-SCIENCE.- -SOLIDARITEJOURNALDELADEMOCRATIUENIVERSELLE. N° 16. - MERCREDI, 14 MARS 1854. 1 ce .Journal parait une fols par semaine,/ A LABOURGEOISIE. II. LA RÉPUBLIQUE. (1) Yoilà donc, ô Bourgeois, l'ordre et la paix que vous avez préférés à la République, à la République cle Février! Pauvre bonne Rêpublique ùe 48, si bonne que vous l'a•;ez manrrée ! Pauvre sainte et pure victime, si haïe, si méprisée, si mécinnue si accusée avant comme après, qui n'a pas enlevé un cheveu d'~ue tête, un sou d'une poche; non, pas un acte de violence, pas même ùe justice, _pas une g?utte de sang ver~é, pas un~ obole saisie, ni échafaud, Ill confiscat10n au dedans, m canon, 111 conquêtes au dehor~et à qui vous reprochez tou~ours le vol et le meurtre : un agneaµ mangé entre deux calommes; soyez donc mouton! Pauvre inoffensive République, si bénigne que loin d'attaquer, elle n'a pas même su se_défe1'.dre; s} paisible et ~i douce que l'Empire semble révo~utlonn~1reà_coté. ~a~~re Re~ publique innocente, tout le contraire de l Empire en Y~nte! Ah. c'est le caractère particulier 1 de ?ette jeun~ Répub_hque. f être tombée en vraie chrétienne, d avoir ét6 pacifique, bienveil,ante, clémente envers ses ennemis jusqu'à en mourir. On dirait d'une victime expiatoire. On dirait qu'elle avait mission de racheter par w1 exci!sde r6signstion et de patience l'irascibilité et l'éne_rgie de l'ancienne; qu'elle devait prouver au monde que République n'était pa$ synonime de sang, Révoluti?n d~ te_rre~r,_Dém~crat~e de guillotine; que tout cela au contrair~ s1g_mfiaibt ie!1 L1be~te, Egalité, Fraternité ; que tout cela voulait dtre Tr~va_il,Justice, Amour; que la République, ce règne du Peuple, eta1t le règne de Dieu; que sa souveraineté était Grâce; que la Répu~lique démocratique et sociale c'était l'ordre véritable et la véritable paix! . . En effet, le lendemain du 24 Février, que fit le peuple vamqucur? Il grâcia les vaincus. Que fit le peuple armé? Il iarda T0Sbanques. Que demanda le peuple souverain? Le Droit au travail. Que prit le peuple maître? Ses épargnes pour le trésor. Que vota le pauvre peuple? Crédit de trois mois de misère à la patrie. Ah I nous nous souviendrons toute notre vie d'avoir vu à l'éeMance, les trois mois passés et un en sus, jour pour jour, la veille même du 24 Juin, d'avoir vu et lu, dans un atelier de Paris, un reçu signé Garnier-Pagès pour un don patriotique de 300 francs, fait par vingt ouvriers. Nobles prolétaires, ils donnaient leur vie le lendemain l O Bourgeoisie, vous n'avez pas compris ce peuple de 48; vous n'avez pas compris ce cal!ne et grand mouvem~nt dan~ 1~ voie du progrès et de l'avenir pacifique, ce pas tranquille mais immense du géant de la Révolution. Non, permettez-nous delvous le dire, vous n'avez pas compris la République de Février et vous l'avez calomniée pour la tuer. Vous êtes les aînés, les initiateurs du peuple, d'accord; vous l':nez précédé et guidé dans la voie politique, soit; mais arrivés à votre but, vous avez laissé l'élève derrière espérant qu'il s'arrêterait en chemin; et il vous a devancés. Ce q~e nous vous disons là va vous faire rire 0\\ crier, n'importe! c'est la vérité, et l'histoire l'enregistrera à votre honte. Sans doute vous êtes érudits, savants, lettrés, habiles, experts en théorie comme en pratique; mais vous avez les défauts de ves qualités, et quelques autres avec. Vous êtes sceptiques, vaniteux, peureux, avares, inhumains, impies ; vous n'avez ni ampleur, ni hauteur de vue, ni sentiment de l'idéal, ni vie collective, ni généralité, ni générosité. Vous avez l'instruction, l'éducation, la tradition, toutes les connaissanc11spossibles, littéraires,scientifiques,politiques, etc., tout ce qui vient des livres, du loisir et de l'étude, mais il vous manque l'inspiration, l'intelligence du cœur, la flamme et la lumière du dévouement, le rayon de l'amour; Tousn'avez pas même eu en 48, comme vos prédécesseurs les nobles de 89, un bon premier mouvement, une nuit du 4 aoO.t.Non, vous n'avez pas compris la République de Février. Vos esprits aussi étroits que vos cœurs n'ont pu admettre un monde d'harmonie et de justice où chacun eût droit et part, une providence universelle, la vie pour tous. Votre égoïsme, presque de bonne foi, ne comprend l'ordre que par l'iniquité, une société d'élus et d'exclus, de privilégiés et de parias, Dieu pour personne et chacun pour soi l Voilàvotre loi ! Cert~s, il y a parmi vous des exceptions et de nombreuses, des âmes d'élite qui ont suivi et même conduit le peuple, comme jadis la noblesse avait ùes Mirabeau, des Lafayette qui marchaient avec ou devant vous. Qu'étaient Desmoulins, Danton, Robespierre et .Marat ltù-même? Des Bourgeois faits Peuple pour le guider. Et nous-mêmes qui n'avons que le mérite de Je suivre, nous sommes sortis de vos rangs pour aller avec lui, parce qu'il vous a dépassés dans la voie de justice, et nous vous _tendons la main, rudement mais franchement, pour vous ramener à lui, Oui, maîtres, ce peuple votre serviteur, ce peuple de Février si déférant, si confiant, si patient, si naïf, qui a remis la République en votre pouvoir, se réjouissant plus de votre conversion que de tous ses justes, ce peuple ingénu qui vous a élus ses représentants, se souciant plus des principes que des hommes, mais qui vous attendait aux élections de 52 pour vous juger en paix, ce souveraindébonnaire que vous avez prévenu en le refaisant multitude au 31 mai, pour le refaire sujet au Deux Décembre, ce Jacques-Bonhomme qui vous a cru républicains sur parole, et c'est là sa seule faute, et que 'vous avez trompé sciemment et c'est là votre crime, ee peuple enfin plus facile pour vous à duper qu'à comprendre,!:tait votre supérieur, en intelligence et en moralité, comme en droit. Il faut bien vous le répéter pour que vous parvenie,; à le croire, ce grand peuple que vous voulie:a encore retenir ou mener en laisae, vous avait distancés depuis longtemps. Ce peuple majeur que vousvouliez garder en tutelle, que vous déclariez mineur, incapable, ce souverain pupille, digne tout au plus de 10n plat de lentilles, à qui vous n'osiez pas refuser le droit, mais l'exercice du droit, ce peuple était de. cinquante ans plus (l) S111n,- Ve1irp, ou la pwniêre putle. lo llUlllÔlO l~, dllIman. Toutes lettres et Mrresponda1ces doivent être affranchies et adressées au bureau de l'Imprmerie Universelle à SaintHélier (Jersey), 19, Dorset Strert. -Les manuscrits déposés ne seront pas rendus. éclairé que vous. Il était d'u,,...demi-siècle en avant de vons. Vous n'aTez rien compris, vous ne pouviez rien comprendre. à sa nouvelle République; vous en étiez encore à l'ancienne Vous en étiez encore à 93, qu'il en était, lui, à 48. Vous ne rêviez qu'échafaud et il destituait le bourreau ; vous ne voyiez que pilla"'e et il proclamait le le clroit au travail ; vous ne parliez que de t:rreur et il ne parlait que d'amour. Oui, même les plus avancés d'entre vous en étaient toujours aux frayeurs de 93; légitimistes de la Révolution, n'ayant rien appris, rien oublié, attardés, arriérés dans leur5 transes, parmi les spectres et les :iffres du passé. Le peuple, lui, n'est pas rétrospectif, pas savant, pas érudit; il est intuitif et vivant. Il n'est pas bachelier ès lettres et arts, il est bachelier en Révolution. Il ne lit pas l'histoire, il la fait. Il n'étudie pas, il agit. Il ne vit pas dans les livres, mais dans la vie. Il n'existe pas