Homme - anno I - n.17 - 21 marzo 1854

CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 17 mars 1854. La semaine est assez vide d'événements; d'ailleurs, l'attente de la lutte terrible qui s'approche empêche de s'intéresser aux faits partiels qui l'annoncent et 1:,. préparent. L'armée anglaise (la 1re divi~ion) est arrivée à Malte. L'armée française est en mouvement pour s'embarquer; les généraux Canrobert et Bousquet, commandant les divisions d'infanterie, sont à Marseille. On croit que l'armée anglo-française occupern Odessa et attaquera, par terre, Sébastopol, que les Russes fortifient de leur mieux. - Sir Ch. Napier est parti samedi pour la Tialtique avec sa formidable flotte. L'amiral Corry est en route pour le rejoindre avec la réserve. A Porstmouth, à Douvres, à l'embouchure de la Tamise, des milliers cl' Anglais sont accourus pour saluer à son départ la flotte qui doit " incendier Kronst:tdt et détruire la puisssance maritime russe dans h Baltique." L'escadre française de l'amiral Persev:il-Deschesnes n'est pas encore prête à joindre: !',Austerlitz, seul, va d'abord rallier la flotte de Sir Ch. Napier. Le Czar lève des marins, des soldats, émet du papier monnaie, et, par-dessus le marché, se donne le luxe de mettre " en état de ~iège '' les pro,inces bal~iques, St.-Pétersbourg,_ Arkhangel (sur la mer Polaire), Ekathennoslaw (sur la mer Noire), la Pologne et toutes les anciennes provinces et la Bessarabie. Le prince Paskcwitch (l'oppresseur de la Pologne depuis 1831), commande à la fois l'armée du Danube et les provinces en état de siège de VJrsovie à la mer Noire. Paskcwitch n'arrivera qu'en avril à l'armée du Danube; jusque là, les Russes ne franchiront probablement pas le fleuve; et on ne croit pas ici au récit de la Gazette Ile Cologne sur le p1ssage du Danube par Gortschakoff à Ibraïla et la clestruclion rleii batteries et retranchemens de Matschin sur la rive droite. A Kalarasch, 2,000 Arabes ont franchi le Danube et ont ess~yé d'enlever les batteries russes ; ils ont dû abandonner cette entreprise après une lutte acharnée de quelques heures. Le mauvais temps suspend d'ailleurs les opérations militaires en Asie comme en Europe. La France voit avec froideur, avec mauvaise humeur même, la guerre et le départ des troupes ; l'emprunt, ouvert par décret par ~oiede souscription nationale et individuelle à un taux fort avantugeux pour les prêteurs, est accueilli - au dire des feuilles offi- <'iellcs- avec enthousia.rn1e. Les banquiers, qui comptaient en bénéficier, doivent êt.re assez mécontens. Quant à l'enthousiasme, vr.aiou faux, peur l'emprunt de 250 millions, il faut remarquer que plusieurs corporations officielles ( avout>s, notaires) donnent l'exemple de la souscription empressée à laquelle sont sans doute conviés tous ceux qui dépendent du gouvernement, et ceux aussi qui peuvent avoir à le craindre. Le Moniteur réprimande un préfet qui a, par circulaires aux maires, etc., euité le zèle de ses adm'nistrés pour l'emprunt: ce préfet aurait, en effet, dû s'en tenir aux avis officieux, très bien compris et suivis sous le régime de bon plaisir qai gourerne. - La fusion fera bien de souscrire: on punit sévèremént l'hostilité de ses organes; I' As6emblée 1iatio11ale st suspendue; la Gazette de Lyo11 reçoit un avertissement; la Gautte de Flan1ke est frappée aussi. MM. Guizot, Montalembert, Berryer sont ainsi tour à tour mis en demeure : g:ire à ceux qui resteront neutres. L:i neutralité ne sera pas plus permise à l'Ïlllérieur qii'à l'extérieur; et L. Bonaparte paraît décidé à séTir contre la" Conspiration du silence'' aussi bien que coutre "l'expectative•' des puissance allemandes. Il paraît que la Prusse et l'Autriche - très désireuses d'éviter de se prononcer - :rnraient voulu tenter de nouvelles négociations. Le prince de Hohensolbern est venu faire des