pour rétablir les communications avec Silistrie. Le maréchal P11skewitch,blessé à la jambe, transporté à Jassy, avait laissé l'armée aux ordras des généraux Gortshakoff, Schilders et Luders ; ce dernier vient de mourir de ses blessures :· il avait eu la machoire emportée par un coup de feu; Schilders a été amputé de la jambe; Gortshakoff, égalementblessé, a cédé le commandement au général Dannemberg,le vaincu d'Oltenitza ! Quel présage pour la suite des opérations militaires ! Le premier général vaincu paraît chargé de subir aussi la dernière défaite. Les dépêches de Vienne annoncent que ·dans un nouveau combat, livré le 16, les travaux ùe siège ont été détruits par les Turcs. Epuisée, découragée, l'armée russe a battu en retraite, évacuant Guirgewo et se r-etirant vers le Pruth. • Le brave gouverne11r de Silistrie, Mussa Pacha, dont la loyautéavait été vainement tentée par l'offre de 2 millions de roubles (huit millions) faite par Paskewitch,-a été tué par une bombe, avant l'assaut du 13. La résistance victorieusede Silistrie, en laissant aux troupes alliées le tempsde rejoindre Omer-Pacha -le duc de Cambridge est arrivé à Varna - force les Russes à battre en retraite avant.même d'avoir affronté les armées de l'occident. L'échecmoral est encore plus grand que l'échec matériel, d'ailleun très grave, cr qui semble devoir rendre aux Turcs les deux rives du Danube un an à peine après l'in- ' vasionrusse. L'Empire turc, on do{t le reconnaître, a fait preuve d'une énergie, d'une .vitalité dont on le croyait peu capable; et il faudra bien compter avec lui dans les négociations qu'on annonce comme prochaines, sur la demande des puissances allemandes et les conseils de Jl,f etternich. Mais l'opinion publique, si puissante en Angleterre, ne permettra pas de conclure précipitamment une paix sans garanties. Quelques paroles imprudentes prononcées-à ce sujet par Lord Aberdeen excitent une irande agitatio:a dans le monde politique : les torys qu'il a désertés et les libéraux qui se méfient de lui sont ll'accord pour lui arracher son portefeuille. Le ministère actuel, composé d'une coalition d'hommes d'Etat éminens de tous les partis, n'a pas été heureux dans cette session. Il a dû. retirer toutes les lois un peu importantes présentées par lui, comme par exemple, la Réforme électorale ; il a été battu dans les questions les plus graves, principalement sur celles qui touchent à. l'administration religieuse du pays; il n'a triomphé sur quelques points qu'en se séparant de ses adhérens et se joignant à ses adversaires. Agité par des dissentimens très graves dans son propre sein ; neutralisé dans ses plans politiques, Je cabinet touche, dit-on, à une modification. On croit que Lord J olrn Russell et Lord Palmerston mettraient à l'écart cG:u.xde leurs collègues qui sympathisent le moins avec eux, le tory ù' Aberdeen, et le radical Molesworth qui a récemment lutté contre Palmerston en faveur du scrutin secret dans les élections, mesure radicale périodiquement préseatée et rejetée dans les Communes, mais appuyée cette fois par une imposante minorité. - Lord Abercleen ayant parlé d'une paix prochaine comme désirable, et n'~yant pas semblé partager les vues de Lord J. Russell et du comte de Clarendon sur les garanties à obtenir de la Russie avar1t de déposer les armes, le cahinet donnera ce soir ùans la Chambre des Communes, des explications dont on compte profiter pour renverser Lord Aberdeen. En Franc~, changement, non de ministère mais de ministres. Le fidèle et dévoué Persigny, malade officiellement, part pour la Suisse, laissant le portefeuille de l'intérieur à l'habile M. Billault, le chef du tiers-par.ti sous Louis-Philippe, un des défenseurs du droit au travail à la Constituante de 1848, et le président actif du Corps législatif impérial. La prasse anglaise voit dans la chute de Persigny un mauvais présage pour l'alliance