dans le 'passé, mais dans le pré~ent et vers l'avenir. La science hi vient de la conscience ; sa tête marche avec son cœur. Il ne fait pas comme vous, commères de GomJrrhe, qui retournez les yeux en arrière et restez pétrifiées en chemin. Entraîné par le besoin et le sentiment dans le courant révolutionnaire, il ne Je remonte pas, il Jedescend. Il suivait donc d'instinct les jzunes idées de son temp.s. Il s'inspirait des grands principes d'association et de solidarité, révélés en lui par Saint-Simon et l"ourrier. D'accord en cela avec votre chère maxime de la paix à fout prix, il ne voulait plus qu'amitié, union, organisation. Désarmé par cette philosophie, par cette philanthropie extrême, n'ayant foi qu'en la force de l'idée, ce n'était plus le peuple belliqueux, susceptible, irritable de 93, répondant coup pour coup, aux poignards par la hache, à l'épée par la pique, se défendant comme on l'attaquait, se faisant arme de tout, du couperet comme du canon, et demandant b liberté ou la mort. C'était le peuple nouveau d'une Révolution nouvelle, ne respirant ni le sang ni la poudre, n'en voulant qu'à la misère et à l'erreur, ayant pour armes des outils, pour drapeau le tablier, pour uniforme la blouse, pour Marseill<iise le Chant du Travail, pour ennemi la. matière, pour conquête la nature, C'était bien toujours 3Ufond le grand peuple de France, enthousiaste, ardent, magnanime, héroïque, marchant avec le mêmé sentiment du droit et du devoir, la même patience, le même courage, le même dévouement, pieds nus, bras nus à b conquête pacifique du monde pour le bonheur commun, comme il marchait jadis contre les trônes, pour la li. berté de tous ! Chaque rlivolution pose13onproblème, si el111 ne le résout pas : 93 l'affrat.chissement politique, 48 l'affranchissement social, et vous avez tout confondu. Le peuple, lui, t:st original comme le progrès qu'il incarne; il ne se copie pas. Il laisse l'imitation aux singes et aux empereurs et il avance. En effet, suivez-le dans ses clubs, dans ses banquets, vraies agapes, à l'atelier, au plaisir, à la peine, jusqu'3ux barricades même ; écoutez ses chants, ses discours, ses plaintes, jusqu'à ses cris d'émeute, partout et toujours vous retrouvez obstinément la même pensée, cette foi dans le travail, cet amour de la paix, cette espérance dans la justice, cet esprit divin de bonne volonté, de fraternité, d'unité, une sorte d'affirmation, de confession religieuse des deux grands principes qui lui appartiennent en propre, l'association des citoyens et la solidarité des peuples, une véritable religion nouvelle, sans victimes cette fois et sans dimes, dont le travail serait la prière, l'ouvrier le prêtre, l'humanité le Dieu, le monde le temple, et la République universelle l'église. Oui, un verbe nouveau, un besoin suprême de communion infinie, une aspiration sainte et sacrée, une passion sublime de relier l'homme à l'homme et à la nature, de se perfectionner, de s'élever, de se déifier par les œuvres, de se refaire à l'image de Dieu, tout puissant par la vre et non par la mort, par la création et non par la destruction ! Nous n'entendons pas par là louer le peuple absolument. Il ne faut jamais désarmer devant l'ennemi. Combattre le mal est un ~aint labeur aussi. Nous constatons seulement les faits. Le sentiment populaire était donc généralement à la concorde, à l'oubli, à l'union. Et voilà justement ce que vous n'avez pas compris. A ces nobles illusions, à ces espérances légitimes, à ces élans, à'ces transports généreux, à ce vœu cordial de réconciliation, qu'avez-vous répondu? Ah! l'honnêteté et la modération, ces deux vertus de votre mot d'ordre, elles étaient bien véritablement avec le peuple, et non avec vous, il les avait dans l'âme et vous ne les aviez qu'aux lèvres Vous êtes restés armés, défiants, insultants, le cœur plein de peur et de haine, - on hait ce qu'on craint, -la bouche pleine de menaces, la main pleine de coups. Vous avez tendu les bras, vous aussi, mais pour frapper; vous êtes venus à lui en frères ennemis, impitoyablement, avec des ressentiments, des réactions, des résolutions implacables; vous l'avez abusé, provoqué, dépouillé, attaqué, exécuté, en bataille, en grève, et en secret, vous lui avez fait tout le mal que vous avez pu. Mais en retour, vous lui avez appris du moins à ne plus poser trop tôt les armes, à ne plus s'en fier à la philosophie, à voir que l'idée ne suffit pas en ce monde, qu'il faut encore l'action; que l'homme n'est pas un pur esprit et que la force qui fait prévaloir même le privilège, est nécessaire aussi pour le triomphe du droit. A quelque chose malheur est bon! Ceux donc qui vous représentaient dans le gouvernement et dans les assemblées, prêchèrent, comme on sait, la pauvreté au peuple, augmentant l'impôt et supprimant le travail, imaginèrent les 45 centimes, lui prenant la bourse d'abord, la vie ensuite, recevant son argent et lui rendant du plomb, refirent de la. dynastie avec le frère de Cavaignac, en attendant le neveu de Bonaparte, rétablirent le pivot des monarooies, l'échafaud en att~ndant le trône, augmentèrent et perfectionnèrent tous les ustensiles de règne, police patente et occulte, gendarmes fixes et mobiles, juges à pied et à cheval, inventèrent les pontons, les prisons dans l'eau, la transportation, la colonisation des cimetières, toutes les horreurs des vieux et nouveaux mondes. Bref, vous avez fait sous le nom d'ordre public cette terreur que vous redoutez. A ceux qui demandaient du travail vous avez donné le combat, vous avez ré. pondu la misère ou la mort! Rappelez-vous que la seule bataille sérieuse de 48 s'est livrée en Juin, aur une question de travail, après la brusque suppression des ateliers nationaux. C'est votre ami Falloux, qui a allumé la guerre civile avec son cierge, avec son soufre. C'est ce pieux Cad. mus qui a aemé les dents de son dragon, c'est ce bon magicien qui a changélei travailleuresn combattants, qui les a forcé,do ON s' ABONNE : 1 PRIX DE L'ABONNEMENT : A Jeriey 19 Dorset st. Un an, 8 shillings ou 10 fran es. A Londr;s, 50½, Great Queen st. Six_mois'. 4 sh. ou 5 fr. Lincoln's-Inn-Fields, à la Li- , Trois mens, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. A Genève(Suisse), chez M. Çorsat, CHAQUE NUMÉRO : libraire, rue Guillaume-Tell. 3 pences ou 6 sous. quitter l'outil pour le fusil; c'est ce saint Falloux qui a tué 10,000 citoyens et qui se porte bien, ce pauvre homme! ce Falloux qui a tué deux républiques et qui vit encore! 