Homme - anno I - n.19 - 5 aprile 1854

I -SCIENCE.- -SOLIDARITÉJOURNALDELADEMOCRATIUEN' IVERSELLE. N° 19. - MERCREDI, 5 AVRIL 1854. 1 Ce .lournal parait one f'ol• par oe.,.alne. l L'EXILET L'EMPIRE. Ce qu'il y a de plus triste dans les révolutions, quand le crime l'emporte, ce n'est pas le cachot, ce n'est pas l'exil, ce n'est pas la balle ou le couperet qui frappe les vaincus, c'est le cantique des lâches en l'honneur de la force, c'est l'acclamation en faveur des intérêts ou des peurs qui suivent le char, c'est le cœur qui se prostitue ponr l'orgueil ou pour le ventre, c'est la conscience humaine qui se dégrade. En ces jours troubles ou confus, on voit sortir toutes les passions mauvaises qui courent les antichambres, les polices, les ministères ; celle-là dénonçant les martyrs, celle-ci portant l'or, une autre la myrrhe, et toutes l'encens aux dieux du jour. L'atmosphère humaine, alors, est épaisse et lourde: il n'y a ni lumière ni chaleur : les âmes étouffent et dans ce puits fétide on ne se sent pas vivre. ' Aujourd'hui nous som~es dans _unde ces temps sans honneur et sans soleil : la nmt du despotisme couvre notre patrie où ne grouillent plus que les bas instincts et où frétillent toutes les libidineuses. Les grandes voix sont muettes ou parties, les idées se cachent, l'opinion est morne: en bas les sbires au milieu les usuriers et les parasites, en haut le; satrapes immondes. Voilà le règne et voilà le temps! Ah! l'exil est dur avec ses souvenirs de la famille aimée et ses regrets du foyer perdu. Les plus beaux horizons, les plus grands paysages de la terre ne valent pas pour le proscrit l'âcre parfum de ses haies et la vue de ses chaumes: le passé le tourmente par toutes ses ombres chéries, la mère, la fille, la sœur; le présent l'accable et l'avenir qui fuit, toujours, flotte incertain, à son regard rêveur, comme le mirage aux steppes vagues du désert. Eh bien! du fo?d _desa misère, il n'envie pas le sort <leceux qm v1vent aux foyers de la patrie vassale e: ù·shonorée. Soldat du droit et confesseur de la justice que ferait-i], comment vivraitil sous l'espionnage louche et la force insolente? Serviteur des idées que dirait-il, quand il verrait passer, dans la ville de 93 et de 48, le Corps léo-islatif, le Sénat et les Hautes-Cours judiciaires ien allant incliner leurs respects et leurs apostasies au pied <l'un trône où s'étalent, sous une couronne volée, le parjure, l'assassinat et la trahison? Voici l'arméf' qni défile, - qui la commande? Cet aventurier de Londres, de Paris et de l'Alg,é~ie,ce chevronné <letoute~ les hontes qui a nom 8amt-Amaud; et dans son etat-major tout constellé de cr.ysokales, quelles sont ces étoiles qui brillent? - C'est le Canrobert, le Maa-nan le K l 'E . " , orte, spmasse, le de GoyG>n,gloires sorties du sang des guerres civiles et qu'on a ramassées sur le fumier de Décembre! Voici la presse, la presse de l'Empire : quels sont les héraults, les grands cuivres, les mâles clairons de cette avant-garde où ont servi Mirabeau Condorcet, Desmoulins, Carrel et tant d'autres? Cela s'appelle Laguéronière, une phrase lâche plein~ de veut et sablée d'or faux; cela s'appell; Gran~er de Cassagnac, une colère de goujat, une co~sc1ence de parasite ; cela s'appelle encore M1rès, Delaman-e, J oucières, c'est-à-dire le crétinisme de l'annonce, la haine de la langue et les cbiffres menteurs. Voulez-vous savoir ce qu'il y a dans le dernier cortège de cette courtille impériale '? Ce sont les estaffiersde police, les officiers du hàton, les rôdeurs de barrière embrigadés pour le Deux Décembre, tous les anonymes enfin de l'honneur et de la loi, dernier ban de cet Empire qui a pour premier chef le crime. Les exilés regrettent donc la patrie, mais ils ne voudraient point la revoir ainsi couchée dans la· honte : ils ne sont pas comme certains peuples libres qui acclament la puissance et le guet-apens Toutes lettres et correspondances doivent ~tre affranchies et adressées au bureau de !'Imprimerie Universelle à SaintHélier (Jersey), 19, Dorset Street.-Le11 manuscritsdiposéa ne seront pas rendus. 1 OM S'ABONNE = I Paix DE L'ABONNEMENT = A :Jersey, 19, Dorset st. Un an, 8 shillings ou 10 fcancl A Londres, 60½, Great Queen st. Six mois, 4 sh. ou 5 fr. • Ljncoln's-Inn-Fields. f Trois mctis, 2 sh. ou 2 i'. iO ë, A Genève(Suisse),chez M. Corsat, CHAQVB lfUMBM'I • 1 libraire, rue Guillaume-Tell S pences ou 6 so~. qui sait durer : ils se souviennent de tout eux· ils n'amnistient rien, et le monde .entier s'incline: rait-il lâchement devant la force heureuse ils res- . ' tera1ent debout, n'ayant souci que de la conscience et de l'honneur. Oh. RIBEYROLLES. DIEU ET LES THÉOLOGIENS. Le despotisme, nous le répétons encore, est le générateur de toutes les perfidies, de toutes les scélératesses, de tons les crimes ; il naquit de deux sources différentes d'abord, mais qui bientôt firent jonction par intérêt et pour se conserver. L'une est l'autorité sacerdotale • l'autre l'autorité impériale ou royale. ' D_ujour où un _prêtre astucieux, imposteur, cupide et dominateur r~uss1t à tromper les consciences par de~ contes n:erve1lleux, comme aussi à les épouvanter par la perspective de s?pplices terribles et éternels; du jour où un homme pmssant et ambitieux s'avisa de ranger ses égaux sous le joug, le despotisme fut établi. Bientôt il se consolida par l'alliance des deux monstre~·. Affublé d'un étole, crosse au poing, bonnet carré ou mitre en tête; - tricorne de gendarme sur l'oreille, rehaussé par les bottes fortes et la culotte de peau, sabre au côté : - tels sont les specimens en pied des tyrannies sac_er~otale et autoc,ratique. Le poids et la disposition artistique du galon d or ne change rien au ·fond: c'est une question de détail, d'apparat. Le gendarme, puisque nous sommes assez malheureux pour être obligé d'écrire ce mot, le gendarme tue au besoin, mais surtout épie, espionne, dénonce et arrête afin d'alimenter le juge qui, bientôt, livre les victimes au bourreau. Le bo~rre~~, c'est.la pierre angulaire du desp6tisme, le fonctionnaire sérieux et obligé des saints et doux hommes comme Pie IX Mastaï, Nicolas Ier de Russie l'intrus Bonaparte, François II d'Autriche, Ferdinand d; Naples, et tous ceux qui leur ressemblent. ~n fait de meurtres d'homn1es, la sainte église, sans temr compte des canons qu'elle allume, ne le cède point en férocité aux autocrates faisaut mouvoir ces affreuses armées permanentes qui fauchent les hommes comme les moissonneurs les épis. L'inquisition, le massacre des Albigeois, des Vaudois, des Cévennes ; les chiens dressés pour la chasse aux hommes, dans le Nouveau-Monde, .!lontlà pour attester la mansuétude et le saint zèle de ces sauveurs en habit militaire et en soutane. Ils ont à leur service ,un corps d'élite appelé théologiens. Les idées, sur Dieu, toujours immorales souvent infernales de ces vampires de sacristie, constituent un des plus grands fl~aux de l'humanité. Si leurs disputes n'a:aient été que ridicules, les peuples auraient pu rire; mars elles ont fait couler des fleuves de sang : le monde pleure. Ils appellent cela Religion. Notre dessein n'est pas d'entamer ici l'histoire des religions. Nous voulons seulement faire voir en peu de mots combien la raison et le sens moral sont outrag6s par ces hommes assez osés i,our substitner leurs conceptions misérables à la grande idée humaine, à 1a morale sociale universelle. Dès la plus haute antiquité, les théologiens ont expliqué Dieu à leur guise, l'ont fait à leur ima~e. Cela ressort de l'étude de toutes Jes théogonies anciennes desquelles, toutefois, nous ne voulons pas même expliquer les moyens .. Que les anciens petits dieux reposent e11paix dans le giron des plus gros qui les ont absorbés ; que les vieilles théogonies demeurent paisibles au milieu du mirao-e; no- • • ' t, tre rntention n est pas de froisser le voile qui couvre leur vénérable antiquité.