Homme - anno I - n.14 - 1 marzo 1854

-SCIENCE.- -SOLIDARITEJOURNALDELADEMOCRATIEUNIVERSELLE. N° 14. - MERCREDI, 1er MARS 1854. Ce .JournRI paraiC. une iois par semaine. · LAPOLITIQUEDUJOUR. En cette politique il y a de la menace et du burlesque. Encouragé par la déclaration enthousiaste de Lord John Russell qui en plein parlement a salué, glorifié Bonaparte, comme la loyauté mêm~, le César du crime et de l'hypocrisie arme une tro1-, sième escadre, appelle les contingents de l'armée' de terre, oubliés depuis 1849, interdit la vente au dehors des munitions de g&erre, et fait sonner dans le Jf oniteur, tous les clairons du Deux Décembre. Est-ce pour le turc, et contre le bon cousin de Russie que s'organise et se développe tout ce grand mouvement? C'est l'avis de Lord John Russell, et l'Angleterre le croit .... Hélas ! qu'il y a de folie dans les opinions intéressées ou trop débonnaires ! Le Deux Décembre met toutes ses forces sur pied, il lève toutes ses armées, il aligne toutes ses flottes sous le pavillon de l'alliance : la question d'Orient le couvre; c'est son sld}rage universel pour l'Europe ! Anglais, laissez armer les navires, former les faisceaux, mettre la France en ligne et discipline ; vous comprendrez plus tard, mais trop tard ! Le burlesque, c'est la pétition, c'est la lettre au Cousin-Sire, du Napoléon Jérôme, ex-démocrate, ex-républicain, (comme tous ces mendians quand ils étaient dans l'exil et dans les misères!) Il demande dans les rangs de l'armée française le poste qui t1tuche à l'ennemi, la place de Latourd'Auvergne! Quelle maigre comédie ! Ce jeune homme ne sait pas la première évolution d'escouade, il ne sait pas la charge en douze temps, il n'a vu de la guerre que son innocent panache, et voilà qu'on le pousse à la scène, pour lui pouvoir donner un commandement ! Laissez-le donc en vos r.ruileries; de par vous il est général, mais ne lui donuez pas nos soldats à faire tuer ! Burlesque, et lâche. et surtout triste ! CH. RIB. RÉVOLUTIONDE 1848. AN NI V ER S AI R E DU 2 4 F É V RI E R. De toutes les dates révolutionnaireë dont notre histoire est constellée, la plus sainte et la plus chère à nos cœurs s'appelle le 24 Février : c'est qu'il est en nous, et qu'il fait partie de nous-mêmes, ce grand souvenir. C'est qn'il ne vient pas de la tradition, des livres, des pierres anciennes, mais de notre vie d'hier, de notre combat d'hier; c'est que nous en sommes, nous proscrits, la ruine errante et vivante! La commémoration de cette grande date est donc sacrée dans tous nos groupes; et, partout on la célèbre, dans l'exil, dans les prisons, aux foyers ·prolétaiœs de France, dans les bagnes algériens, et jusqu'en cet enfer de Cayenne où Bonaparte, empereur du crime, a parqué le droit et l'honneur. Vendredi dernier, nous uous sommes donc réunis, à Jersey, comme nos amis ailleurs, eq un banquet fraternel : Français, Hongro._, Polonais, Italiens, toutes les proscriptions, toutes les patries opprimées avaient là des représentants, et les dates entrelacées comme les bannières, au nom de la commission dont les noms sont mentionnés plus bas, le président Zeno Swi~toslawski a ouvert la séance. Voici son discours CITOYENS, Chargé par la commission du banquet d'ouvrir la séance commémorative de la Révolution du 24 Février, 1848, je regrette de ne pas pouvoir rendre, dans une langue que je ne connais qu'i\ demi, les sentiments ~nt je sois pén(hré au souvenir de ce grand jour. Vu la grandeur de l'édnetnent qui co111~ce une nouvelle phase dans l'histoire du gente ~umaiJl, - vu l''.iversalité de ses tendanees, puisqu'il a produit son effet à Berlin, il Vienne, il Cracovie, à Prngue, a Dresde, à Francfort, comme à Paris, et qu'il est aussi connu du soldat de Garibaldi que du paysan de Miloslaw. J'espère, je suis certain qu'il saura réveiller l'éloquence dans vos intelligences droites et Yos cœurs ferve~a. Toutes lettres et cùrrespondances doivent être affranchies et adress~es au bureau de ]'Imprimerie t:niverselle à SaintHélier (Jersey), 19, Dorset Street.-Les manuscrits déposés ne seront pas rendus. ON s' ABONNE : 1 PRIX DE L' ABONNEM!i:NT : A Jersey, 19, Dorset st. U_n an,_8 shiilings ou 10 fran esA Londro, .50½, Great Queen st. Six _moisi 4 sh. ou 5 fr. A Genève(Suisse), chez M. Corsat, CHAQUENUMÉRO: Lincoln'S-ln11-Fields, à la Li-1 Trois mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. Frappons-les donc de la parole, puisque nous n'avons pas de glaive, ces tr8nes que l 348 a presque renversés, et qui ne seront dem:iin que poussi~re et cendre. A l'œuvre, citoyens! et que nos voix soient des clairons, œr l'ennemi est devant vous : Je vieux monde est encore debout avec ses gibets et ses tortures. Vivi:; LA RÉPUBLIQUEU:.IVERSELLE! NoTA. La commission dont les noms suivent ne s'engage que pour le devoir d'ordre en séance ; la parole est libre, et la respons:ibilité reste entière à chacun des orateurs. Les membres de la commi~sion : Zéno Swiçtoshwski président, Goupil secrétaire, TE:leki, Cauv~t, Riheyrolles. Après le Yétéran cle l'émigration polonaise, un autre soldat de la Révolution, le citoyen Cahaignc, se lève et dit : C1TOYE~S, Il y a six ans, Je même jour, à pareille heure, tout Paris était dans la joie. La Ri!publique était proclamée; la Révolution debout. C'était l'heure solenni.'lle. - Après, l'Empire, la Restauration, la qm1si-légitimité sit8t balayée au souffle du mépris, il y avait deux situations nettement dessinées, l'ancien monde et le nou\'eau; Je despotisme a1•ectous ses crimes, toutes ses ignominies; la R6publique universelle avec ses riche$ espoirs et Sl'S splendeurs. Comment ce magnifique horison fnt-il si vîte obscurçi? pourquoi vit-on bient8t reparaître la c,upi<litécauteleuse, !•égoïsme mercantile, la banque insatiable, toutes les plaies enfin du régime monarchique, toutes les hontes, tous les crimes, toutes les abominations, creusant comme les taupes et marchant sous terre avec sécurité, protégés par Je bourdonnement de l'essaim des s:rnterelles du lendemain ? Pourquoi? - C'est qu'un ministre des affaires étr:ingères, soutenu par quelques uns de ses collègues, n'avait pas eu la vue assez longue pour apercevoir l'impossibilité d'assimiler la vieille croûte, pétrie des crimes du passé, au terrain ,,ierge que préparait h République. C'est que Je cœur et i'intelligence avaient défailli en même temps; c'est que, au lieu de signifier à l'Europe le respect de fa dignité hnmaine et le droit sacré des peuples, au lieu <l'envoyer cent mille hommes sur le Rhin et cinquante mille en Piémont, ponr assister, ]' arme au bras, au libre dé'l'eloppement des républiques naissantes ou à naître, on avait préféré se traîn~ dans les bas fonds de la diplomat:e, en d'autres termes, dans la routine monarchique, dans le mensonge et la perfidie, afin d'amalgamer, si faire se pouvait, le sombre crfpuscule du pa~sé et l'aube riante de l'avenir. Et