L'insurrection grecque est loin d'être comprimée, et Je petit royaume grec envoie des reuforts et de l'ar 6en.t malgré les menaces des puissances. Le roi Othon ne fait-il pas acheter à Trieste trois vaisseaux russe~ abandonnés là par leurs équipagt!s qui ont regagné la Russie par terre? C'est une déplorable et dangereuse complication de la question d'Orient que cette insurrection des Hellène~; mais que les Itaiiens ou les Hongrois se soulèvent, et les partisans de l'alliance autrichienne ne blâmcront-ih pas ces muuvemens comme inopp9rtuns ? Les flottes ont fait voile pour Odessa, pour en retirer } 50 vaisseaux chargés de grains et retenus par les Russes qui ont coulé un navire qui cherchait à gagner Constantinople. L'amiral· Napier a reçu ordre d'agir : les glaces fondent, la Baltique s'ouvre. L'amiral est à Copenhague pour régler les difficultés relatives à l'entrée des flottes dans les ports danois malgré la NEUTRALITÉ.- Le ministère danois (partisan d'un coup d'état) a donné sa démission Le prince N apo!éon eet parti hier avec le général P,·im (ex libéral espagnol). Le Duc de Cambridge et Lord Raglan partent aujourd'hui; ils passeront l'armée française en r2vue pendant leur séjour à Paris où les attend le maréchrrl St.-Arnaud ; 6 régiments de cavalerie angla:se traverseront la France, Je reste suivra direc. temcnt la voie de nrnr. Une grève d'ouvriers à Barcelone (Esp:ignc) s'est terminée par une manifestation populaire formidable, contre laquelle le général a fait marcher les troupes. Un-combat a eu lieu; les ouvriers, sans armes, ont été promptement décimés et dispersés.; L'état de siège règne donc paisiblement à Barcelone ...... jusqu'à. nouvel ordre. On cherche à jeier sur le parti Carliste l'initiative <le ce mouvement; mais Barcelone est plus socialiste que réactionnaire; et nul complot politique ne paràît se r:itt:icher ~ cette émeute. Vous avez sans doute lu l'affaire Montalembert l'autorisation de poursuites par 184 voix contre 51, l'apostrophe de .M. de Chas-. seloup-Laub,it à )fM. Baroche et Bi!laut; " On ne p,ut m'accuser de faire de l'opposition quand mfmi, moi qui ai -toujQnrs vot~ avec les Couservateur~, et qn-i ne me .suis jamais perdu dans les bas-fonds des banquets .ou du Droi_t au trarail ... '' et celle de l\Iontalembert: "J•avai~ c/u ser~·ir un goU\·ernement honnête eA modéré, Jr. :'IIE SUIS TROMPÉ," puii-, sa réponse à l'étonn<::nent de M. ]hrochc : '' Oui, je me suis trompé, car je ne peux trouver " honnête le gouvernement qui remplit ses caisses avec les fouds " de la famil1e d'Oriéans, ni m0déré celui dont la persécutio:1 s'ê- " tend jusques à moi!" . Eh! mon Di~u, M. de Montalembert, ce gouvernement ne fait pourtant que contînuer, à l'intérieur et à l'e.-rti':ri!'1!r, so:-1 expédition J de Rome. La persécution vous atteint, mais pourquoi avez-vous • ait à autrui çe que vous ne voudrie::-pas qui vo1,s f,1t j1it l Salut fraternel. Ph. FAURE. Les lettres du citoyèn Hertzen, outre la valeur et l'originalité du fonds, ont •un mérite. rare, dans les circonstances actuelles ; elles répaudent la lumière jusqu'au fonds de ce monde presque nouveau, resté, jusqu'ici, mystérieux, inconnu. La Révolution trouvera 1ù des forces qu'elle ne connaissait pas et qu'elle pourra mettre à profit, quand les vieux empires et les pouvoirs caducs seront morts impuissants . De la Finlande aux dernières steppes d'Asie on saura, désormais, comment battre le rappel et rallier les phalanges ! LA RUSSIE ET LE VIEUX MONDE. (Troisième lettre à W. LINTON, E~q.) Cher Linton, Le monde Slave est l)eaucoup plus jeune que l'Europe. Il est plus jeune politiquement parlant, comme l'Australie est plus jeune géologiquement. Il s'est organisé plus lentement, il ne s'E:st pas cléveloppé, il eH plus récent et ne fait qu'entrer dans le grnncl courant <le l'histoire. • Le nombre connu des siècles d'existence n'y fait rir.n. L'enfance des peuples peut durer <les milliers d'années, ausJi bien qne leur vieillesse. Les peuples Slaves en fournissent un exemple, et ceux àe l'Asie-un autre. Mais sur quoi peut-on baser l'affirmation que l'état actuel des Slaves est la jeune,-se et non la décrépitucle, que c'est le commencement et non l'incapacité du développ(.