Homme - anno I - n.15 - 8 marzo 1854

cle toutes leurs forces. Leurs journaux ont tiré dessus à boulets et à mitraille jusqu'à la dernière gargousse. N'ayant plus d'injures dans leur propre langue pour qualifier clignement le héros de Décembre, ils venaient prendre jusque dans la n6tre les éphi~ thètes de monstre et de ru.ffim. Puis Bonaparte tenant bon, après les injures sont venues les pétitions; après ies écrits hostiles, les paroles amies ; après les journaux, les députés. On lui a dépêché la véritable ambassade anghise, n'en déplais~ à Lord Cowley, des notables de la cité, les rr.inistrcs du thé, les plénipotentiaires du sucre, ::\f. :M:isterman et consorts, qni ont remplacé, désavoué le Times, supplié l'empereur de ne p:>.sconfondre le co:nm,;~ce avec la presse, la nation avec les Journaux, de croire à la bonne volonté de l'Angleterre en gl!néral et de la cité en par'iculier; en 1m mot, de ,,ouloir bien leur accorder la pa:x. De ce jour là, Bonaparte était roi d'Angleterre! - De policeman ! quel avancement! • Donc, la cité étant l' a\ngleterre et M. Mastrrm1,nn son représentant, Bonapa:tc est maître de la position, de pied forme dans Tcmple-B1r, en pleine entente cordiale. Ce que le meilleur des rois pourtant, un roi mod;;Je; un roi :\lonthyon, whig, constitutionnel et pritchardistc, an3lais, celui-là, de cœur et d'âme, s'il en fut, ce que cc malheureux Louis-Philippe, votre SalomoR, n'avait pu obtenir par dix-huit années de tendresse, de csmplaisances et de eoncessions, la précieuse entente cordiale,si humblement et si vainement sollicitée par lui de l'aristocratie anglaise, le 1nonstre, le ruffimi, le Buonaparte l'obtient d'un coup : il leur a fait peur et voilà. Les pavillons sont unis, les drapeau.Xmêlés, les gouvcrnemens allié~, les noms de Napoléon et de Victoria enlacés dans la même guirland<! ! Que ne sont-ils à marier? Ah! le clivorce est cle loi an1;laise et de coutume impfriale ; l'affaire peut s'arranger. Et voilà même qu'on dit pis que pendre de cet infortuné prince Albert qui n'est pas assez bonapartiste, qui avec son instinct ùe prince craint le parvenu, avec son sang de Cobourg Jiait le Napoléon, avec son double titre d'Anglais et de mari veut absolument sauver son pays et sa femme des mains de l'ennemi. Le prince Albert a trop d'intérêts pour ne pas voir clair, et il voit bien. En vain Waleski, cet auteur sifflé, tombé diplomate, intrigue, prodigue avances et promesses, fait miroiter au'Cyeu."<:du prince la cou;'onne d'Espagne pour ~on neveu de Lisbonne, tandis qu'on prendrait celle de Naples pour le cousin Murat, le tout aux dépens des Bourbons, famille us6e, le jeune Cobourg se moque de cette com!ldie comme de celle de l'auteur, il résiste, ne perd pas le Nord, tourne la boussole anglaise vers le P61e et se cramponne au Russe. Il tient la reine en garde, fait armer les c6tes, augmenter les flottes, enr6ler des milices et ménage le Tzar. 11 sait bien que ce n'est pas po11r l'amour du Turc que Bonaparte lève 60,0.00marins, met 700,000 hommes sous les armes, fait des presses de mer et de terre, des rappels de classes, des recrutemens et des remontes, qu'il commande 200,000 sacs, qu'il remplit ses ports, approvisionne ses magasins, double son matériel de gnerre, souffle, jour et nuit, les poudrières, les fonderies, les chantiers, les arsenaux, les bureaux. Non, les Turcs ne sont pas si amis! Il devine que Bonaparte amuse le~ gens, passez-nous le mot, aux bagatelles de la porte; que la question d'Orient se tranchera en Occident, non pas dans le Bosphore, mais da11s lu Manche; non pas sur le Danube, mais sur les bords du Rhin, sur l'Escaut, sur la Tamise peut-être. Il se rappelle le mot de ce préfet de Toulouse qui ne voulait d'avancement qu'il Londres ; le mot ile ce colonel qui ne