vraiment un secours inattt'nclu vint à ce triste ministre. La bourgeoisie égoiste et p~ureuse prit bient8t une position plus sure à l'aspect du spectacle étrange ofl't,1·tà ses yeux. - Quelques hommes pleins de conscience et de talent vrai, recommandés par des travaux dignes de l'estime générale, protégés par une réputation de probité immaculée, avaient commis la faute grave de jeter incontinent des systèmes restreints au milieu du gr:ind courant révolutionnaire social ; ils avaient, sans le vouloir, mis en fermentation cette lie dont l'intrigue et la cupidité sont les éiéments primordiaux. - Au lieu de s'occuper avant tout de consoli<ler la République, afin <letenir tête au despotisme et de l'abattre, ces hommes, dont la voix pouvait être puissante, se rangèrent chacun dans son petit camp et donnèrent ainsi cours, malgré eux et en dépit de Jeurs intentions loyales et pures, :inx plus scandaleuses effronterit?s. On vit alors surgir des noms parfaitement inconnus jusque !il, et ce ne fut pas sans un bien profond étonnement qu'on les entendit se proclamer eux-m'êmes les plus vaillans cl1ampions de la République, eu·: qui, avant ce jour, n'avaient eu d'autre soin que de se tenir les pieds chauds, !orque b phalange républiCa)lle était troul!e par les boulets, b mitnille et les balles, ou bien traînée en voiture cellulaire au..xcachots clu roi-citoyen. A défaut de talent réel et de services rendus, les écornifleurs du lendemain, ardens soutiens de la République pouvant désormais leur donner quelque chose, cherchèrent un moyen d'effet nouveau, - pas un mot du grand devoir humain ; comment ]'auraient-ils enseigné, eux qui ne le comprenaient pas? - mais, au contraire, l':i.ppel al)x appétits brutaux, à la politique du ventre. Ils recrutaient ainsi leurs petites coteries, afin de se poser pour l'avenir. Ce furent les premiers préparateurs du Deux Décembre. En ne suivant que cet adage : fais ton chemi11, ils arrivèrent à devenir les r:icoleurs du despote, bien aidés en cette besogne maudite par les jésuites des deux sexes et de mute robe, Lazaristes, confrérie de Joseph, St.-Vincent de Paul, dames du Sacré-cœur, etc. Oh! Bon:iparte les connait bien; il ~n garde bon nombre à son service ; mais ils les prend pour ce qu'ils valent, comme il prend Leverrier, le nébuleux inventeur de planètes douteuses. Aujourd'hui malgré les :finesses, les habiletés, !es roueries diplomatiques, la guerre s'allume.-Que sortira-t-il de ce grand ébranlement? nul ne saurait le dire d'une façon précise.-Toute .. fois, nous avons grande espérance de voir la démocratie en masse se lever et prendre part à la lutte. Vienne ce moment solennel, que nous importent alors les Bonaparte, les Baroche, les Troplong et la cour de cassation vendant à genoux le secret des lettres? Qu'ayons-nous à nous occuper des bouchers-généraux, :.\fagnan ou Radetzki, Haynau ou Canrobert, St.-Arnaud ou les autres, si ce n't:st pour lcttr appljquer le cMtiment 1 A cet instant suprême, les homme,; de valeur réelle sous le double rapport du talent et de la bonne foi, t:clairés d'ailleurs par l'expérience, ces hommes comprendront tout d'abord la nécessité de se ranger sous le grand drapeau de la Rérnlu\lton. Alors les brouillons calculateurs et fourbes n'auront plus la voix haute, car la République 1miverselle leur dfra : " avant de parler si haut du bonheur des homme~, " prêchez ,l'exemple en les d6fend:mt contre la tyrannie qui les " tu<i, vous qui vous prétendez Jeg sauveurs du monde, prenez " d'abord les arim·s et combattez courageusement. On ne fait pas " taire les canons ennem:s avec des phrases; allumez donc vos " canons ; n'hésitez pas, car le despotisme ue cèdera point la place " sans combat à outrance. La République Yaincra, cela est cer- " tajn; oui, le despotisme qti't e,t Je crime, iombera sous la Rê- " publique universelle qui est la J wtioe.-Alors la grande souve- ,, raine vous prendra sous son aile et veus pourrez, en paix et lie' brement, développer vos doctrine, humauitaires. MaÎ'I!jusq11'àce libraire, rue Gui!laume-Tcll. 3 pences ou 6 sous. " moment n'embarrassez p:is la route; ne versez pas vo;; nar- " cotiques sur les soldats républicains. Pour éloigner la peste " e: les despotes, il faut du feu et du fer. '' Et quand la République universelle aura décrété la résurrection de la Pologne, l'affranchissement des Hongrois, des Italiens, d~ tous les peuples opprimés ; quan,! elle aura mis à terre le <lespotismc hideux qui souille Paris et Pétersgourg; lorsque les hons amis auront pris leur bâton d~voyage, la grande voix dira : '' faite~ " votre route lllilintenant, amis du bien, ap8tres de l'hum:inité ; " tous Jps chemins vo11ssont ouverts; le mot de passe est le m<:mo " en tous lieux : VIVE LA RtPUJlLIQUE UN'JVERSELLC,DÉ:dOCRÂTIQUF. ET SOCIALE! Voici le discours du citoyen Ribeyrolles : C1TOYE:>1s, Quelques mois, quelques jours à peine, avant cette grande r€- volution de Février dont nous célébrons la date, nous étions à Paris un petit nombre, une poignée d'hommes, en vérité, travaillant, ceux-ci pai: la propagande publique des idée~, ceux-là, par les préparations lentes, actives, mystérieures <lela conspiration, à la :fin commu'lc, au réveil de la patrie tombée clans les fanges, au triomphe c!ela République, de la République morte, il y avait de cela cinquante ans ! Les int6rêts engraissés, les privilèges opulens, les philosophies repu~s riaient de tous ces pauvres qui s'agitaient ainsi da:rn les échoppes de la presse, ou dans les catacombes, et, tranquilles, ils regardaient passer les fous, quand on les jetait aux prisons. C'est que la monarchie semblait si bien :issise ! déjà vieille de dix-huit ans, elle avait pour se couvrir une armée de quatre cent mille homme11,elle avait une administration à ses gages, un parlement à tout faire, des généraux, des banques, des académies, des polices dévouée~, tout un monde, enfin, de forces engagées et de clientellcs acquises. Eh bien, tout à coup un petit vent se lève, un courant s'ouvre et circule dans cette mer dormante : on refuse ll Paris la dernière libertl!, celle des banquets fraternels, et, Paris s'irrite, comme aux. journ6cs de 92, et derrière Je tombereau qui'promène dans les rucle les cadavres du boulevard des Capucines, les cadavres qu'a faits la Monarchie, quinze c,•nts barricades se lèvent ... Il n'y avait plus Je lendemain, ni roi, ni prinees, ni trône! Citoyens, en ce lendemain de gloire, les fous de la veille étaient salués comme les sages, courtisés comme les puissants (triste souTemir !) et toute la valetaille dn vieux mon11ese ruait, idolâtre, :iu berceau de la jeune République. Aujourd'h~i, frères, cette République on la dit morte ; elle semble morte: nous sommes, nous ses fils, en exil, 011 dans les prisons de France, ou dans les cercles pc,tiféré~ de l'Afrique, et voilà que de nouveau l'on dit dans Je monde : voyl!z ces morts qui