- Ainsi nous passons sous silence Assur et Nemrod (2680 ans avant J.-C.), de même Sanchoniaton. Un mot sur Moïse, et seulement pour le rattacher à l'évangile, Jésus ayant dit aux Juifs : "Je suis "venu pour compléter la loi, 110n pour la détruire."- rien de Zoroastre, de Para·Boudha: de Chakyamouni; non plus de Brahrna et de ses deux collègues. Laissons aussi de côté Osiris, Isis et les Hiérophar. t 'S égyptiens comme les mythologues de la Grèce. Nous restons muets de même sur Mahomet, nonobstant les enchanteries de son paradis. Notons pourtant que ces divinités si vieilles aujourd'hui commencèrent par être des hommes sortis des rangs de la foule, mais couronnés de l'auréole glorieuse, signe céleste du haut esprit, de la science et de la s ,gesse.- La reconnaissance publique en fit des dieux. Nous datons se~lement _del'ère chrétienne afin cl' exposer, dans une esqmsse rapide, le masque mis à leur dieu par les théologiens. Jésus vient_de mourir en croix ; ses apôtres vont prêchant la doctrme. Peu après, les évan~iles paraissent, pe11 d'ac~ord entre eux. Mais il n'importe ; la morale en est snbhme au fond; _elle domine de toute sa puissance les erreurs des légendaires. Le~ pères de l'église, en répandant leurs œuvres, la constituent; le rôles des théologiens va commencer. Hors de moi pas de salut ! dit tout cl'aborélle catholicisme.- Blasphême affreux jeté à la face de Dieu par les prêtres; car, ne l'oublions pas, ces hommes réunis en corps de clergé se disent les représenta1,1s de Dieu sur la. terre, avec pou~oi~ de lier, et délier. Leur pape s'intitule modestement vicaire de Jesus-Christ. L'esprit de mansuétude évangélique s'efface bient6t. A sa_place on voit naître la soif de l'or, l'ambition du pouvoir temporel, la tyrannie religieuse. Cependant les sectes pu_llulent comm~ les chenilles sous les premiers feux du prmtemps. 11 importe d'arrêter l'essor de ces insectes théologiques rongt:ant à petit bruit la vraie foi. En avant les conciles orthodoxes ! L'un d'~u_x, œcuméniq~e vraiment, se distingue par ~ne propos1t10n presque incroyable ; elle est assurément l une des. plus ~utrage~~tes~ des plus monstrueuse parmi celles qui somllent l histoire de l'esprit humain. Des-· évêques, de graves docteurs en théologie jettent brutalement au concile cette question : la femme a-t-elle ou non une âme ?-Ainsi l'être créé par Dieu lui-même pour être la compagne de l'homme, le sanctuaire de son amour la mère de ses enfants, son complément indispensabl: enfin, sans la femme l'homme n'est plus ; la créature, l'égale de l'homme en tout, mise au ban de l'humanité et-. reléguée, du moins pour certains, au nombre des bêtes par ces butors enfroqués, crossés et mitrés !-Et la vierge Marie, la mère de votre Dieu, qu'en ferez-vous donc? et votre mère à vous-mêmes, celle qui vous donna son lait? ... -Ah misérables! _I.l y av~it _pourtan~là une espèce de logique, êelle du fanatisme 1mp1e travaillant à l'abrutissement des âmes, afin de les dominer. N'avaient-ils pas déjà décrété l'enfer ces doux et saints ministres de l'Ecriture. L'enfer étrr~ nel ! épouvantable blasphême qui ferait de Dieu le monstre un milliard de fois plus froidement féroce que la somme multipliée par milliards, de toutes les férocités animale~ cle 1~ création ! une éternité de peines affreuses ! une étermté de supplices inconnus et incroyables pour n'avoir pas compris ou interprété, les lines saints au croût ù'un concile de •diables coiffés il'une mitre ou d'un bonnet de théologie~s ! ah ! blasph€-mateurs, il y a longtemps que vous aunez tué la foi en Dieu -si jamais elle eût pu dépendre de vos abominables actes. Mais en somme, l'enfer était inventé, il fallait le garnir. Quel moyen -~lus religieusement simple que de lui jeter comme prem1ere bouchée à dévorer, la moitié de la race humaine, les femmes? Cependan~la gueule béante de cet antre· infernal pr~nait des proportrons trop effrayantes. ·on veut bien de la terreur afin d'abêtir les hommes, mais il faut se garder de l'excès quant aux moyens. Un palliatif était devenu indispensable : on crGa le purgatoire. Le:, résistances loin de cesser augmentant, au commencement du 13e siècle, Pierre Castelneau et les moines de Cit_eaux,puis quelques ans p'us tard, Dominique depuis canomsé, sont chargés d'infiltrer la foi catholique au moyen de l'inquisition, œuvre admirable vraiment et de charité toute chrétienne : elle n'a coûté à l'Espagve, citons seulement ce pays, que cinq millions d'hommes, A la lueur des bûchers, aux cris lamentables des victimes, les peuples épovuantés frémissent. Cependant le pape, les cardinaux, les abbés . et les moines mènent joyeuse et large vie aux dépens des fidèles. Les revenus baissant, il fautJrouver de nouvelles ressources. La ventedes indulgences est promulguée. Alors surgit 111artinLuther, le moine impétueux, ar-. Jent, irascible, et dominateur comme il le fit voir à l'égard de son disciple, le doux Mélanchthon, auteur de la confession d'Augsbourg. .Après de longues et rudes luttes auxquelles prenneat 1iart divers princes d' Allemao-ne la liberté de conscience triomphe enfin ; les lutherie~1S~nt protesté en 1529 contre la seconde diète de Spire. Voilà. le protestanti.rnie établi. Bientôt après vient Calvin, caractère aussi dominateur a11moins que Luther, aussi dur, plus cruel peut-être car il fait brûler en 1552 <Jonami Servet pour avoir att~qi,.é .• le mystère de la Trinité. Calvin était surnommé le. P.,ape •

/ de Genève, titre bien mérité assurément après le meurtre odieux commis sur Servet. Nous nous abstenons ici, comme nous l'avons fait à propos du catholicisme, d'indiquer autrement que pour mémoire les nombreuses sectes nées du protestantisme. Seultment, nous résumons en peu de mots le sujet de cette esquisse : dans les religions vieilles, moyennes et nouvelles, les théologiens ont toujours fait Dieu à leur image; ils l'ont chargé de leurs vices e_tde leurs crimes; ils ont menti aux peuples et à leur conscienee. Théologiens catholiqu,is, vous heurtez le bon sens et la .raison en créant, pour le besoin de votre cause, une virginité miraculeuse à la femme qui met au monde plusieurs enfants. Vos prétendus miracles sont le dogme de l'abrutissement. Théologiens protestants, en repoussant le culte de la vierge, vous êtes illogiques, vous niez votre première majeure puisque vous acceptez la Trinité, au milieu de laquelle brille }'Esprit saint qui féconde Marie. Enseigné comme il l'est, votre culte n'est pas moins atrophiant que celui du catholicisme. Théologiens de toutes les sectes, revenez à des idées plus saines et plus dignes, à des sentiments plus humains; :repoussez loin de vous l'esprit des clergés anciens, esprit faux, hypocrite, perfide, ambitieux, cupide et dominateur; songez, hommes qui vous dites sacrés, combien vos dé- :plorables disputes ont coftté de sang à l'humanité. Soyez en même temps sincères et <ilairvoyants ; avouer. avec franchise que le sentiment religieux, le culte à Dieu, est rénfermé dans ce peu de mot : l'amour du bien et du juste, la morale_sociale enfin. 't" ;,, •. J. CAHAIGNE. CORRESPONDANCE DE LONDRES. , .' ·i,r~i: • ·i~dr'es;·24 mars _185·1'. ,,·;. .. ;:,n;v•i~-.~)' ~'~,·:. ' LA GUERRE EST OFFICIELLE-MENT 1 DÉCLARÉ_E .A. LA RUSSIE. • • ,'. : 'Un-message de la Reine d'A_ngletërre an Parlement, a/1iEmperell1· au Sénat et au Coil}l.l;Mgislatif font simultanément annoncé à l'Europe. J;,e Monit~tr;i aff~i:m_equ'à- l'heur<!