voulait visiter le palais de cristal qu'avec son régiment ; et le mot de Bonaparte lui-même à ses soldats de Décembre : Je vous ai do11,névotre revanche de 1830, je vous donnerai celle de 1815. Il comprend que Bonaparte veut brouiller l' Angleterre, la commettre, l'engager sans retour avec le Tzar; qu'enlever l'Angkis au Russe, c'est 6ter la solde au soldat, le nerf à la guerre, l'argent, l'âme des sept coalitions qui ont renversé l'empire. Il voit que Bonaparte rallie l'Angleterre pour l'affaiblir, qu'il la secourt pour la vaincre, et qu'il l'embrasse, en César, pour l'étouffer. Il sait enfin que le neveu de l'oncle est l'ennemi des rois comme des peuples, qu'il lui faut l'Europe comme la France, qu'il faut l'Empire à ]'empereur. Aussi, malgré tout, t6t ou tard, la huitième et dernièrt- coalition se reformera et de plus belle ! car Pitt est marié à Cobourg. L'Angleterre repr.:ndra, à sa solde, sa vieille amie, la Russie. L'Autriche et la Prusse sortiront de leur fausse neutralité, regagneront ouvertement leur place dans la sainte alliance, et l'Europe entière retombera sur la France. Nous aurons ainsi le grand empire, la grande armée, la grande guerre et le grand d!lsastre. Nous reverrons le bon temps des cent jours, des ré(\uisitions, des conscriptions, de la chair à canon, où les hommes coûtaient presque un manteau d'Eugénie, où la terre manquait de bras, les familles d'enfanti., où les boîteux mêmes n'Haient pas exempts de marcher au pas, les muets de crier vive l'empereur ! Et la France, !:puisée de sang, d'argent et d'honneur, ~ra envahie une troisième et dernière fois ! Ainsi finit l'Empire! car voyons ses chances, s'il vous plaît. Sans complimens, vous êtes hommes de calcul et vous vous rangez du c6té dn·plns fort, du côté <lnsuccès, du parti des Dieux. Voyons donc ! , Une armée de prétoriens, démoralisée, sans principes, sans connanee en ses chefs ni en soi-même, sans force, sans âme, sans autre volonté, comme les dogues de la barrière, que le geste du maître, se battant pour et contre ; ivre de sang français, déshonorée, dieu merci.! par le nom même qui l'avait glorifiée, retenue seulement par lq ventre. Mais on n'attache pas plus les hommes que les chiens avec des saucisses. Rien d'infidèle et d'ingrat comme la panse; et ce n'est pas un titre suffisant que d'être chef de cuisine. Le vainqueur de Satory sera donc laissé là au premier revers. Et avee des armées qui n'ont pas la force du droit ni du devoir, la victoire dépend du nombre et le nombre n'est pas pour elle. Que dire des généraux? plus soudards que leurs soldats, plus mercenaires que des remplaçants, vendus d'avance à qui veut les acheter, - question de prix, - tenant plus à leurs traitemens qu'à la vie et surtout qu'à la mort, n'aimant les hasards que tout juste ce qu'il leur en faut, et préférant, à cette heure, les l!!gitimes et les quasi-légitimes aux· bâtards. Un clergé qui a aussi élevé l'empire contre la R!!publique, mais qui, maintenant, prêche pour ses saints. Or, il n'y a pas de saint Napoléon, et il y a un saint Henri. Les nobles conspirent avec les prêtres en l'honneur du m~me patron. Vous-mêmes, bourgeois, conservateurs et par conséquent royalistes, libéraux aussi et par conséquent anti-bonapartistes, impuissants pour renverser mais aussi pour maintenir, et laissant au moins faire comme toujours. Le parti républicain, plus nombreux, plus puissant, plus actif que jamais dans une pareille crise, surexeit<l par le danger du pays, et osant tout pour son salut! Voilà l'intérieur. A ]'extérieur, les nations sachant que le neveu ne peut riu'imi. ter les crimes de l'oncle et non les réparer, pas un peuple pour lui, tous les rois contre! Telles sont les chances de l'empire ... C'est donc ]'invasion ou la Révolution! Fé!L~ PYAT. (La