m1rchent, ces insensés qui ne se rendent pas ! C'était ainsi la veille cle Février; citoyqns, ne l'oubliez pas! Est-ce que ce souvenir n'est pas à la fois la pl11s grande des Je. çons et la plus riche des espérances? Mais pourquoi la République est-elle tombée dans le sang et la trahison! pourquoi la Révolution a-t ..elle sombré? Citoyens, je n'expliquerai pas ces terribles désastres p:ir les hommes, par les incidents, par les faiblesses et les intiniments petits de la politique. Il y a des raisons plus haute~, plus vraies, qui vont mieux à l'histoire de uotre pays, et je vais les dire: Citoyens, le peuple de France qui aime les grandei. étapes a voulu doubler celle de Février : il n'a pas dit République seulement; il a dit : République démocratique et sociale ! C'6tait là la devise entière de la Rt!volution, et le vieux monde a pris peur, et s'embusquant dans le droit q11 1avait ouvert Fénier, il a conspiré, résisté, combattu, par le vote, par l'intrigue, par la corruption, par les balles! Citoyens, la République de Février n'est donc p:is tombée soui; des incidens, et ponr des faute~ ou des hardiesses d'un jour; elle est tombée sous le poids d'une société, sous le poids d'un monde! intérêts, privilèges, superstitions, usure, ignorance, égoïsmes de rente et de fonction, tout a fait ligue et tout a fait masse contre elle. Elle a eu Je passé tout entier s'éoroulant sur elle, comme l'antre avait eu l'Europe. Eh bien, 'lu'elle nous soit sainte clans sa chute, oc qu'elle soit bénie dans son ma11ieur ! Elle voulait, cette Révolution, l' Egalité sociale, c'est-à-dire l'éducation pour chacun et pour tous, c'est-à-dire le travail pour chacun et pour tous, en deux mots, la loi de la vie par excellence, le moyen et le droit de toutes les vocations, de toutes les destinées, la culture et le pain ! Tel était, citoyens, l'idéal du peuple de Février, en son élan puissant, idéal le plus élevé, le plus radieux qui ait encore 6clairé la marche humaine. Et cette étoile un moment voilée, masquée par les tempêtes de la force, c'est elle que nous 841uons du fond des cachots, du fond de l'exil, du fond des misères, c'est elle qui nous guide encore, qui nous guidera toujours ! Songez-y, citoyens, après Février on a commis le grand o~bli des nation:ilités opprimées, des patries esclaves, des révolutibns dans la peine : mais si la République de quarante huit n'a pas en ses quatorze 4rmées, eommc celle de 93, n'a-t-elle pas eu ses quatorze ann~s sorties du camp des idées, et ces idées, ces philosophies, ces systêmes, tourment d'en jour, n'ont-ils pas la:s's& partout les j'J'mes féconds, les sem~ncos de l'ave~ir? Qu'elles·fivent donc en nous, citoyens, ces idées filles ~e 1-a Révolution et mères de la Républiqu'o future; que fülèle à l'esprit do lijJerté chacun Ile nous les répa.nde comme des parfums, au chevet dlil6 opE_aimés,des desh@rités, de. pauvres. Cne idée qui ffiimbec'est une clarté qui meurt, une idée qui se lève c'est la révolution qui s'éclaire! La divisicn est dans les inci<.lentil,mais dans la grande ligue l'unité se dégage. Ne coupo111ipas la Ré,ol11tion 1 Vivi,: LAR:f:~loiBLIQUBUNIVilRSELI.EDÉMOCRATIQUE BT S0CIAil.E!

Discours du eitoyen Victor Hugo : CITOYENS, .. Une date, c'est une idée qui se fait chiffre; c'est_ une v1cto1r~ qui se condense et se résume ùans un nombre lummeux, et qm flamboie à .r,imais dans la mémoire des hommes. . , Vous venez de célébrer le 2!, Février 1848 ; vous avez glorifie L'HO~I]l E. ratrice approche. On ne distingue pas le chiffre, mais on rnit le rayonnement. . la date pas~ée ; permettez-moi de me tourner vers la date future. Permettez-moi de me tourner vers cette journée, sœur encore ignorée du 24 Février, qui donnera son nom à la proehaine RéProscrits! levons nos fronts pour que cc rayonnement les éclaire ! Le1·ons nos fronts, pour que, si les peuples demandent: - Qu'est-ce donc qui blanchit de la sorte le haut du visage de ces hommes? - on puisse répondre : - c'est la clarté de la Révolution (\Uivient! Levons nos fronts, proscrits, et, comme nous l'avons fait si sou- , vent dans notre confiance religieuse, saluons l'avenir l ,·ohition, et qui s'identifiera avec elle. . . Permettez-moi d'envoyer à la date future toutes les asp1rat1ons de mon âme. . Qu'elle ait autant t~;) grandeur que la date passée, et qu'elle ait plus de bonheur! Que les hommes nour qui elle resplendira ~oient fen~es et purs, qu'ils soient b .,s et grands, qu'iis soient Justes, utiles et victorieux et qu'ils: ,lt une autre récompense que l'exil! Que leur sort soi ·eilleur que le n6tre ! Citoyens! que la l. ·e future soit la date définitive! , . Que la date futL. .., continue l'œuvre de la date passee, mais -qu'elle i'achève ! Que, coœme le ' •,Février, el~ soit radieuse et fraternelle ; mais qu'elle soit l • lie et qu'elle aille au but ! qu'elle regarde l'Europe de la faço·. ,mt Danton la regardait! . Que, comme 1'' .er, elle 1bolisse la monarchie en France, mais qu'elle l'abo:. ~ aussi sur le conti_nent! qu'el~e ne tr~mpe pas ]'espérance! cr,. partout elle substitue le droit humam _au droit divin! qu'elii: c:ic aux nationalités : debout! debout, Itahe ! debout Pologne: (:~oout Honl!rie ! debout, Allemagne ! debout, ' ' "' 1 1 • 1 , ·1 1 peuples, pour la l::ierté ! qu'elle embouche c c a1ron a.u reYe1 • qu'elle annonce le lever du jour! que, dans ?ette halte nocturne où gisent les i..1tions engourdies par je ne sais quel lugubre sommeil, elle s;mne la diane des peuples! . . . Ah! l'instant s'avance! je vous l'ai déjà dit et j'y ms1ste, citoyens! dès qu~ les chocs décisifs auront_lieu, dès que. I:i, France abordera directement la Russie et l'Autriche et les saisira corpsà-corps, quand la grande guerre commenc~ra, ci~oyens!, vous verrez la Révolution luire. C'est à la Révolution qu'il est reservé de frapper les rois du continent. L'Empire est le fourreau, la. République est l'épée. , . Donc acclamons la date future ! acclamons la Revolution pro- ,ch:iine ! 'souhaitons la bienvenue à cet ami mystérieux qui s'appelle Demain! • . , . Que la date future soit splendide ! que la procha.me revolut1on soit invincible! qu'elle fonde les Etats-Unis d'Europe ! Que, comme Février, elle ouvre à deux battants l'uenir, mais qu'elle ferme à jamais l'abominable porte du passé-! que de toutes les eh11'/nesdes peuples elle forge à cette por~e un verrou ! et que ,ce Terrou soit énorme comme a été la tyranme ! Que c&mme Février, elle relève et replace sur l'autel le sublime trépied Liberté-Egalité-Fraternité, mais que sur ce trépied elle allume, Je façon à en éclairer toute la. terre, la grande flamme Humanité! Qu'elle en éblouisse les penseurs, qu'elle en aveugle les des•• potes ! . . . Que, comme Février, elle renverse l'échafauu pohtiqu~ r,elevé par le Bonaparte de décembre; mais qu'elle renverse aussi l'echaaud social ! Ne l'oublions pas, citoyens, c'est sur la tête du pr?