propositions au nom de la Prusse et officieusement - pour la Russie. L. Bo11aparteaurait répondu : il est trop tard! ( It is too late, disent les eorresponclancesanglaises). - ·Et l'on ajoute que les puissances occiclrnt1ks veulent que la Prusse et l' Autriçhe prennent parti dans la guerre et sortent d'une attitude en apparence conciliatrice, mais oi\ les hommes d'Etat pressentent une trahison. Le ministre de 11anteulfel, ..interpellé s11rce point par le comte Schwerin clans le parlement prussien, a fait une réponse évasive, protestant ponrtant de son .amitié pour les puissances occidentales. La Droite, seule, pousse la Prusse vers la Russie : la Gauche, le Centrt ganche, les catholiques, les Polonais, les pro,inccs rhénanes demandent également la guerre au Czar. En Suède, en Danemark, l'opinion se prononce énergiquement contre la Rnssie. A Copenhague, la. question se complique d'une velléité de c:>up d'état: les aeux chambres ont, à la presqu'unanim té, voté une adresse au roi pour rappeler la Couronne au respect <lel I Constitution et déclarer ieur défiance contre le ministère. - Il règne, disent les feuilles allemandes et françaises, une grande agitation en Hongrie et en Italie : une émeute causée par la disette à Fabriano (Etats du pape), une autre sur le chemin de fer de. Venise ont été réprimées par les soldats Autrichiens: mais la fermentation est extrême. Le Coup d'état en Espagne para1t réussrr : les journa.li1,tes, les députés, les officiers emprisonn(s, déportés; le régiment de Cordova vaincu et forcé de fuir en France ; le colonel Hore tué à Saragosse; le co'o:1el La Torre, épuisé de fatigue, mourant de faim, arrêté et fusillé, voilà la position quant à présent. Une autre insurrection, celle des Hellènes contre le Sultan, ~e propage clan5 l'Albanie, ]'Epire, la Thessalie et .jusques dans l'île de Samos. La forteresse d' Art:t tient toujours contre l'insnrrection; iles troupes turques sont expédiées de Constantinople et d'Egypte; des vaisseaux anglais et français croisent sur les c6tes; les agens tles Puissances occidentales exhortent les Grecs à ne pa1, s'insurger, à co:npter sur l'intervention des Puissances chrétiennes pour les placer enfin sur le pied d'ég-alité avec les Musulmans, et à ne pas prêter appui à la Russie qui lenr. apporterait une oppression plus dure que celle des Turcs. Le Sultan vient déjà 1P:iccorder un nouveau droit aux Chrétiens, celui cl' être reçus à plaider dans les tribunaux comme les Turcs ; et les négociations ouvertes à Constantinople enlèveront probablement tout juste sujet de plaintes aux sujets chrétiens de la l'orte. Tandis que le Koran passe .l la tolérance, I' Empereur des Français rend aux jésuites l'établissement qn'il leur avait enlevé à St.- Etienne, pour les p1mir d'un enseignement falsifié aut:mt que fanatique; et le prince Lucien l\lurat, grand maître du grand Orient cle France, interdit la Revue maqonni z1ie du F. •. Cherpin, de Lyon, pour avoir reproduit certaines altercations snrvenueR à Marseille entre le grand maître et quelques ateliers! La liberté ~migre donc en Orient? Salut fraternel. Ph. FAURE. A.insi qu'un des derniers numéros de l'Homme l'avait annoncé, une réunion générale des proscrits français a eu lieu à Londres, le 15 de ce mois. Il s'agissait d'aviser aux moyens de secourir les proscrits sans travail et sans pain. La réunion a décidé qu'une Commission de J 5 mcmhres, ~lne pour un an, aurait à prendre les mesures qu'elle croirait utiles dans ce but. Le scrutin, auquel ont pris part 104: votants, a donné pour résultat la nomination des citoyens L1rnRu-RoLLIN, Louis BLANC, FÉLIX PYAT, MARTIN BERNAtrn, PELLETIER (Rhône), VrcToR ScHŒLCHER, GREPPo, NADAUD,MALARME'l',A. ÎALANDIER,N. RoussEAU, AUDRY,BENOIT (Paris), LŒRHNER, LALLEMAND, Nous empruntons à une brochure actuellement sous presse le fragment suivant. Cette pièce est extraite d'un ouvrage ayant pour titre : Flagellatious. Le volume paraîtra bientôt, LE SUP:PLICE. Supplice! - mais lequel!