seconclepartie au prochain numéro,) L'HO~IJIE. MORTDE LAMENNAIS. )fon cher Ribeyrolles, Nous recevons une bien d011loureuse nouvelle: Lamennais vient de mourir. A le voir si frêle de ~anté, ne soutenant un corps débile que par l'indomptable !!:1ergie d'une religieuse Yolonté, on devait cra"ndre depuis long temps de le voir enlever à la démocratie ; ponrtant, il avait sunnonré tant de souffrances, de persécutions, àe déceptioM,pour son S:ne plus accablant:11 encore: que la prison ou la mahdie, qu'on e~pérait le revoir en rentrant en Frar.ce, lorsque la sainte Révolution souhaitée, prêchée par son éloquence, régénérerait enfin notre pauvre patrie ... Hélas ! combien de nos amis, des plus dévou~s, des plus Ï!l!elligents, manqueront en ce jour à l'appel de ,1os eœurs ! ComL:en de tombes s'élèveront sur la route des exil(,, et attrh:teront notre retour! li strait inutile cle rappeler aux lecteurs de l' Ilomme ce que fut Lamennais pour la démocratie, pour la civilisntion. Ses travaux consciencieux, sa parole sublime de grandeur ~t de conviction, la puissance de ses idées et l.i.religieuse ardeur de ses efforts pour connaître et répandre la lumière de la Justice et de la Vérité, ont trop illustré le x1xe siècle pour rappeler ici, un il un, les œuvres et les actes de l'ap6tre populaire. Si d'abord il flétrit la tiédeur des âmes s'endormant paresseusement dans un doute égoïste, et s'il essaie de ressusciter le catholicisme en mettant la science de sa théologie au service de la Papauté, c'est qu'il espérait l'affranchissement de l'Humanité par l'église et la loi du Christ, Si plus tard, il esquissa les dogmes de la Religion universelle sans plus s'enfermer dans le Christianisme, qui lui avait refusé de prendre la croix de bois et de défendre la cause des Peuples opprimés,- e'est que son esprit sincère avait radicalement rompu avec la lettre morte des cultes passés, sans abandonner pourtant sa confiance dans la loi providentielle dont il n'a pas cessé d'affirmer la puissance souveraine. Persécuté par l'Empire, par la Restauration, il expia, par un an de prison, le crime d'avoir dénoncé la haute-trahison du règne de Louis-Philippe et les habiles jongleries du sceptique 11. Thiers, Il avait, dans le pamphlet brûlant qui lui couta la liberté, signalé l'explosion publique du socialisme dans les grimes de 1840, après l'avoir prophétisé pendant dix ans par les Paroles d'un Croyant, le Livre du Peuple et tous ces Psaumes révolutionnaires dont la mystique influence a préparé l'Europe entière à l'avènement du Verbe nouveau. Dans sa prison, il étudia pratiquement Je problême social ; et, réfutant les théories absolues du Gommu11ismc, tout en flétrissant l' Individualisme inhumain, il posa les bases de la réalisation révolutionnaire par l'Association et le Crédit social, en même temps qu'il exhort:iit les prnlétaires à chercher dans la Foi et le mutuel dévouement la force et l'union indispensables au triomphe de !'Egalité. L'invariable loyauté du caractère de Lamennais l'a fait varier radicalement et brusquement <lane l'application de la vie politique de ses principes religieux; mais il n'a jamais cessé de progresser, d'avancer vers l'idéal; et il a toujours courageusement proclamê ce qu'il croyait être la vérité, même quand il fallait reconnaître qu'il avait erré. On le vit, par exemple, après avoir rédigé une Constitution où il introduisait la présidence comme élément d'unit!!, voter contre la Présidence lorsque les dangers lui en eurent été démontrés par cette lettre si pleine d'alfectuense vénération que lui écrivit G. Sand, dont vous devez avoir gardé le souvenir. Après avoir s!lvèrement blâmé les folles excitations, les entraînements désordonnés auxquels s'abandonnait parfois notre parti en rn48, il n'eût plus de blâme