Homme - anno I - n.24 - 10 maggio 1854

vent nulles, lrs Îlldices de trames révolutiomrnires. Le gouverneur g-é.iéral rend compte des bru~ts c~e la ville sur les mc:.ures gouvernementales; 11 signale ceux qu_is'hahilleu!, se coiffent et ~e comportent contnurement aux ordonnances ; 11 relate les détails de la vie privée des nobles et de leurs femmes. Le commandant de la place, duquel relèvent le palais et lc1forteresse des Saints-Pierre et Paul, recueille les aveux des détenus, soumis à la torture ou leurrés d'une fausse espérance de pardon; il s'occupe <lela collC]nitedes employés de la demeureimpériale; il reçoit <le son. ?1aître le mo,t d'ordrepour les gardes du corps, m1hce de sCtrete intérieure. Denis le rryran était la confiance personnifiée, si on le compare à Nicolas. Suivant l'exemple de ses prédécesseurs, son père excepté, Nicolas parcourt s~ns escorte le~ rues de sa capitale ; il se ~et en .é, 1<lem;eau théatre dans une lo"'e d'avant-scene; 1I se mele à la foule aux balsm~squés publics. 1\1,aisSaint:Pétersbonrg,, ~ù l'état de siége est perpetuel, preser~te une sene rapprochée<lecorps-de-gu;d.e : au coi~ de chaque rue, il y a de plus une gnente a,·ec cmq hommes armésde hallebardes. Ces soldats et ces boudoucltniks arrêteraient l'individu qu'ils verraient s'approcher trop près de l'empereur. r.~e t!iéâtre est _garni de troupes au dehors, de comm1ssa1resc.lepohce et d'espions déguisés au-?f'dans .. ~es bals m~~qués sont parsemés de seotrnelles v1g1lanteset d ecouteursstipendiés aux finei oreilles. Le grnnd-maître' dela police précède d'ailleurs le. c~ar qui s'amuse, en faisant ranger la foule compnmee par des commissairesspéciaux. Cette vie, si protégée, n'en est pas moins, clirat-on exposée à l'audace adroite d'un Ravaillac ou d'u; Louvel. Sans aucun doute. Néanmoins, une autre manière d'agir aurait plus d'inconvénients. Le czar, s'enfermant comme Paul, ferait uaître l'idéed'un complot de palais. Couvrir .la frayeur du masquede l'insoucian?e, c'est !e me1lle.nr de tous les calcule. Nicolas l a compris. Ses incessantes apparitions en public sont faites pour intimider les mécontents isolés ou groupés, et pour renforcer l'autocratie d'une certaine popularité. Si les Russes ne voyaient pas si souvent leur s?nverain, ils devienclraient moins timorés et moms respectueux. {)n voit la preuve de ceci dans l'esprit comparativement lihéral de Moscou. Nicolas partage ses matinées ent~~ l~s confitlences de sa police et les revues mil1ta1res. Il a peu de loisir pour )es ~utres branch~s de _l'a<lministration. N esselrode reg-le les affmres etrangères commeil l'entend, sauf les cas exceptionnels tels que l'intervention en Hongrie ou la guerre actuelle avec la Turquie. Les fürnnces, que le czar avoue ne pas comprendre, sont abandonnées à l'empirisme et aux expédients possibles seulement sous un despotismeabsolu. Le revenn de la Russie s'él_èveà huit cents millions de francs environ ; l'armée de terre et <le mn en absorbe la moitié, la cour et l'espionnage en prennent une bonne part; le commerce, l'industrie, l'instruction publique se partaa-entle reste. Les routes sont entretenues par des i, ' • ' d hl L ' corvces1mposees aux paysans es ~o es. a penurie d'argent, sans compter tant d autres causes, empêchera toujours le czar d'être redoutable à l'Europe, quand celle-qi voudra sérieusement le combattre. Nicolas consacre ses soirées au plaisir. Il visite fréquemment l'opé:a italien. et le théâtre français. Il aime les vaudevilles comiques des