-SCIENCE.- ' -SOLIDARrrEJOURNALDELADEMOCRATIUENIVERSELLE. N° 12. - MERCREDI, 15 FÉVRIER ] 854. 1 Ce .Journal parait une fols par semaine, j ' AUXABONNES. Le.s per3onnes abonnées pow· trois mois, sont p,.i.ée,~de renouveler leur abonnement avant le Ier mars, si elles ne veulent pas éprouver de retard dans renvoi du Journal. Il suffira d'envoyer un bon sur la poste à Londres, 50 lz2, Great Queen- ' street Lincoln's-lnn-Fields, à la Librairie universelle, ou à Jersey, 19, Dorset-street, o.-{ficdee r Imprimerie universelle. A LoNI PA.LMER8TON, Seeretalre•dE1at a .l'Interieu••, en Angleterre. Mo:ssIEuR, Je mets sous vo~ yeux w1c série de faits qui se sont accomplis à Jersey da11s ces dernières années. Il y a quinze ans. ~aliot, assassin, fn~ con<lanmé ~ m~rt et gracié. Il y a hu:t_ ans, Thom~s N 1colle, a;.~sassm, fut coll<lamnéà mort et gracie. Il y a trois ans, ~n 18vl, Jacques Fouquet, assa~sjn, fut condai:?né à n~ort et ~racié. Pour tou_s ces criminels la mort fut commuee en dLportation. Pour obtenu· ces grâces, à ces diverses époques, il a suffi d'une pétition des habitants de l'île. J'ajoute qu'en 1851 on se borna également à ~léporter Edward C~rlton, qui avait assassiné sa femme dans des circonstances horrible~. Voilà ce qui s'est passé depuis quinze ans dans l'île d'où je vous l:oris. . 1\Iaintenant quittons Jersey et venons à Guernesey. Tapner, assassin, incen?iaire et volem:, est co~1damné.à ~ort. A ]'heure qu'il est, monsieur, et a11besom les faits que Je. viens de vous citer suffiraient à le prouver, dans toutes les consciences saines et droites la peine de mort est abolie r Tapner condamné, un cri s'élève, les pétitions se multiplient, une, qui s'appuie énergiquement sur le princip~ de l'imiolabili_té ù_ela vie humaine, est signée par six cents habitants les plus eclairés de l'île. Notons ici que pas un ministi:e.d'aucun culte chré!ien n'a voulu accorder sa signature à ces pét:hon~. Ces hommes_!gnore~t probablement que la croix est un gibet. Le peuple criait : grace ! le prêtre a crié : 1:;ort ! Plaignons le prêtre et passons. Les pétitions vous sont remises,mo,,sieur. Vous accordez un sursis. En pareil cas, rnrsis signifie commutation. L'île respire ; le gibet n~ sera pas dres~é. Point. Le gibet se dresse. Tapner est pendu. A près réflexion. Pourquoi? Pourquoi refuse-t-on à Guernesey ce qu'on avait tant cle fois accordé à Jersey? pourquoi la concession à l'une et l'affront à l'autre? pourquoi la grâce ici et le bourreau là? pourquoi cette <lifli.1tr.celà où il y avait parité? quel est le sens de ce sursis qui n'est plus qu'une aggravation ? est-ce qu'il y aurait un mystère? à quoi a servi la réflexion ? Il se dit, monsieur, des choses devant lesquellet je détourne la tGte. Non, ce qui se dit n'est pas. Quoi! w1e voix, la voix la plus obscure, ne pourrait pa~, si c'est la voix d'un exilé, demander grâce, dans un coin perdu de l'Europe, pour un homme qui va mourir sans que M. Bonaparte l'enten,d'it ! \Sans que M. Bonaparte i~terv'int ! .Quoi! M. ~onaparte qui. a ~a guillotine de Belley la guillotme de Dragmgnan et la grullotme de ::\fontpellier, n'~n aurait pas assez, et 11;tuaitl'appé~il d'une poten_ce à Guernesey ! quoi ! dans cette affaire, Yous auriez, vous monsieur, craint de faire de la peine au proscripteur en donnant raison au proscrit, l'homme pendu serai_tune ~omplaisance, "ce gibet. serfit une gracieuseté, et vous auriez fait cela _pour ~ntretemr. 