- Sous la peau ùe l'infànle Si le germe moral était, un reflet ù'âme, Quelque chose d'humain, bien que dégénéré, Un signe enfin, touchant un ty)'e vénéré, Je dirais, moi, champion de tous ceu,c qu'on opprime: " .\Iire-toi, scélérat, vois en face ton en me, •· !"plendide est le cortôge : orphelins, veuves, morts, "Exilés ...... assassin,je té vone aux remords! 1 '- R~1nords l lui, des remords! est-ce que Laccuaire i,cs sentit un seul jour? en bHe sanguinaire li se glissait, de nuit, aux ri,paires gluans, Aux lupanars boueu:,c, dan~ ces antres puans Où toujours l~as~assin trouve, sous porte close, Uu ])[aupns; un J.forny pour édicter la clause Qui chan~e en Saint \ïnceut de 1'a11Isire Mandrin. Bientôt vient s'échapper de ce noir Sauhédrin St.-Arnaud, Canrobert, ll[agnau. Heybell, de Cotte, Tueurs stipendiés, gens de 111e11rtret t de crotte, Sur le Peuple; à prix d'or, exerç,u1t leur métier Comme sur les pourceaux le fait un charcutier. Soutenu par Avril, l'atroce mercenaire, N'était-ce pas ainsi que faisait Lacenaire 1Jlonr tous ces malandrin~, repus. de saug des mort!!, Qu'est-ce que la voix s11inteet le cri ùu remords / Un supplice 1...... oh_!oui, certe, il en faut un supplice .. , Vengeur!- l'humanité ne peut être complice De tant d'ignominie et de lâche fureur. - Quel tourment inventer pour ce monstre-empereur'/ Oh ! laissez, laissez faire: après la somnolence 1.e Peuple se réveille; un lugubre silence Vient glacer le tyrau jusque sous l'oripeau: Le frisson de la peur fait crépiter •a peau. J.a peur! philtre infernal, implacallle tortu1·e ! La peur à cette lâche et hideuse nature f~'impose sans pitié, comn1e u11spectre; à traver, !.es parfums dn printemps, la brume des l<ivcrs, J.a peur le suit toujours, pantelante, gelée, Posant Hl. froide main sur la tlte pch!e l)c l'obsc~11e assassin, de l' Empereur sanglant, Malgré ses assommeurs, Caïn toujours trembti,nt. La peur! la peur le suit m~mc sous les tendrcs1,e~ Ue Montijo-Téb11.i le baisor, les caresses Sont pour lui le frisson, le bai1,er de la mort.- La peur, froicle vipère, à toute -heure le mord: mie desr.end du lit, elle s'nsseoit à table Côte à côte avt·c lui.--D'un reg-ard lamentable Le César meurtrier cherche si le pôison 1''e.;;t pas, cou:·tisan S()Upl(',entré dans la m:i.ison. --- Quel tourment ! ponr le fuir il rnrt des Tuileries. La petlr le mène droit au champ tle ces tueries Où boulets et mitraille ~ventraicnt les Yieillards, Les femmes, les enfaus ...... droit >\ ces boulevards Où le rnng fume encore et cric à tons : vengeance!- ]l'un regard, d'une ,·oix il qulte l'indulgence: 2'!épt·is, courroux latent, hai11e,dégoôt, honeur-, Tel est l'encens qui fume an nez de l'l~mpereur. Pour un instant la peur fait silence. La raue Le gaisit à la gorge et fait monter l'orage. 0 JI pense, atroce idée! au moyen de punir Ce l'aris insolent refusant de bénir J,e doux triomphateur qui parqueta ~es rue• De chairs d'enfant, de femme, à peine disparues; Il voudrait, le mandit, que l'affrèu,c sot\veroir Ne vînt iamais de sang maculer l'a\'l~nir.- Sou œil terne, vitreux, se tourne ,•èrs la plaine: " D,• là, dit-il, de là j'aurai Yengennce pleine; " A l'abri dans mes forts, ainsi qu'un demi-dieu. " J'effacerai l1al'is snus la tromhe de fou; '' Sur leurs corps mutilés, sur Jeurs maisons en cendres-, " Ue mes hauts lieux alors on me verra descendre! Il croü ouïr déjà ses lugubres 1a1nbours Et, la bave à la bouche, il arrive au:,cfaubourgs. C'est comme anx boulevards ~ calme effuy,rnt œil li croit voir s'agiter au loin, dans la pén1Jrnbre, [,ombn·,- Des spectres mcn~ans portant an front écrits 'Ces mots: Cayenne, Afrique, assasiji11nts, proscriti ! - La peur alors revient, écrasante, terribl~; Elle montre au maudit quelque·r.hose d'hnrrible.