et de colère, après les funestes journées de Juin - qu'il avait de tou1e son âme essayé de prévenir - il ne prit plus la plume que pour condamner les persécuteurs et défendre l'honneur, la vie, la liberté des vaincus. Aussi ne tarda-t-il pas à voir le sabre briser sa plume ... Ce courage de ses convictions, cette vaillance en face de la Force victorieuse, ne l'ont jamais abandonné. Il ne chercha jamais la popularité atL\'.dépens cle ses principes. " Sa voix n'était qu'un souffle,'' dit de lui Louis Blanc; et ce souffle ne pouvait se faire entendre dans les tcmp&tes révolutionnaires. Il se taisait donc tristement, regrettant de se sentir la belliqueuse énergie des chevaliers mystiques du moyen-âge, sans pouvoir, à défaut des armes, lutter contre ]'Erreur et la Tyrannie. Mais, dans l'intimité, il ne cessait,d'inspirer à tous ceux qui l'approchaient ce respect de la divine essence de l'humanité, cette foi dans ]'Idéal, cette austère et constante abservance du Devoir et de la Solidarité morale d.es hommes qui ont dicté ses commentaires sur l'Ev!rngile, et qui l'ont mis souvent aux prises avec les fractions sceptiques, voltairiennes et individualistes de no_tre_parti. Il eût voulu voir pratiquer, dans la vie de chacun, les prme1pes de morale éternelle supfrieurs il tout intérêt de parti, et que les champions, du Progrès dohent propager par l'exemple autant que par la parole, sous peine de ressembler à ces prêtres dont la conduite souille et corrompt l'enseignement. Sa mort laisse interrompue mie traducti.m du Paradis du Dante; prtssentiment de sa fin. Ce travail nous eût fait connaître le mystici,,•ne du poète, comme lui révolutionnaire et théologien ... Lamennais croyait, il a toujours cru, que l'humanité ne pouvait progresser sans puiser, dans une foi religieuse, le lien des âmes et la l_oide la Société. Il partageait cette croyance avec ces esprits émments, 11ourla plupart ses amis personnel~. et qui s'appellent Bfaanger, Châteaubriant, Lamartine, G. Sané!,,P. Leroux, Jean Raynaud, etc., etc., etc. Il s'était, comme eux, élevé à cette ,,ie supérieure des progrès de l'hum1mité, qui brise les chafoes des sectes et des superstitions sar.s amoindrir i'homme et le Mpouiller du religieux sentiment de sa mystérieuse destinée. Et cela ne l'e:11pêch~itpas de vivre chaque jour de la vie rle tous, sympt~1que à toutes les souffrances, partageant les luttes et les émotions de ses frères, les aidant de ~es conseils, de son exemple, rle toutes ses facultés (1), et travaillant avec ardeur il rapprochC;r l'avènement de la Démocratie, bien que son approbation fût refusée à certaines doctrines ou à certains hommes dont il ne re-· cherchait ni ne repoussait l'alliance. ... Il y a huit ans de cela, nous causions tous deux des dogn1es divers sur la vie future; et il me disait : " De cette existence de " l'homme après la susplnsion de son exisrence connue, nou~ ne " pouvons nous former l'idée que par hypothè;e ; et l'allégorie, la " poésie, la légende même valent souvent la philosophie sur ces " questions. C•est ainsi '}Ue des mythes populaires nous r· pré- " sentent les âmes de deux amants s'unis~ant, après la : ort, "pour ne former qu'un seul être; et, au oontraire, ]'Esprit d'un " grand homme s'inc~rnant dans ~es disciples, même dans toute " une Nation, et donnant la vie à de nombreuses crénérations.. .'' Ah! s'il en est ainsi, puisse l'esprit de Lame1~nais vivifier les générations qui, viennent, et substituer à l'ap1,thique inclifî:,renee de nos contemporains en matière de Religion, de Morale et d'Honneur, l'énergique et religieuse foi au Devoir qui l'a soutenu d~ns sa lutte contre les Puissances jusqu'après ~a mort, et lui a fait léguer, par son testament (2), un dernier acte de foi à son cadavre! (1) J'ai été chargé, à