-·où jé vous écris, les généraux Canrohe~t,, ~9r;s,qµet e~ ,Ma1;tfmprey débarquent à Gallipoli avec 1\tvant-gârde ,française (4 000 hommes); 15 000 homme~ les euivèiit; dëjà'rpartis•d'Alger, de Toulon ou de M;rseille; vers le commencement de mai; 50,000 Français seront en ligne. La 1re division anglaise a reçu l'ordre de quitter Malte ; la 2e se rendra directement d'Angleterre à Constantinople. Dans un mois, l'armée alliée, forte <le S0,000 hommes environ, fera face aux Russes. Lord Bloomfield, a,1bas-adeur à Berlin, a fait savoir à l'amiral Napier le refus du Czar même de répondre aux sommations, et lui a donné l'avis de commencer les opérations. La flotte est entrée dans la Baltique, et se dirige vers l'île de Gothland; mais les glaces arrêteront encore quelques jours l'ardeur belliqueuse de " Ch11rley.'' Le Czar fait éteindre les fanaux et retirer tous les sianaux, de façon à rendre très périlleuse la navigation ; on parle d; roche11chargées de poudre et jetées devant Kronstadt pour fairè explosion au passage de la flotte anglaise, la poudre correspondant par des fils électriques à une loatterie galvanique de la forteresse; des préparatifs formidables sont faits par les Russes pour défendre leurs côtes... . . Mais, sur le Danube, de graves llvènements se sont accomplis déjà. Les Russes ont franchi le fleuve "sur trois points ; entre Ibraïla et Galatz, et à Talscha, vers l'embouchure et à Oltenitza, un peu plus haut. Les deux derniers passages ont été disputés, et les Turcs ont été vaincus: Matschin est assiégé par le général Luders; les génfaaux Gortschakoff et Ussakoff occupent le pays situé entre le Danube et la 11'1erNoire, au nord de Silistrie ; selon les Russes, 120,000 hommes auraient franchi le Danube, Une autre tentative des Russes pour passe!' le fleuve, au centre de la ligne tur<tue, auraient été repoussée selon les uns, victorieuse selon d'autres qui disent que les Turcs lltaient rentrés dans leurs retranchements, mais que les Russes conservaient leur position tur la rive droite du Danube. Pendant ce temps, le·s Turcs concent.rlls à Kalafat s'apprêtent à écraser - c'eRt leur espoir - l'aile droite des Russes et à reconqufair la petite Valachie. Le colonP.l l>ieu, un Français, doit, dff-on, diriger cette opération. - Omer Pacha, très confiant dans eon plan stratégique, écrivait à son gouvernement, il y a qut-lques jours, qu'il souhaitait de voir les Russes passer le Danube; son 11œu est exaucé, presque sans résistance de sa part ; nous verrons :;'il aur.:1beaucoup à se réjouir de cette manœu'vre. Les flottes sont encore dans ]'Hellespont; la flotte russe, escortant •m convoi de troupes destiné à l'armée de Géorgie, a quitté Sébastopol. On prétend, d'autre part, que le~ Russes abandonnent leurs forteresses du Caucase. - La Rétribution est revenue à Constantinople apportant la nouvelle que les Russes avaient fermé l'embouclrnre du Danube par des ensablements et des tra- -yaux qui rendaient la navigation impossible; les vaisseaux de commerce anglais et français, en ce moment sur le fleuve, ne pourront donc gagner la Mer Noire et seront sans doute caprurés par la flotille russe qui croise devant Ismaïlow ? L'insurrection des Grecs fait des progrès en Epire et en Thessalie. Pourtant Arta et J anina sont toujours au ponvoir des Turcs; plusieurs villages ont fait leur soumission ; la ville de Larissc a déclaré qu'elle ne se révolterait pai;; et Fuad-Effendi, envoyé pour administrer les provinces insurgées; a débuté par promettre une amnistie. En même temps, la France, l'Angleterre et_la Turquie . ont signé un traité d'alliance, réglant les conditions du concours des Puissances occidentales, et accordant aux sujets chrétiens du Sultan leur émancipation légale, leur admissibilitll à tous les emplois, l'égalité devant la loi, et _l'abolition de l' Haratscli, impôt ;Xclusivement lcvll sur les Chrétiens. Certes, ces mesures, tout importantes qu'elles• paraissent, ne donnent encore aux Grecs ni l'indépendance ni même la sécurité qu'ils réclament; mais leur inllurrection, qui eftt excité tant de sympathies en d'autres temps, est plus qu'inopportune alors qu'elle vient en aide aux intrigues du Czar, ce souverain a décidé d'ailleurs à ne pas permettre .1m accroissement du puissance du royaume Hellène? En Grèoe, et dans les îles Ioniennes même, une grande agitation populaire vient en aide à l'insurrection par des souscriptions -9tt des enrôlemens. Plusieurs généraux, des anciens ministres, des fonctionuaires aupfaieurs ont résignli leurs fonctions pour se jeter dans les rangs de leun frères. Le roi Othon a déclaré qu'il se L'HOl\'I1tiE. couperait la main plutôt que d'ordonner de comprimer ce mouvement; et l'ambassadeur Turc a quitté Athènes. Pourtant, les concessions du Sultan, l'envoi de troupes et de vaisseaux vers les districts insurgés, les représentations des agens anglais et français, leurs menaces même, ont un peu calmé les esprits. A Corinthe, le jeune Colocotroni n'a trouvé que des refus; et de vrais patriotes, l'amiral Kanaris, le général Kalergi, les Mavromichali, engagent leurs compatriotes à ne pas s'engager dans une lutte inutile et périlleuse même pour l'indépendance de la Grèce actuelle. L'Autriche, qui avait si haut annoncll qu'elle ne permettrait pas aux Russes de passer le Danube, conclut avec la Prusse et les autres états germaniques un traité pour faire respecter la neutralité de l'Allemagne. Les illusions de nos diplomates à l'endroit des Cours germaniques ne se dissipent pourtant pas encore; on espère en l'alliance de ces vassaux du Czar! Il est même question de sacrifier à l'alliance autrichienne la Constitution piémontaise, que M. <leRével Ile chargerait de réviser sous l'appui des grandes Puissances. Le duc de Parme - un Bourbon - revenant de la chas~e, entre clans un mauvais cabaret; un soldat, qui lisait un journal, salue et continue de lire. Le duc l'apostrophe ; le soldat répond qu'il croyait que son prince voulait ga,rder l'incognito en entrant dans un si mauvais lieu. Le duc le frappe, le soldat le tue ......... Son fils, un enfant de cinq ans, h1i succède; sa femme (llfademoiselle, sœur <leHenry V) a pris la régence, renvoyll le ministère, donné le pouvoir à des quasi-libéraux, et signifié au favori de son mari de ne plus rentrer à Parme. Ces mesures ont, pour le mome!i!t, calmé les esprits. Les journaux anglais font remarquer la fatalité qui pèse sur cette femme dont le père (le duc de Berry) et le mari ~ont morts assassinés ..... . L'emprunt français, par voie de souscription nationale, a produit 4û7 millions, pris par 981000 souscripteurs, dont 60,000 pour 49 millions. Ces derniers sont maintenus comme souscripteurs ; on réduira les autres de façon à ne prendre que 250 millions. Heureux M. Bineau ! Nul capitaliste n'eût osé conclure un emprunt de 500 milnons; et, par voie de souscription, le trésor pourrait les recevoir; et cela, en se donnant l'appui de 98,000 créanciers, dont 26,000 seulement à Paris, la ville qui, jusqu'ici, concentrait presque tous les titres de rente ... L_es feuilJes anglaises plaisantent le Ministre, dont tout l'embarras consiste à faire reprendre à ses créanciers l'aq~ent qu'ils lui offraient; sérieusement, cette facilité d'ajourner la crise financière qui doit tôt ou tard emporter l'Empire est un triste symptôme ...... Les Etats- Unis sont au moment de rompre avec l'Espagne, un bâtiment américain ayant été saisi et vendu à Cuba sous prétexte de contrebande. Le général Piei_-cea· déclaré que, s'il n'était pas fait droit à ses réclamations, il agirait énergiquement. Les EtatsUnis saisiront sans doute avec empressement l'occasion de prendre Cuba; r.i l'Espagne y abolissait l'esclavage, peut-être cela feraitil reculer lPs Etats du Sud, les plus animlls aujourd'hui pour cette conquête qui renforcerait le parti clc l'esclavage? On annonce, pom la semaine prochaine, le départ des princes et des génllraux en chef1 le <luede Cambridge, le prince Napoléon, Lord Raglan et le maréchal St.