Homme - anno I - n.24 - 10 maggio 1854

parle de nommer le général Daumas ambassadeur à Constantinople. Ces officiers seraient tous deux très aptes à organiser en T'urq nie-comme ils l'ont fait en Algérie-des troupes ré~ulières avec les éléments guerriers de la levée en masse musulmane. -Le général Darag-uay-d'Hilliers a exigé du Sultan, en faveur des Hellènes catltoliques, le privilège de n'être pas soumis au décret d'expulsion qui frappe leurs compatriotes grecs: il s'est emporté jusqu'à df'mander ses passeports, et il est question à Paris de lui donner un commandement dans l'armée pour le dédommager de sa destitution prochaine des fonctions d'ambassadeur ..... L' emper'tur Napoléon III veut avoir, aussi, sa Garde impériale; le J'Vlnniteur en a décreté l'organisation ; il n'est pas encore question de la solde, ni de l'uniforme. En outre,- et ceci rentre dans l'ancien régime royaliste-il aura une Garde-ducorps, les Cent~gardes à cheval, au nombre de cent cinquante, commandés par le colonel Lepic. Un camp de cent mille hommes va être formé vers le Pas-de-Calais (à Boulogne, sans doute), en destination, dit-on, de la Baltique(?) ... Un autre camp, de cinqua·-te mille homm2!'-, à Marseille, formP,ra la réserve de l'armée d'Orient, qui sera portée à cent mille hommes. On parle d'un nouvel Gmprunt de deux cent cinq uarite millions. Et l'Allem~tgne.-Le roi c1e Prusse remplace, au ministère de la guerre, le générnl <lè Bonin, symphatique aux puissances occidentales, par un général du parti russe. L'Autriche annonce qu'elle va envàhir le Montenegro, pour étouffer sa révolte contre le Sultan, révolte qu'elle excitait et protége~it il y a un an. J ellachich va entrer en Turquie pour écraser des Slaves au profit du Sultan : voilà ce que disent les feuilles allemandes, et ce qui paraît peu rassurant à ceux q ni se rappellent l'hypocrite politique de l'Autriche et de ce même Jellachich dans la guerre de Hongrie, il n'y a <1ue cinq ans. L'Autriche, d'ailleurs, est fort embarrassée; province russe si le czar est maître du Bas-Danube ; démolie par les insurrections nationales si elle laisse succomber la Russie-car ni la France ni l'Ang·leterre ne ]ui vi€ndront en aide contre les Polonais, les Hongrois, les Italiens,-l'Empire d'Autriche ne voit aucun moyen de sortir d' embarras, et il essaie de gagner du temps, et, en même temps, d ~ prèndre des garanties contre te vainqueur, quel qu'il puisse être.-Mais la neutralité' de l'Autriche, favorable à la Russie, ne sera pas admise par les puissances occidentales; et il faudra bien, cette année, prendre parti. Ce sera peut-être l'instant favorable pour les patriotes des nationalités écrasées : c'est du moins ce que semble espérer le prince Czartoriski, dont les journaux anglais reproduisent un long discours exposant les difficultéil suscitées à la formation d'une légion polonaise en Orient, et insinuant la possibilité de reconstituer le royaume de Pologne au profit d'un prince dont le prestige et le concours se mettraient au service de l'indépendance polonaise. S'agit-il du prince Napoléon'? L'héritier présomptif de la couronne impériale n'aurait-il pas la même· foi que son cousin à l' Etoile des Bonaparte? ... Salut fraternel, Ph. FAURE. F(!NÉRAILLES D'UN PROSCRIT POLONAIS. Yendredi dernier, les proscrits Polonais, Hongrois, Italiens, Français résiùant à Jersey ont accompagné l'un des leurs à la dernière patrie, au champ des morts. Le drapeau rouge déployé en tête de la colonne flottait sur la :t'Jiture de deuil, et le cortège, formé sur deux lignes, marchait ùans ce religieux silence qui est le devoir des hommes, derrière le cadane. Arrivés au cimetière des Indépendants, à St.