occidentale; on prétend aussi que Persigny, dont le Times proclame d'ailleurs l'incapacité administrative, poussait l'Empire à la guerre révolutionnaire et de conquêtes contre l'Autriche et la Prusse ; on dit enfin que les ministres joueurs de Bourse étaient fatigués de leur collègue dont les plans politiques n'étaient pas m-0difiés, disent les correspondances, par les intrigues de coulisse ùont se préoccupent avant tout MM. Fould et Morny. Les correspondans des journaux anglais s'abandonnent à d'assez piquantes remarques sur ce sujet; les reproduire serait superflu pour vos lecteurs qui savent à quoi s'en tenir sur Ja moralité des hommes du coup d'Etat ! L'Empereur de Russie , vaincu sur le Danube et en Circassie,menacé en Géorgie et en Crimée, forcé de cacher ses flottes derrière les batteries de Sébastopol ~t de Kronstadt, repoussé dans son agression, bloqué dans ses ports, publie pompeüsement le récit d'une victoire remportée sur les équipages de quelques chaloupes; surpri~ en _Finlande par des forces nombreuses et de l'artillerie. Une vingtaine de morts ou de blessés, autant de prisonniets~et une chalo11.peperdue, voilà le résultat de cet échec des Anglais, qni ont d'ailleurs dé-truit les approvisionnemens de goudron, de bois de construction et de munitions de guerre dans plusieurs ports, et enlevé 20 navires russes sous le canon muet des forteresses impériales. Les deux flotteB,enfin réunies, ont fait voile vers Kronstadt, Salut fraternel,· Ph. FA\JR:&, I/ 1t O}1ME. Depuis cinquante ans, dans l'histoire, les J acobins portent le poids de toutes les haines et de tontes les calomnies royalistes. Le devoir des hommes dévoués à la ·Révolution est donc de les expliquer et de les défendre. . Voici quelques ligne5 de Louis Blanc qm peuvent éclairer ces sombres figures : e!les sont extraites du cinquième volume de sa grande histoire: LES JACOBINS ET LES CORDELIERS. C'est une chos·e dent on devrait fort se défier et dont on ne se défie jamais, que l'histoire des vaincus écrite par les vainqueurs : grâce aux écrits répandus sur le Jacobi-· nisme, après sa chute, le mot Jacobin est resté comme l'expression de tous les désordres et de toutes les aberrations que peut traîner à sa suite une démagogie en délire. Il est cependant certain qne l'esprit de cette société fameuse - du moins pendant une longue partie de son existence-- répondait à une iùée entièrement et même diamétralement contraire à c~lle qu'on a coutume aujourd'hui de s'en faire. Ce qui est vrai, c'est que jusqu'à une époque très-avancée de la Révolution, la société des Jacobins fut une société, avant tout, politique. La haine des inégalités conventionnelles d'autrefois, • dts croyances roides, une sorte de fanatisme calculé , l'intolérance au profit des nouveautés lrnrdies, le goû.t de la domination, et, au fond, l'amour de la règle, voilà, quoi qu'on ait dit, de quels traits se composa l'esprit jacobin. Le véritable Jacobin fut quelque chose de puissant, d'original et de sombre, qui tenait le milieu entre l'agitateur et l'homme d'Etat, entre le protestant et le moine, entre l'inquisiteur et le tribun. De là cette vigilance farouche transformée en "Vertu, cet espionage mis au rang des ,procédés patriotiq11es et cette manie de dénonciations qni commença par faire rire et finit par faire trembler ....... Une société semblable pouvait-elle appartenir longtemps à l'influence du léger Barnave et des Lame1h? Evidemmont non. Le seul homme qui fût propre à la personnifier, c'était Robespierre. Aussi ne fut-elle pas longtemps sans se donner à lui ..... .. D'un autre côté, on comprend combien deY~ient se sentir mal à l'aise dans un club essentiellement organisateur et formaliste les natures indépendantes comme Camille Desmoulins, ou fougueuses comme DaHt.on, ou· sauvages comme Marat. Pour ùe tels hommes, l 'atmosphère, aux Jacobins, était trop lounle; ils y manquaient