- ·Sa màchoire, encor ferme une hetlrc :îuparàvant, Claque ainsi que les os d'un squelette en plein nnt, li tourne b, ide alors et 1·e11treaux Tuileries 'Le corps ·brisé, les chairs d11visag-e flétl'ies: li lient courir partout le frisson du trépas.- La peur lui-crie alors:" tu ne dormiras paR! " - Et nou!ol:l.es voix de l'air, ~ncrriers penseurs, poètes, Nous clü jm,tc et du beau tid~les interprètes, Nous crions:" tu te vercls en effort~ superflus, ·u O César; mire-toi. tu ne dormiras ))lus!"- La pcnr ! ,·il SL-élérat, la peur! c'est ton supplice; Entends-le bien ; il faut qnc le sort s'accompli~se. Tu croyais, sous l'effort de tes coupe-jarrets, Du juste .:t du suhlimc effacer les arr,;ts; Fou crue)! - exilés après le grand 11aufrage, sNouggnrdons contre toi 111fo. rce, le courage; Nous a\'ons, pour punir les traîtres, les pervers, Le droit, l'honneur, la foi. la pensée et nos vers, Oui! uous t'exécutons eu vers, b-ltar,J immonde, nôdeur de nnit \'enu pour outrager le monde Du repou sant tableau, du 1·écit fabulem: l)e tout ce que le crime a de plus crapuleux. Nous te clouons en ,·ers au pilori, maroufle; JleYines-tu poun1uoi !- c'est que l'âm" est le souffle )1is par le créateur au sein de ,'être humain J>our lui montrer d'en haut l'espoir du lorndemain. Non pas ce lendemain de crapule et d'orgie Dont Vfron, toi, Chenu, Vieyra, sont l'eftigie. Mais ce gra11cllendemain d'honneur, de probité, Qui, par la voix des cieux, nous crie : gternité 1 J\ous le supplicions en vers, forban sordide, I>arceque des eufans le cœur neuf et ca11<1irle, Le <."œurmême de l'homme, en ses âges clh·cr~, Garrlent mieux un récit encadré dao,s le ven;, La mémoire d II cœur et celle de la tète Gra, ent en traits de feu l'~pouvantable fêt~ Oue tes vils prétoriens, pour te faire emperenr, Inauguraient, gorgés <le \'În, de sang, d'horreur. "'crhnel, tu te débats en vain: ùel'Atiulcterre La poésie envoie aux deu,c bouts de la terre Le récit lamentable, effrayant, infernal, De ton jour d'Austerlitz, à toi.- Sombre fana.! Dont la lueur snnglaute outrage et parodie Le soleil du pa$sé. -· C'est là ta maladie, Maniaque imitateur; mais a\'ant tout boucher.- Et, ce jour-là, pourtant, tu sus bien te. cacher. J. CAIIAIGNE, Jersey,ja,u;icr l~-t. Ici se déroule l'histoire complète du person:nage. Le poète usant d'une ironie sanglante a choisi le même rhytme que celui employé autrefois à la glorification de l'oncle prétendu de ce faux neYeu. Le contraste est ac• cablant. . VARIETES. Assassin~ le 30 janvier 1793 par le garde dn roi, Pàris, Le Pelletier Saint l!~argeau laissait deux manuscrits d'une haute importance, tant à cause <ln no:n de l'auteur que de la grandeur de l'assemblée pour laquelle ils avaient été faits. Ce~ deux œuvres avaient pour objet le code pénal et l'éducation nationale. Ce dernier plan dont nous donnons quelques extraits fut lu par Robespierre à la Con. vention le 13 juillet 1793. " Il existe dans la République quarante quatre mille municipalités ; on propose l'établissement de vingt à vingt cinq mille écoles publiques : il est clair que la proportion m11jeure sera à 11euprès de deux paroisses par école. Or, personne ne peut douter que la paroisse où l'école sera placée aura de grauds avantages pour la continuité, la comm~dité de l'instruction, et pour la durée des leçom, ' " t ne bien plus gramle inégalité va s'établir encore à raison des diverses facultés des parents; et ici, les personnes aisfrs, c'est-à-dire le plus petit nombre, ont tout l'avantage. " Quiconque peut se pagser ùu travail de son enfant pour le nourrir, a la farilité de le tenir aux écoles tous les jours, et plusieurs heures par jour. " Maig quant à la classe indigente, comment fera-telle? cet enfant pauvrt!, vous lui offrez bien l'instruction; mais il lui faut du pai11. S011 