensibilité, le pathos. Quand Necker publia son fameux Compterendu, si diversement jugé, on lui en montra un jour une éloquente apologie, tGute enthousiaste; le cœur y débordait tellement, que le père ne put s'y tromper; il reconnut sa fille. Elle avait alors seize ans. EÙe aimait son père comme homme,l'admirait comme écrivain, le vénérait CQmmt id~al du citoyen, dn philoso- _phe, dn sage, de l'homme «l'Etat. Elle ne tolérait personne qui ne. tint Necker pour Dieu : folie vertueuse, naïve, ]_)lustouchante encore que ridicule. Quand Necker, au jour de SOR triomphe, rentra dans Paris e parut nu balcon. de l'Hôtel-de-Ville, entre sa :f:'emmc et sa fiUe, celle-ci succomba à la plénitude du srntiment et s'évanouit de bonheur. Elle avait de grands besoins <le cœur, en proportion <le son t~~ent. Après la fuite de son père et la prrtc de ses prem1eres espérances, retombée de Rousseau à Montesquieu, aux prn<lentes théorie-s constitutionnelles, elle restait rom~uesqne en amour ; elle aurait Youlu aimer un héros. So11époux, l'honnête et froid M. de Staël, amkssa,leur de Suède, n'avait rie11 qui répondit i':. son idfal. Ne tronva'.1t point de héros à aimer, elle compta sur le souffle puissant, chalcareux, qui. était en elle, et elle entreprit d'en faire un. Elle _trouva un joli homme, roué, brave, spirituel, 1\-I. de l\arbo:1ne. Qu'il y e:lt p2U ou hcaucoup d'étoffe, elle crut qu'elle suffirait, étant doublée de son cœur. E'.le l'aimait sur~out pour les dons héro:ques qu'elle \'OUla1t mettre en lm. Elle l'aimait, il faut le: tlirL' aus:;i (car elle était une femme), pour son audace sa fatuité. Il était fort mal avec h cour, mal anc bien des salons. C'était vraim~nt nu grand seigneur, d'flégance et de bonne grâce, mais mal vu des siens, <l'une consistance équivoque. Ce qui piquait beaucoup les femmes. c'est qu'on se disait à l'oreille qu'il était le fruit d'u11 iucc~te de Louis XV avec sil fille. L:t chose n'était pas invraisemblahle. Lorsque le parti jésuite fit chasser Voltaire et les ministres Yoltairiens (le& d' Argensou, Machault encore qui parlait trop <les h:en.; ùn clergé), il fallait trouver un moyen d'annuler la Porr.padour, protectrice de ces novateurs. Uue fille du roi, vive et ardente, Polonaise comme sa mère, ~e dé,:oua, :i.utrc Judith, ~t l'œuvre héroïque, sanctifiée par le but. Elle ét,:it extrnordmairemcnt violente rt passionnée, folle cle rnu-iq_ue où la dirigea. t ~c peu scrup 11leux BeaT1rnrcLtis. Elle s'nnp:m1 à~ sou pere, et le gou0,erna qt.elque tcn,p~, au nez cle la Pompadour. Il en &erait résulté, selou h tratfüion, ce jol~ homme, sriritcel, 1111 peu effron~c~,_qui apporta C.ll mussant une ::umablc scélératesse ù troubler toutes les fomme:s. ~ Madame de Staël avait une chose liic.:ncrueHe pour une femme; c'est qu'elle n'était pas belle. Elle arnit les traits gros, et le nez surtout. Elle avait la taille assez forte, la peau d'une qualité médiocrement attitirnte. Sc.s gestes étaient plutôt éuergiquees que gracieux; debout, les mai ris derrière ie dos, devaut une cheminée, elle dominait un salon, d't'.ne attitude Yirile, d'une parole pui_ssante, qui contrastait fort avec le ton de son sexe, et parfois aurait fait douter un peu qu'elle fût un femme. Avec tout cela, elle n'arnit que vingt-cinq ans, elle avait de très beaux bras, un beau cou à ia Junon, tle magnifiques cheveux noirs qui, tombant en grosses boucles, donn,üent grantl effet au buste, et même relativement faisaient paraitre les traits p1us délicats, moins hommasses. Mais cc qui h parait le plus, ce qui faisait tout ouhlic.:r, c'était ses yeux, des yeux uniques, noir.s et inondés de flammes, rayonnants de génie, de bonté et de toutes les passions. 8011 regard était un monùe. On y li~ait qu'elle était bonne et généreuse entre toutes. Il n'y aYait pas un ennemi qui pût l'entendre uu moment :;ans dire en sortant, ma],rré lui : " Oh ! la bonne, la noble, l'excellente femme ! " b Retirons le mot de génie, ponrtant; réserrnns ce mot sacré. M;idame de Staêl avait, en réalité, un grand, un immense talent, et dont la source était au cœur. La naïveté profoHdc, et la grande invention, ées deux traits saillants du génie, ne se trouvèrent jamais chez elle. Elle ap1>orta, en 11aissant, un désaccord primitif d'élêments qui n'allait pas jusqu'au baroque, comme chez Necker, son père, mais qui neutralisa une bonne parti~ de ses forces, l'empêcha de s'élever et la retint ùans l'emphase. Ces Necker étaient des Allemands établis en Suisse. C'étaient' des bourgeois enrichis. Allemande, Suisse et bourgeoise, madame de Staël avait quelque chose, non pas lourd, mais fort, mais épais, peu délicat. D'elle à Jean-Jacques, son maître, c'est la différence du fer à l'acier. Justement parce qu'elle restait bourgeoise, malgré son talent, sa fortune, son noble entourage, madame de Staël arnit la faiblesse d'adorer les grands seigneurs. Elle ne donnait pas l'essor complet à son bon et excellent cœur, qui l'aurait mise entièrement du côté du peuple. Ses jugements,• ses opinions, tenaient fort à ce travers. En tout, elle avait du faux. Elle admirait, entre tous, le peuple qu'elle croyait éminemment aristocratique, l'Angleterre,· révé ant la noblesse anglaise, ignoraut qu'elle est très récent e, sachant mal cett 1 histoire dont elle parlait sans cesse ne soupçonnant nullement le mécanisme par lequel l'Angleterre, puisant incessamment d'en bas, fait toujours de la noblesse. Nul peuple ne sait mieux faire du vieux. Il ne fallait pas moins que le grand rêveur, le grand fascinateur ~u monde, l'amour, pour faite accroire :\ cette femme passionnée qu'on. pouvait mettre le jeune officier, le roné sans consistance, créature brillante et légèrJ), à la tête d'un si grand mouvement. La gigantes11ue épée de la Révolution eftt passé, comme gage d'amour, d'une femme à un jeune fat! Cela était déjà assez ridicule, Ce,qui •l'était encore plus, c'est qae eette chose hasar_dée, elle pré- ' tendait la faire dans les limites prudentes. d'une politique bàtarde, d'une liberté qtt~i-:anglai.se, ..d'_uue associ;1tlo• aveo les Feuillants, un par.ti fi.Ri, avec Lafayette, à pett
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