boulevards. C'est là sa nourriture littéraire. Il n'ajamais lu un livre sérieux. Des auteurs légers, il affectionne, par dessus tous, ~~u~ de .K~ck•. Voyageant u.n jour, avec sa rap1,_d1teordmair~, 11se trouva f.ns e fatigue et s'arreta dans la ville de Tver. Lmsomnie, dont il est fréquemment tourmenté, l'empêchait d~ dor~nir ; il de~a°:da nn rom~n de son écrivain iavon. On alla eve1ller les habitants lettrés, qui s'empressèrent de fournir ce qu'ils possédaient en ouvrages français. Le czar jette les yeux sur les volumes recueillis et s'écrie. indigné : " Oh ! les ignorants et les imbéciles!avoirdes niaiseries con me cefü s de Balzac, Hugo, Sue, Sand et ne pas posséder, à eux tous, un stul chef-d'œuvre de Paul de Kock ! Franchement, je croyais plus éclairés mes sujets de Tver. Des chevaux, <leschevaux ! Je veux partir !" Possédant la facilité pour les langues carastéristiques de la race slave, l'autocrate, outre le russe, parle sans embarras le français, l'allemand et l'ana-lais. Quant au latin : '' C'est une sotte langue, dit-il un jour, j'ai usé des années à l'apprendre et je n'en ai rien retenu." Il dessine assez bien, mais s'ii applique cc talent, ce n'est qn'ù i:naginer des mriformes. Dans l'intimité, il est brnsque et brutal. En public, il I ui plaît d'adopter des manÎr!res courtoises et même aimables. c•~st- là une comédie qt1'il joue ; la moindre contrariété le fait revenir à son naturel : alors il se sert des expressions les plus dévergondées de la langue russe ; il jette à la face de ses g·énéraux et de ses courtisans un juron indigène, dont. les rrurcs ont l'équivalent et qui est uu outrage obscène à la mère de la personne apostrophée. , Par sa bienveillance affectée, à laquelle il sait prêter l'accent de la franchise, cet acteur couronné tâche de séduire les étrangers diplomates ou simples voyageurs. Ce sont autant de partisans et d'admirateurs qu'il veut se créer, Il a parfaitement réussi, comme on sait, avec le sénateur Douglas, le promoteur du bill-N éhraska. II est parvenu, dans une autre occasion, à changer une profonde hostilité en un aveugle dévouement. Voici le fait : Le cabinet aüglais, voulant en imposer à Nicolas, ~1ccréditaauprès de lui lord Durham, mC'mhre . radical du parlement, et, par eonséquent, ennemi de.s empiétements d'un autocrate. CC'noble envoyé avait encore plus de puérile vanité que de tibérurisme. Le Czar, sur cette information, résolut d'apprivoiser le diplomate, en séduisant l'homme. A peine eut-il appris le débarquement du personnage, qu'il alla à sa rencontre, et lni dit, d'un ton cordial et dégag-é : " Miloi'd, j'ai voulu, me trouv:mt dans les environs de Cronstadt, vous épargner les ennuis d'une présentation officielle. Nous pouvons tout aussi bien faire connaissance, sans préambule cérémonieux." Cet empressement du monarque flatta au suprême degré l'amour-prOiJre de l'ambassadeur, qu'on empêclrn, par toutes sortes de flagorneri<•s, de re- • venir sur, sa favoraUc impression. Le libéral se prit à adorer le despote. Il fut convcrii au systême russe et s'efforça, dans des notes écrites de sa main, de le concilier avec les intérêts de l'Angleterre. Pauvre libéral ! il oubliait la fable du renard et du corbeau! Lord Durham communiqua ses notes à IVI. Richard Cobden, alors simple manufacturier de Manchester, qui les réunit en une brochure, en y ajoutant ses propres idèes sur la J;berté du cr,mmerce. Entre antres singularités de cet amalgame de contradictions, on y trouve le conseil de laisser