- létai;e que l'échafaud social suspend son couperet. Pas de pam dans la famille, pas de lumière da11sle cerveau ; <le là la faute, de lù la chute, de là le crime. Un soir, à la nuit tombante, je me suis approché d'une guillotine qui Yenait de travailler d:ins la place de G;è.ve. Deux poteaux ~outel\aier:t le couperet encore fumant. J a1 demandé au premier poteau: comment t'appelles-tu? il m'a répondu : l\Iisèr~. J'ai demandé au deuxième poteau: comment t'appelles-tu? 11 mfâ. répondu : Ignorance. Que la Révolution prochaine, que la date future, arrache ces poteaux et brise cet échafaud ! Que comme Février, elle confirme le droit de l'homme; mais qu'ell; proclame le droit de b femme et qu'elle décrète _le droit ùê l'enfant; c'est-à-dire l'égalité pour l'une et l'éducation pour l'autre! . . Que, comme Février, elle répudie la èonfiscation et les violences; qu'elle ne dépouille personne; mais q~'elle dot: tou~ le monde! qu'elle ne soit pas faite contre les nc?es, mais 9u elle soit faite pour les pauvres. Oui! que, par une n_nmense reforme économique, par le droit du travail mieux compr!s, par de lar_ges institutions d'escompte et de crédit, par le ch?!nage rendu 11!1possible, par l'abolition des douanes _et des front~eres, par la c1r- .culation décuplée, par la suppression des armees permanentes, qui coûtent ~ l'Europe quatre milliards par an, sa~s compter ce que coûtent les guerres, par la complète m1s_e en valeur du sol, par un meilleur balancement de la producti01~ et de la consommation, ces deux battements de _I'artè1;e sociale, par l'échange, source jaillissante de vie, par_la revoluhon mon~ta1re, levier qui peut soulever toutes les md1gences, enfin, par' ui:e gigantesque crfation ~e richesses toutes nouvelles _que A dès à present la science entrevoit et affirme, elle fasse du b1en-etre matériel, intellectuel et moral la dotatiot; universelle ! . . . . Qu'elle broie, écrase, efface, anéantisse toutes les v1e1llesmstitutions déshonorées, c'est là sa mission politique; mais qu'ell_e fasse marcher de front sa mission sociale et qu'elle dorine du _Pam aux trav:ülleurs ! Qu'elle préserve les jeunes â~:s ~e. l'ense1gne~ent, -je me trompe, - de l'empoisonnement Jesuitique et ,~léncal, mais qu'elle ét:iblisse et constitue sur une ~ase colossale ~.mstruction gratuite et obligatoire! Savez-vous, c1toy_ens,ce qu 1I. faut à la civilisation pour qu'elle devienne l'har~on~e? De~, ateliers: et des ateliers! des écoles, et des écoles! L_ateher _et l ecole, c est le double laboratoire d'où sort la double vie, la vie du corps et la vie de l'intelligence. Qu'il n'y ait plus de bouches affamées! _qu'il n'y ait plus de cerveaux ténébreux! que ces deux locutions, honteuses, usuelles, presque proverbi~les, que nous av~ns tous prononcées plus d'une fois dans ~otre v_1e: - cet homme na pas de quoi ma1wer • - cet homme ne sait pas lire ; - que ces deux locutions qui s~nt comme les deux lueurs de la vieille •misère éter- ' d I h • 1 nelle disparaissent u angage umam • , Q~•enfin, comme le 24 Février, la grande date future, la. Rev~- lution prochaine fasse dans tous les sens des pas en avan!, mais qu'elle ne fa11se point un pas en arrière! 4';1'elle ne se_croise pas les bras avant d'avoir fini! qut- son d~rmer mot so_1:t su~rage universel, bien-être universel, paix umverselle, lumière umverselle ! R' br Quand on nous demande : qu'ente~dez-vous par . epu . 1que 'Universelle ? nous entendons cela. Qui en veut ! ( en w111mme: Tout le monde ! ) . Et maintenant, amis, cette date que j'appelle, cette date qui, réunie au grand 24 Février 1848 et à l'im;11-ense2_2 Septembre_1_792, sera comme le triangle de feu de la Revolution, cette tro1S1ème <Ute, cette date suprême, quand viendra-t-elle 1_ quelle année, quel mois, quel jour illustrera-t-elle ! de quels chiffres se ?om.p?- .,era-t-elle dans la série ténébreuse des nombres?_ SJnt:1ls Jou~ ou pria de nous ~es chiif:es encore ~bsc~s et ,deshne11,a une il :\)rodigieuse lumière? Cito1en.s, déjA, dei. à _present, 1 à l h:ure o_i): Je parle ihi sont éorits i;ur une page d~ hue de 1 averur, mais cette pa'ge-là, le doigt àe Dieu ne l'a pas encore tournée. M' oUB o.e aavgns rien, nous méditons, nou.sattendons ; tout ce que nous e-.vons 41reet r61»6toro,'~t q•'il uou semble 4•e la dat~ libéL'avenir a plusieurs noms. ,. . . . . Pour les faibles il se nomme 11mposs1ble ; pour les timides, 11 se nomme l'ii\con~u; pour les penseurs et pour les vaillans, il se nomme l'idéal. L'impossible! L'inconnu! Quoi! plus de misère pour l'h?mme, plus de pr~?titutio_n pour la femme, plus d'ignorance pour 1enfant, ce serait I impossible! Quoi! les Etats- Unis d'Europe, libres et maîtres chacun chez eux, mus et reliés par une 1ssemblée centrale, et communiant à travers les mers avec les Etats- Unis d'Amérique, ce serait l' inconnu! Quoi! ce qu'a voulu Jésus-Christ, c'est l'impossible! Quoi! ce qu'a fait Washington, c'est l'inconnu! Mais on nous dit : - et la tr:insition ! et les douleurs de l'enfantement ! et la tempête du passage du vieux monde 1u mon~e nouveau! un' continent qui se transforme! l'avatar d'un conhné!nt ! vous figurez-vous cette chose redoutable? la résistance désespérée des tr6nes, la colère des castes, la furie des armées, le roi défendant sa liste civile, le prêtre défendant sa prébende, le juge défendant sa paie, l'usurier défendant son bordereau, l'exploiteur défendant son privilège, quelles ligues! quelles luttes! quels ouragans! quelles batailles! quels obstacles! préparez vos yeux à répandre des larmes ; préparez vos ve~nes à verser d~ s_ang 1 arrêtez-vous! reculez! ... - Silence aux faibles et aux tumdes ! l'impossible, cette barre (le fer rouge, nous y mordrons; l'inconnu, ces ténèbres, rious nous y plongerons, et nous te conquerrons, idéal! VIVE LA. RÉVOLUTION FUTURE! CettP. éloquente improvisation a profondément ému l'assemblée; c'est un programme, en effet, qni ne cède rien des révolutions antérieures, et qui n'oublie rien des révolutions futures. Discours du citoyen Collet : CITOYENS, Déjà six ans se sont écoulés depuis qu'eut lieu une grande révolution d'où sortit l:i. République, dont nos efforts et nos combats poursuivaient la conquête; elle fut donc proclamée, cette glorieuse République, qui, de la France où elle venait d'asseoir son camp et planter son drapeau, allait s'étendre sur le monde! La France était libre, le tr6ne était en poussière : un éclair subit jaillit sur le monde, et l'on vit aussitôt les Peuples tourner vers la France leurs regards et leurs espérances! comme un déluge n'allait-elle pas déborder, cette France, H submerger les tr6nes? la. solidarité républicaine lui commandlit ce grand devoir, la délivrance des Peuples devait être notre premier pas dans la solid:irité et notre première conquête! . Tl vous en souvient, citoyens! de la République nous n'avions que le nom, et cependant ce nom suffit pour ébranler