d'air. A leurs libres allures, à lems tendances négatives et destructives, 'à leur génie lndompté, il fallait une association très élastique, uue association qni n'en fùt pas une en quelque sorte. Et c'est justement là ce qui donna naissance au club des Cordeliers_. Le club <lesCordeliers s'établit dans la chapelle qui, aujourd'hui encore, se voit presque en face ùe l'Ecole de médecine : enceinte assez vaste qui- présentait un ovale tronqué aux extrémités, garni de bancs de bois en amphithéâtre et surmonté d'espèces de tribunes. Or, de même que la salle des Jacobins, celle des Cordeliers était toute pleine de souvenirs liés par je ne sais quel rapport tragique à sa destination présente. Dans la première, la Ligue a tenu de formidables assises, et des prêtres y avaient prêché l'assassinat des rois ; dans la seconde, écho de l'anarchie religieuse du XIIIe siècle, s'étaient assemblés les moines mendiants, ces sans-culottes d'un autre âge. A-proprement parler, le club des Cordeliers ne fut que la continuation dans un endroit clos de ce grand· club en plein vent qu'on avait vu délibérer dans le jardin du Palais-Royal en juillet, aoftt et septembre 1789. Là coururent, non pas se grouper, mais se mêler confusément, s'amalgamer, se coudoyer, tous les révolutionnaires sans frein , tous les enfants éperdus de Voltaire, tous les démolisseurs tombés en ivresse ou à l'état d'extase, tous les mystiques de l'anarchie uuiverselle, tous ceux des Jacobins qui, au sortir du club des Jacobins, avaient besoin d'nn théâtre où il leur fût loisible d'aller, de venir, de crier, de hurler, de s'inspirer au harnrd, de prophétiser, d'être en fureur. Chacun pour la Révolution et la Révolution pour tous, voilà la devise qui eût convenu aux Jacobins ; les Cordeliers eussent pu. adopter celle-ci : la Révolution pottr tous et chacim pour soi ... Oui, chacun pour soi : Danton, pour le soulévement du peuple; Marat, pour la guerre à coups de dictature ; Camille Desmoulins, pour beaucoup d'audace, à condition qu'on y mettrait quelque bon goût; Hébert, pour le SansCulotisme ; Momoro, pour la déesse de la Raison ; la jolie - Théroigne de Mirecourt, pour la Liberté, qui était de son sexe, et l' Allemand Clootz, pou:r la fédération du genre humain. Après cela, que le club des Cordeliers n'ait pas eu de ramifications étendues, n'ait jama.is dépassé les -limites de Paris, cela devait être : par sa. nat~re mêm~, il repoussait toute organisation et n'admettait aucun genre de discipline. En réalité, les Cordeliers ne furent et :ae pouvaient . êtr~ qu'un corps de.partisans : 'les Jacobins, au contraire, parvinrent à créer une armée, armée sombre qui·· eut ses mots d'ordre, ses chefs, ses bulletins, ses camps retranchés, et qui lança dans toutes les directions ses r~doutables détachements. :Maissi, à l'égard· du passé et de ses débris, les inspirateurs du club des Jacobins étaient des hommes de latte, il ne faut pali oublier qu'en ce qui touchait l'avenir à préparer, ils avaient la prétention d'être des hommes d'Etat. Souvent même, dans leurs manifestations, l'élément conspirateur restait dans l'ombre, et c'était l'élément politique seul qui paraissait ...... . On le devine bien, les attaques dirigées contre le Jacobinisme furent innombrables et furieuses. La haine y prit tontes les formes, la calomnie s'y glissa sous tous les aspects. Les Jacobins dévoilés, le Carnaval Jacobite, l'anti-Jacobinisme, les Secret~ du Club des Jacobins confiés au peuple, dialo,gue entre un Jacobin et ttn enfant, la Pièce est pire que le tt·ou, Ca ira ou ça n'ira-t-il pas; et, poitr ça, faut-il être Jacobin ou Feuillant ? ...... etc. , etc. Ces titres répondent à autant de libelles. Mais l'histoire y chercherq,it en vain des renseignements: tout cela est vide, puéril, déclamatoire 0111. d'une licence de langage qui rend les citations impossibles. Louis BLANC. La traduction allemande