- ment? Ne voyons-nous pas <lesJJCuples qui disparaissent sanl, avoir eu une histoire, et même des peuples qui avaie1,t fait preuve de quelques facultés, comme les finnois ? Il suffit de regarder l'existence de la Russie: pour ne conserver aucun doute sur ce sujet. L'influence terrible qu'elle exerce sur l'Europe n'est pas un signe <lemarasme ni d'iucapacité, mais bien d'une force demi-sauvage, d'une jeunesse non réglée, mais vigourelise. C'est avec cc caractère qu'elle a aprarn peur la prl:!- mi 'rc- fois dans le monde civi:isé. Dans ce temps-là, il y aYait h rGgerce à Paris et quelque chose de pire en Allemagne. Partout la dissolution, la mollesse, h débau~he b plus énervante, la plus dégradée, vulgaire en Allemagne, raffinée à Paris. Dans cette atmosphère malsaine, où les parfums cachent à peine les miasmer, - dans ce monde ae petites maitresses, de filles illégitimes, de courtisane~; gouvernant les Etats, de nerfs affaiblis, de princes crétins-vous respirez enfin en rencontrant la tail:e <::olossalede Pierre Ier, de ce barbare en simple uniforme de gros drap, de cet homme du Nord, robuste, musculeux, plein <l'énergie et de force. C'était le premier Russe qui prenait ainsi sa place au milieu de souvuains de l'Europe. Il venait pour apprendre,-mais il apprit beaucoup de choses auxquelles L'HO]îTuIE. il ne s'attendait pas. Il comprit trop bien la vieillesse des Etdts de l'Occident et la dégénérescence des gouvernans. Alors on ne prévoyait encore la Révolution - qui allait sauver ce monde ! on prévoyait seulement la dissolution. -Avec cela, il comprit donc le rôle possible <lela Rusiiie vis-à-vis de l'Asie et vis-à-vis de l'Europe. Faux ou non, son testament contient ses idées, qu'il a, du reste, exprimées maintes fois dans des notes, des mémoires. Le gouvernement russe est fidèle à la tradition de Pierre Ier jusqu'à Nicolas, et Nicolas lui-même la continue au moins dans la politique extérieure. On peut la blâmer, la maudire. - Mais comment prétendre qu'elle: soit sénile, stationnaire, décrépite? On dit que le peuple russe 1>f: tient à l'écart et reste immobile, tandis qu'un gonvernemant presque étranger règne comnee il veut à Pétersbourg. Des auteurs allemands eu concluent qne le peuple russe, stationnaire et asiatique, n'a rien de commun avec l'action de son gouvernemen.t, que c'est une race de demi-sauvages, diplomatiquement conquise par les Allemands, qui la mènent où bon leur semb1e. Les couquêtes de l'Allemagne, il faut l'avouer, sont les plus grandes et les plus pacifiques du monde. Les Allemands ne se contentent pas de b parenté del' Angleterre et de l'Amérique t Stamverwand . 1), ils ont encore toute la Russie, soumise par les chevaliers des provinces baltiques, par une famille de Holstein-Gottorp, par une nuée de généraux, de diplomates, d'espions et autres dignitaires d'origine allemande. Il est vrai que le gouvernement de Pétersbourg n'est pas national. La dénationalisailon de la Russie moscovite, tel était le but de la Révolntion de Pierre Ier. L'opposition passive et une certaine immobilité du peuple est aussi un fait exact. 11Iais,d'un autre côté, le peuple donne involontairement une lJa~e colossale et vivante au gouvernement. 11 forme lm chorus immense qui impri:.:e un caractère sui r1eneris an despotisme allemancl-(puisqu'on le veut) - de l)étcr/jbourg. Le peuple, qui ne l'aime p ,s, voit pourtant en lui le représentant de son unité nationale et de sa force. . Rien en Russie ne porte ce caractère de stagnation et de mort que nous voyons dans ces répétitions invariables, monotones, de générations en générations, chez les vieux peuples de l'Orient. De l'incapacité d'un peuple pour certaines formes de transition, il serait injuste cle conclure à son incapacité absolue de développement. Les peuples Slaves n'aiment ni l'i1li:e de l'Etat, ni l'idée de la Centralisation. Ils aiment ~ vine dans des communes éparpillées, qu'ils seraient bien contents de mettre à l'abri de toute intervention gouvernem~ntale. Ils détestent l'état de soldat,-ils détestent la J)olice. La