0 Juin, mois funèbre, funeste aux peuples, en France comme à Rome, partout! ô néfaste journée du 24, ô triomphe maudit de la contre-révolution, les drapeaux de l'insurrection vah1cue apportés en trophées à l'assemblée constituante par la garde mobile, hélas I portaient sur un fond noir, en signe de deuil, les nobles instruments du travail, l'équerre, le compas, le niveau que vous aviez brisés dans leurs m:i.ins, inutiles et vains emblêmes qu'entourait la fatale devise lyonnaise : Vivre en travaillant ou mourir en combattant! Ils sont morts mais libres, et vous vivez, mais esclaves! Vous leur avez pris la vie, mais vous avez perdu la liberté ! Vous leur avez pris leurs droits, tout, jusqu'à leur plat de lentille, mais vous avez perdu votre souveraineté. Vous leur avez pris la République, mais vous vous êtes donné l'Empire. L'Empire venge la République. Nous avons donc raison de vous dire que vous n'avez pas compris la République; et nous ajoutons : ni l'Empire non plus. Insensés, vous avez pris l'ami pour l'ennemi et l'ennemi pour l'ami. Vous avez vu le danger où était le salut et le salut où était le danger. Comme le taurec1uqui a peur d'un chiffon rouge et qui se jette sur l'épée du matador, vous vous êtes jetés par peur du peuple, sur l'épée de l'empereur. C'était pourtant votre vieux compagnon d'armes, ce peuple haï. Vous aviez pourtant combattu jadis ensemble prêtres et rois. Vous l'aviez admis à la peine, mais non au profit. Ce qui n'était pas juste, avouez-le. Et ce qui n'est pas juste n'est pas sftr. De là tout le mal. Il vous a fallu alors relever contre lui ce que vous avez abattu avec lui, autel et trône, pour abritervos ca:sses. Il vous a fallu prendre un sauveur! Pai: malheur, il vous a trop sauvés. Il faut du salut, mais pas trop. L'excès vous pèse déjà. Vous voilà aussi déjà comme le pape à vous repentir de votre délivrance. Vous sentez ce qu'il en coO.ted'être assuré à la compagnie impériale; vou.s f:lnêtes à regretter le danger, à trouver le remède pire que]~ mal, .,à.,voirla République rouge plus rose, et Soulouque plus noir. Vous commencez cl trembler de ce sauvetage obstiné, de cette assurance permanente, de cette pierre infernale qui n'agit pas une fois, mais sans cesse, de ce coup d'état qui n'est pas accidentel, exceptionnel, mais chronique, mais perpétuel, qui devient une institution, un systême, un gouvernement. Vous concluez avec raison que qui peut vous sauver peut vous perdre. Vous vous trouvez plus menacés, plus compromis, plus exposés que jamais dans tous vos chers intérêts ; vous commencez à comprendre qu'il valait encore mieux offrir volontairement au droit ce qu'il faudra lâcher à la force • que vous aviez plus d'avantage avec vos aptit.loldesous une ère de libert,, de capacité, de justice, que sous le bon plaisir des gendarmes, des jésuites et des mouchards. Nous vous connaissons bien, nous savons que l'Empire n'est pas ce qu'il vous faut, ni l'empereur non plus, que vous n'aimez pas, que vous n'avez jamais aima ni l'homme ni le gouvernement. Vous avez pris le tout comme une médecine, en rechignant. S'il y a quelque chose au monde qui vous répugne et vous révolte au fond, qui vous donne nausées et tranchées, qui soit répulsif et contraire à votre tempérament, c'est l'empire et l'empereur. L'empire c'est la soumission, bon gré, mal gré, de tous les peuples à un peuple et de ce peuple à un homme. C'est dans sa plus haute expression philosophique l'unité aussi, mais l'unité par la force, par l'arbitraire, par le despotisme. C'est l'unité de tyrannie. Les plus rudes Césars et l'oncle lui-même, un peu plus dur que le neveu, s'y sont brisés. L'unité humaine n'est possible que par la liberté, le consentement, la république universelle. Or l'empire c'est l'envers de la République, c'est-à-dire la con• trainte, le e<>mpellientrare, la réduction, l'absorption violente de toutes les volontés, de toutes les existences en une, individualités et nationalités. C'est donc nécessairement l'agression, mais aussi la résistance. C'est le réveil des antagonismes de races, des haines de nations, des inimitiés de peuple à peuple, tout ce que la République avait voulu éteindre, amortir et enterrer avec les trônes dans le même trou. C'est la résurrection de la caste militaire, la prédominance de la force illr l'idée, du butin sur le travail, de l'esprit de lutte, de vol et de meurtre, c'est le recul en barbarie, en sauvagerie, en brutalité; c'est le retour au chaos, le désordre .et la guerre universels. Non, vous n'aimerez jamais le gouvernement de fer, ce sceptre-sabre qui coupe et tranche, cette loi de corps-de-garde, cet ordre, ce silence, cet alignement de régiment, cette consigne, cette discipline, cette obéissance passive~ immonde, bestiale, machinale, absurde, exécrable, qui tient tout en joue fortune, honneur, liberté, civilisation, ·l'humanité entière au bout de son fusil; ce règae du soldat flanqué du prêtre pour tuer tout, l'âme et le corps. , L'homme, c'est encore pis. Vous êtes des gens de bonnes mœurs, de bon sens et de bonne conduite, ce qu'on appelle des gens comme il faut, d'honnêtes gens. Vous ne pouvez donc pas aimer non plus cette jeunesse forcenée, déréglée, recueil complet de tous les vices et de tous les crimes. Ce fils de l'amour et du 'hasard ; ce prince d'occasion,· cet aventurier sans foi ni loi, plus trompeur qu'une épitaphe, plus extravagant qu'une comète, plus changeant qu'un caméléon, ce capitaine d'artillerie ou plutôt d'ivrognerie suisse, qui ne tirait que les canons d'Yvorne; ce chevalier d'industrie, rebut de tous les brelans de Londres ; ce monseigneur qui engageait jusqu'à ses dents de crysocale comme de l'or et qui volait jusqu'aux prêteurs sur gage; ce faussaire séditieux qui nourrissait l'aigle de Boulogne avec les faux bons de l'échiquier; cet impur prétendant qui cumulait un autre métier dont le nom ne se prononce pas Roret; cet élève et ami, oui l'intime ami, - dis-moi qui tu hantes je te dirai qui tu es-l'intime ami d'un homme, pardon, d'un comte infâme, comte ou marquis, marquis de Sade en, tous cas, qui dépassait, et de loin, l'idéal de Molière. Tartuffe s'en tenait à la mère et à la. fille; et celui-là, horreur I épousait la fille, la mère et le père à la. fois, Ah! tout est abominable dans ces sales vies ! La pensée rougit, le mot se révolte, la langue française renonce effrayée, épuisée et souillée. Il faudrait pour tout dire le latin. le latin des empereurs, le latin de Néron, ce mari de Sporus ! Non, pères de famille, vous ne pouvez pas aimer ce Sphinx maniaque, plein de contudictions folles,.ce chef de dyn:istie épou. sant une vivandière, régnant comme un pur sang et ae mariant comme tW patl'en\l, épris et dé911da sa loséphÏlle, impuisaut \
par ~uitc d'nne fistule et ne rêv:mt qu'héritier, énervé et insatiable, incapable de travail, infatigable an plaisir, réglant ln. politique au bal, incrédule et fataliste, hypocrite et superstitieux, soldat du pape et croy,mt à l'étoile, allant de la messe il l'orgie, avalant le champagne à l'e:tu bénite et le bon Dieu aux truffes, en communion de Saint-Arnaud, le diable ermite ! Non, honnêtes vens, vous ne pouvez aimer et estimer cet Alibaba empereur, qui a fait du Louvre une ca\'erne et de l'histoire de France une hi,toirc de voleurs, q,1irésume à lui seul tontes les hontes, toutes ]es démences, toutes les misères, toutes les monstruosités de l'ère de Césa:-s, toutes les profusions de sang, de vin, d'argent des douz~ Augu_stcspayens, qui démolit la capitale pour la rebâtir à sa guise, qm donne le sportule au peuple de Paris avec le cienier des provinces, qui i:11posePersigny pour consul, <1uifait voter la sauce de ses turbots au sénat, qui a pour ministres des confidents de tragédie et d~ • valets de comédie, des complaisants et des co!11plices,des Cr: ··)ins et des Narcisses, des fripons et des sicaires, des Baroc ·, et des Magnan, exécutant en muets de sérail ses ordres , • ;croquerie et de tuerie et mangeant son reste de la France apr· lui; cet ogre toujours en fête ou en crime, frêlon en manteau t'. 