le monde ; les tr6nes tremblèrent, les rois épouvantés prirent la fuite, les rois plièrent le genou devant les Peuples qui se levaient et bris:iient leurs chaînes ! Mais que faisait la France pour les soutenir dans cette lutte ? La France, elle attendait, la France regardait de quel côté allait rester la victoire. . Triste oubli à jamais regrettable de la solidarité républicaine ! une si glorieuse entreprise, la liberté du monde, ét:iit digne de la France. Mais jettons un voile d'oubli sur ce passé, et vers l'avenir tournons nos regards et notre espérance. Contemplons cette lutte formidable que les rois se livrent. Et que sortira-t-il de cette lutte? est-ce l'oppression s'étendant sur le monde ? Est-ce la liberté brisant ses chaînes? oui, car c'est le suicide du vieux monde! Non, tyrans, vous ne triompherez pas, et la mer Rouge que vous avez passée ne verra plus votre retour ! Et vous, Peuples, peuples de travailleurs dont le fr~nt reste courbé veri la terre, levez vos regards et contemplez vos nc~esses. Ces belles campagnes, c'est vous qui les avez rendues fe:t1les, ce sont vos bras qui les ont cultivées, ce sont vos sueurs qui les ont arrosées. Ouvriers, travailleurs, ces riches:;es de l'industrie, ces superbes palais, monumens d'architecture, ces cités qui couvrent la terre, ouvriers, vos bras les ont édifiés. Regardez encore, ces routes, ces can:iux, ce~ chemins de fi,r qui d'un bout à l'autre sillonnent le monde, travailleurs, tout cela est encore sorti de vos mains. Et ces vaisseaux qui couvrent les mers, qui vont por~er à tous les rivages les riches~es de l'industrie, toutes ces merveilles sont votre ouvrage...... , . Travailleurs, vous avez tout creé ! le monde vous doit tout! créateurs des richesses, pourquoi donc êtes-vous dépouillés? pourquoi donc gémissez-vous dans la misère? . . Levez-vous, levez-vous, tranilleurs, et revendiquez vos dro1t11 au bonheur et à la Jiberté, avec la fierté qui convient à des hommes qui remplissent leur tâche envers l'humanité. . . Disparaissez·, privilèges du hasard et de la na1ss~nce ! chsparaissez privilèges des titrfa et de l'oisiveté! l'homme unproducteur n'a vas le droit d'être consommateur. C est à toi, République, qu'il appartient de faire disparaître toutes ces iniquités sociales, c'est à toi qu'il appartient de faire régner la Justice et la liberté! Nous t'adorops,. République, parce 911e~u es tout _cequi est grand, tout ce qui est beau: tout ce qm _estJ_uste; _turesumes en toi toutes les perfections sociales. C'est toi qm substitueras la propriété collective et commune à la propri~té individuelle et ~no~- celée, ce cancer des sociétés. Tu es le droit commun, le droit leaitime et absolu de chacun à tous les fruits de la terre, à tous les produits de l'industrie, des sciences et des arts. C'est sous ton empire que l'homme alors pourra s'écrier : la terre ~~t mon domaine, pas un lieu où ne puissent pénétrer mes pas; s1Je _parle,le monde entier m'écoute, l'humanité me protège, nul roi ne fut mieux gardé. A mon bras s'est joint le bras de l'humanité et l'esprit de l'humanité s'est identifié en moi ! République, tu n'as pas encore eu d'autels sur la terre. Tu n'en avais pas à Sparte, tu n'en avais pas à Rome,-et 93, cet audacieux pionnier de l'avenir, ne put que remuer le monde pour Y jeter tes fondements. Non, tu n'es pas République, où subsist: _l'horrible_esclavage, où le wav:iÏl de l'homme est encore exploite, où la 1msère est le partage des uns et la richesse le partage des autres .. Mais comme le fer qui ouvre le sillon pour recevoir la semence, de même le fer, cette suprême nécessité, notre dernier instrument, nous ouvrira le chemin à la République. qu'elle nous tro_uve~one uni.i et toujours prêts à combattre et à mourir pour elle; puis, _tr1ompha~te et glorieuse, la République ne verra plus d'~nnem1s dans les ni~_cas, ennemis que l'neugle ignorance armait contre elle. Son flambeau d:ssipera leurs té?ièbres; alors elle n'aura plus d'ennemis possible~, et sur ses autels la fraternité unira tous les hommes! C'est vous, tyrans, vous seuls qui couvrez le monde de ruines t C'est vous qui faites verser des pleurs et couler le sang. Ah! vous emporterez dans le tombeau, où nous vous précipiterons, \"OS prisons, vos éch:ifauds et vos forfaits. Viens, République, viens affranchir les peuples du joug honteux des despotes, joug qui les opprime et les avilit! Viens donne~ à l'univers, avec la liberte, l'égalité et la fraternité! VIVE LA. RÉPUBLIQUE INTÉGRALE ET UNIVERSELLE! D'autres orateurs ont encore pris la parole, entr'autres le citoven Colfavru ; mais n'ayant pas les textes, nous ne pouvons publier ces discours. Des chants patriotiques ont fermé la séance, et les proscrits se sont retirés, emportant dans leur cœur le souvenir et l'amour de la Révolution saiflte. LES BUVEURSDE SANG. Nons ne voulons pas uous lasser de le répéter, afin d'éclairer les hommes justes q1ie l'cm trompe: partout où les révolutionnaires ont été les maîtres, ils ont aboli la peine de mort, en France par le gouvernement provisoire, en Italie par la Constituante romaine, en Allemagne par l'assemblée natiolilale de Francfort. C'est là un fait notoire, avéré, incontestable. Partout où les monarchistes sont redevenus les maîtres, ils ont restauré l'échafaud, en France par les décembriseurs, à Rome par le pape, en Allemagne par le jeune empereur d'Autriche et le roi de Prusse. C'est encore là un fait notoire, avéré, incontestable. Il n'en est pas moins passé en usage da.us la presse " honnête " et dans les salons " modérés " de crier à tout propos que les révolutionnaires sont de~ buveurs de sang!!! Ainsi va le monde. Lorsque les premiers martyrs allaient prêchant l'évangile, mourant dans les cirques pour la foi nouvelle, il n'est pas un payen honnête et modéré à qui vous auriez ~té dé l'esprit que les chrétiens sacrifiaient des enfants au fond des catacombes. Le plus étrange, c'est que les audacieux calomniateurs des révolutionnaires ne sont pas plus humains dans leurs écrits que dans leurs actes. Ouvrez leurs livres, parcourez leurs discours, vous les trouverez à peu près tous et toujours fort amis du bourreau. M. Falloux fait un gros volume pour célébrer l'inq•Jisition; M. Veuillot regrette très-haut que l'on n'ait pas brûlé Luther; M. Montalembert, le témoin d~ M. Bonaparte, proclamait à la tribune, pen avant les massacres du Deux Décembre, que" la force est sainte." Nous ne voilons pas pousser plus loin ces réflexions, ·nous nous bornerons à dire qu'elles nous sont venues en lisant tout à l'heure le passage suivant d'un article de la Revue d'Edimbourg: ( Octobre 1852, page 323.) " Si M. de Maistre a re- " présenté la peine capitale comme un des axes sur les- " quels tourne la société, et le bourreau comme un des , " premiers magistrats, M. de Bonald, d'un autre côté, peut " se vanter d'avoir proféré à la chambre des pairs des " paroles qui, dans leur douce barbarie, peuvent à peine " égaler les souvenirs d'un tribunal révolutionnaire. " Condamner un homme à mort, dit-il, c'est seulement " l'envoyer devant son juge naturel." Cela ne rappelle-t-il pas cet autre défenseur de la religion qui criait pendant le massacre des Albigeois : " Tuez1 " tuez-les tous, Dieu reconnaitra les siens.,!" V. ScHŒLCHER. CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 24 février 1854. L'anniversairl?' de notre malheureuse Révolution est célébré en France par de RORlbreuses arrestations; et dans l'exil...? Je ne veux pas m'arrêter sur ce triste objet; nos compagn,ons d'infortune, malades, isolés, dans b misère, sans secours et sans relations, n'ont même pas, pour les fortifier dans leurs souffrances, la consolation de pouvoir têter ensemble, et tous unis, le souvenir du réveil momentané de l'a Révolution française L.. Donc, à Paris, des arrestations. Les correspondances anglaises parlent d'une manifes!ation préparée, disent-elles, par des ré~~- giés étrangers pour crier : A bas le czar! - Beaucoup de réfugies sont expulsés. - De petits placards ont été affichés ou répandus dans les rues, portant : 24 Février. Chfnnagedans les ateliers. Manife,lation. • ,. Ces arrestations, ces persécutions, coïncident avec un article du Moniteur dirigé contre les menées révolutionnaires en Grèce et en Italie. Le Morziteur a, depuis huit jours, successivement annoncé le refus du czar d'accepter les propositions de L. Bonaparte, le rappel de M. Castel-Bajac de Saint-Pétersbourg, l'alliance intime contractée avec l'Angleterre, et l'espoir d'obtenir l'appui de la Prusse et de l'Autriche. En même temps que l'escadre de Brest va embarquer en Algérie la ùivision du général Pélissier (dont fait p:irtie le 7e léger, régiment de notre ami Boichot), le Moniteur affecte d'assurer à l'Autriche que la Fi3nce s'opposera vigoureusement aux tent:itives révolution:naires, cotf.;é_quencespour. tant forcées d'une guerre entre les pmssances_ o?c1dentales e_lte czar. Ainsi, le despote, l'autocrate, le généralissime du parti de l'ordre, Nicolas en un mot, excite et soudoie la rébellion et l'in. sitrrection natiorzale des Grecs contre le sultan; et l'empereur part1enu, l'élu du peuple français rentre.dans ~on !61~de sauv_eurde la société, et fulmine contre les révolutionnaires italiens qu'il a tour. à-tour senis et asservis ... Mais à la fin de l'article du MIJ,/Nteur, on remarque l'ironie auirnnt~ : " Si les armées autrichiennes et françaises agissent " de ooneert sur le Danube, l'empereur Napoléon ne souffrira pas "que des menées ré,olutionnaires, etc.... " Fort bien: e! si l'Autriche rellte neutre ? Que fera L. Bonaparte 'l Il ne le dit pas, La riponse iè.,..lt-elle indi:iuéjl par l'a,is donné au duc de Tos• eta!lepar M. Brenier d'aToir à ohanger de poli;ique ? Et l' Au. ..

• .. triche - 'lui proteste de sa haine contre la Russie, qui offre son concours pour maintr.nir la Serde dans l'obéissance du sultan, complaisaute alliée! - l'Autriche ne montre-t-elle pas clairement ses intentions et ses inquiétudes en rappelant la plus forte partie de ses garnisons de Toscane et en concentrant ses troupes sur le Danube et e11 Lombardie. Pourquoi masser ses soldats à •Ancône et it Milan, si elle ne compte pas lutter contre la France et le Piémont ? M. Brenier a été reçu par le roi de Naples, mais après beaucoup de difücultés. La mission postale de :M. Breilier n'est prise au sérieux par parsonne, et on le considère comme un émissaire impéri3J. • Les populations grecques de l'Albanie et de l'Ep:re sont en pleine Îl:snrrection contre le ,sultan; Je pacha de Janina aurait été obligé de concentrer ses troupes dans la citadelle ; un cutter de la marine grecque du roi Othon aurait profité d'une querelle sans importance pour couler bas un navire turc dans le port d'Arta ; enfin, une émeute hellène à Salonique n'aurait été réprimée que par la bayonnette et après Je sang versé ... Le sénat de Servie, tout en remerciant le sultan des droits accordés aux chré. tiens, a refüsé de prendre parti contre le czar et d'annuler les traités existant$ avec la Ru$sie. Les sujets grecs et slaves de l'empire ottoman paraissent poussés à profiter de la guerre pour recouvrer lwr indépendance - c'est-à-dire pour échanger le pouvoir du soliveau contre celui de la grue? ... Les correspondances anglaises parlent du prochain départ des divisions Bousquet et Canrobert pour Constantinople. Le général Espinasse,-le traître qui a surpris l'assemblée le Deux Décembre • -tera partie de l'expMition. Cinq bataillons de chasseurs sont en marche vers Marseille. Les armées alliées arriveront-elles à temps? Plusieurs combats sanglants ont été livrés sur le Danube; les Turcs n'ont pu s'emparer de Giurgevo ma!gré leur courage ; les Russes ont encore essayé de franchir le fleuve et ont été forcés rie reculer ; on parle d'une flotille turque détruite par les batteries du général Schilders ; des combats d'avant-postes eu lieu vers Kalafat. Enfin des renforts considérables sont en marche, en Russie, et une levée du 9 hommes par mille dans une quinzaine des provinces du czar répond à l'appel des contingents français de 49, .50 et 51. Ici, les troupes partent avec enthousiasme, et la population montre une ardeur à laquelle 0:1 ne pouvait s'attendre il y a trois mois. Le 28e, de Preston à Liverpool, a été constam,ment entouré par des masses ounières amoncelées pour acclamer le drapeau se déployant pour la grande guerre. On compte par G0,000 les populations accourues sur son passage. Ici, mercredi matin, deux bataillons de gardes sont partis à 6 heures ; et, dès minuit et demi, la foule stationnait sur le chemin rles barraques au chemin de for, malgr1i le froid, pour saluer et encourager de ses vivat~ les défonseu:s de l'honneur national. Dan$ le Parlement et dans la presse, on mène de front la question d'Orient eth réforme électorale. Sur la question d'Orient, pas de divergence, M. Cobden restant isolé dans son système de paix it toute outrance. et dans ses antipathies contre les sectateurs de Mahomet. Le radical M. Hume, le free-trader M. Milnes, le tory :M:. d' Israeli, les Peel ites lord Aberdeen et sir J. Graham, enfin les chefs whigs J. Russell et Palmerston, tous s'unissent pour vouloir la guerre, et punir la déloyauté du czar qui a dupé 1' Angleterre dans le début des négoci:itions ... Mais d'une guerre révolutionnaire, d'un appel aux peuples, on n'en parle que pour renier et maudire une telle pensée : pourtant, les marins et les soldats des deux puissances occidentales pourront-ils suffire même à protéger Constantinople, s'ils ne sont appuyés par les insurrections nationales? C'est ce dont on doute, même ici, mais ce dont on ne veut pas convenir. Et pendant ce temps, le czar s'apprête à mettre à exécution sa menace à L. Bonaparte; de recommencer la guerre avec l'espoir de la voir se terminer comme celle de 1812 ! • Tout à ~ous, Ph. }'AURE, VARIÉTÉS. UNE PAGE D'HISTOIRE. Le 14 septembre, jour fixf pour l'acceptation solennelle de la Constitution de 1791, les membres de l'Assemblée se trouvaient tous réunis vers onze heures. Uue foule ardente avait, dès le matin, assiégé et rempli les tribunes. Un dais préparé, la veille, pour le roi, par les soins du premier aide des cérémonies, avait dû être enlevé, sur les observations de l'abbé Gouttes ; et, à côté du fauteuil du président, on en voyait un exactement semblable qui était destiné an roi. " Dans le moment où le roi prêtera son serment, dit le président, l'Assemblée doit être assise."