1 amitiê ! " Non, non, non! Je ne le crois pas, Je ne pui.s le croire; je ne puis en admettre l'idée, quoique j'en aie le frisson! En pré~cncede la grande et génfaeuse nation anglaise, votre reine aurait le droit de grâce et M. Bonaparte aurait le droit de veto! En même temps qu'il'y a un tout-puissant au ciel, il y aurait ce tout-puissant-là sur la terre! - Non! Seulement il n'a pas été possible aux journau1: de France de parler de Tapner. Je constate le fait, mais je n'en conclus rien. Quoiqu'il en soit, vous avez ordonné, ce sont les termes de la dl!pêche, que la ju~tice "suivît son cours; " quoiqu'il en soit, tout est fini ; quoiqu'il en soit, Tapner, après trois sursis et trois réflexions (1), a été pendu hier 10 février, et,-si, par aventure, il y a quelque chose de fondé dans les conjectures que je repousse,- voici, monsieur, Je bulletin de la journ!e. Vous pourriez, dans ce cas, Je tranamettre aux Ttùleries. Ces détails n'ont rien qui rfpugne à l'empire du Deux D«lcembre; il planera avec joie sur cette victoire. C'est un aigle à gibets. Un jardin était attenant à la prison. On y avait dresté ]'!lchafaud. Une brèche avait été faite au mur pour que le condamné passât. A huit heures du matin, la foule encombrant les rues voisines, deux cents spectateurs " privilégiés '' étant dans le jardin, l'homme n paru à la brèche. Il a~ait le fi:ont haut :t le pas ferme; il était pâle; le_cercle ,rouge de J•m~omJ?i~ ntour~it ses yeux. Le mois qw venait de s écouler l'avait v1e1lh de vmgt années. Cet homme rle trente ans en paraissait cinquante. "Un bonnet de "coton blanc profonùément enfoncé sur la tête et relevé sur le "front,-dit un témoin oculaire,(2)-vêtu de la rédingote brune "qu'il portait aux débats, et chaussé de vieilles pantouflles.," il a fait le tour d'une partie du jardin dans lJne allée sablée exprès. Les bordiers, le shérif, le lieutenant shérif et le procureur de la reine l'entouraient. li avait les mains liées; mal, comme vous a.llez voir. Pourtant, selon l'usage anglais, pendant que les mains étaiept croisées par les liens sur la poitrine, une corde rattachait les coudes derrière Je clos. A côté de ]~, les chapelains, qui avaie.nt refusé dei (1) Du 27 janvier au 3 février. - Du 3 f€vrier au 6. - Du 6 au 10. (2) E.ucutw11cleJ .• c, Tap11er. (Im.primt\ au blUeau du Star de Guernesey.) Toutes lettres et corresponùances doivent être affranchies et adressées a,u bureau de l'imprimerie Universelle à SaintHélier (Jersey), J.9, Dorset Street. -L'es manuscrits déposéa 11e seront pas rendus. signer la demande en grâce, pleuraient. L'allée snblée menait à l'échelle. Le nœud pt'ndait. Tapner a monté. Le bourreau tremblait; les bourreaux d'en bas sont quelquefois 1:i:nus.Tapner s'est mis lui-même sous le nœud coulant 9t y '11,,Passéon cou, et, comme il avait les mains peu attacbC-es,voyant que le bourreau, tout égaré, s'y prenait mal, il l'a aidé. Puis "comme s'il eut pressenti ce qui " allait suivre,'' dit le même témoin, il a dit : Liez moi donc miruœ les mains.-C'est inutile, a répondu le bourreau. Tapner étant ainsi debout dans le nœud coulant, les pieds sur la trappe, le bourreau a rabattu Je bonnet sur son visage, et l'on n'a plus vu d11'cetteface pâle qu'une bouche qui priait. Après quelques secondes, le temps de se retourner, l'homme des " hautes-œuvres" a pressé le ressort de la trappe. Un trou s'e-st fait sous le condamné, il y est tombé brusquement, la corde s'est tendue, le corps a tourné, on a cru ]•homme œort. " On pensa, dit le témoin, que Tapner " avait été tué roide par la rupture de la moëlle épinière.'' Il était tombé de quatre pied~ de ham, et de tout son poids, et c'était un . homme de haute taille ; et le témoin ajoute : " Ce soula- " geme11t des cœurs oppressés iie dttm pas deu:cminutes.'' 