1beille, attablé au budget, digérant malgrê famine ses 50 millior . le 24e du revenu public en liesse, au profit des pauvres, cette id. -:hinoise, aussi ridicule qu'odieuse, qui a des prêtres laquais et , gfoêraux chambellans, ce grand Lama de France _qui s'em ·me de porte-clés, de porte-queues, de portem?ucho1rs, de p ]-coton, de porte-cuvtte, qui se dêguise en Dieu de l'Olymp~. !l empereur de carnaval, en roi de mardi-gras, qui fait cour ou 1 .,,\Ôt courtille, tantôt en Vulcain aux Tuil~ries, tantôt à St.-Clou,l_ <'nNapoléon, tantôt à Compiègne en Louis XV, et qui dit sans doute comme ce roi bubon : après moi le déluge! Non, non, ce coupe-bourse, ce boute-feu, ce casse-cou, ce faiseur de cour:, d'état, de coups de main et de coups de tête, n'est pas votre homme et vous ne l'aimerez jamais, bien qu'il ait mis sa face immonde sur les pièces de cent sous. N;,us savons bien ce qui vous plairait, permettez-nous de vous le dire encore pour finir, Si vous êtes moins arriérés que l'Empire, vous êtes moins avancés que la République. Donc point d'extrêmes, ni République, ni Empire, ni Restauration; ni ai0 le, ni lys, ni niveau. Vous voudriez encore dujuste-milieu, un peu de danger avec un peu de salut, une royauté citoyenne entourée d'institutions républicaines, la meilleure des républiques, une monarchie constitutionnelle, parlementaire, avec chambres, presse, cens, etc., avec le coq, cet aigle domestique, clairon familier de la journée, réveil-matin de vos ouvriers. Vous voudriez revenir à vos moutons d'Orléans, aux rois qui règnent et ne gouvernent pas, aux premiers ministres, aux beaux discours, aux bons mots, aux gros budgets, dans vos mains hien entendu, à toute cette représentation à votre bénéfice, c'est-à-dire le pouvoir, l'argent, l'influence, l'autorité, la souveraineté nationale toute en vous! A ce prix, vous vous arrangeriez même de la République, d'une républi<fue royale, à patrons et à plèbe, à maîtres et à esclaves, une république bourgeoise enfin. Malheureusement rien de tout cela ne se peut plus, Nous ne vous prenons pas en traitre. Pour notre compte, nous vous le disons net, nous ne voulons plus de prolétariat. Nous nous souvenons du mot de Sieyès : Qu'est-ce que le peuple? Rien. Que doi~-il être? Tout. Plus d'intermêdiaire, de terme moyen, de transact10n, de juste-milieu possible. Vos chers princes eux-mêmes vo~s en ont donné les premiers la preuve par la fusion. Ce sont eux 9m vous ont planté là: c'est Richard qui t'abandonne, ô Blondel! ils vous ont donné le mot de la situation, l'exemple du sacrifice au principe. Prenez-en votre parti, il n'y a plus que les extrêmes ! ou la République ou l'absolutisme I princes, rois, empereurs et peuples, tout le monde maintenant est d'accord là-dessus. L'oncle l'a ,dit lui même : République ou Russie ! Nicolas le pense aussi : après Février, il se tenait coi dans ses ghces ne ,•oulant plus se mêler de l'Europe; après Décembre, il est €11 marche sur Const~ntinople, rêvant 1812. Enfin, nous Républicains, nous vous disons, comme les envoyés de Rome au roi d' Epire :Choisissez! ou la révolution ou l'invasion ! Bourgeois de France, c'est aujourd'hui le 24 Février 18{i4 ! nous ne croyons pouvoir mieux céléln·er l'annivereaire ou plutôt la commémoration de la République de 18, qu'en vous faisant un dernier appel en son nom, qu'en vous donnant la main pour sauver tous ensemble la Patrie, la Liberté, la France et l'Humanité! nons le pouvons encore! Certes, ce n'est pas pour n,~?-sque n_onsvous par~ons. Nous prenons Dieu à témoin que, s 11 ne fallait que blanchir et mourir dans l'exil pour détourner le malheur qui menace, vous n'entendriez pas mùme un soupir de nous. Nous sommes les disciples de cenx qui disaient : périsse même notre mémoire et que la patrie soit saurée ! Comme la Cassandre antique, nous prévoyons, nous prédisons le péril et nous serons les premiers à en tomber victimes. Ecoutez donc ces voix désintéressées, dévouées de l'exil, qui vous crient : proscrits de vos droits, bannis de vos libertés, vous êtes plus exilés que nous ! Ecoutez ces voix de la prison qui vous crient: enfermés dans la peur et gardés ~ar la haine, vou~ êtes plus prisonniers que nous! :E:ccutez ces voix de la tombe qui vous crient : rongés et souillés vifs par les vers de l'Empire, vous êtes plus morts que nous! , Pour votre honneur, votre liberté, votre, salut réveillez-vous, ranimez-vous, relevez-vous! et si vous êtes sourds à ce triple chœur ~e l'exil, de la prison et de la tombe, que le cri de la patrie en danger vous ressuscite ! il est temps, debout ! La France est en danger de mort. Ah! quelle que soit notre foi profonde dans le pro~rès, dans l'avenir, rhns la vie éternelle de l'humanité, quelque certitude que 11ous ayons que le bien sort quand même du mal, nous, enfants de la patrie, nous ne pouvons pourtant pas penser sans trouble que l'Europe survivrait à la France. 0 patrie! ô mère ! ô sainte nourrice du droit, source féconde de lumière et de vie, toi qui as conçu, porté, enfanté dans la douleur, allaité de ton ~ang et de tes larmes la liberté du monde, rlois-tu périr de ton subh_me enfantement? non, non ! rappelle tous tes fils à ton a,ide, les vivants et les morts, bourgeois et prolétaires; crie-leur au secours ! à moi ! tu es menacée, ils te répondront tous, oui tous, même ce fou qui préférait en pleine tribune l'étranger aux Républicains. Il accourrait lui-même, peut-être, pour expier son blasphème, son blasphème isolé, Dieu merci ! Le parricide n'est pas de son parti. C'est un crime d'aristocrate, ô Bourgeois, et vous n'êtes pas encore nobles! Vous Êtes toujours enfants de la France, com~e nous ; i:iouscroyons encore à votre patriotisme ! vous ne pourriez pas voir sans horreur la profanation du sol sacré des anc~tres et des enfants, 1: Russe au sein de la patrie, la nation frappee au cœur dans sa vie et son honneur, 12.France polluée, violée, restaurée, démembrée et partagée cette fois, tuée ! no:1! vous répondrez à notre appel! Venez à nous! rapprochez-,,ous ! ralliezv?us promptement, franchement, fraternellement ; ne soyez pas pnes que les princes, pas moins frères que les rois. Notre cause est commune comme notre berceau ; notre intérêt est commun comme _notre ennemi. Réunissons-nous donc! l'heure presse; chaque JOur est un opprobre et un péril de plus. N'attendez pas cette mortelle alternative de laisser envahir le pays ou de défendre l'Empire. L'Empire ne peut ni sauver, ni être sauvé. Il a perdu la France deux fois avec lui; nous vous redisons avec le vaincu. de l'île d'f:lbe et de Sainte.Hélène : République ou Cosaque. La Révolution seule peut trancher le dilc1.1mc; la Révolution seule peut sauver la France; elle l'a dlljà s;, '.Véeune fois! Car la Révolution c'est le droit, et avec le droit, ,a France peut lutter avec le monde. Elle l'a prouvé en 93; oui. m~is alors la Révolution règnait, elle avait la force, elle disposait de pouvoirs de la nation. :Pour repousser l'ennemi du dehors, il faut qu'elle soit quitte de L'HO~I~IE. l'ennemi du dedans; il fau: qu'elle soit souveraine maitresse du pays pour le défendre. Les 1ournécs des 9 et 10 aoüt ont précédé les tno~p_hes de _Valmy et le J emmapes et la prise des Tuileries a assure l cvacuatlon de la Fance. Aux Tuiledes ! à bas l'Empire! à bas l'empereur! vive la Frnnce ! vive la République Démocratique et sociale Universelle Le Corniti:dela Commune révolutionnaire, Félix PYAT, IorcHOT; pour CAUSSIDIÈRr:absent: RouoÉ, supJléant. Londres, 24 F~vrier. MORTETFUNERAILLES Du ~itoyen G~oI•i,îeS Gaffi1ey, IH"OSCi•it •~an~als. Encore un martyr de la liberté qui tombe et meurt sur la terre étrangère; encore un de ces vaillants que le plomb de Bonaparte n'a pu abattre et qui s'éteint loin de la patrie. La proscription de Jersey pleure de nouveau un de ses membres bien aimés, une des victimes du Deux Décembre. Le citoyen Georges Gaffney,journaliste au Hâvre avant le coup d'Etat, proscrit depuis cette époque, a succombé le huit mars 1854, à St.