pète laborieux s'en prive d'un morceau poiir le luj donner ; mais il faut que l'en• font gagnt' l'autre. Son temps est enchainé au travail, car au trc.vail est enchàîné sa subsistance. Après avoir passé aux champs 1111c journée pénible, voulez-vous que pour repos, il s'en aille à l'école éloignée peut-être d'une demilieue de son domicile? Vainement vous établiriez une loi coërcitive contre le père, celui-ci ne saurait se passer journ:::l!ement dn travail d'un enfant qui, à huit, neuf et <lix ans, gagne déjà quelque chose. Un petit nombre d'beures par semaine, voilà tout ce qu'il faut sacrifier. Ainsi Pétablissement des écoles telles qu'on les propose, ne sera, à vropremellt parler, bien profitable qu'au petit nombre de citoyens indépendans dans leur existence, hors de l'atteinte dû besoin; là ils pourront faire cueillir abondamment par leurs enfans les fruits de l'instruction; là il n'y aura encore qu'à glaner pour l'indigent. " Celle époque, d'après lt:!sconvenances particulières et l'existence politique de la France, m'a paru la plus convenable pour le terme ùe l'instruction publique. " A dix ans, ce serait trop tôt, l'ouvrage est à peine ébauché. " A douze ans, le pli est donné, et l'impression des ha-- bitudes est gravée d'une manière durable. " A. dix ans, rendre les enfans à des parens pauvres, ce serait souvent leur tendre encore une charge ; le bienfait de la nalion serait incomplet. " A douze ans, les enfans peuYent gagner leur subsist:mce ; iis apporteront une nouvelle ressource dans leur famille. " Douze ans est l'âge d'apprendre les divers métiers, c'est celui où le corps, déjà robuste, peut commencer à se plier aux travaux de l'agriculture. C'est encore l'âge où l'esprit déjà formé peut, avec fruit, commencer l'étude des belles-lettres, des sciences ou des arts agréables. " La société a divers emplois : une multitude de professions, d'arts indastriels et de m~tiers appellent les citoyens. " A Jouze ans le moment est venu de commencer le noviciat de chacun d'eux~ plus tôt, l'apprentissage serait prématurée; plus tard, il ne resterait pas assez de souplesse, de cette flexibilité, qui sont les heureux dons <le l'enfance. " Jnsqu·à douze ans, l'éducation commune est bonne, parce que, jusque là, il s'agit de former, non des laboureurs, non des artisans, non des savans, mais des hommes pour toutes ies professions. " Jusqu'à douze ans, l'éducation commune est bonne, parce qu'il s'agit de donner aux enfans les qualîtés physi. que:s et morales, les habitudes et les connaissances qui, pour tous, ont une commune utilité. " Lorsque l'âge des professions est arrivé, l'éducation commune doit cesser, parce que, pour chacune, l'instruction doit êtr-e différente; réunir dans une même école l'apprenti&sage <le toutes est impossible. " Prolonger l'institution publique jusqu'à la fin de l'adolescence est un beau songe ; quelquefois nous l'avons rêvé délicieusement avec Platon; quelquefois nous l'avons lu avec enthousiasme réalisé dans les fastes de Lacédémone· quelquefois nous en avons retrouvé l'insipide caricature dan; nos collèges; mais Platon ne faisait que des philosophes ; Lycurgue ne faisait que des soldats ; nos professeurs ne fdisaient que des écoliers. La République française, dont la splendeur consiste dans le commerce, l'industrie et l'agriculture, a besoin de faire des hommes de tous les états; alors ce n'est plus dans les écoles qu'il faut les renfermer, c'est dans les divers ateliers, c'est sur la surface des campagnes qu'il faut les répandre ; toute autre idée est une chimère qui, sous l'apparence trompeuse de la perfection, paralyserait ùes bras nécessaires, anéantirait lïndustrie, amaigrirait le corps social et bientôt en opére• mit la dissolution. " Cette inégale répartition du bienfait dcS" écoles pri-

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