de l'ouvrage de A. Hertzen~: " Sur le développement des Idées révolutionnaires en Russie," qui a paru chez Hoffmann & comp., vient d'être saisis dans toutes les librairies prussiennes. VARIÉTÉS. LESMÈMOIRDEESJEANRAISIN. -SuiteUn faste grossier, des pana-dies rutilants, de splendides étoffes, mais très mal portées par l'orgueil qni s'enfle et la bêtise qui craque au t,avers ; du clinquant, des paillettes , ùu ballon et, par-dessus tout cela, de grands airs, des chatteries minaudières ou des roues superbes : tel est, vous le savez mieux que moi, milord, l'attira.il, le portrait, la physionomie cle la courtisane, quand elle passe sur les tréteaux. • Son regard, qui s'appelle une œillade, provoque sans attirer, et ne fascine guère que l'écolier ou le commismarchand ; elle est si bêtement fière et magnifique sous le harnais , il y a tant de cynisme et de grosse félicité dans ses allures qu'elle blesse l'œil et révolte le cœur. Ah! la pudeur, Ja pudeur, milord; c'est le mystère des grands bois, c'est le parfum des fleurs, c'est la grâce divine et tout le secret des saintes amours ! ' Il y a, pourtant, parmi ces belles pécheresses, de jeunes et puissantes natures, tellement épanouiGs et pleines d'éclat qu'elles sont, quoique déchues, la gloire, l'orgueil de la vie, et que leur force est comme une royauté : l'on dirait la race olympienne des nya1phes tombées entre les Titans et les Faunes. Sarah 1a Faucheuse était une de ces créatur~s merveilleusement opulentes en vigueur comme en beauté. La splendeur de ses guipures et de ses équipages l'encadrait sans l'écras,~r, et, sous la tarlatane ou sous la bure, comme sous les dentelles et sous la soie., la belle fille aurait fait ses ravages. Je l'avàis un moment perùue de vue dans le rapide tourbillon des laquais, quand tout-à-coup elle me frappa sur l'épaule, et toute heureuse effleura de la lèvre mon berret des montagnes. - Y a-t-il longtemps, y a-t-il longtemps que je n'avais vu de véritables cheveux noirs et le hâle du soleil sur un beiiu front des Pyrénées! s'écria-t-elle en sa gaieté sauvage : allons , viens , et causons un peu des fontaines, des grands arbres , de la mer bleue, de la mousse en fl&ur et des belles nuits où tant de nids chantent dans la plaine ... -Tu n'aimes donc. pas Londres? et, pourtant, tu es si pimpa1!te, si riche ! - Moi, j'aime ce que je n'ai pas ; je donnerais, aujourd'hui , tous mes diamants et tous mes laquais pour une branche de rhododendron ou pour nne :fleur des bruyères. - Eh bien! qu'est-ce que je vous avait dit,· monsieur Jean, que ma pauvre fille était folle? Là voilà qui rêve de marguerites quand elle peut ramasser des guinées! Ah! Sarah, Sarah! tu n'es pas de ton sang, tu ne garderas que l'hôpital ! C'était la vieille Maladetta qui nous suivait et glapissait comme une louve affamée. Sarah, se retournant, la pdt à l'écart, et revint bientôt, toute confuse.... Elle avait laissé sa bourse à la gipsy, qui JJOUS saluait de loin. - Ne fais pas attention, dit-elle en s'attachant à mon bras. Ma mère a fait son temps! elle ne voit plus, elle ne sen_t plus que l'or; c'est la dernière rage des bohémiennes .... et de bien d'autres. D'où venait à .ce cœur blasé ce vif dégoftt des profanations mercenaires; et dans ce corps perdu, pourquoi cette honte? Quelque ·souveni_r, sans doute, de .ses anciennes effusions virginales, à l'ombre de nos rochers, quaud la pauvrette courait les .blés, verts e~ dormait sous les .,pampres. . . . • Toujours ·est-il qu'elle garda .quelque temps ~n..silenc~ soucieux et craintif. On aurait dit qu'elle avait 'peur et de mon •egard et d'elle-même ; puis, tout-à-coup, s'échappant de mon bras : . ....,.A. la tombe, à la nuit les regrets et les rh'ea ! J'aurai bien le temps de pleurer plus tard; aujourd'hui, vivons ! Et la Faucheuse, eRlnant dentelle et cachemire, parut à
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