prendre Constantinople par la RRssie ! La librairie de New-York a rendu récemment à M. Cobden le mauvais service de réimprimer sa brochure oubliée depuis 1836. Nicolas a deux idoles parmi les grandes célébrités de l'histoire : Louis XIV et Napoléon Ier. Il croit réunir les qualités de l'un et de l'autre. Lor'-qu'il donne des fêtes brillantes et somptueuses, c'est Louis XIV qu'il a en vue et qui revit en loi, suivant sa persuasion. Lorsqu'il dirige des manœunes gigantesqnes, il se reganle comme un Napoléon Ier, et transforme, par la pensée, les champs de Krasnoe-Selo ou de V oznesensk en bataille de Marengo ou d'Austerlitz. Occupé seulement de lui-même, se prenant seul pour but, égoïste sans coeur et sans intelligence, Nicolas n.e travaille 11iau bien-être, ni au développement moral, ni à l'éducation des peuples gémissant sous son knout. Il a toujours montré l'indiflërence la plus profonde pour le sort infortuné des classes laborieuses et souffrantes. S'il a quasi affranchi les paysans de ses apanages, en revanche il a mis au niveau des serfs la g·entil!1ommeriepolonaise. On le voit encourager les vices abjects de la misère: la vente de l'eau-de-vie est un des principaux revenus de son budget. Au lieu d'ouvrir de nouvelles écoles, il en a fermé un g·rand nombre. Il comprime tant qu'il peut l'instruction publique. Son souffle délétère détruit, comme une brise glaciale, les germes de la littérature russe. La sévérité de la censure ne lui suflit point; il sévit contre les écrivains après que leurs écrits ont passé par le tamisage le plus strict et le plus minutieux. M. Tchedaïeff, de Moscou, publie un jour un article sur la civilisation russe comparée à la civilisation des nations occidentales. Cet article n'avait, en apparence, rien de contraire aux idées permises. Le Czar y découvre des allusions contre l'orthodoxie et l'autocratie. Il fait mettre le censeur en prison et astreint M. rrchedaïeff au traitement des fous: pendant deux ans on ne cessa de saigner et d'appliquel' des douches froides, par ordre impérial. à l'homme doué d'une raison peu commune. M, Gretch, le rédacteur de l' Abeille du Nord, et M. P0lev~y., rédacteur d'une autre feuille périodique, entament uue discussion littéraire. Nicobs termine cette polémique brusquement : il or- <!onnede Jeter _aucorps-de-garde les deux journalistes: Pourqu01? Parce que toute discussion, quelque rnnocente qu'elle soit, le contrarie comme conduisant à la libertfl de penser. Il _pend, à ~?u avènement au trône, le poète Ryle1eff. Il avllit le poète Pouschkline, en le forçant d'endosser la livrée de la cour. Il envoie mourir clans·le Caucase le romancier Bestou creff et le poète Lermontoff. Combien d'autres victi~es de leur talent ne pourrions-nous pas citer sous ce ·rèrrne rétrograde, qui n'a été, pendant vingt-neuf :ns.,. qu'un tissu d'absurdités, de niaiseries et de crimes~ (*** (Le Républicain.) VARIETES. LESMÈMOIRESDE JEANRAISIN. -SuitePour un sauvage de mon espèce, tout frais éclos <le sa Béotie, q11ellevaste solitude que Yotre opulente city, milord ! 