et développée dans le préambule de la Constitution de 93: ART. 1. Le but de toute association politique est le maintien des droits naturels et imprescriptibles de l'homme, et le développement de toutes ses facultés. ART. 2. Les principaux droits de l'homme sont ceux de pourvoir à la conservation de l'existence et de la liberté. A1l.T.3. Ces droits appartiennent également à tous lea hommes, quelle que soit la différencede leurs forces physiques et morales. L'égalité des droits est établie par la nature; la société, loin d'y porter atteinte, ne fait que la garantir contre l'abus de la force, qui la rend illusoire. ART. 4. La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme d'exercer, à son gré, toutes ses facultés ; elle a la justice pour règle, les droits d'autrui pour bornes, la nature pour principe et la loi pour sauvegarde.. ÂRT. 5. Le droit de s'assembler paisiblement, le droit de manifester ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de to11teautre manière, sont des conséquences si nécessaires du principe de la liberté de l'homme, que la nécessité de les énoncer suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme. ART. 6. La propriété est le droit qu'a chaque citoyen de jouir et de disposer, à son gré, de la portion de bien qui lui est garantie par la loi. ART. 7. Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l'obligation de respecter les droits d'autrui. ART. 8. Il ne peut préjudicier ni à la sQ.reté, ni à la liberté, ni à l'existence, ni à la propriété de nos semblables. ART. 9. Tout trafic qui viole ces principes est essentillement illicite et immoral. ART. 10. La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux q1ti sont hors d'état de travaGler. ART. 11. Les secours indispensables à celui qui manque du nécessaire sont une dette de celui qui poi.sède le superflu. Il appartient à la loi de déterminer la manière dont cette dette doit être acquittée. ART. 12. Lea citoyens dont les revenus n'excèdent point ce qui est nécessaire à leur subsistance sont dispensés de contribuer aux dépenses publiques; les autres doivent les supporter progressivement, selon l'étendue de leur fortune. ART. 13. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instraction à la portée de tous les citoyens. . ART, 14. LE PEUPLE EST SOUVERAIN, le gouvernement est son ouvrage et sa propriété ; les fonctionnaires oublies sont ses commis. Le peuple pe11t, quand il lui plait, changer son gouvernemer.t et révoquer ses mandataires. ART, 15. La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté du peuple. At<.T. 16. La loi doit être.égale pour tous. Au. 17. La loi ne peut défendre que ce qui est nuisible à la société ; elle ne peut ordonner qre ce qui lui est utile. ART. 18. Toute loi qui viole les droits imprescriptibles de l'homme est eesentiellement injuste et tyrannique; elle n!eat point une loi. ART. 19. Dans tout état libre, la loi doit surtout défendre la liberté publique et individuelle contre l'a11torité de ceux qui gouvernent. Toute institution qui ne suppose pas le peuple bon et le magistrat corruptible, est vicieuse. ART. 20. Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier; mais le vœu qu'elle exprime do;· r • • r ., 'Cté comme le vœu d'une portion du peuple, qt.. uu.t 1.:--.. ~,:mrirà la Yolouté générale. Chaque section du souverain assem1)1é rloit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté ; elle est essentiellement indépendante de toutes les autorités constituées et maîtresse de régler sa police et ses délibérations. AR.T. 21 Tous les bons citoyens sont admissibles à toutes les fonctionspubliques, sans aucune autre distinction que celle des vertus et des talents, sani aucun autre titre que la confiancedu peuple. ART. 22. Tous les citoyens ont un droit égal de concourir à la nomination des mandataires du peuple et à la formation de la loi. ART. 23. Pour que ces droits ne soient point illusoires et l'égalité chimérique, la société doit salarier les fonctionnaires publics, et faire en sorte que les citoyens, qui vivent de leur travail, puissent assister aux assemblées publiques ou la loi les appelle, sans compromettre leur existence ni celle de leur famille. ART. 24. Tout citoyen doit obéir religieusement aux: magistrats et aux agents du gouvernement, lors4.:u'ilssont les organes ou les exécuteurs de la loi. ART. 25. Mais tout acte contre la liberté, contre la sO.retéou contre la propriété d'un homme, exercé par qui que ce soit, même au nom de la loi, hors des cas déterminés par elle, et des formes qu'elle prescrit, est a»ibitraire et nul, le respect même de la loi défend de s'y soumettre; et si l'on veut l'exécuter par la violence, il est permis de le repousser par la force. ART, 2G. Le droit de pétition aux dépositaires de l'autoritép•blique appartie1à1t tout individu, ceux à qui L'HO!IME. elles sont adressées doivent statuer sur les points qui en font l'objet; mais il ne peuvent jamais ni en interdire, ni en restreindre, ni en condamner l'exercice. ART. 27. La résistance à l'oppression est la conséquence des autres droits de l'homme et du citoyen. ART. 28. Il y a oppression contre le corps social, lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. ART, 29. Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est le plus sacré des droits et le plu~ indispensable des devoirs. ART. 30. Quaud la garantie sociale manque à un citoyen, il rentre dans le droit naturel de défendre luimême tous ses droits. ART. 31. Dans l'un et l'autre cas, assujettir à des formes légales la résistance à l'oppression, est le dernier raffinement de la tyrannie. ART. 32. Les fonctions publiques ne peuvent être considérées comme des distinctions, ni comme des récompenses, mais comme des devoirs publics. ART. 33. Les délits des mandataires du peuple doivent être sévèrement et facilement punis. NU'ln'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens. ART. 34. Le peuple a le droit de connaitre toutes les opérations de ses mandataires ; ils doivent lui rendre un compte fidèle de leur gestion, et subir son jugement avec respect. ART. 35. Les hommes de to11sles pays sont frères, et les différents peuples doivent s'entr'aider, selon leur pouvoir, comme les citoyens du même état. ART. 36. Celui qui opprime une seule nation se déclare l'ennemi de toutes. ART. 37. Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l'homme doivent être poursuivis partout, non comme des ennemis ordinaires, mais comme des assassins et comme des brigands rebelles. ART. 38. Les aristocrates, les tyrans, quels qu'ils soient, sont des esclaves rév(?ltés contre le souverain de la terre qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers, qui est la nature. Maximilien ROBESPIERRE. Au citoyen rédacteur de l'Homme. Citoyen, Il y a plus de trois années, j'ai publié en Allemagne un volume de lettres sur l'Italie et sur la France. La publication fut heureuse. Les événemens de 1848appréciés par un Russe,- cela avait son piquant. J'ai encore trois lettres qui n'ont jamais été publiées ; ce ne sont pas des récits, mais plutôt des méditations philosophiques, et - passez-moi l'expression-lyriques, sur les événemens qui ont précédé le 2 Décembre. Voulez-vous les insérer dans votre journal? L'idée m'en est venue en vous voyant ouvrir largement vos colonnes à toutes les opinions révolutionnaires. . . . . .. Mais, est-ce qu'il y a par hasard une opinion révolutionnaire russe ? En quoi, comment peut-elle différer des opinions révolutionnaires en France, en Allemagne ? La véritable patrie de la civilisation russe n'est pas en Russie, - mais en Europe. En effet, l'idée révolutionnaire est la même. Mais la position est to1tt autre .... Personne n'a encore sérieusement envisagé l'étrange, l'excentrique position d'un Russe en Europe, lorsqu'il cesse d'être touriste, flaneur. La vie, chez nous, est intolérable. Tous les regards sont toun1.és vers la porte, verrouillée par le Tzar et qui ne s'entr'ouvre que rarement et bien peu encore. Faire un voyage en Europe, c'est le rêve de tout Russe civilisé. Nous désirons passionnément voir de nos propres yeux le monde que nous connaissons par l'étude, et dont la façade majestueuse, riche, séculaire, nous impose, de loin, une profonde 110.miration.Nous désirons peut-être plus passionnément encore ne plus vojr lE!'Palais d'hiver, les alguazils de Pétersbourg et l'aspect consolant de l'ordre triomphant. Nous quittons le pays, ivres de bor1heur, le cœur ouvert, la langue déliée... rajeunis, aimants.... le gendarme prussien à Lauzagen, nous semble un homme, Kœnigsberg une cité libre ; no11smarchons heureux et un peu troublés sur le sol sacré de la grande lutte pour l'indépendance de la pensée .... Dans les premiers temps, cela va bien, - et comme on s'y attendait, - on ne cesse d'admirer, d'étre content. Mais, au bout de quelque mois, nous commençons à ne plus reconnaître le nouveau monde. Nons sommes fâchés, nous sommes froissés. L'espace, l'air nous manquent; nous ne sommes pas à notre aise et nous avons peur de nos propres sentimens ; nous en rougissons même:et nous cachons avec soin notre découverte aux yeux de tout le monde.. :. Nous étouffons en nous le sentiment droit et naïf, et nous faisons semblant d'être des Européens, des Européens consommés. - Cela ne nous réussit pas. Nous avons beau nous affubler d'un vieil habit râpé ... tôt ou tard l'habit se déchire, et le barbare apparaît avec sa poitrine nue ... tout honteux de ne pas savoir porter un habit - qui n'est pas fait pour lui, et qui a déjà été usé par d'autres !... Le célèbre "grattez un Russe et vous trouverez un barbare " de Mme de Stael, est parfaitement vrai, Pour qui la perte? je n'en sais rien. Mais ce queje sais, c'est quel'Europe n'a pas de té. moin plus importun qu'un Russe. L'étonnement offensant qui succède chez lui à l'étonnement d'admiration est un reproche ; c'est c-0mme un remords, c'est la conscience de l'Europe se réveillant. En voici la raison : Nous entrons en Europe portant dans notre âme son idéal à elle, qui est deventl notre dogme religieux, notre étendard. Notre connaissance de l'Europe est théorique, littéraire ; nous la connaissons comme elle veut être connue, nous l'étudions d'après ses abstractions purifiées et sublimées, d'après les pensées générales qui surnagent tranquilles et limpides, sur des abîmes sans fonds.... Ce côté lumineux est en effet très réel ; mais ce n'est qu'un côté, c'est le seul l{Uartierde la lune qui soit éclairé ... malheureusement, la vie européenne a ses trois autres quartiers très obscurs. De loin, on ne les voit point ; de près, on les Yoit sans cesse. Entre la réalité qni s'idéalise et la réalité qui se perd dans la boue des rues,-entre l'idéal politique, le desideratum littéraire, et la concupiscence des halles et des maisons-il y a toute la distance qui a subsisté de tout temps entre le précepte de l'Evangile et la vie des peuples chrétiens, entre la morale prêchée et la conduite pratiquée. D'un côté ce sont des mots-de l'autre des actes; d'un côté des usurpations, de l'autre l'usufruit,-d'un côté des méditations, de l'autre des jouissances,-d'un côté un pariage éternel, un éclairage à giorno,-de l'autre tout se passe à l'ombre et en silence. Certainement ce dualisme n'est pas volontaire; c'est le résultat d'une grande et longue existence historique. La vie s'est formée comme elle l'a pu, le mieux possible. Des dépôts de tous les siècles, des alluvions de toutes les nationalités se sont incrustés dans la manière d'êti;e d'aujourd'hui; ils ont traîné après eux l'écume et la boue, les vices et les maladies héréditaires du temps de Rome et de tous les temps ...... Des séries de tous les peuples se sont exténuées et sont déjà mortes dans ce torrent de la vie occidentale qui charrie leurs os, leurs cadavres et, conserve avec respect leurs pensées et leurs rêves. C'est l'idéal qui surnage sur cette mer profonde et en éclaire la surface ; c'est l'esprit de Dieu planant sur les eaux! Mais les eaux ne se partagent pas ..... . On ne peut créer un monde nouveau dans le chaoil. Le vieux monde est encore trop' bieR organisé, il plait trop aux uns, il est trop ignoré par les autres-il peut encore q•elque temps trainer son existence divisée, con.tra~ctoire, hémisphérique. Le Russe sent plus amèrement qu'un autre ce dualisme, non parce qu'il est étranger, mais parce que, en même temps, il l'est et ne l'est pas. Un vérit'able ~tranger regarde les particularités d'un!l contrée avec curiosité, les étudie, les note avec sang froid. Qu' est-s.e que cela lui fait? Au fond il y est indifférent, il est étranger. C'est Bou-Maza regardant Paris de sa fenêtre aux Champs-Elysées ; c'est un voqageur européen en Chine. Le Russe, au contraire, est offensé dans son amour, il s'aperçoit qu'il s'est trompé, et il hait, comme les jalousies haïssent, pour le trop d'affection et de confiance qu'elles avaient eu. Le Bedouin a son sol, son désert, sa tente, il y séjournera, il s'y reposera. Le Juif-ce réfugié des époques diluviennes, ce proscrit diluvi testis-il a quelque part un t1bernacle dans lequel repose sa foi-où il se réconcilie .. Jusqu'à ces derniers temps, le Russe a été plus pauvre que le Bedouin, plus pauvre que le Juif-il n'avait rien, aucune consolation,aucune réconciliation, et c'est peut-être par là qu'il faut comprendre le germe révolutionnaire en lui. Le dualisme chez nous est plus flagrant, plus brutal, plus absurde-et par cela même moins profond, et aussi moins supportable. Séparé de la vie populaire depuis un siècle et demi, le Russe civilisé est élevé non comme Russe, mais comme Européen. Sou éducation à peine terminée, il se trouve face à face avec le monstre de la Russie officielle. Il est trop faible pour l'abattre, et trop homme pour pactiser. Il n'y a pas de transaction-il faut s'éloigr1er, s'abstenir-ou s'avilir pour toujours. Se retirer-où ? Peu nombreux sont ces élus qui peuvent calmer les cris du cœur par les orgies, le jeu et le tumulte extérieur-se retirer dans l'étude, c'est ce que la minorité civilisée fait en effet. On étudie l'histoire, la grande épopée de la fin du XVIIIe siècle. Le culte de la Révolution française, c'est la première religion d'un jeune Russe ;-et qui de nous ue possédait pas, en cachette, les portraits de Robespierre et de Danton? La seconde initiation c'est la science allemande. Et nous n'avions pas besoin des indiscrétions de Feuerbach pour comprendre que la philosophie de la religion était une oraison funèbre sur la tombe du christianisme. De ce monde de l'histoire, de ce monde de la raison pure, le jeune Ruilse passe enfin en Europe; il y va comme les pélerins allaient à Jérusalem-il y retourne _plutôt. -Figurez-vous un Ostrogoth du IVe siècle alant à Rome, la Rome d'Héliogabale et Cie, pour y chercher la Cité de Dieu d'Augustin ! Les pélerins da moyen âge trouvaient au moins un cercueil vide ; la Résurrection était de nouveau prouvée ; le Russe trouve un berceau vide et une femme exténuée de ses couches...... Est-ce que l'enfant est mort ... Oui,-non, on n'a personne à qui le demander; les philosophes sont idolàtrea, les r6volutionnairei con»ervateurs !
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