-J ean, les 'Proscrits ont fait le cercle autour de la to'mbe, et l'un de nos amis, compatriote du mort, le citayen Zeno Swietoslawski a fait entendre la parole dn clernier adieu. Voici son discours: L'HOMME. P:ofonde, mépriser_ les o!fres _qui ..u. raient pu lui rendre ses biens ; quand on 'l'0lt un malade refuser jnsqu'aa dernier momen~ tout off:e de secours _et tr:tvailler vaillamment j1m1u'à la dernière agonie, on a au moms le droit de dire hautement qu'il a rempli ses devoirs. . Citoyens, il y a quelques semaines, j'ai vu TIJ. Izl)EESKI clans l'atelier des imprimeurs, cou0hé sur sa casse essoufflé haletant, je l'ai prié de prendre du repos, de cess~r tout tr'avail. Il m'a r~pondu :_" Non, je sais que je n'ai pas beauooup de ~emps _ànvre. ~ais comme le ha~rd a voulu que je fusse appelé a termmer _ùnhvre de propa_ga:1de,Je ne n.e couch~rai pas et je ne mournu pas avant d',avon- composé les derniers mots écrits : du Peuple polonais dans r Emigration. " Citoyens, cet homme, prophète par sa forte volonté, dominant rn maladie de poitrine qui le dévorait lentement depuis quelques années, a tenu s~ parole, rempli sa promessè: en effet, après a.voir composé le dernier mot du livre, notre pauvre compagnon d'exil s'est couché pour ne plus se relever! Citoyens, quand 0:1 a fait ainsi son devoir jusqu'à la dernière heure, 01)peut, en mourant, mettre la main sur sa conscience et dire : - J'ai fait ce que j'ai pu, que les autres accomplissent comme moi la tâc:~e qui leur. fut ~onnéc._ Oui, ci!oyens, Th. lzDEBSKI a remp,1 son devo1r; et 1aman 1ère dont il 1· a rempli no_usest à tous un grand enseignement : c'est un exemple à suivre!- Le despotisme de l'Occident est .au prise avec le despotisme de l'Qrient,-la guerre éten,1 ses bras'sur la terre et les mers : eh bien ! 11u'allons-nous faire, nous, ~oldats de la liberté Polonais H • F • ' ' ?ngro1s, 'rnnça1s, Italien~? Dirons-nous, dans ce moment de crise:" que le mo1~dese sauve comme _ilpeut"? Non citoyens! nous ne pouvons 111 ne devons nous croiser les bras ; mais, disciples cle St.-J,11st qui. djsait : " celui qui veut travail!P.r pour le bonheur d~ 1 Humamtc ne peut se reposer que dans la tomb() ! '' no.us tr~va1llerous tous anx gra1:ds devoirs qui nous appellent. Nous diron~ avec notre compatr,ote to.11bé, que nous ne devons pas nous reposer tant qu'un seul tyran ~era debout. N'avons-nous pas juré de combattre la tyrannie, ju~qu'à ce qu'elle ait disparu <le la terre ? Le rr:o ide s011ffre, vous le savez; - dans l'Orient comme ~ans l'~ccident, .dans l_eSud •comme dans le Nord, putout l oppression se fait sentir. Nous, proscrit~, nous somm.es dép~uillés de tous no_~bi<n ,, et condamnés à supporter toutes les misères du proléia1re errant. }.fais l'Humanité tout entière est it nous : et, Polonais, R11sscs, Hongrois, Italiens, Allemands, Français, Anglais, Turcs, Américains, esclaves noirs ou esclaves blancs, tous ceux qui souffrent sont nos frères et ont droit à notre effort et à nos symp,athies. Proscrits de tous les gouvernemens, nous ne devons avoir ~i repos ni sommeil tant que les souffrances de l'humanité entière n'auront pas complétement disparu ; mais pour que nos efforts soient couronnés de s11ccès, n'ayons qu'un seul but, une même pensée : La République Universelle Démocratique et Sociale! Dans les comb:tts des peuples contre leurs oppresseurs le sanod A , :-, es notres a coulé par torrents; nous autres, ceux que la balle meurtrière des i.-oisn'a pu atteindre, nous sommes moissonné$ impitoyablement par la mort q•lÎ ".