- 1-\.rnaucl. Des correspondances affirment que ni Lord Raglan, ni Omer Pacha ne veulent subir le commandement du Ministre du Deux-Décembre ; les 500 mille francs de traitement ne les rassurent pas, sans doute .. Quoiqu'il en soit, les iuttes des chefs commencent avant l'entrée en campagne; que sera-ce devant l'ennemi? L' Univers accuse faussement l'Homme d'appeler les Cosaques : que n'aurions-nous pas à rétorquer à ceux qui se sont vantés de préférer les Cosaques à la Révolution, et qui exposent aujourd'hui la France à une invasion, à une conquète, plutôt que de faire appel aux seules forces capables de refouler le czar, la Pologne et la Hongrie ? Le colonel Piaciani, proscrit italien, nous adresse 1a lettre suivante : Au citoye11Ph. Faure, à Londres. Mon cher citoyen, Dans votre correspondance adressée au journal l'Homme, le 10 mars dernier, en parlant des Polonais, des Hongrois et des Ita .. liens, vous dites : "Et les patriotes de ces malheureux pays, dé- " sireux avant tout de revoir leurs patries indépendantes, scraien t "peut-être disposlls à seconder celui des deux despotes, (Bona- " parte ou Nicolas) qui relèverait leur bannière nationale.'' A cette demande, en ce qui regarde les Polonais et les Hongrois, je ne puis répondre que ceci : J'espère, je cr-ois qu'aucun démocrate de ces pays ne se laissera prendre à un pareil piège. En ce qui concerne les Italiens, j'affirme qu'ils ne se rallieront pas au despotisme. Je n'entends pas soutenir que certains Italiens ne seraient pas disposés à seconder l'un ou l'autre des deux despotes, peut-être les deux à la fois, s'ils marchaient d'accord, ce qui n'est pas impossible, pour relever w1e bànnière nationale, voire même s'ils ne la relevaient pas. On a trouvll des Français prêts à seconder l'élu du Dix Décembre quand il leur promettait le suffrage universel, on en a trouvé pour le nommer, on en trouve encore pour le servir. Malheureusement on rencontre toujours des criminels, des escrocs et des dupes. Le vol à l'américaine est bien connu en France, et malgré cela, Bonaparte y a gagné une couronne impériale, une liste civile et un manteau aux abeilles ; on trouve partout de ces hommes, en Italie comme ailleurs; on doit les mépriser ou les plaindre, mais ni vous ni moi ne pouvons les appeler patriotes, ni les confondre avec les i;rais patriotes. Les véritables patriotes sont ceux-là seulement qui ne voient pas de vérité en dehors de la justice, qui ne reconnaissent p:is d'intérêt en dehors du droit, qui n'admettent pas d'opportunitll en dehors des principes. Pour ma part, je repousse toute solidarité avec les autres, quelque soit le nom qn'ils se donnent. Libre à eux de seconder le Czar d'Orient ou celui d'Occident. Ces genslà ne sont point patriotes, ce sont des ambitieux ou des aveugles. Les vrais patriotes doivent avoir au moins le désintéressement et l'intelligence du cœur. Les patriotes savent que l'indépendance sans la liberté n'est qu'un mot; 11uela liberté sans la République n'est qu'un mensonge; qu'une Rllpubliqne qui n'est pas démocratique et sociale n'est qu'un pa1jure; qu'une démocratie et un socialisme restreints aux limites d'une nationalité, sans solidarité de pensée et d'action, est une trahison. Bien convaincus de ces vérités incontestables, les vrais patriotes italiens ne seconderont jamais les despotes; ils ne souffriront pas que les rois salissent leur bannière; ils veulent la relever pure de toute souillure ou mourir dessu~, en la défendant. Eux aussi pourront <lireen succombant, s'ils doivent succomber encore : Tout est perd" for l'honneur. • Si les fautes, les embarras et les exigences de la position respecti-Yedes despotes hâtent le moment de relever cette bannière, tant mieux; les démocrates ne manqueront pas, j'espère, d'en profiter, Mais le drapeau des patriotes italiens, c'est votre drapeau à vous, c'est notre drapeau à pous, c'est le drapeau commun à tous, les républicains. L'étendard qui représente les droits et les devoirs des peuples doit être unitaire puisciue l'humanité est une. Le drapeau que les patriotes italiens se préparent à relenr conjointement avec les patriotes dea autres nationalit6s, les vrais pa• triotee de tous les pays Je relèveront en même temps. Qu'importe la phalange qui aura la première l'honneur de le présenter à l'ennemi commun, cela doit dépendre des circonstances!. .. Vienne cet instant dêsiré et le devoir <letous sera de seconder ce nouvel t>ffortde la Démocratie; jusque là, il faut bien se garder de seconder les despotes,--quels qu'ils soient. Voilà la réponse que pour ma part, comme patriote italien, je crois devoir faire. J'espère que vous voudrez bien la transmettre au journal l'Homme. Je vous remercie de m'avoir fourni l'occasion d'exprimer ce~ sentiments qui ~ont ceux des vrais patriotes italiens, et en même temps de déclarer l'estime particulière que je professe pour vous. .Agréez, citoyen, mes salutations fraternelles. PIANCIA:SI, Nous sommes heureux d'avoir à insérer cette lettre, nouveau témoignage de la solidarité des peuples ùans la Démocratie. Mais le citoyen Pianciani, en saisissant cette occasion de manifester son aversion et celle des républicains Italiens pour les alliances perfides des despotes et des puissances, ne fait que confirmer ce que nous avions écrit, dans la phrase de notre correspondance qu'il cite, en la tronquant, et dont voici le texte : " Les patriotes de ces malheureux pays (Pologne, Hongrie, " Italie), désireux avant tout de revoir leurs patries indépendantes, " seraient peut-êtres dispo~és, malgré les avis de leurs cam.arade3 " démocrates, à seconder celui des deux despotes qui releverait " leur bannière nationale. '' La lettre du citoyen Pianciani est une preuve de plus que les avis des démocmtes Italiens-et aussi, nous n'en doutons pas, Hongrois et Polonais-sont opposés aux intrigues des despotes. Mais elle ne détruit pas ce fait incontestable, et que constate encore la lettre de Manin : il y a des Italiens -comme des Français, -des Hongrois, des Polonais, PATRIOTES avant tout, et voulant la patrie libre sans s'attacher à telle ou telle doctrine politique ou sociale. Ceux-là disent, comme les démocrates : Fuori li stranieri ! Dehors l'lltranger !-Mais ils ne partagent pas notre défiance et notre haine à l'endroit des rois ou des empereurs; et ils accepteraient l'affi-anchi~sement de leur patrie d'un Bon:1parte, d'un Nicolas, comme jadis <l'un Charles Albert ou d'un P10 IX. Voilà tout ce que nous avons voulu <lire; et cela n'atteint en rien l'honneur de h démocratie italienne. Salut fraternel. Ph. FAURE. L'inauguration du drapeau de la République universelle dans les Deux-Mondes, la grande "toix sociale éclatant à la fois en Europe et en Amérique, présente un fait de trop haute importauce pour être passé sous silence. Voici le discours prononcé à New-York, le 24 Février dernier, par le citoyen Boccaris. Nous appelons sur cette page toute l'attention de nos lecteurs: CITOYENS! Nous célébrons aujourd'hui l'anniversaire du plur grand événement des temps modernes, de la manifestation la plus éclatante du progrès de la raison humaine et de l'amoindrissement incurable de l'empirisme social. Le temps, qui a la propriété de calmer tontes les effervescences et de faire jaillir la lumière du sein même des ténèbres, nous permet aujourd'hui d'envisager, avec le calme et la sincérité d'une conviction profonde, les causes et les effets de ce prodigieux mouvement de Février 1848. Cette grande et glorieuse année nous offre pour spectacle. 