fédération serait peut-être la forme la plus nationale pour les Slaws ; lè régime tout opposé de Pétersbourg n'est qu'une dure 6preuve, qu'une :forme provisoire, qui, certes, a produit aussi du bien, en soudant, par force, les <liYerses parties de l'Empire, et en leur imposant l'U1lité. Le peuple russe est un peuple cultivateur. L'amélioration de l'état social de la minorité propriétaire en Europe, s'est faite au profit des Citadins. Quant aux paysaus, la Révolution ne leur apporta que l'abolition du servage et la division des terres. Or, vous savez que la division <les terres serait un coup mortel pour l'organisation <lela Commune r-usse. Rien n'e;,t pétrifié ~n Russie; tout y est encore E-nétat de·liqui<lité, de préparation. Haxthausen a très bien remarqué - que partout en Russie on voit "le non-achevé, fa croissance, le commencement." Oui, on sent la chaux, 1a scie et la hache.... et avec ce1a on reste serf p:lisible ùu seigneur, fidèle sujet ùu Tzar? . . . . . . 1.Tnedes questions les plus naturelles, serait de se demander si la Russie doit p;isRer par toutes les phases du développement européen, ou si elle doit avoir un tout autre déYeloppement révolutiounaire ? - Moi, je nie complètement h nécessi_té de ces répétitions. Les diverses phases douloureuses, difficiles, du développement historique de nos prédécesseurs, peuvent et cloi\·ent être parcourues p,u nous, mais de la même m:rnière dont le fœtus pRsse par les degrés inférieUt's de l'existence zoologique. l:'n travail foit, mi r0su1tat obtenu, est fait et obtenu pour tons ccu'{ qui le eomprennent; - c'est la solidarité du progrts, c'est le i1,rj:Jrat humanitaire. Je sais très Lien que !e rJ,:;ultat à hi seul e.,. iutrr,nsmissible, au moins inuti:c,-le résultat n'est ré, 1, ne s'assimile qu'ayec toute fa genèse logique. Cl·aque écolier découvre encore une fois les })r◊11ositio 1s d'Euclide, -- mais quelle <lifl'érence entre le t..;,:n.il d.' !~uelide et eelui Je l'en~,rnt de nos . . ' • JOurS ... , La Russie a fait son embryogénie révolutiorq1dre dans sa classe Europi:rnne. IA noblesse avec le gouvernement forme l'état Européen da,1s l'état Slave. ( 1) Nous avons , passé par toutes les vhase:; du libéralisme, depuis le constitutior.alisrr.e ui1 6 lais jusqu'au culle de 93. Nous l'avons fait, je l'ai <lit ailleurs, comme l'aberration des étoiles répéte en petit le C::heminparcouru par la terre dans son orbite. . Le peuple n'a pas besoin ùe refaire ce trjste travail. Pourquoi verserait-il son sang pour parvenir à ces demisolutions, auxquelles nous sommes parvenus nous autres, (1) Elle n'est pas du tout gerr.1anisée, elle est plutôt gallicanisée, et si le gouvl.'rr.ement aime les Allemands, la noblesse les déteste. dont }a seule importance est d'avoir posé d'autres questions, d'avoir éveillé d'autres aspirations. Nous avons fait ce service pénible, lourcl, -- pour le peuple ; nous l'avons payé par les gibets, les trnvaux forcés, les c.isemates, les exils, et par une existence mandite oui ! par une existence maudite. • ' On ne se doute pas en Europe de ce l[Ue nous avons souffert depuis deux générations. La compression devenait de jour en jour plus grande, plus lourde, plus blessante ; il fallait cacher sa peHsée, étouffer les battements du cœur ... et au mi lieu de ce silence morne, pour tonte consolation. on e11trernynit avec terreur l'insuffisance de lïùée révolutionnaire et l'indifférence du peuple 11ourelle. . Voilà la source de cette noire. tristesse, de ce scepticJSme navrant, de cette) ironie accab}ante, qui fut !e caractère de la poésie rns.0e. Tout ce qui est jeuec, tout ce qui a le cœur chaud, chercl1e à s'assoupir, à s'oubJ;er ; les hommes de talent rneü.rent à mi-chemin, sont exilés, ou s'exilent eux-mêmes. On parle de ces hommes et de leur terrible fin, parce qu'ils sont parvenus à briser cette voûte d'airain qni les entourait, parce qu'ils ont donné une preuve de leur force ... Mais des ceJttaines d'autres qui se sont croi,,és les bras par désespoir, qui se sont moralement suici<lés, qui sont allés au Caucase, q11i se sont perclus dans leurs terres, dans les m2-isous de jeu dans les cabarets,--tous ces foinéallts, que personne· n'; regrettés, n'ont pas moins souffert que les autr~s. Pour la noblesse, cette éducation a fait son terme. La Rnssie civi1isée n'a maintenant qu'à se fondre duns, le peuple. • La véritable découverte du peuple russe, pour la Rirnsie curopéennisée, ne date que depuis la révolution de 1830. On comprit enfin avec étonnement que k peuple russe, si indifférent, si incapable pour toutes les questions politiqucs,-tonchait par sa manière <l'être de beaucoup plus près à une nouvelle organisation sociale, que ne font les peuples d'Europe.