-HélieT, à la suite d'une maladie de poitrine, résultat d'une douleur morale. Triste conséquence des souffrances créées par l'exil, et de cette souffrance bien plus grande encore prenant racine dans l'âme du démocrate sincère, lorsqu'il voit son pays livré à la honte et au despotisme du joug bonapartiste. Gaffney est mort comme un soldat sur le champ de bataille : il est tombé proclamant' ses convictions jusqu'au dernier moment, faisant des vœux pour la résurrection de la République et repoussant, ainsi que Lamennais, la présence d'un de ces prêtres catholiques dont le métier consiste à tromper les hommes et les peuples, afin de les livrer plus facilement à la tyrannie du pape, - cet abrutissement de l'intelligence et du cœur, - et à la tyrannie des rois,-cette négation de la dignité et de la liberté humaines.-Rien n'est venu troubler la fin de Gaffney ; il n'y avait à ses côtés aucun des sujets de Pie IX, le saint bourreau des Romains. Ceux qui l'entouraient, ses amis, ses frères de lutte et de malheur, lui ont seuls porté leurs encouragements et ont senls recueilli ses dernières espérances. Gaffney avait vécu en républicain loyal, il est mort en philosophe convaincu. Honneur à lui ! La fin prématurée de cet homme de bien - Gaffney, hélas ! n'avait que trente-cinq ans! - a jeté une profonde douleur parmi toutes les proscriptions habitant Jersey. Quiconque avait connu Gaffney savait que s'il n'avait jamais cessé d'avoir un bras intrépide dans le combat, un jugement sür dans le conseil, il possédait aussi un cœur dévoué, une âme aimante, une loyauté chevaleresque, un dévouement et une abnégation à toute épreuve ! et chacun reconnaissait que de telles qu~\ités, trop rarement réunies, étaient précieuses pour la Révolution future. Ce n'est donc pas seulement un homme regretté que le trépas enlève à ses amis, c'est encore un brave lutteur et un bon conseiller que la République vient de perdre. Les funérailles de cette nouvelle victime du coup d'Etat ont eu lieu le 10 mars. Comme si chaque malheur de la démocratie devait lui apporter une consolation et un espoir, le spectacle imposant de la cérémonie funèbre disait à tous que si h Révolution est terrassée, elle n'est pas vaincue ; que les monarchies, malgré leurs bourreaux et leurs valets en uniforme et en soutane, ne tneront pas la vérité, défendue par ces hommes qui portent en eux l'idée et la ferme résolution de la traduire en fait. Plus de !50 proscrits, - débris des grandes batailles q1:1lea démocratie a livrées sur tous les points du mondeplus de 150 proscrits réunis sous le drapeau emblême de la Républic1ueuniverselle, sous le drapeau rouge, attendaient dès le matin la dépouille funèbre du citoyen Georges Gaffney. Le cercueil arriva, couvert d'un drap mortuaire et suivi du frère de notre ami, proscrit comme lui, accouru de Londres pour rendre les derniers devoirs à son frère décédé. Aucun prêtre n'escortait la bière. Le mourant avait repoussé l'homme noir, le cadavre ne subissait pas son contact. Qu'aurait fait, <l'ailleurs, un agent de Rome auprès de la cendre d'un républicain mort en proclamant ses convictions inaltérables? Le cortège se mit en·route, au milieu du plus grand recueillement. Il y avait là des fils de toutes les patries opprimées; H y avait là, côte à côte, des jeunes gens, presque des enfants, que deux dignes frères - l'empereur de France et l'empereur d'Autriche - ont frappé do.smêmes persécutions ; il y avait là des hommes que l'âge a müri, des littérateurs, des philosophes dont l'esprit humain s'enorgueillit; des soldats dont la valeur et les ha11ts-faits laisseront un souvenir éternel dans les fastes d.ela guerre émancipatrice ; des travailleurs au bras fort, qui ont mis ce bras au service de la Révolution, parce qu'ils savent que la conséquence de la Révolution sera, cette fois, le bien-être du peuple ; il y avait là d~s vieillards attendant le triomphe du droit avant de descendre eux-mêmes dans'la tombe; il y avait là des femmes, des enfants, compagnons de leurs maris, de leurs pères, toute une nation nouvelle enfin, affirmant, au milieu du pass~, et derrière un cadavre, îe règne de l'avenir. Quatre proscrits, - Hongrois, Polonais, Italien, Français - tenaient les coins du poële et accompagnaient le char_mortuaire, ombragé et pour ainsi dire protégé par un 1mme11sedrapeau rouge ; venait ensuite le frère de Gaffney suivi de la foule triste et recueillie. Bien des paupières étaient mouillées, bien des bouches rappelaient les qualités tlu défunt, bien des intelligences se demandaient combien de ces victimes de l'injustice tomberont encore à l'étranger, combien ne rcYenont plus leur père, leur femme, leurs enfants!. .. Hélas ! Arrivé au cimetière de St.-J ean, le cortège s'arrêta • tous les fronts se découvrirent avec respect, le corps fu ~ descendu et placé dans une fosse proche de celles <lescitoyens Bou~quet et de la citoyenne Louise Julien, proscrits français morts à Jersey depuis moins de deux années. A cet instant, le citoyen Bonnet-Duverdier au milieu du plus profond recueillement et de la plas ~eligieuse attention, prononça, d'une voix émue, l'adieu qu'au nom de la proscription entière, il adressait à Georges Gaffney. Voici ses touchantes paroles CITOYENS, La tâche qui m'est imposée serait lourde pour les plus éloqu;nts d'entre nous; c'e_stdire _assez que P?ur moi elle est plus qu accablant:, elle est 1mpos~ible : le sentnnent du devoir a pu seul me la faire accepter. Que votre bienveillance me vienne en aide pour essayer de l'accomplir. Citoyens, la mort est en permanence dans nos rangs comme le crime est en permanence dans nos patries ; la loo-ique est inépuisable, et chaque victime qui succombe ici est un"'effet dont la cause, le bourreau, règne ailleurs. C'est la quatrième fois aujourd'hui qu'un devoir sévère nous ~mène autour de ce tombeau dont le témoignage impartial et implacable ne nous fera pas défaut quan<l aura sonné l'heure des grandes revendications. Hélin, Bousquet, Louise Julien, Georges Gaffney, tel est le tribut payé jusqu'à ce jour au crime triomphant par la proscription de Jersey. Combien ont succombé ailleurs dont les tombes crient malédiction ! comme celle-ci. .. Combien à Londres, en Belgique, en Suisse, en Piémont en Amérique, en Espagne : partout ? ' Combien dans les prisons, à Belle-Isle, à Cayenne, en Afrique, à N ouka-Hiva, qui pourra jamais le dire? qui le saura jamais i Citoyens, le 23 avril 1854, à pareille heure, ici même, sous les plis du même drapeau, au milieu du même recueillement, nous venions porter à cette tombe sa première proie; sur l'autre bord de la fosse, en face de l'éloquent orateur qui parlait en notre nom ce jour-li\, et dont l'absence ne ee fait que trop vivement sentir aujourd'hui, un homme jeune, au visage pâle et am"aigri, à l'œiI fiévreux, s'abandonnait, avec une émotion sympathique, à la double fascination de l'éloquence et du tombeau. En ce moment, la même cl!rémonie nous rêunit autour de la même tombe qui vient de œ rouvrir. Où est le grand jeune homme pâle qui se tenait debout et