1rnique dans l'histoire, l'Europe toute entière, saisie d'un sublime délire, mue par des sentiments puisés aux sources les plus mystérieuses du cœur humain, brisant partout ses fers, et partout, en acclamant le dogme social et humanitaire : Liberté ! Egalité! Fraternité! devant dissiper les ténèbres et montrer au monde, tressaillant d'allégresse, l'aurore de la République universelle. Hasard heureux !... coup de main hardi !... fléau providentiel, suscité par Dieu pour châtier les hommes à cause de leur impiété, disent ceux qui, vivant du passé, veulent immobiliser l'humanité dans une halte éternelle. Ils ne comprennent pas, ces aveugles et opiniâtres champions de la stabilité, malgré la fréquence de ces prétendus fléaux, qu'ils résultent de causes dont rien ne peut trou. bler le µiajestueux développement. Tout ici-bas, comme dans le reste de l'univers, obéit â une loi générale, je dirai presque fatale, puisqu'elle ne laisse à tout ce qui est, comme à tout ce qui vit, que la liberté du mouvement en avant, c'est-à-dire d'un dévelop. pement et d'une transformation progressive sans fin. Naître, croître et se développer, passer d'une condition moindre à uue condition meilleure, sans qu'aucune puisse jamais fixer cette perpétuelle migration, telle est la loi des êtres intelligents et libres. Tout ce qui tend à faire obstacle à cette évolution ascendante produit le dé:sordre ; le désordre engendre la souffrance, et de la souffrance naît ce désir de la faire cesser. Ce désir, sans cesse aiguillonné par la cause qui l'a fait naitre, amène inévitablement une explosion qui détruit ou amoindrit l'obstacle et l'ordre, c'est-à-dire la marche en avant, après un bond, une vaste enjambade, reprend son cours normal et régulier. Les révolutions sociales n'ont pas d'autres causes que celles-là ; mais comme cette cause n'est jamais bien clai. rement perçue, ce qu'implique son essence métaphysique, et que d'un autre côté son existence apparente se résume et se concrète en intérêts sociaux représentés et défendus avec acharnement par des hommes et des partis, il arrive toujours que les révolutionnaires, égarés par l'erreur et l'empirisme au milieu desquels ils ont vécu, dirigent tous leurs efforts contre ces hommes et ces partis, c'est-à-dire contre les apparences et les réalités secondaires, tandis qu'ils laissent subsister presque intégralement le principe d' Jutorité, générateur du désordre qu'ils ont mission de remplacer par le principe de liberté, générateur de l'ordre! Le principe d.e libert6 représente le mouvement; le le ptincipe d'autorité représente la résistance. Ce dernier, tl'ltéla.ire et civilia3teur à l'erigine, est, nec le temps et

en voulant se perpétuer au-delà des limites que son rôle et sa nature lui assignent, devenu un obstacle au progrès. Battu en: brêche et co□stamment amoindri par les révolutions religieuses, philosophiques, politiques et sociales qui, depuis plusieurs siècles, s-~succèdent avec une rapidité toujours croissante, il devait, selon la logique inflexible du progrès, être cléfinitivement évincé dn domaine social par la grande R~volution universelle de Février. Dans toute l'Europe l'él6ment révolutionnairt!, riche des magnifiqnes successions de 93 et de 1830, disputait de force et de moyens suffisants pour fonder la liberté et as- . surer l'avenir d'un nouvel ordre de choses. Mais, par une déplorable confusion d'idées et de faits, à peine les despotes furent-ils renversés, que les vainqueurs du principe d'autorité s'empressèrent de le rétablir ou de la mairitenir, se contentant d'en changer la forme ou le nom. Cet organisme bâtard créé au milieu de l'orage, au nom et dans l'intérêt de la liberté, mais ayant l'autorité pour base et pour auxiliaires inévitables l'armée, le clergé, le crédit féodal et toutes les cupidités alarmées, devait naturellement, logiquement, ramener au pouvoir l'homme en qui, selon les préjugés populaires, se résume et s'incarne le principe d'autorité. C'est ce qui est arrivé en France, en Allemagne, en Hongrie et à Naples. Cette déplorable méprise a replongé l'Europe dans toutes les horreurs d'un despotisme exaspéré par la peur et les humiliations qu'il a subies et les terreurs que l'avenir lui inspire. Cet avortement si subit et si profond dans les conséquences immédiates a dù porter le trouble et le désespoir clans bien des cœurs dévoués et leur faire croire à la compression définitive du progrès social. S'il en est parmi nous que cette crainte agite, qu'ils se rassurent; le progrès est incompre,sible ; gêné dans le clomaine des faits, il s'achemine cl :ns l'idée, et celle-_ci,électricité irrésistible, ne tarde pas à briser les entraves qui s'enchainent. Je l'assure hautement, et tou~ les hommes de cœur qui m'entendent, l'affirmeront avec moi : nulle puissance ne pent prévaloir contre le progrès! Autaut yaudrait emp~cher la matière de peser et la lumière de luire! Le mouvement c'est la vie ; vivre c'est se transformer. Conséquemment, le mouvement est à la vie ce que la puissance e~t à la matière et l'éclat à la lumière. Et puis, citoyens, le spectacle navrant que nous donne l'Europe et qui a si juste sujet de nous affliger, mais non de nous décourager, n'est pas nouveau clans l'histoire, de l'humanité ; ces perturbations sont même un des éléments essentiels de son développement intellectuel et moral. Action et réaction s'impliquent et se supposent mutuellement. Nous eh subissons les conséquences sans trop nous en rendre compte, ne voulant pas ou ne pouvant pas comprendre que chercher à étouffer la révolution soit aussi naturel, sinon aussi légitime, que chercher à la sauver et à la propager. Il y a néanmoins cette différence entre les deux tendances que l'une, quoique ayant toutes les forces vives de la société à son service, reçoit de constants démentis, tandis que l'autre, sans autres ressources que celles qu'elle puise en sa virtualité, reço:t des confirmations de plus eil plus éclatantes : c'est ce que le passé nous enseigne et que le présent confirme. N'avons-nous pas vu en France Mirabeau tout puissant et irrésistible tant qu'il resta l'orageux interprète de la révolution, s'éteindre soudain comme un cratère épuisé le jour où ses rancunes personnelles satisfaites et ses calculs égoïstes aboutis, il voulut, croyant sienne la force souveraine dont il disposait, la tourner contre le prodigieux mouvement qùi entraînait la société française toute entière ? La révolution, grandie par la résistance que ce transfuge lui opposa l'abattit de son souffle dévorant, passa outre et continua son œuvre. Mais il est dans les destinées de la vérité d'avoir toujours à •combattre : Après Mirabeau, c'est Bonaparte. Doué d'un génie incomparable, sorti des flancs mêmes de la révolution, armé et revêtu par elle de sa toute-puis. sance pour poursuivre et achever l'œuvre si largement ébauchée par les Titans de 89 et de 93, il ne tarda pas, oubliant sa mission et son origine, de s'abandonner aux rêves les plus extravagants d'une ambition effrénée. Pendant dix ans, on vit ce rude et infatigable soldat, poussant les nations éperdues les unes contre les autres, comme des vagues vivantes, tailler et façonner l'Europe à son image. Et quand tout se taisait devant lui, quand toutes les nations se courbaient devant son impériale volonté, et que César semblait gouverner le destin, l'idée, qu'il croyait morte, se dressa subitement devant ses légions victorieuses, et l'empire et l'empereur s'évanouirent comme 11n rêve! Que resta-t-il de tout ce bruit et de ce tourbillonnement prestigieux que l'on appelle l'épopée impériale?... Des trônes ébranlés, une papauté sans prestige et sans vie, la raison humaine granclie, des préjugés vaincus, le droit mieux compris, et le devoir entrevu ! Non, non ! la révolution ne peut pas avoir tort, parce qu'elle est le signe évident de la vie, et que la vie ne peut faillir à elle-même ; elle ne peut pas non plus être uincue, parce qu'elle a une force d'expansion qui ne s'arrête pas et qui