diverses foie, de porter, de la port de Lamennais, des secours à des rétugiés qui ~•adressaient il lui par lettres, et dont il ne voul(lt pas Gtre connu, me défendant même de dire que je nnais de sa part. Il était !Qin d'Gtr~ dans l'ai•ance, à cette ~poque. (2) Il a ordonn€, par son te,tament, de donner à son cercueil Jee fun6n,illes da pa11"rc, 1(JIU pauer à l'églù;e. CORRESPONDANCEPARISIENNE. La lettre suivante a été adressée au citoyen Victor Hugo : Paris, Je J er mars 18ii4. Cher proscrit, . Je croi~ qu'il est utile que vous soyez rrnseig-né sl'r la mamère dont se sont passée, les ob•èque!;: de Lamennais. Je vous écris au grand courant de la plume quclqw1s note~ à cet {irrard. Le convoi avait été indiqu( pour huit hem es du mat:n. Le 0corbill_ard est arrivé il sept heures N un quart, et dès huit heures moms vingt minutes, malgré les instances de M. Blaise neve:i du glori~ux défun! (qui v?ulait qu'on attendît les quelques 'per~onnes aut~r1sées à fane partie dn convoi), le corps a éte emporté. Les environs de la maison mortuaire é,aient inondés d'ar~ousins. Le communiqué publié par les journaux avait suffisamment fait comprendre aux agitate1Jrs qu'ils ne devaient pas senger il se former en cortl!ge. Ils ~•étaient répandus en nombre inrlni sur le boulevard Baumarchais, sur la place de la Bastille et rue de la Roquette. Je ne saurais vous donner un chiffre même approximatif des hommes, ouvriers et gens d'habit, qui ont ont voulu saluer le cercueil. Tout ce que je puis vous dire, c'ei,t qu'il devait être immense. Snr la place de la Bastille, la circulation a ùé interrompue. Rue clela R?qu~tte, le convoi avait _toutjuste de quoi irnsser entre les deux haies. La foule encombrait le boulevard extérieur près ,<lu cimetière. :Malgré la tenue grave et résignée de cette mulntude, des atrocités ont été commises, et plusieurs sous mes yeux. Pour avorr manifesté l'empressement à saluer, pour avoir essay,é <lepénétrer un peu plus avant quïl n'était ordonné, pour ~es_nens en un mot ou pour ~es choses dont ]'intention unique e~a1t le respect et la sympathie, sans aucun mélange de violence m même d'éclat exagéré, plusieurs hommes ont été littéralement a~somméfi. Les sergents de ville étaient armés de je ne sais quels casse-têtes importés d'Angleterre et frappa:ent sur ce, malheureux jusqu'à les étendre par terre tont ensanglantés. D vant moi, un l1omme en blouse a reçu au moins dix coups de casse-tête qui l'ont étendu sans mouvement et sans souffle. Il y a eu (ceci est ~ertain) quinze cas au moins du même genre. Si je ne craignais de compromettre des amis, je vous citerais )IM. tel et tel qui revenaient du Père-Lachaise indignlls, - et l'un d'eux les larmes aux yeux, - des brutaliti!s dont ils venaient d'être t€. moins. Chose monstrueuse ! Ils ont écarté le peuple cle cet admirable spectacle d'humilité. Le grand homme a voulu être trait!i comme les pauvres qu'il a tant aimés. Il a été inh11mécomme les mendians. Son corbillard était celui, ncn pas de la dernière clas~e, mais d1:iprès la dernière classe, de cenx que la mis~re a nus au-~essous de tous et qu'on enterre par charité. Ayant entendu dire q~e cela se ferait ainsi, je pensais : au moins, son corps sera mis dans un tombeau de famille, dans un endroit propre_à recevoir un monun:ient.. Non, j'ai pu, à force depaticnce, parvenu à entrer dans le c1met1ère. Lamenn:iis a voulu être enterré dans la fosse commune. J'ai vu son cercueil à peine recouvert côtoyant le cercueil des derniers inconnus. Je ne saurais vous dire, cher proscrit, c:imbien j'ai été touché. Cette pr6dication de l'égalité, q>1in'exclut pas l'action du génie, mais qui ]'unit dans un saint embi:assement avec la pauvreté, est d'une grandeur, d"une éloquence qm émeut jusqu'au fond de l'âme.