11 me serait aussi facile de compter les grains de sable, nu désert, que les têtes humaines dans vos foules ; et pourtant au milieu <le cette circulation qui va, comme le Simoun, je n'emends pas, je ne reconnais pas une voix amie : je suis seul, comme un mort que l'océan roulerait dans ses vagues. Ah! que ne m'a-t-on gorgé, dès ma plus tendre enfance,. d' of, de from, d'upon, de through, et autres merveilleuses prépositions de la même famille, au lieu de me bercer avec les cadences du rhythme ionien! j'aurais aujourd'hui mou fil d'Ariane mt milieu du labyrnithe loT1donicn, tanclis que je n'entends et ne comprends jusqu'ici que la langue des bêtes : encore est-il vrai de dire que le1, canards de TOil étangs, par esprit de nat;orulité, saus doute, affeptent, a.u milieu de leurs ébats aquatiques, une gutturale saxonne très prono11cée. Malgré tous ces petits malheurs, j'ai pourtant commrncémes explorntions savantes, et, comme les pion:iiers d'Amérique attaquant une forêt vierge. je défriche chaque jour un peu de terrain le long de la Tamise. Ainsi j'ai Mjà Tisité tous les docks, dont je n 'aTaÎsr l'autre jonr en passant, entrevu que les hantes futaieB. A mon sens, c'est là, dans ces bassins gigantesques. da:1s ces viviers epulents de l'universelle production, c'est dans ces lacs profonds creusés et fermés par la main des hommes, qu'e:;t la véritable, la grnnde, la permanente exposition de Londres. Si quelque ancien revenait sur tene, si quelque mort ile la bat:i.illc d'Actinm se relevait et pouvait contempler ces milliers de navires avec tant d'art alignés, comme les légions romaines, que dirait-il, au souvenir de ses galères aux cent rameurs? il croirait que les dieux ont déserté l'Olympe pour courir les mers sur des palais flottai,ts, et que Neptune jaloux a mis là, dans ses bassins, toutes leurs .flottes en fourrière. Voici d'abord St. Katherine's Docks, avec ses magasins, ses ateliers, ses voûtes, ses bâtiments abrittls qui peuvent garder, contre la mer et contre le vol, cent dix mille tonnes ile marchandises; cc n'est ·point le plus large étui, ce n'est pas le plus opulent grenier de la ligne; car son voisin, le Dock de Londres, peut tenir dans ses flancs deux cent vingt mille tonnes, et, ses bâtiments, voûtes, magasins ou dépenùanccs couvrent quatre-vingt-dix acres de terrain : c'est une ville flottante! Quant aux Docks des Indes orientales ou occident ales. ainsi qu'au Commercial Docks, il faudrait être artiste. marchand comme les Méclicispour en dénombrer honnêtetement toutes les puissances et toutes les splendeurs. Il ne m'est venu qu'une réflexion au milieu de ces merveille!. Est-ce que le grand Mogol est mort avec tous ses .iababs, qu'on emporte ainsi toutes leurs défroques en Occident? Hélas! hélas! milord, il y aura toujours du sang à la main des hommes ! 11faut eu conYenir, pourtant, il y en a moins, beaucoup moins qu'au temps de lady Macbeth, et voici qui nous le prouve: c'est la Tour de Londres, la tour sanglante du moyen-âge, qui n'est plus aujourd'lrni qu'un sépulcre! Londres a dO.commencer par là : quand les anciens, en effet, s'emparaient ,l'un pays nouveàu, qu'élevaient-ils d'abord? Une citadelle pour s'abriter contre les vautours,. un temple pour les sacrifices, une prison peuplée de cachots pour les captifs -et les martyrs. Or h Tour de Londres est à la fois forteresse et prison, citadelle et palais, autel et tombe. Aussi les historiens légendaires, qui aiment les lointains horizon:, de l'espace et du temps, affirment-ils qu'elle a les origi11esde l'empire romain et qlt'on doit au grand César le premier donjon. Mais l'architcoture normande, l'architecture de Guillaume y domine; et m'est avis que s'il y avait eu fondation pareillequand vint Agricola dans la Grande-Bretagne, Tacite. l'historien du grand soldat, l'aurait burinée dans ses. œuvres : il faut, d'ailleurs, ne point trop donner crédit au.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==