Ïent, elle aussi, nous déciJPer. Qu'importe, serrons nos rangs! et l'épaule à l'épaule, Polonais ou Russe, F_r,mçais ou lt~lien, à chaque nouvelle victime qui tombe parmi nous, so:,om toujours prêta, à un •combat nouveau• nous l'ouvrirons à ce cri dt notre foi sainte : Vive la Républiqu~ Universelle Dé:nocratique et Sociale ! L'EMPEREUR NICOLAS. Né en 1796, l'empereur Nicolas est entré dans sa cinquante-huitième année. D'une taille audessus de six pieds, il est fort et plein d'embonpoint. Il avait l'habitude-et peut-être l'a-t-il eucore-de s'amincir autal'lt que possible. Sa coqueÙerie à cet égard allait très loin ; il a été blessé au vif par un passage du célèbre ouvrage, sur la Russie, de M. de Custine, où le voyag~ur accuse l'élég·ant monarque de faire rentrer le ventre dans la poitrine, à force de se serrer. " Ai-je donc <luventre, mesdames? " demancla-t-il d'un air chagrin aux· demoiselles d'honneur, en posant devant elles. La réponse fut, contrairement à l'évidence, que l'écrivain calomniateur en avait menti. • Cette ampleur s'est accrue avec l'âge; les traits du tzar sont nobles et rég·uliers, mais ils ne dénotent pas une intelligence supérieure. Son reo-ard sombre et sévère reste toujours fixe, même q1~and les lèvres sourient. Sa tête, aujourd'hui presque chauve, n'a jamais été garnie de beaucoup de cheveux. Les poils rares de ses moustaches, semblables à celles d'un chat, se poursuivent lei uns les autres. Il ne porte ni favoris, ni barbe. La nature semble avoir été très parcimonieuse envers lui, sous ce rapport ~ de là son aversion, sans doute, pour les visages barbus, comme pour les longues chevelures ; de là s tns doute aussi les ordonnances qui règlent la coiffure des employés militaires et civils. Lès soldats doivent avoir les cheveux ras ; les officiers peuvent se permettre la hauteur d'un pouce, ainsi que les tchinovniks de la bureaucratie. Personne n'ose se moutrer avec une barbe autour du cou : elle est Pxpressémeut prohibée. "Nul, dit le décret de 1831, n'osera doréDans ce temps d'orages et de tempêtes politiques qui se déroulent à nos yeux, au moment où chacun de nous a l'espoir d'être appelé à son poste de bataiile, nos rangs viennent encore ' de perdr~ un soldat: Théophile lzDEBSKI, émigré polonais, vient de mourir. • navant porter une barbe à la manière des Juifs et des Français. " Des étrangers ont été renvoyés de l'empire, parce que leùr barbe et leur chevelure ' dépassaient les dimensions autorisées. Chargé par ~es_proscrits_de toutes les nations de parler sur sa tombe, que pms-Je vo\ls dire de ce compagnon d'exil, qui s'éteint comme tant d'au~·es, avant l'âge et loin de la mère-patrie! Né en Pologne, officier dans l'armée révolutionnaire de 1830 il est m?rt le 3 mai 1_854, âgé de 50 an~ ; ~•est presque tout ce' que je sais de TMoph1le. IzDKBS~I. Mais 11 est émigré depuis 1831, et quand on est émigré depms 23 ans, quand on a toujours refusé l'amnistie, offerte à chaque, )nst:mt par ,le czar, jaloux d'augJIDenter le no~bre de ceux qlll, ont _acc,eptesa clémence-mensonge; ~1and on voit un ~oble, un ncbe Jadis, dans la misère la plus Toujours eu uniforme de général, Nicolas est excesiivement soigné dans sa toilette et dans sa tenue. Il rivalise en cela avec ses deux confrères : Faustin Ier et Napoléon III, et les surpassè en prestance guerrière. Raide et droit, il marche comme un vrai tambour-major. En revanche, à cause de la longueur de ses jambes, il ne figure pas aussi bien à cheval que Bonaparte ou Soulouque, ces empereurs-cavaliers qu'on dirait échappés du Cirque Franconi. • Nicolas déteste l'habit bourgeois. Il n'aime pas voir les hommes vêtus à leur aise. Aussi il oblio-e les bureaucrates de plusieurs ministères d'app~- raître constamment en uniforme quasi-militaire; il astreint les étudiants des universités à ne jamais quitter l'épée; il punirait de la dégradation et de l'envoi au Caucase l'officier qui se permettrait d'endosser le frac. Le cou serré jusqu'au menton, le milieu du corps étroitement ;;anglé, le pantalon collant comme celui d'un hercule ou d'une danseuse : voilà la mise que Nicolas exige dans l'armée et dont il lui donne l'exemple. Cet hommr, d'une constitution robuste, brave impunément le froid. Il met orgueil et vanité à se promener souvent, en