'l'ou:: à coup, l'homme, pas encore cadavre et déjà spectre, a remué; les jambes se sont élevées et abaissées l'une anrès l'autre comme si elles essayaient de monter des marches dans le vide, ce qu'on entrevoyait de la face est devenu horrible, les mains, presyue dêliées, s'éloignaient et se rapprochah,nt " comme pour demander assis- " tance,'' dit le témoin. Le lien des coudes s'était rompu à la secousse cle la chute. Do.n~ ces convn]$ions, la corde s'est mise à osciller, les coudes du misérable ont heurté le bord de la trappe, les mains s'y sont cramponnées, le genou droit s'y est appuyé, le corps s'est soulevé, et le pendu s'est penché sur la foule. Il t:st retombé, puis a recommencé. Deu:rfois, dit le témoin. Puis il a relevé son bonnet et la fonle a vu ce visage. Cela durait trop, à ce qu'il paraît. JI a fallu finir. Le bourreau, qui était descendu, est remonté, et a fait, je cite toujo1.1rsJe témoin oculaire, "lâcher pritie "a~ patient'' Le bourreau et le spectre ont lutt6 un moment; Je bourreau a vaincu. Pnis cet infortuné, condamné lui-même, s'est précipité dans le trou où pendait Tapncr, lui a étreint les deux genoux, et s'est suspendu à ses pieds. La corde s'est balancée un moment, porta·it le patient et le bourreau, le crime et la loi. Enfin le bourreau a lui-même "Jâ,ché prise." C'était fait. L'honune était mort. Vous le voyez, monsiew-, les choses se sont bien passées. Cela a été complet. Si c'est un cri d'horreur qu'on a voulu, on l'a. La ville étant bâtie en amphitl:éâtre, on voyait cela de toutes les fenêtres. Les regar<ls plongeaient dans le jardin. La foule criait : shame ! shame ! Des femmes !'ont tombées évanouies. . Pendant ce temps là, Fouquet, le gricié de 185], se repent. Le bourreau a fait de Tap:1er un cadavre; la clémence a refait de Fouquet un homme. (]) Dernier détail : Entre le moment où Tapner est tombé dan~ Je trou de la trappe et l'instant où le bourreau, ne sentant plus de frémissement, lui a lâché les pieds, il i:'est écoulé douze minutes. Douze minutes ! Qu'on calcule combien cela fait de temps, si quelqu'un sait à quelle horloge se comptent les minutes de l'agonit: ! Voilà donc, monsieur, de quelle façon Tapner est mort. La théorie de l'exemple est Eatisfaite. Le philosophe seul est triste, et se demande si c'est là ce qu'on appelle la justice " qui suit son cours. " Il faut croire que le philosophe a tort. Le supplice a Hé effroyable, mais le crime était hideux. Il faut bien que la société se défende, n'est-ce pas? où en serions-nous si, etc., etc., etc.? l'audace des malfaiteurs n'aurait plus de bornes. On ne verrait q11'atrocités et guet-apens. Une répression est nécessaire. Enfin, c'est votre avis, monsieur, les Tapne-r doivent être pendus, à moins qu'ils ne soient empereurs. Que la volonté des hommes d'état soit faite ! Les idéologues, les rêveurs, les étranges esprits chimériques qui ont la notion du bien et du mal, ne peuvent sonder sans trouble certains c6tés du problême de la destinée. Pourquoi Tapner, au lieu de tuer une femme, n'en a-t-il pas tué trois cents, en ajoutant au tas quelques centaines de vieillards et d'enfants? pourquoi, au lieu de forcer une porte, n'a-t-il