ferme, là, en face de moi, il y a moins d'une année? Vous chercheriez en vain autour de vous, amis ; abaissez vos regards ; le pied lui a glissé ... il est là! Vous n'attendez pas de moi, citoyens, la. biographie, l'oraison funèbre de l'ami à qui nous rendons le dernier devoir; un ami d'ancienne date de Gaffney, dont l'absence involontaire affligerait le mort s'il restait place pour l'affliction au-delà du tombeau, aurait pu accomplir avec l'autorité du talent et l'éloquence du souvenir ce pieux et saint devoir. Moi, l'ami de la dernière heure de celui que nous pleurons, je ne vous dirai de sa vie que ce qu'il nous en faut savoir pour méditer avec fruit sur sa triste mort. Georges Gaffney, né de parents irlandais, naturalisés français, a passé au Hâvre sa jeunesse, je veux dire sa vie, car il meurt à 35 ans. Républicain depuis l'âge où l'on commence à penser par soimême, Gaffney, pendant de longues années, sous la monarchie et sous la république, a combattu avec ardeur dans la mêlée toujours périlleuse du journalisme; bravant procès et condamnation, il est resté ferme à son poste jusqu'au dernier moment, et la nouvelle du guet-apens nocturne du bandit de Décembre est venue l'y trouver; aussitôt, sans hésitation, Gaffney jette là sa plume désormais impuissante, et court à Paris prendre sa place au premier rang des intrépides défenseurs du droit violé, de la justice, assassinée, du peuple mitraillê; mitraillé n'est pas assez dire, du peuple odieusement trompé par l'immonde trompeur ! De retour au Hâvre Gaffney est empoigné, comme tant d'autres, comme vous tous, par d'ignobles argousins et jeté dans les prisons, ces tombes anticipées qui ne s'ouvrent que sur l'exil, Cayenne ou l'Algérie, devenus pour tant de nos frères déjà des tombes définitives. La voile qui emportait notre ami sm-la terre d'exil disparaissait à l'horison juste au moment où arrivait au Hâvre l'ordre télégraphique de l'embarquer pour l'Algérie. Le crime est insatiable en ses fureurs : pour fait de propagande au Hâvre, l'exil; pour acte de résistance à Paris, un bagne en Afrique ; deux condamnations pour un double devoir accompli. Eh bien, soyez satisfaits, buveurs de sang farouches, la mort vous rend tout entière cette proie dont l'exil vous avait pris la moitié ou plutôt .. ,,., mais refoulons un instant les réflexions qui nous oppressent pour dire cette mort qui vient de mettre fin à une agonie de deux années. Gaffney à peine arrivé en Angleterre est rejoint par sa jeune femme dont l'affection et le dévouement allègeront, en les partageant, les souffrances du pauvre exilé. Mais le fardeau de l'exil est trop lourd, même quand on est deux à le porter, et bientôt l'épouse tendre et dévouée, après quelques mois de consolations prodiguées au compagnon malheureux, se sent prise de désolation à son tour, et une maladie de langueur, résultat de ses tortures morale~, la clone bientôt sur son lit qu'elle ne doit quitter que pour la tombe. De ce moment aussi, dévouement pour dêvouement, immolation pour immolation ! notre ami s'établit au chevet de la mourante, il y prend racine, pour ainsi parler, et plusieurs mois durant ce fut pour les nombreux amis de notre cher camarade, témoins de la simplicité et de la grandeur du sacrifice, un spectacle touchant et sublime à force de simplicité. Le mari désespéré remplissait son rôle de garde malade avec un dévouement héroïque et chacun put prédire bientôt que son organisme, miné par l'excès des veilles et, s'il est permis de le dire, par l'exagération du devoir, profondément ébranlé d'ailleurs par les souffrances inénarrables et les mille tourments attachés à notre misérable existence de proscrit, ne survivrait pas au coup qui allait le frapper, et en effet, pour ce cœur meurtri et qui ne vivait plus que du reste de vie de celle qu'il perdait, ce fut le coup suprême, le coup mortel. Que me reste .t-il 1lvous dire que vous ne sachiez aussi bien que moi ?regardez! Gaffney est là maintenant et les souvenirs se pressent pour vous tous autour de son cercueil. Vous l'avez vue, s'acheminant chaque jour, à pas pressés, vers ce lieu lugubre, cette existence, si cela peut s'appeler une e.xistence, cette mort vivante que Gaffney
était parvenu, dans un effort suprême, à traîner jusqu'à Jersey; vou• arez été témobs cle cette agonie vaillante et cruelli ; qui de vous n'a été le confident de cc~ épanchements intimes :rnxquels se plaisait le p:i.uvreexilé sur son lit de douleur? La pensée sans cesse tendi;,, vers ce frère, républicain comme lui1 proscrit comme lu:, à qui il espérait, il y a trois jours il peine, donner le baiser d'adieu et qui n'a pu embrasser que son c:vlavre ! et ce respectable vieillard, son cligne père arrivé trop tard, lui aussi, et que l'excès de sa douleur a cmpi!ch6 d'1?ccompagnerjusqu'ici ce fils qu'il ne doit plus revoir! et sa vieille mère enfin, la plu~malheureuse parmi les it fortnnés que fait cette mort, sa mère dont le portrait déposf en un coin privilégié de son chevet attirait à tout instant le regard plein clelarmes du mourant· Et au milieu de tant de tristesses le souvenir toujours vivant et cher de la femme aimée et morte : dans les dernières nuits de son agonie, alors que l'insomnie cruelle le livrait sans répit ni trève à ses douleurs, savez-vous ce qu'il regrettait le plus, (c'est de lui que je tiens cette confidence attendrissante) ce n'était pas d'être privé d'un sommeil réparateur de ses forces épuisées, non : c'était d'être privé de ces rêves bienfaisants où il voyait, disait-il, sa pauvre chère femme et pouvait lui parler. Mais c'en est assez, citoyens, et j'ai hftte de détourner nos ·regards d'un tableau si plein de larmes et de poignantes émotions. Rappelons donc qu'au milieu de ces angoisses, de ces souvenirs, ùe ces tendresses pour des êtres chéris et absens, notre ami n'oublia pas un instant cette 1utre mère, cette grande absente, la patrie! La France, dont on put direavec justice en d'autres temps qu'elle était la patrie de ceux qui n'ont pas de patrie; la France, qui se cherche aujourd'hui et qui pour se retrouver a besoin de regarder vers l'exil. Il 11.e l'oublia pas non plus cette patrie plus grande qui comprend toutes les autres en son universalité, la République, patrie idéale des grandes âmes, des libres penseurs, des consciences droites et des cœurs vaillants. Et la Révolution! Resdernières aspirations furent pour elle : car Gaffney n'était pas seulement républicain et socialiste, il était aussi Révolutionnaire; confiant dans la force des idées, il comprenait que les idées ne font pas leur chemin toutes seules et que l'idée pour devenir fait a parfois besoin de la force des révolutions. " Il est bien mort ce sublime vieillard," me disait Gaffney d'une voix mourante l'avant veille de sa fin; il voulait parler du grand citoyen que la France 11leure,de Lamennais. Eh bien! et toi aussi, digne :uni, tu ~J bien mort, tu est mort comme un républicain doit mourir; d,.r;s la plénitude et la sérlfoité de ta foi, de tes espérances, de •es radieuse:; certitudes. Vivre et mourir pour la justice, pour le droit, pour la révolution, pour l'humanité; telle est la tâche du républicain ; pas plus que ses aînés, dans la mort, Gaifney n'a. failli à cette tache sublime. Cc nous est une grande consolation, à nous autres proscrits de les voir tour à tour si bien mourir nos compagnons d'infortune; la chose est toute simple cependant: il