hi~er, sans pélissc ni manteau. On prétèn<l qu'il est vêtu en dessotJs d'u11e cuirasse de fer-inaccessible à la lame d'un poignard-et que c'est là ce qui l'échauffe. Pour irn pas lui déplaire, les militaires de tous grades doivent paraître indifférents aux variations de la température. Grelotter en sa présence, c'est s'exposer a sa colère, Du Ier au 5 mai de chaque année, il passe en revue toute sa 1prde, qui prend alors le pantalon blanc. Il y a souvent encore, sous le rude climat de .Saint-Pétersbourg, de la neige dans les mes, et la Neva charrie les glaces d 11 lac Ladog·a. Qu'importe! on est au printemps d'après le calendrier et d'après l'ordre de l'empereur. Les chambellans, les demoiselles d'honneur, toute la cour doit se conformer au costume printannier de l'armée, en assistantµ la parade. Quand le potentat se promène en Yoiture, en traJ'neau ou à pied sur le quai Anglais, ou sur la Perspective· Nevski-doux rendez-vous des fla- • neurs-'--tous les passants s'arrêtent pour le saluer : les individus en uniforme rejettent le manteau de dessus une épaule et portent la main à leur casque • les individus en habit bourg·eois se découvrent 1~ tête. Quelque intense que soit la bise, ou quelqu'e faible que soit la santé des personnes, aucune excuse n'est valable en cas d'omission de cette marque de vénération. L'empereur apostrophe parfois lui-même le délinquant, étouffe la réponse et n'admet pas d'a~oirpu_être con!ondu_a~ec uns imple général, quoique nen ne l en distmgue. Le châtiment infligé, en pareil cas, es l'expulsion immédia1-e pour uu étranger, un long exil ,'l l'intél"ieur pour un sujet indigène. Nous connaissons un riche Polonais, malheureusement myope, qui néglio-ea d'oter son chapeau en rencontrant face à focet,le terrible et superbe monarque, et fut condamné, sur l'heure, à trois ans de séjour involontaire dans une lointaine pro,·ince. On voulut en vain faire valoir l'infirmité avérée du promeneur : " Qu 'il en soit comme j'ai dit, s'écria Nicolas : c'est un jacobin polonais qui affecte d'avoir la vue basse." Ce Polonais, pas le moins du monde jacobin, a été mis sous la surveillance la plus stricte de la police, depuis son retour de l'internement. Ainsi la myopie, ou tout autre défaut physique, rend les hommes suspects au despotisme ! Le czar se soucie peu d'être aimé. Le seul sentiment qui se délecte d'inspirer, c'est la crainte-- une crainte tremblante et canine.-_ En public, il re-: garde d'un œil scrutateur tout à l'entour; malheur à quiconque n'aurait pas, à son idée, une pose rei,- pectneuse, ou qui oserait le fixer en face ! " Estce pour me braver? '' se demande de suite Nicolas, et, dims le de ute, il punira, si c'est un militaire, ~n l'expédiant contre les montagnards du Caucase; si c'est nn bureaucrate ou un noble hors de service, en refusant de l'avancer en tchinn, ou en lui défendc.1utde voyager. Dans son inspection générale, il note soignensement la taille des cheveux, la forme de la barbe, la coupe• des habits. rr?ute _infractio~ a_ux mo 1 dcs qu'il àut~rise et qui lm plaisent, attire son mP.contement ; il sévit soit par quelque acte de rig-ueur, soit par une réprimande souvent grossière. On ne saurait croire de quelles minutieuses et rid,,iculesprécautions s'eutoure le tyran de soixantesix millions de sujets. Son premier soin, chaque matin, est de recevoir les rapports du ministre de la police ~ecrète, du gouverneur-général de SaintPétersbourg et du commaudant de la place, trois chefs de la même administration, divisée pour être multipliée. Le ministre de la police, dont Ja juridiction s'éte!1d su; tout l'eJJ?pire et sur les pays étrangers, vient resumer les mnombrales dénonciations de ses agents; il exhibe la liste des individus ajoutés au Livre rouge; il tire de causeries sou- . .,

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