pas crocheté un sennent? pourquoi, au lieu cledérober quelques schellings, n'a-t-il pas volé vingt-cinq millions ? Pourquoi, an lieu de brûler la maison Saujon, n.'a-t-il pas mitraillé Paris? il amait un an;ibassadeur à Londres. Il serait pourtant bon qu'on en vint à précis6r lin peu Je point où Tapner cesse d'être un brigand et où Schinderhannes commence à dennir de la politique. Tenez, monsieur, c'est horrible. Nous habitons, vous et moi, ]'infiniment petit. Je ne suis qu'un proscrit et vous n'êtes qu'un ministre. Je suis de la cendre, vous êtes de la pous~ière. D'atôme à atûme on peut se parler. On peut cl'un néant à l'autre se dire ses vérités. Eh bien, sachez-le, quelles que soient les splendeurs actuelles de votre politique, quelle que soit la gloire de l'alliance de M. Bonaparte, quelque honneur qu'il y ait pom· vous à mettre votre tête à célté de la sienne dans le bonnet qu'il porte, si retentiss:mts et si magnifiques que soient vos triomphes eu commun dans l'affaire turque, monsieur, cette corde qu'on noue au eou d'un homme, cette trappe qu'on ouvre sous ses pieds, cet. espoir qu'il se cassera la colonne vertébrale en tombant, cette face •qui devient bleue sous le voile lugubre du gibet, ces yeux sanglants qui sortent brusquement de leur orbite, cette langue q11i jaillit du gosier, ce rugissement d'angoisse que Je nœud étouffe, cette âme éperdue qui se cogne au crâne sans pouvoir s'en aller, ces genoux convulsifs qui cherchent un point d'appui, ces mains (1) On lit dans les journaux de Jersey, 7 janvier 1851 : -JACQUES FouQUET.-On nous assure que Jacques Fouquet, condamné à mort par notre cour royale, comme coupable du crime clemeurtre sur la personne <leFrédéric Derbyshire, et dont la peine fut commuée par sa majesté en celle de la déportation perpétuelle, a été transféré, il y a six rnois, de la prison de Millbank où il était toujours resté, à Dartmore. Il est pre~que complètement guéri du mal qu'il avait au cou, et sa conduite a été telle à Mill. bank, que le gouverneur de cette prison regarde comme très-probable une nouvelle commutation de sa peine en un bannissement des possessions anglaises -• ON S'ABONNE : PRIX DE L'ABONNEMENT : A Jeraey, 19, Dorset st _ à l' Im- '·Un an, 8 shifüngs ou l 0 fnncs. primerie universelle. A Londres, 50¼, Great Queen st. Six mois, 4 sh. ou 5 fr. Lincoln's..lnn-Fields, à la Li- Trois mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. brairie universelle. ' liées et muettes qui se joignent et qui crient au secours, et cet autre homme, cet homme de l'ombre, qui se jette sur ces palpitations suprêmes, qui se cramponne aux jambes du misérable et qui se pend au pendu, monsieur, c'est épouvantable. Et si par hasard 1cs conjectures que j'écarte avaient raison, si l'homme qui s'est accroché aux pieds de Tapner était M. Bonaparte, ce serait monstrueux. Mais, je le répète, je ne crois pas ..cela. Vous n'avez obéi à aucune influence ; vous avez dit : que la justice " suive son cours ; " vous avez donné cet ordre comme un autre; les rabâcbages sur la peine ùe mort vous touchent peu. Pendre un homme, boire un verre d'eau. Vous n'avez pas vu la gravité de l'acte. C'est une légèreté d'homme d'état; rien de plus. l\Ionsieur, gardez vos étourderies pour la terre, ne les offrez pas à ]'éternité. Croyez-moi, ne jouez pas avec ces profondeurs-là; n'y jetez rien de vous. C'est une imprudence. Ces profondeurs-là, je suis plus près que vous, je les vois. Prenez garde. Ezul