- " Sans doute, s'écrient 1111 grand nombre de voix ; et le r~i ,1r'·out, tête l'lUe." Malouet. fort aigrement, observa , . . ..·y av~it pas de circonstance où la nation, en présence du roi, nn le reconnO.t pour son chef. " Eh bien, répliCJ:uaun 1:,-: ••. .Jre ùe b gauche d'un ton railleur, décrètons qu'il sera permis à III. Malouet, et à quiconque en aura envie, de recevoir le roi à genoux ! " A midi précis, un huissier annonce l'arrivée du monarque. Il entre. Profond silence. Surpris et presque inquiet, il monte lentement les degrés de la tribune. Un huissier lui indiquant alors la place qu'il doit occuper à la gauche du présid~nt, il se sent humilié, il hésite. •Il s'approche du fauteuil cependant, et, debout, découvert, il commence ainsi : " Messieurs, je viens consacrer ici solennellement l'acceptation que j'ai donnée à l'acte constitutionnel. En conséquence, je jure .... " A ces mots, l'Assemblée, qui d'ab?rd s'était levée, s'assied. Le roi, toujours debout, contmue sans remarquer c11mouvement: " Je jure d'être :6.dèleà la nation et à la loi, d'employer tout le pouvoir qui m'est délégué à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale constituante, et à faire exécuter les lois•... " Arrivé là, Louis XVI &'aperçoit qu'il est resté s~ul. debout et découvert, la parole lui manque ; il pâlit, s assied brusquement à son tour, et, plein d'une tristesse indignée, prononce cette dernière phrase de la formule de son serment : " Puisse cette grande et mémorable époqa.e être. celle du rétabliss~ment de la paix, de l'u,nion, et deven1r le gage du bon~ur ~u peuple et de la prospérité de. l'empire." •, Dea cris redoubléi de vi-ue le rQ,i,J s'élevèrent, Mais. la bougeoillie vtmaitde montr•assez clairemel}t p;i.rson,at- • titude à quelles conditions et dans quel intérêt elle entendait conserver la monarchie ! Le ·président eut beau répondre à Lo11isXVI : " C'est l'attachement des Français, c'est leur confiance qui vous défèrent ce titre respectable il. la plus belle couronne de l'univers " ; ni ce tardif hommage, ni les acclamations qui retentirent avec une force nouvelle, ni l'assemblée se levant en corps pour l'accompagner jusqu'aux Tuileries, rien ne put consoler Louis XVI, en cet instant si solennel, et qu'il venait de trouver si. amer. La reine, qui avait assi&té à la séance dans une loge particulière, rentra au château, silencieuse et comme accablée. A peine avait-elle gagné ses appartemens, que le roi arriva chez elle par l'intérieur. Lé visage de Louis XVI était si pâle, si profondément altéré, que Marie-Antoinette, en le voyant ainsi, ne put retenir un cri d'étonnement et de douleur. Lui, se jetant dans un fauteuil et portant un mouchoir à ses yeux : " Tout est perdu ! Ah ! Madame ! Et vous êtes témoin de cette humiliation ! quoi ! vous êtes venue en France, pour voir., .... " Il s'arrêta, oppressé par ses sanglots, tandis que la reine, tout émue, tombait à genoux devant lui et le serrait dans ses bras. La proclamation de l'acte constitutionnel se fit le 18 septembre, avec une pompe extraordinaire et au milieu des démonstrations de joie les plus passionnées. Des salves d'artillerie avaient annoncé dès le matin cette fête vraimeut nationale : vers dix heures, la municipalité se mit en marche, accompagnée de nombre11x détachements d'infanterie et de cavalerie. Il y eut trois proclamations, la première, à l'hôtel de ville ; la seconde, au Carrousel ; la troisiime, à la place Vendôme ; et toutes les fois que Bailly éleva le livre dans les airs, les cris d'allégresse mêlés au bruit du canon, l'aspP.ct de plusieurs milliers de bonnets militaires se balançant à la pointe ,des bayonnettes, le mouvement des épées, le salut des drapeaux, les hymnes chantés par des groupes nombreux de musiGiens choisis, le tressaillement de la multitude, l'idée partout répandue et comme visible de l'ère nouvelle qui s'ouvrait, tout concourut à faire de cette scène une des plus imposantes dont il ait été jamais donné à un grand peuple de joui~·. Le soir, le roi et la reine furent priés d'aller à l'Opéra, où leur entrée fut célébrée par de vifs applaudissements. On donnait le ballet de Psyché. "Au moment, raconte Mme de Staël, qui était présente, au moment où les Furies dansaient en secouant leurs flambeaux, et où cet éclat d'incendie se répandait dans toute la salle, je vis le visage du roi et de la reine à la pâle lueur de cette imitation des enfers, et des pressentiments funestes sur l'avenir me saisire11t'" La reine souriait, mais de ce sourire qui touche aux larmes. Quant à Louis XVI, " il semblait, comme à son ordinaire, plus occupé de ce qu'il voyait que de ce qu'il éprouvait." Après l'Opéra, on alla se promener dans , les Champs-Elysées, ornés de g11irlandes de feu qui couraient d'arbre en arbre depuis la place Louis XV jusqu'à l'arc de l'Etoile. Beaucoup de cris de vive le roi ! se firent entendre ; mais aussitôt que ces cris cessaient, un inconnu qui ne quittait pas la portière de la voiture royale, criait d'une voix tonnante, aux oreilles de la reine, saisie d'effroi : " Non, ne les croyez pas ; vive la nation ! " Et les membres de l'Assemblée eux-mêmes erraient, perdus dans l'innombrable foule, laissant voir r. ur leur front une inquiétude vague, songeant à leurs successeurs, et semblables à des souverains détrônés. Le 30 septembre, jour fixé pour la clôture de la session, le roi se rendit à la salle des séances. Revirement remarquable ! Les choses en étaient à ce point, que la séparation de l'Assemblée était maintenant un malheur pour lui. Il le sentait, et ne put s'empêcher de l'exprimer. Quand il fut sorti, Thouret, qui présidait, éleva la voix, et s'adressant à ceux de la salle et des tribunes: "L'Assemblée nationale, dit-il, déclare que sa mission est finie." Au del1ors, le peuple attendait, avec des couronnes de chêne. à la main ...... Robesp,ierre et PJtion. lls furent portés en triomphe. Pétion, énivré, Jaissait éclater sa joie et saluait gracieusement la foule. Robespierre était triste. L'Assemblée constituante est une des plus imposantes figures qui aient jamais paru sur la scène du monde. Ses travaux furent immenses. Ce qui semblait ne pouvoir être que l'œuvre de plusieurs siècles, elle