est facile de bien mourir à quiconque a bien vécu. • Qu'on ne vienne donc plus r{ousdire, et surtout ne disons plus nous-mêmes que notre exil est stérile; il est fécond, citoyens, très fécond, au contraire, et il ne cessera pas de l'être tant que nous saurons l'employer à bien mourir. La mort, en effet, est une prop1gande vivante! qu'elle continue donc son œuvre et ne se lasse pas; Bonaparte, son pourvoyeur, croyait l'avoir eu retour pour complice et voilà quelle est notre nngeance en attendant qu'elle soit son expiation. Le criminel ombrageux avait fermé la bouche à tout ce qn'il croyait susceptible de parler; il avait cru la moxLmuette et il l'avait oubliée ; mais voilà que la mort s'est mise à parler à la fin ; en frappant Lamennais, elle a fait éclater une grande voix, et cette voix a été entendue de la France entière. Le despote, pris de vertige et dans la confusion de la peur, court imposer silence à la tombe et la tombe s'est tue, car la tombe n'est pas la mort. Mais tout à coup on voit se dresser du fond de la fosse, menaçant et terrible, un spectre à taille colossale; Lazare est ressuscité encore une fois ; le peuple <leParis est debout! il sort plein de force et dP. vie de cette fosse commune du prolétaire où il gisait depuis plus de deux années et où Lamennais vient de descendre pour sa rédemption. Et depuis ce moment la terreur a changé de côté, le bourreau tremble devant sa victime et l'esp6r:mce est rentrée au cœur de l'exilé qui peut trouver de la joie même au bord d'un tombeau. Et maintenant que le criminel poursuive ses desseins ténébreux; qu'il aille où les destins l'appellent; nous savons désormais que le terme fatal est proche. très proche. Qu'il s'enfonce et se perde dans les champs neigeux de 1812 où son bon ami 1e Bonaparte du Nord le convie ou qu'il tourne d'un autre côté ses convoitises; tout cela, pour nous, c'est le détail, l'inconnu, l'inutile; une cho~e est certaine et c'est la S<'ulequi n0J.lSimporte : le peuple de Paris, le peuple de France, le peuple de la Révolution est prêt! serons-noug prêts, nous aussi, à répondre à son appel? Vous tous qui êtes venus ici affirmer et retremper votre foi dans ]'égalité que proclame la tombe ; vous tous, Polonais, Hongrois, Italiens, Allemands, Français, qui professez le dogme de la solidarité humaine dans lequel nous ont encore affermi les souftraaces. communes de l'exil; tous ensemble jurons d'être inflexibles jusciu'à la fin; inflexibles dans la justice, inflexibles dans le droit, et • t inflexibles dans le dcrnir. près cela que les Césars divisés ou coalisés dn siècle s <1·· chai ,.. ,;t en leu· persécutons; nouvelle légion Thébaine, ils peuvent 1:c·.., ,· '_ 1er et nous !'.écimerencore, ils ne nous extermineront pas; non, ils n'arri, cront pas jusqu'au dernier; nous ne sommes plus six mille seulement comme les victimes de l'empereur romain; nous comptons par millions aujourd'hui, et pour peu que la persécution dure, pour peu que notre sang coule encore, pour peu que cette tombe reste ouverte, nous nous appellerons bientôt l'humanité. VIVI: L.\ RéPUBLIQUE UXIVERSELLE DÉMOCRATIQUE ET SOCIALE! Le citoyen Bonnet-Duverdier était déjà rentré dans les rangs du cortège, que le cri révolutionnaire retentissait eµcore au bord de la fosse; poussé par cent cinquante voix il consacrait l'union indissoluble des patries libres, guidées désormais par une idée commune devenue le mot d'ordre général de l'humanité. Tout sert à la manifestation de la vérité, tout, même la cruauté et la mort ! Voyez : Louis Bonaparte a peuplé Cayenne, l'Afrique, Nouka-Hiva des victimes de son parjure et de son infâee. Quel bénéfice en tirc-t-il ? Le monde entier regardant passer, nu-pieds, sans vêtements, les héroYques forçats de Décembre, apprend ce que vaut un serment napoléonien et déclare Bo.iaparte hors l'humanité. Voyez encore : la m sère, les maladies, la douleur déciment chaque jour ks r&.1gs de ces proscrits,-nés sous tous les ciels de• l'Eu 01,e - que des haines royales ou impériales ont jetés s1 r lt sol de l'exil. A chaque victime L'HO~1ME. qui succombe, à chaque cadavre qui roule dans la tombe, un roi ou un empereur applaudit, se discfl1t : " C'est un ennemi cle moins, mon trône s'affermit." Cela n'est point vrai : c'est une pierre de plus enlevée à l'édHice monarchique. Sous Cf' corps en putréfaction, il y a la pensée cachée des peuples opprimés, des peuples qui diront bientôt : justice pour tous ! En attendant, à la porte du cimetière, il y a des nationalités diverses qui se serrent la main répétant bien haut cette pensée de leurs cœurs : " Tous les rois sont nos ennemis, tous les peuples sont nos frères. Les républicains sont solidaires ; les Répu- , bliques le seront bientôt." Pensée féconde, née aujourd'hui de la confraternité de l'exil, elle eüt sauvé notre prelllière Révolution si elle se fùt révélée en l '792; pensée libératrice, elle sera l'étendard de notre troisième Révolution ; cette fois, elle créera les Etats-Unis d'Europe. Adieu Gaffoey ! Si tu es bien mort, tes amis n'ont pas non plus manqué à leur devoir. Repose en paix! sur ta tombe les sbires d~ la papauté ne planteront pas un de ces bltons croisés qui, en Italie, servent de potence aux démocrates. Si un signe de religion· a accompagné ton corps, ce signe qui nous relie véritablement, c'est le pavillon unitaire, c'est le drapeau rouge ; si un cri formidable s'est élevé dans l'air, alors que la terre retombait sur ton cercueil, ce n'était pas une de ces prières qu'on paie à un prêtre salarié; non, c'était le cri que tu as répété toi-même, celui que tu voulais redire à l'heure de la grande bataille : Vive la République universelle, démocratique et sociale ! Un pareil enseignement jeté aux populations courbées encore sous l'erreur, n'est-ce pas déjà uuc preuve de la transformation qui s'opère en Europe? A -Paris, à Londres, à Jersey, l'exemple a été donné, qu'on le suive partout et bientôt les prêtres vaincus ne pourront plus spéculer sur la superstition et la. peur , ce double trait d'union qui relie l'autel au trône et le trône à l'autel. A. BIANCHI. CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 10 mars 1854. Les gouvernements sont décidés à la guerre ; ils font la note des frais et remplisssent leurs caisses. Le Czar émet du papier monnaie. (Il y a rlix ans à peine, il a liquidé les anciens roubles de papier successivement dépréciés, c'est-à-dire qu'il a fait banqueroute, et cela ne donne pas un grand crédit à la nouvelle émission.) Ordre est donné de faire circuler par force ce papier dans les Principautés Danubiennes. L' Empereur L. Bonaparte a demandé, le conseil d'état approuvé, le corps législatif voté et déposé aux pieds de l' Empereur, le sénat sanctionné et l' E1npereur promulgué un déctet autorisant le gouvernement français à conclure un emprutut de 250 millions. Le taux, les formalités, le mode d'emprunt, out est laissé à l'arbitraire impérial. Mais le trésor recevra 250rmi1lions. Le ministère anglais, après avoir mo nt que le budget eût présenté 25 millions d'excédant de recettes, sans la guerre, demande, pour fournir aux premières dépenses de la lutte, de doubler, pendant six mois, b. taxe du revenu. Le ministère Piémontais demande à son parlement l'autorisation d'emprunter 35 millions. Le duc de Parme (un Bourbon) fait un emprunt forcé. Partout, enfin, on cherche à remplir les caisses pour pouvoir solder et armer des hommes, et ensanglanter l'Europe ...... et tout cela pour le plaisir et l'ambition de Nicolas! La garde anglaise est arrivée i Malte le 5 mars. Il n'est pas encore parti un $Oldatdu sol français. Que signifie cette lenteur au moment décisif, quand, jusqu'à ce jour, la France avait été toujours la première dans l'initiative ?