sicut mortuus. Je vous parle de dedans Je tombeau. , Bah! Qu'importe! un homme pendu; et pui!' après? une ficelle que nous allons rouler, une eharpente que nous allons déclouer, un cadavre que nous allons enterrer, voilà grand chose. Nous tirerons le canon, un peu de fumée en Orient, et tout sera dit. Guernesey, Tapner, il faut un microscope pour voir cel,1. Messieurs, cette ficelle, cette poutre, ce cadavre; ce méchant gibet imperceptible, cette misère, c'est l'immensité. C'est la question sociale, plus haute que la question politique. C'est plus encore, c'est ce qui n'est plus la terre. Ce qui est peu de chose, c'est votre canon, c'est votre politique, c'est votre fumée. L'açsassin qui du matin au soir ùevient ]'assassiné, voilà ce qui est effrayant; une âme qui s'envole tenant le bout de corde du gibet, voilà ce qui est formidable. Hommes d'état, entre deux protocoles, entre deux ùîners, entre deux sourires, vous pressez nonchalamment de votre pouce i;anté cle blanc le ressort de la potence, et la trappe to1nhe sous les pieds du pendu. Cette trappe, savev.-vous ce qui:! c'est? C'est l'infü;i qui apparaît; c'est l'insondable et l'inconnu; c'est la grande ombre qui s'ouvre brusque et terrible sous votre petitesse. • Continuez. C'est bien. Qu'on voie les homn:es du vieux monde à l'œuvre. Puisque le passé s'obstine, regardon: -le. Voyons successivement toutes ses figures: à Tunis, c'est le pal; chez le czar, c'est le knout ; chee le pape, c'est le garrot; en France, c'est la guillotine ; en Angleterr.e, c'est Je gibet; en Asie et en Amérique, c'est le marché d'esclaves. Ah! tout cela s'évanouira! Nous les anarchistes, nous les démagogues, nous les buveurs de sang, nous vous le décbrons, à vous les conservateurs et les sauveurs, Ja libert~ humaine est auguste, l'intelligence humaine est sainte, la vie humaine est sacrée, l'~me humaine est clivine. Pendez maintenant! Prenez-garde. L'avenir approche. Vous croyez vivant ce qui est mort et vous croyez mort ce qui est vivant. La vieille société est debout, mais morte, vous dia-je. Vous vous êtes trompés. Vous avez mis la main d~ns les ténèbres sur le spectre et vous en avez fait votre füncée. Vous tournez Je <losà la vie; elle va tollt à l'heure se lever derrière vo11s.Quan« nous prononçons ces mots : Progrès, Révolution, Liberté, Humanité, vous sollriez, homrnee malheureux, et vous uous montrez la nuit où nous sommes et où vous êtes. Vraiment, savez-vous ce que c'est que cette nuit? Apprenez-le, avant peu les idées en sortiront énormes et rayonnante~. La Démocratie s'appelait hier France; elle s'appellera demain Europe. L'éclipse actuelle masque le mystérieux agra1:dissement de l'astre. Je Sllis, :Monsic:ur,votre obéi%ant serviteur. Victor Huco. }Iarinc Terrace, 11 février 1854. C'est assez l'habitude des gouvernements et des puissances <le la terre de repousser la prière des idées, ces grandes suppliantes. Tout ce qui est autorité, pouvoir, état, est en général fort avare soit de libertés -à fonder, soit de grâces à répandre : la force est jalouse; et quand elle n'égorge pas comme à Paris, <lehaute lutte, ou par guet-apens, elle a, comme à Londres, ses petites fins de non recevoir, ses nécessités politiques, ses justices légales. Il arrive, parfois, poutant que cela coûte cher, et que l'autorité qui ne sait pas le pardon est cruellement châtiée, c'est lorsqu'un grand esprit profondément homain veill~ derrière les échafaudsJ derrière les