grandit en proportion de l'obstacle qu'elle rencontre. C'est à tel point qu'il est aussi indifférent pour le triomphe de l'idée que toute révolution porte en lui, qu'elle soit combattue ou favorisée. Cela n'avance ni ne retarde sa marche d'une minute. Je dirai plus : tout semble démontrer que la persécution, par le bruit et l'éclat dont elle entoure la victime d!vouée, contribue puissamment à son triomphe,eµ excitant l'attention et le mouveL'HOM~IE: ment dans le domaine dex esprits. Du choc des idées jaillissent des clartés qui élargissent les horizons <lu moude intellectuel et laissent entreroir des vérités jusqu'alors inco-:inues. Citoyens, encore un mot et je termine. En février 184-8 le sphinx révolutionnaire a jeté au monde sa fulgurante énigme. Le socialisme est apparu non pas c.ommeune abstraction chimérique, bonne tout au plus à exercer la verve des rhéteurs, mais comme une vérité sociale fille et héritière du passé, et à ce titre destinée à précipiter la ~uine de l'ancien ordre de choses et à le remplacer par un ordre entièrement nouveau. Mais il arriva alors ce qui arrive toujours en pareille circonstance. Le verbe nouveau, mal compris des hommes de bonne comme de mauvaise volonté, produisit une stupeur générale, st11peur qui habilement exploitée et entretenue donna aux despotes et à leurs séïdes, le moyen de ressaisir partout le pouvoir. C'est alors qu'un spectacle vraiment sublime a été ,tonné au monde. D'un côté toutes les puissances et tous les intérêts menacés, coalisés, se troublant de plus en plus, et par suite se livrant à tous les excès qu'entraîne le paroxisme de la peur ; et de l'autre les petits et les faibles, la vile multitude enfin, malgré la plus horrible persécution, malgré la ruine apparente de ses espérances, persistant dans ce calme apparent, dans ce calme solennel, vrécurseurs de la tempête que produit toujours la réflexion. La lente élaboration de la pemée humaine a enfin abouti. La vérité nouvelle est sortie toute entière du cerveau <lnpeuple et prête à la lutte décisive qui se prépare. Vienne le moment, vienne le signal! et ce signal éclatant comme la trompette du jugement dernier, éblouissant comme l'éclair qui embrase l'horizon tout entier, vienclra, je vous le jure, et viendra demain ! et alors aura lieu la confusion chaotique, les déchirements douloureux qui accompagnent toujours l'enfantement d'une civilisation nouvelle. Mais le jour se fera rapidement dans ces ténèbres, et sous l'influence fécondante du soleil des intelligences, les nations rendues à elles-mêmes, <lébarassées des.obstacles sociaux qui les empêchaient de se reconnaitre et de s'embrasser comme sœurs, fou<lerout la République Universelle, réalisatiori du dogme humanitaire : Liberté, Egalité, Fraternité ! VARIETES. Le citoyen Herzen nous envoie les lettres suivantes, adressées à W .-J. Linton, artiste plein de talent et de cœur, et qui les a publiées dans le journal mensuel The English Republic, imprimé à Newcastle. Suivant le désir exprimé par le citoyen Herzen, nous lui laissons toute la responsabilité <le ses appréciations, de ses opinions, dont il ne veut pas, dit-il, nous imposer la solidarité morale. L' English Republic, dont la devise est " Dieu et le Peuple," a dû sans doute faire ses réserves? En faisant cet emprunt à notre confrère du nord de)' Angleterre, nous le remercions de l'accueil qu'il a fait à notre journal dont il a publié le programme dans son numéro de mars. LA RUSSIE ET LE VIEUX MONDE. (Deuxième lettre à W. L1:sToN, Esq.) Cher Linton, La formule de la vie européennne est beaucoup plus compliquée.. que ne l'était celle du monde antique. Lorsque la culture de la Grèce déborda _les limites étroites des républiques urbaines, ses formes politiques furent de suite épuisées et s'usèrent avec une grande célérité. La Grèce devint province romaine. Lorsque Rome dépensa son fond ù'organisation et transgressa ses institutions politiques, elle ne trouva plus de ressources pour sa régénération et se désaggrégea en se combinant de diverses manières avec les barbares. Les états antiques n'étaient pas pevenniels, ils n'existaient qu'une saison. Vers le XVe siècle, l'Europe arriva à un de ces cataclysmes, qui, pour les états antiq1rns, aurait été le précurseur d'une mort certaine. La conscience et la pensée rejetaient les bases de l'édifice social. Le catholicisme et le féodalisme furent attaqués. Une lutte sourde dura plus de deux siècles... minant l'église et le château. L'Europe était si près de la mort, que déjà on commençait à entrevoir les barbares au-delà des frontières - ces corbeaux qui flairent de loin l'agonie des peuples. Bysance était dans leur mains, ils paraissaient tout prêts à fondre sur Vienne, mais le croissant fut arrêté au bord de l'Adriatique. Un autre peuple barbare s'agitait au Nord, s'organisait, se préparait.- Un peuple en peaa de mouton et aux yeux de lézard. Les déserts du W olga et de l'Oural ont vu de tout temps les bivouacs des peuples en migration ; oe sont les salles d'attente et de rassemblement, officina 9eutium,_ où, en silence, la destinh prfpare cea nut\es de sauvages pour les làcher sur les peuples mouvants, sur les civilisations en marasme-afin de les achever. Pourtant la lune des Islamistes ne se levait pas et se contentait d'éclairer les ruines cle l'Acropolis et les eaux de !'Hellespont. Et les barbares du W olga, au lieu de tenter une inrnsion en Europe- allèrent enfin, dans la personne d'un de leurs Tzars, solliciter de leurs voisins la civilisation et l'organisation politique. Le premier orage p9.ssa au-dessus des têtes.· Que s'est-il donc passé? La migration éternelle des peuples vers l'Occidentretenue par l'Atlantique, se continuait; l'humanité avait trouvé un guide : - Christophe Colomh-lui montrait le chemin. L'Amérique sauva l'Europe. Et l'Europe entra dans une nouvelle phase d'existence qui manquait aux états antiques : une phase de décomposition à l'intérieur et de développement au-delà de l'océan. La Réformation et la Révolution ne sortirent pas des mur11 de l'église ni des enceintes des états monarchiques: évidemment elles ne purent pas abattre le vieil édifice. Le o.ô:ne gothique s'affaissa, le trône se pencha de côté, mais leurs ruines subsistèrent. Et, ni la Réforme, ni la. Révolution n'avaient plus prise contre eux. On a beau être réformé, évangélique, luthérien, protestant, quaker-l'église existe, c'est-à-dire que la liberté de la conscience n'existe pas, ou c'est un acte de rébellion individu.elle. On a beau être parlementaire, constitutionnel à deux chambres ou à une seule, au suffrage restreint ou au suffrage universel.. .. le trône penche, mais existe toujonrs ; et quoique les rois fassent la culbute à chaque instant,-il s'en trouve d'autrts.-A défaut d'un roi dans une république, si c'est en France, il y a un roi de paille qu'on met sur le trône et pour lequel on garde les châteaux et les parc.5, les Tuileries et les Sai11t-Clo11d. Tandis qu'un christianisme laïque et rationalistelutte contre l'église. sans s'apercevoir qu'il sera écrasé le premier par la voüte, - tandis qu'un républicanisme monarchique lutte contre le trône, pour s'y asseoir royalement.