-On annonce le départ du maréchal St.-Arnaud pour le 20 mars (date de l'entrée de Napoléon à Paris, au retour de l'îk d'Elbe.) Le prince Napoléon partirait au mois d'avril pour occuper les provinces grecques insurgées (Albimie, Epire et Thessalie). Des négociations sont ouvertes à Constantinople pour faire droit aux justes plaintes des population~ grecques et apaiser une dangereuse révolte. Le roi Othon est menacé par les Puissances, parce qu'il n'empêche pas ses sujets de porter secours à leurs frères de Turquie; mais que peut-il faire contre cet élan national, très imprudent, sans doute, et funeste autant ponr ceux qui ~e laissent entraîner par nu patriotisme i,,oppo,.t:m que pour la politique occident.le, mai$ qt:e, pour ma part, je déplore sans pouvoir le blftmer? Des troupes turques sont en marche vers les provinces insurgées; on dit qu' Arta (Ambracia) est tombée au pouvoir des Hellènes. Le bruit. de la prise de Kalafat par les Russes s'est répar.du dans Londres ; il est démenti ; mais les Russes semblent se prép1trPr il passu le Danube, soit à Radowa, soit à lbraïla. - Omer Pacha vient d'être nommé généralissime des arm!:es turques sur le Danube; c'est la suite de la disgr~ce de l'ex-Seraskier Méhémet Pacha, très hostile à Omer Pacha qui n'obéissait pas à ses injonctions. Le Reform-Club a donné un grand banquet à Charles Napier, nom111éamiral de la Baltique, et très détesté par les Torys, que ce choix fait beaucoup crier. Lord Palmerston présidait le banquiet ; Sir J. Graham (lord de l' Amirauté) s'y trouvait aussi; on assure que Ch. Napier a formellement annoncé qu'il partait chargé de déclarer la guerre, et résolu de brûler Kronstadt avant trois mois. La flotte, où commandent les Amiraux Chads, Corry, Seymour 1;:tPlumriclge, part samedi. La Reine est en ce moment à Portsmouth, pas,ant la revue de ces formidables escadres qui sont chargées de fermer la Baltique aux flottes russes. L'Autriche, la Prusse, vacillantes, hésitantes, voudraient bien garder la neutralitli, c'est-il-dire attendre les événemens et s'acharner sur le vaincu. :Mai~, d'aucun côté, on ne parait disposé à les laisser ainsi sur l'e·,pectative. Vous avez lu les notes et les articles du gouvernement fran\:aÎs; sous une apparence amicale èt confiante, on met l'Autriche en demeure de se déclarer, et on lui rappelle que l'Italie et b Hongrie n'attendent qu'un encouragement, une lueur <l'espoirpour d6cl1irer l'Empire des Hapsbourg. Mais voici que le Czar Nicolas, de son côté, menace de reconstituer le royaume de Pologne en faveur cleson troisième fils, et, si les PuisBances Allemandes ne veulent pas lui obéir, de leur reprendre Posen et la Gallicie, de délivrer la Hongrie, voire même l'Italie l -Et les patriotes de ces malheureux pays, désireux avant tout de revoir leurs patries indépendantes, seraient peut-être disposés, malgré les avis de leurs c.\marades démocrates, à seconder celui , des deux despotes qui relèverait leur ba:rnière n1tionale? Les Hellènes se lais$ent bien Ptcnclrc aux intri6ues russes ! Les journaux des Etats 'trnis cl6noncentles tentatives des offic'.ers russes dans les ports améric1ins pot.r org,c.'liser l:i piraterie contre le commerce Européen. La démoralisation est telle, parto· t que nous cot:rrons le risque de voir de, répuhlic ns cles Etats Unis piller. t brûler sur t-Océan au profit du Czar! - 11 est vrai qu'ils y·trouveraient aussi Mnéfice et" money ". -D'ailleurs, la presse américaine flarit d'arnnce avec une loyale énergie, tontes ces tentath·cs; mais, après tout, l'Angleterre qui se ligue avec les h!lros du D~ux Décembre, n'aurait guères droit de se plaindre si l' Amfaique lui rlonnait des émules sur mer ...... . Tout à vous, Ph. FA URE. COLONIES, Dans le Moniteur de l'ile de la Réunion (19 novembre l 853), on lit les deux avis suivants, placés côte à côte : CHIEN PERDU, " M. PIERETTI réclame un chien de chasse basset à jambes droites, venant au nom de Miro. ' " Le chien est absent de chez lui depuis huit jours, et il a été aperçu du côté du Chaudron. "Récon,pense à qui le conduira à son MAÎTRE." RÉcLAMATION, "Un Malgache, ~yant dix-huit mois de colonie, a disparu de ~he~ sor1 engagiste, M. ~ H. Luc, depuis bientôt un mois ; il se nomme Zame ; il a été aperçu dans les euvirons de la Chapelle-Saint-Jacques. "Récompense à qui le ramènera chez son ENGAGISTE," Voilà comme, sous le gouvernement démocratique de M. Napoléon III, les anciens propriétaires d' esclavE;$ entendent l'immigration de nouveaux travailleurs dans nos colonies. Cette importation d'hommes, assimilés aux chiens perdus, a pour but de mettre à la discrétion des planteurs les nègres émancipés en créant à ceux-ci une concurrence de bras à bon marché. Le journal La France d'Outre-Mer, publié à la Martinique, feuille essentiellement honnête et bonapartiste (il n'y a plus que de celles-là chez nous), avait dit dans son numéro du 22 janvier : " La distribution des prix au séminaire-collége Saint- " Louis de Gonzague aura lieu, sous la présidence de " Monseigneur de Fort-de-France et de Saint-Pierre, le " premier février prochain, dans l'intérieur de ce magni- " fi.que établissement. " M. le gouverneur et M. le contre-amiral Du Quesne " ont bien voulu promettre d'assister à cette f~te de fa- " mille." Le 26 janvier, la France d'Outre-Mer insérait cette petite correction : " LE DIRECTEUR DE L'INTÉRIEUR; " Vu -le numéro du journal la France d'Outre-Mer, en date du 22 janvier courant; . ~' Attendu que ce i:uméro contient, au sujet des dispositions, arrêtées relativement à la distribution des prix au séminaire-collé~e, un avis erroné publié à l'insu du gouvernement local et de l'autorité diocésaine D ' ' " ECIDE : " Un premier avertissement est donné au journal la France d'Outrc-Mer, dans la personne de M. A. DE MAYNARD, rédacteur et gérant de ce journal. " Fort-de-France, le 25 janvier 1854. "BONTEMRS." On sait qu'il ne faut que trois avertissements de cette nature pour supprimer le journal et anéantir sa propriété. Telle est la liberté de la presse sous le gouvernement des amis de l'ordre du Deux Décembre et des défenseurs de la propriété. Cela n'empêche pas le journal, battu et content, qui portait avant 1848 Louis-Philippe aux n11es, de célébrer, le 22 juin, " les bienfaits du régime sous le- " quel, dit-il textuellement, il a le bonheur de vivre." On conviendra qu'il n'est guerre possible de pousser plus loin la bassesse de l'humilité et d'adorer plus ignoblement ses chaînes. V. S. . VARIETES. UNE LETTRE DU PREMIER BONAPARTE. . Nous app~lons, sur la pièce qui va suivre, la plus sérieuse attention, Empruntée par nous à !'Histoire Parlemintaire de la Révolution française, par Buchez et Roux, tome 17, page 56, cette lettre fait luire une facette nouvelle, inconnue pour beaucoup d'hommes, de la basse hy .. pocrisie du despote en herbe. Buonapartre, alors lieutenant d'artillerie, était de la nuance à laquelle appartenait Robespierre. Ce qu'on va lire en fait foi. Les auteurs cités par nous déclarent qu'ils doivent la
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