-Pcut-êtrc, dira-t-on, mais il touche aussi à l'organisation de qnelques peuples de l'Asie. Et on montre alors la commune rurale chez les Hindous, assez pareille à la nôtre. Je sais bien loin de uicr que les peuples de l'Asie n'aient pas d'éléments sociaux supérieurs r\ ceux que nous voyons chez les peuples <le l'Occident. Cc qui arrête les peuples de l'Asie, ce n'est pas la commune, mais leur immobilité, leur exclusivisme, leur impuissauce de s'arracher au patriarchalisme, à l'existence <lela race ; tout cela n'a pas de puissance chez nous. Les peuples slaves ont au contraire une grande flexibilité; leur facilité à tout s'approprier, langues, coutumes, arts et procédés mécaniqnes, est remarquable. Ils s'acclimatent aussi bien auprès de la mer glaciale qu'aux bord& de la mer K oire. Dans la Russie civilisée (toute détachée qu'elle soit du pe11ple, elle représente pourtant son caractère), on ne trouve· pas de ces incompatibilités de vieilles femrnc3 de . . . ' ces mcapac1tés serviles comme on en trouve i chaque pas dans le vieux monde. . ~ ou 5, ,~ommes stu~éfaits e1_v1oyant_ le mur chinois qui chv1sr 1 .ë;urop~ et qm paraît rnfranch1ssal11e. Est-ce oue l'Angleterre et la France connaissent quelque chos/ du mouvement intellectuel en Allemagne? Et ces deux grandes Chines de l'Europe se comprennent encore moins l'une l'autre. Eloignées de quelques heures l'une cle l'autre, faisant un n{>goce incessant, nécessaires l'uue à. l'autre,--les villes de Paris et de Londres sont plus séparées que celles de Londres et de )J ew-York. Un homme de peuple, Anglais, regarde uu Francais avec une haine sauvage, avec un air de-supériorité q~i le fait prendre en pitié. Le bourgeois anglais est pire encore, il vous assomme <le questio11s, moutrant une telle profondeur d'ignor,mce du pays ,,oisin qu'on ne sait que répondre. Le Ji'rançais de son côté a la faculté de rester cinq année~ dans Leicester Square, sans rien comprenclre à ce qui se fait autour de lui.-Commeut ce fait-il donc que la science de l'Allemagne, qui ne passe pns le Rhin, passe très bien le Volga, et que la poésie britannique qui s'all0re en pas~ant le canul, traverse saine et sauve la Baltique? Et cela, sous un gou\'ernement ombrageux et arbitraire, qui prend toutes les mesures pour nous séparer de l'Europe? Toute notre éducation prirée et pu blil1ue lJOrte Jécidéntent un caractère d'universalit6. Il n'y a pas cl'éclucation qui soit moins religieuse que: la nôtre et qlli soit plus polyglotte, surtout par rapport aux langues modcrnP.s. C'est la réforme <le Pierre Ier éminemment ré,diste, laïque et généralement européeüne qui a imprimé cc caractère i, l'éducation. Ce ne fut que sous l'empereur Alexandre et <l,ms les dernières am:ées <le son règne•, qu'on institua des chaires de théologie dans les Universités. Nicolas fait de grands efforts pour gâter l'éducation publique, -il l'a frapp..:e numériquement; mais quant à son orthodoxie policière, je ue peus~ pas que cela prenne racine ; pour les langues modernes, c'est déjà tellement nécessaire et habituel, que cela restera. La gazette officielle de Saint-Pétersbourg, parait en russe, en français et en allemand. , Notre éùucation n'a rien de commun avec le milieu pour lequel l'homme est destiné, et c'est pour cela qu'elle est bonne. L'éducation détach,e le jeune homme d'un sol immoral chez nous, l'lrumanise, en fait un être civilisé et le met en opposition avec la Russie officielle, Il en souffre beaucoup. C'est une expiation des fautes de
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