- Le souille révolutionnaire est ailleurs,- le torrent a changé de direction et laisse ces vieux Monteschi et Capuletti continuer lellI lutte héréditaire sur le second plan. L'étendard se lève, non plus contre le prêtre, - non plus contre le roi, non plus contre le noble, mais. contre leur héritier à tous,- contre le maître;- contre le détenteur patenté des instruments de travail. Et le. révolutionnaire n·cst plus ni huguenot, ni protestant, ni libéral : il s'appelle Ouvrier. Et voilà que l'Europe - r~jeunie une fois - deux fois même, - s'arrête à une troisième limite n'osant la franchir. Elle tremble devant le mot de "Socialisme" qu'elle lit sur la pqrte. - On lui a dit que c'est Catilina qui doit ouvrir la porte, et cela est vrai. La porte peut ne pas s'ouvrir; mais si elle est ouverte, ce sera par Catilina ... et un Catilina qui a tant d'amis, qu'il est impossible de les étrangler tous dans une prison. Cicéron, l'assass.in consciencieux et civil, fot plus :;.1eureuxque son_ émule Cavaignac. . Cette limite est plus difficile à passer que ne furent les autres. Tontes les réformes conservent la moitié du vieux monde, qu'elles couvrent ù'un nouveau drap ; le cœur ne .,e brise pas entièrement ; on ne perd pas tout à la fois; une partie de ce q11'onaimait, de ce qui nous etait che.r depuis l'enfance. que nous vénérions, ce qui était traditionnel, reste et console les faibles... Adieu chansons des nourrices, adieu réminiscences de la maison paternelle, adieu l'habitude dont la force est plus grande q11e la force du génie, clit Bacon. ... Rien ne passera la douane pendant l'orage ; a11ra- ~on la patience d'attendre le calme? Peu à peu tous les intérêts, toutes les préoccupations, complications, aspirations qui ont agité pendant un siècle les esprits en Europe-pâlissent, deviennent indifférentes, choses de routine, questions de coterie. Où sont tous les grands mots qui faisaient vibrer le cœur et verser les larmes! ... Où sont les drnpeaux vénérés depuis Jean Huss dans un des camps, depuis 89 dans un autre? Depuis que le brouillard opaque, qui enveloppait la révolution de Février, a disparu, on commence à voir de plus en plus . clair; une simplicité tranchante remplace les complica- .. tions : il n'y a que deux questions réelles : La question sociale,- La question russe. Et, au fond, c'est la même. La question russe, c'est le· côté accidentel, l'épreuve négative ; c'est la nouvelle apparition des barbares, flairant l'agonie, criant leur " memento mori " au vieux monde, et lui offrant un assassin s'il ne veut pas se suicider. En effet, si le socialisme révolutionnaire ne parvient pas à en finir avec la société en décadence-la Russie en finira. Je ne dis pas que cela soit nécessaire,-mais cela est possible. • ' Rien n'est absolument nécessaire. L'avenir n'est jamais immuablement arrêté d'avance : il n'y a aucune prédestination invariable. L'avenir peut ne pas être du tout. Un cataclysme géologique pourrait bien mettre fin non seulement à la question orientale - mais à toutes les autres, faute de questionneUJs? L'avenir se forme, se crée des élémens qui sont sous mains, et des conditions qui les ento1uent, il continue le passé ; les tendances générales, vaguement exprimées, ae modifient d'après les circollata1u:es. Les circonalaDC~

r. déte1minent le comment, et la possibilité flottante devient fait accompli. La Russie pent aussi bien envahir l'Europe jusqu'à l'Atlantique, qu'en être envahie jusqu'à l'Oural. Ponr le premier cas, il faut une Europe profondément divisée. Pour le second, une Europe profondément unie. L'est-elle? Le Tzarisme est poussé par instinct de conservation et par une force naturelle, comme celle qui guide les oiseaux aux migrations, vers la mer Noire, vers la Méditerranée. Il lui est impossible de ne pas rencontrer l'Europe dans cette marche. Ce serait une folie de penser que l'empereur Nicolas puisse tenir tête à l'Euro1)e, à moins que l'Europe ellemême ne se mette à l'avant-garde de son armée et ne combatte contre elle-même; mais c'est ce qui se fait; c'est ce qui est. Le conservatisme peureux, soucieux, sénil, trouvera dans un conflit entre l'Europe et la Russie, les moyens de paralyser chaque élan des peuples. Car il y a deux Europes qui s'entre-haïssent, s'entreclétestent beaucoup plus profondément que les Turcs et les Russes, et ce manichéisme social existe dans chaque état, dans chaque ville, dans chaque hameau. Quelle unité d'action est donc possible avant le triomphe d'un des lutteurs? Les armées ne combattent héroïquement aux frontières que lorsqu'il y a un comité de salut public à la maison. C'est lui qui avait imprimé aux armées révolutionnaires cette énergie étonante qui dura vingt années après sa mort, Il n'y a rien au monde qui démoralise plus les armées, que la pensée funeste d'une trahison derrière leur dos. Peut-on avoir confiance aux gouvernemens tels qu'ils sont? Dans leur propre camp, les hommes de l'ordre se soupçonnent l'un l'autre. Nous trouverons partout, jusque dans les hauts parages de la diplomatie, des traitres qui vendent leur pays à Nicolas. Nicolas a non seulement des banquiers et Jes journalistes, il a des premiers ministres, des frères de roi, des cousins régnant; il a un nombre prodigieux de grandDuchesses, qu'il octroie aux princes allemands, à condition de faire des serfs russes de leurs maris ; et ces grand-duchesses, lorsqu'elles sont malades, vont pren~rt:: " les brouillards de Londres," dont la vertu eurativa a été découverte par Nicolas. ,-4 " La Fusion" est très-russe;-" l'Assemblée Nationale " a l'air d'être une feuille de Kazan ou de Pensa.- Mais si l'empereur Nicolas voulait abandonner tous ces. Chambord-Nemours aux délices d'une réconciliation de famille et d'une partie de chasse à Frohsdorff, le bonapartisme serait à l'instant même, non seulement Russe, mais Tartare. Le roi des Belges tient nue agence russe à Bruxelles ; le roi de Danemark, un petit bureau à Copenhague. L'Amirauté,-la fière Amiraut~ de la Grande-Bretagne fait humblement la police du Tzar à Portsmouth, et un officier ~amojè<lefoule impunément aux pieds l'acte de l' habeas corpus sur le pont d'un navire anglais. Le roi de Naples est le iervile imitateur de Nicolas, et l'empereur d' Autriche son Antinoüs, son admirateur passionné. on· parle tant d'agents russes que l'on cherche toujours parmi quelques misérables espioHs que le gouvernement russe paie, pour être au courant <letous les canca11s. Les véritables Chenu et Delahodde du tzar sont les oints du .. ~e1gneur, leurs agnats et cognats, leur panmté dans les lignes ascendantes et descendantes. Le registre des espions russes, le plus complet, c'est!' Almanach de Gotha. Vous voyez donc qu'une lutte s,·rieuse avec la Russie e~t totalement impossible avant d'avoir balayé, et bien balayé, la maison. Il y a une solidarité fatale qui lie l'Europe r~actionnaire au Tzarisme ; et ce sera une sublime ironie providefltielle si nous la voyons périr par lui. Nicolas a ,fait la plus grande espièglerie du XIXe siècle en déclarant la gtH:rre à la Turquie. Ce sont les conservateurs, les amis, les clients de Nicolas qui crient le pl11shaut maintenant contre lui. Ils prenaient le tzar pour 1m sergent de ville, et étaient tr<~s contents de faire peur aux révolutionnaires des 400,000 bayounettes russes ; ils croyaient qu'il se résignerait au rôle passif d'épouvantail ; ils avaient oublié que même un Louis Tionaparte n'a pas voulu se résigner à la fonction de " sapeur pompier .... " L.HO 11I\IE. Les jours heureux étaient revenus, on était si content, si tranquille ; les masses, écrasées par les troupes, mouraient de faim avec une résignation chrétienne. Pas de presse, pas de tribunc .... pas de France! Le Saint-Père, appuyé sur une armée sortie de la rue de Jérusalem, distribuait à droite et à gauche sa bénédiction apostolique. Les affaires reprenaient après la catastrophe de Février. L'anthropophagie sociale était plus stationnaire que jamais. Une ère " d'amour et de sympathie " s'ouvrait. La Belgique se mariait à l'Autriche dans la personne d'une archiduchesse autrichienne,-le jeune empereur de Vienne soupirait aux pieds de sa fiancée, Napoléon III,-" Werther " de 45 ans-épousait par caprice amoureux sa " Charlotte " de Téba. , Au milieu de cette tranquillité, de ce bien-être universel, l'empereur Nicolas jette l'alarme en commençant