-~1ais voilà qui est encore plus grand et qui, vu les circonstances, est tout-il-fait digne de votre attention. Suivant les intentions de M. Lamennais formellement exprimées dans l'acte cle ses volontés dernières, non se?lement on n'a pas conduit son corps à l'église, mais on n'a pas mis ùe croix sur sa fosse. J'ai touché le bâton grossier auquel on a Aattachéavec une c_ordeun papier portant ce nom glorieux ; un ~at_on,et pas de croix ! superbe exemple donné par ce génie sireh_g1,euxqui s'en est. allt! à Dieu en répudiant les vieux signes, la vieille formule, IC' v1euxsacerdoce, toutes ces vieilleries, décrépites seulement,l'autrejour, mais aujourd'hui,après tant d'attentats, après tant d'actes d'un absolutisme intolérable, devenues des signes de honte, des symboles détestables qu'on doit hautement répudier. Et ce~ exemple est donné par un ancien prêtre, un vieillard de 71 ans, s1pur d:ms sa glorieuse apostasie ! Oui, oui, c'est là un signe des temps : il n'y a plus de sacerdoce, il n'y a plus de surnaturalisme, les prêtres s'en vont l CORRESPONDANCEDE LONDRES. Lo~dres; 3 mars 1854. La mort de Lamcnnai~ jette un voile de deuil sur cette semaine déjà si triste pour les républicains célébrant dans l'exil, dans les prispns, ou ùans le grand cachot impérial, l'anniversaire du réveil si court de la Révolution en 1848. Le grand nom, le d!lvouement modeste et constant de Lamennais avaient excité dans la population de Paris nn ardent d!lsir de rendre un dernier hommage au théosophe démocrate, et d'honorer par Ulle immense et populaire manifestation le co11void1, pauvre. On se répétait tout bas qu'il avait refusé jusqu'au dernier moment la Yisite des prêtres et des dévots qui voulaient extorquer de son agonie une ahjuration; qu'il avait enfin deshérité, par son testament, ceux de ses parents qui avaient pris part à la répression <lel'insurrection de ,Juin 1848. Le gouvernement a fait publier la menace d'interdire, par la force, la µianifestation de respect et de vénération pour les restes du gra11dhomme qui venait de mourir. Mais, pour èviter un con- "it, on a fait partir le convoi dès 7 heures du matin, après l'avoir annone!! pour dix heures. Quelques amis persounel, Blaise, Be. i1oit-Ch:1mpy, Aug. Barbet, E. Littré, Martin de Strasbourg, Garnier-Pagès, suivaient seuls,. Béranger a rejoint le funèbre cor- :ège, en route, et son arrivée a fait une grande impression sur la foule qui stationnait dans les mes; Béranger était, avec Châteaubriant, l'ami le plus intime de Lamennais. . Le convoi s'est rendu an Père Lachaise par des rues détournées; néanmoins la foule était si considérable, qu'au pont du Canal ]es sergents de ville se sont ouvert passage l'épée à la main.-Des charge~ de garrle municipale ~ur la place de la Bastille, et de dragons près du cimetière du Père-Lachaise, de~ coups de canne et cl' épée aux environs de la maison mortuaire ont assailli les masses accourues et se dispersant en apprenant le changement d'heure et d'itinéraire. Telles ont été les obsèriues d'un des plus illustres gllnies dont la Funce citera toujours avec orgueil le nom aux nations ses émules. Il est vrai que c'était un penseur, et que le régime du sabre voudrait en finir avec la pPnsée..... . -Une insurrection militaire à Saragosse a été vaincue par une partie des troupes sur Je concours desquelles comptait le coîonel Hore, tué à la tête des insurgés au moment où il reprochait sa trahison au colonel des grenadiers. Cette insurrection, sans drapeau, acclamant le nom du général Concha au lieu de faire appel aux sympathies des radicaux de Saragosse, n'est pourtant pas étouf.ëe; les vaincus ont battu en retraite, mais ils ont rallié à eu."< la garnison de Huesca et battelolt le Haut-Ara,gon.-De noµi-

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