sut l'accomplir dans l'espace de deux ans, et cela au milieu de l'Europe inquiète , de la France agitée, de Paris bouillonnant, de toutes les passions en éveil, de tous les partis en lutte, avec la noblesse à détruire, la cour à combattre, le peuple à suivre ou à diriger, les prêtres à tenir en respect, de milliers de conspirateurs à déjouer, l'esprit de faction à contenir, et lorsque dans son propre sein, d'ou il y avait à faire sortir tout un ordre nouveau, elle sentait gronder l'anarchie. Aussi, que d'o11vriers illustres rassemblés pour la construction du merveilleux édifice, depuis Sieyès jusqu'à Volney, depuis Mirabeau et Duport jusqu'à Robespierre ! A quelle époque de l'histoire vit-on jamais réunis tant d'hommes d'Etat, de penseurs, de phitosophes, de légistes profonds, d'éclatans orateurs, de tribuns puissants par le cœur ou par le génie ! Si l'on considère l'Assemblée constituante comme pouvoir révolutionnaire, on demeure étonné des heureux prodiges de son audace. Elle paratt, elle lève le bras ...... , et le régime féodal s'écroule ; le sol se dérobe sous les pas de tous ces usurpateurs de la majesté divine qui, ' avec le produit du. ciel nndu, avaient acheté la terre ; lea oourtisans prennent la fuite ; les parlements disparalasent ; le règne des maltôtiers expire ; le déficit est comblé ; la royauté de Louis XVI s'en ya; les douanes intérieures tombent ; les Etats provinciaux se dispersent ; li division du royaume cesse ; l'agriculture est débarrassée de la main-morte et des corvées; l'industrie l'est des corporations et des maîtrises ...... La France meurt : vive la France ! Que l'on considère l'Assemblée constituante comme pouvoir organisateur, nul doute qu'elle n'ait fait de grandes choses. Par elle, l'unité du territoire fot fondée, et la hiérarchie, montant, le long d'une échelle savamment construite, de la commune au ca1tton, du canton au ,lépartement, du département au centre de l'Etat, constitua une force à la fois d'action et de résistance coRtre la11uelletoute l'Europe en armes vint se briser. A la place d'une foule de petites tribunes éparses, consacrées autrefois à des débats sans sonorité et à des délibérations sans lueurs, elle établit en haut lieu une tribune d'où la France pouvait parler aux nations les plua lointaines, et qui, véritablement, lui donnait pour auditoire le mondè entier. Par un emploi aussi hardi que sage des assignats, elle régénéra les finances, mobilisa le sol, créa des iDtérêts nouveaux, pourvut à la liquidation de la société ancienne, et ranima la circulation des richesses. Elle sut introduire tant d'ordre dans le maniement du trésor, que, sans obérer la nation, elle trouva moyen de faire face à une augmentation considérable de la force publique, à l'équipement et à l'armement des gardes nationales, à l'entretien de la marine, à la formation de plusieurs arsenaux, à la réparation des places de guerre. Elle régla le vote de l'impôt, sa perception, sa destination , de manière à mettre au désespoir les voleurs de deniers publics , et ce furent ses décrets qui arrangèrent les premiers rouages du mécanisme administratif où chaque dépense a son contrôle. La hiérarchie régulière des tribuna.x, la simplification des procédures, la fixation précise des attributions, l'établissement d'une magistrature élue par le peuple, l'institution paternelle et conciliante des j\l.stices de paix dans les communes, tout cela fut son ouvrage. Non contente de supprimer les supplices atroces d'autrefois, d'adoucir les peines, de briser définitivement les instruments de torture, elle institua le jury, et assura aux prévenus toutes les garanties que peut réclamer l'innocence en péril. Que ces magnifiques résultats aient été dus exclusivement à l'initiative de l'A~semblée, non sans doute ; ce qu'elle fit, la philosophie du xvw" siècle l'avait pensé ; et il ne faut pas oublier que Paris était près d'elle, autour d'elle, l'échauffant de son haleine fécondante, la pressant, l'inspirant, moulant quelquefois dans le fait ce qu'elle n'avait plus ensuite qu'à écrire dans la loi, ou bien, lui bnçant, enveloppées dans le tumulte même de ses clam1:· îS, les paroles qui avertissent et qui sauvent. Mais qu';;,1porte: Avoir mis en mouvement les pensées d'un grand siècle et codifié les plus nobles entrainements d'un grand peuple, est-ce donc 1me gloire si médiocre ? Voilà le bien ; voici le mal : L'Assemblée constituante laissa volontairement et systématiquemement en dehors de son action toute une catégo· rie d'intérêts dont la justice lui commandait de tenir compte. Distinguer, comme elle le fit les citoyens actifs des pretendus citoyens inactifs, dérober à ceux-ci leur part de souveraineté, attacher une condition de fortune au droit d'élire, armer les uns quand on se refusait à armer les autres, c'était recommencer la division des classes, c'était détruire d'avance l'unité de la famille française, c'était vouloir que ce beau mot LE PEUPLE, qui dans une société bien organisée signifierait l'universalité des citoyens, ne fût plus employé désormais que par opposition à la BOURGE01srn : dualisme à jamais funeste, par où s'expliqutnt, aujourd'l~ui encore, nos meurtrières défiances, nos révolutions, nos déchiremens. Il est dans la constitution de 1791, un article qui révèle d'une façon bien frappante l'esprit qui la dicta : c'est celui qui attribue <i~ cent quarante-ne11f députés à la population, deux cent quarante-neuf à la contribution directe, et deux cent quarante-sept au territoire. Quoi! un droit de représentation attaché à des pierres et à des arbres, là 9ù il s'agit de représenter des hommes! Oui, ·l'Assemblée constituante fut, quoi qu'en dise M. Michelet, une Assemblée essentiellement bourgeoise. Que les électeurs à deux cent cinquante francs de revenu fussent en plus ou moins grand nombre, là n'est point la question. Est-ce donc une affaire de chiffre que la justice? Pour qui prend la source de ses jugements sur les hauteui;p voidnes du ciel, la haine due à l'iniquité ne se mesure p::is au nombre des victimes. Plus ce nombre est petit, plus l'oppression est lâche. Seul contre l'univers, si je suis dans mon droit,je le brave, et s'il m'écrase, il est infâme. Demaudera-t-on maintenant pourquoi l'Assemblée constituante conserva la monarchie? Pourquoi? La reison en est bien simple. Ne voulant pas du régime démocratique auquel conduisait Uiéanmoics plusieurs de$1principes qu'ils avaient émis, les législateurs de la bourgeoisie songèrent à s'abriter derrière le trône comme derrière un rempart. Mais au moins eO.t-ilfallu le rendre solide, ce rempart ! Et c'est ici qae les législateurs de la bourgeoisie reçurent, . daus leur aveuglement, la punition mémorable de leur égoïsme. Quelle folie, en effet, de croire que la roysnté ie pourrait maintenir, quancl on lui ôtait 1-,u soatien naturel,

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