une guerre inutile, fantastü1ue, religieuse, une guerre qui peut très bieu passer des bords de la mer Noire aux bords du Rhin, et qui apportera dans tous les cas tout ce qu'on craignait des révolutions :-expropriations, contrihutions, violences, et, par dessus le marché une occupation étrangère, des cours martiales, des fusillades et des contributioils de guerre. Donoso Cortès, dans un discours célèbre prononcé à Madrid en 1849, prédisait l'invasion russe et ne trouvait d'autre ancre de salut pour la Civilisation que l' Unité de l'autorité, c'est-à-dire la Monarchie absolue au service du Catholicisme. C'est pour cela aussi qu'il demandait pour première condition l'introduction du Catholicisme en Angleterre. Il est possible qu'avec une Unité pareille, l'Europe serait très forte ; mais cette unité est totalement impossible, aussi impossible que toute autre; à l'exception de l' Unité révolutionnaire. Si on ne craignait pas la Révolution plus encore que les Russes, quoi de plus simple que d'aller à Sébastopol, d'occuper Odessa. La population mahométane de la Crimée ne serait pas hostile aux Turcs. Une fois là, on ferait un appel à la Pologne, on déclarerait la liberté des paysans de la Petite Russie qui abhorrent le servage ..... . Nous verrions ce qu'entreprendrait alors Nicolas, avec son Dieu orthodoxe. Mais, dira l'Autriche- la Pologne c'est la Gallicie; Mais, dira la Prnsse-la Pologne c'est la Pomanie. Et une fois la Pologne debout-quelle force retiendra la Hongrie, la Lombardie? Eh bien, il ne faut pas aller à Sébastopol, - ou faire une guerre d'apparat qui se terminera au profit de Nicolas ou de Louis Bonaparte. C'est-à-dire, dans les deux: cas, au profit du despotisme et contre les conservateurs. Car le despotisme n'est pas du to11tconservateur. Il ne l'est pas même en Russie. Le despotisme, c'est ce qu'il y a de plus corrosif, de plus Mlétère, de plus dissolvant. Quelquefois les peuples jeunt::s, cherchant à s'organiser, commencent par le despotisme, le traversent, s'en servent comme d'une dure éducation ; mais plus souvent ce sont les peuples retombés en enfance qui _succombent sous lEl joug du despotisme. Le despotisme militaire, algérien ou caucasien, Bonapartiste ou Cosaque, ·une foismaître de l'Europe, sera nécessairement entrainé à une lutte acharnée contre la vieille société ; il ne pourra laisser exister les institutions semilibres, les droits semi-indépendants, la civilisation habituée à la parole, la science habituée à l'analyse, l'industrie s'érigeant en puissance. ' Le clespotisme, c'est la barbarie, c'est l'enterrement d'une civilisation décrépite - et quelquefois l'étable dans laquelle naît le sauveur. Le monde européen, tel qu'il est, a fini sa tâche ; mais il nous semble qu'il pourrait finir plus honorablement sa carrière - passer à une utre forme d'existence, non sans secousses, mais sans abaissement, sans dégradation.· Les conservateurs, comme tous les avares, ont eu surtout peur de l'héritier ; eh bien ! le vieillard sera étranglé nuitamment par des voleurs et des brigands. Après avoir bombardé Paris, fusillé, déporté, emprisonné les ouvriers, -- on peµsa que le danger était passé ! - Mais la mort est un Prothée. On la chasse comme ange de l'avenir, - elie revient comme spectre du passé, - on la chasse comme République àémocratique et sociale, elle revient comme Nicolas, Tzar de toutes les Russies, ou comme Napoléon, Tzar de France. L'un ou l'autre - ou les deux ensemble, achèveront la lutte. Pour lutter, il fout que son adversaire ne soit pas encore terrassé. Où est doue le dernier champ-clos, le dernier retranchement où la civilisation peut livrer une bataille, se déf'endre au moins contre les despotes ? A Paris? - Non. Paris, comme Charles-Quint, a abdiqué, de son vivant, sa couronne révolutionnaire, - un peu de gloire militaire et beaucoup de police suffiront pour maintenir l'ordre à Paris. Le champ-clos est à Londres. Tant qu'une Angleterre libre et fière de ses droits existe, - rien n'est fait définitivement pour la cause de la barbarie. Depuis le Dix Décembre 1848, la Russie et l'Autriche n'ont plus de haine contre Paris. Paris a perdu son prestige pour les rois, ils ne le craignent plus. - Toute leur haine s'est portée contre l'Angleterre. Ils l'abhorrent, ils la détestent et ils voudraient .... la piller! Il y a en Europe des pays réactionnaires, mais non des pays conservateurs. L'Angleterre seule est conservatrice, et le pourquoi est tout clair, elle a quelque chose à conserver-la liberté individuelle. Mais ce seul mot résume tout ce qui est poursuivi, haï par les Bonaparte et les Nicolas. Et vous pensez qu'ils laisseront, eux vainqueurs, à 12 heures de distance de Paris esclave, - Londres libre, Londres foyer de la propagande et port ouvert à tout ce qui fuira les villes désertes et incendiées du continent ? Car tout ce qui doit étre sauvé et peut l'être - au milieu de l'orgie de la destruction, - sciences et arts, industrie et culture - tout cela sera nécessairement poussé en Angleterre. Cela suffit pour une guerre. Enfin le rêve du premier barbare mtiderne, de Napoléon, se réalisera. Quel plus grand malheur peut attendre l'Angleterre, d'une Europe révolutionnaire que du despotisme européen ? Les peuples ont assez à faire chez eux pour ne pas penSt!r à des invasions. Ce n'est ni l'égoïsme ni la Cllpidité qui empêchent les anglais de voir cela clairement. Disons le franchement, c'est leur ignorance et la maudite routine des affaires qui rend ces hommes incapables de comprendre qu'on doit quelquefois marcher non par des chemins battus, mais en se frayant une nouvelle route. Eh bien, ceux qui ont des yeux et ne veulent pas les ouvrir, ceux-là sont dévoués aux Dieux infernaux. Comment les sauver? Une nuit profonde et silencieuse couvrira le travail de la décomposition ..... . Et après?...... Après la nuit vient le jour! Il est juste de verser des larmes sur les malheurs qui s'accomplissent ...... mais laissons les morts enterrer leurs morts-et, tirant avec pitié et recueillement le drap mortuaire sur l'agonisant, ayons le courage de répét'llr le vieux cri: Le roi est rnort--Vive le roi!. .. A. HERZE:\'. Londres, le 15 janvier 1854. DERNIERES NOUVELL Constantinople, 23 mars. Le Sheik-ul-Jelam, Grand Mufti,, a été dépos!!.-RifaJ Pacha, président du Conseil, est renvoyé.-Les floues combinées vont rentrer incessamment dans la mer Noire. Vienne, 30 mars. Le prince Paszkiewicz a quitté Varsovie et est attendu le 4 avril à Bucharest.-Le général Kotsebue a commencé le siège de Mutschin et le général Aurep, celui de Isaktscha, Je 23 mars. Le général Schielders dirige les opérations. Vienne, le 31 mars. Une dépêche affirme que les Russes ont attaqué Kalafat le 29 mars et ont enlevé trois retranchements. Bucharest, 28 mars. Les Turcs oat passé le Danube à Siemnitza, vis-à-vis de Sis. towa.-La lutte a déjà duré quelques jours, de manière que toutes les troupes disponibles de Buch.irest y ont été envoyées. Vienne, Je 2 avril. Les forteresses ùe Hirsowa, Mutschin et Isaktscha orù été prises par les Russes, le 28 mars, ainsi que celle de Babadagh. -Les Russes !<ont donc maîtres de la majeure partie de la province <le Dobrntschaz. Malte. Les flottes combinées ont pris mer le 24 mars.-On suppose quc leur destination est Varna. JER~Y, IMPRIMERIE UNIVERSELLE, 19, DORSET STREET. AB.I lN c. HI Rroscr!t politique ,vrir un eours d'Equitation à son manège, sur b ~ le ~~iple&v:rntage d'unir l'élégance, la légerté et lrança1s, rédacteur· Parade. 1a somllté. . 1 "" ' . . , en chef pendant! GUTEL PROSCRIT DU 2 DÉCEMBRE, _Les semelles so~t_~xé_esa, ;~c /ù:1 laito?- _et, ne en plâtre, en cire, en mastic et en gélatine sm nature morte on vivante. 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