gouvernements. Ainsi l'homme qu'on vient de pendre à Guernesey, V. Hugo l'avait défendu vivant; il l'avait abrité quand il était déjà dans le froid de la mort~ sous la pitié sainte; il avait jeté, sur cette misère souillée de crimes, la riche hermine de l'espérance et la grande charte de l'inviolabilité qui permet l'expiation et le repentir. Mais à Londres la puissance est restée sourde à cette voix, conime aux sept cents échos qu'e11eavait éveillés dans la petite île émue, et l'on a pendu 'Papner, après deux sursis qui pour cet homme de la mort avaient été deux renaissances, deux aurores ! Eh bien, voilà maintenant, qu'aussi tenace que la loi, l'esprit vengeurde la philosophie revient, se penche sur le cadavre• encore tout chaud, sonde les plaies, raconte fos luttes terribles de cette agonie désespérée, ses bonds, ses gestes, ses convulsions suprêmes, ses regards presqu'éteints à travers le sang, et les pitiés indignées de la foule et ses anathèmes !
Qu'aura gagné la loi, qu'aura gagné le gouvernement, dites-le nous, qu'aura gagné r e."Ccmple à cette exécution qui n'a pas osé la grande place, publique et libre, qui par ses détails hideux rappelle à tous les tragédies de l'abattoir, et qu'nn formidable réquisitoire vient de dénoncer au monde'? Ces pages éloquentes, nous le savons, n'emporteront point la peine de mort et ne rendront ·pas à la vie le condamné que la justice vient d'abattre ; mais le gibet de Gnernesey sera vu de tous les points de la terre; mais la conscience humaine, qu'avaient peut-être endormie les succès <lu crime, sera de nouveau remuée dans toutes ses profondeurs, et tôt on tard. la corde de 'rapner cassera, comme au siècle dernier se brisa la roue, sous Calas ! Quant à nous, gens de la religion nouvelle, quels que puissent être l'avenir et les destinées, nous somm<'sheureux et fiers qne de tels actes et de si grandes paroles sortent de nos ranMs : c'est une espérancf;>,c'est une joie, c'est pour nous mae consolation suprême, puisque la patrie nous est fermée, de voir l'idée française rayonner ainsi sur nos tentes de l'exil : l'idée de France n'est-ce pas encore le soleil de France ! Et voyez; pour que l'enseignement, sans doute, soit entier et décisif, comme les rôles s'éclairent ! Liée par les textes, il font le reconnaître, la jus-tice condamne; souveraine et libre, la politique maintient, elle assure son cours à la loi de sang : apôtres de charité, missionnaires de miséricorde, les prêtres de toutes les religions se dérobent, ils n'arrivent que pour l'agonie : - et qui vient à la grâce? L'opinion publique; - et qui la dem,mùe? Un proscrit. Honneur à lui! Ainsi, d'une part, les .religions et les gouvernemens; de l'autre, les peuples et les idées : avec nous la vie, avec enx la mort.. . . . Les destins s'accompliront ! Ch. RIBEYROLLES. Les nouvelles de France tombent sur nous, tristes et glacées, comme les feuilles mortes en décembre. II n'en est pas une qui ne crie la faim ou qui ne porte la honte; c'est partout ]a misère, la guenille, le gémissement, et ça et là la révolte qui se lève, pour retomber bientôt sous les hayonnettes ! A Périgueux, chef-lieu d'un de nos plus riches départements agricoles, la cherté des grains a fait sortir les Jacques : ils ont trois fois commencé l'émeute désespérée de la faim, et si la résistance ne s'est pas échauffée jusqu'à la lutte implacable, c'e&tque sans organisation, sans chefs, sans armes, on ne pouvait tenir contre la ligue des forces administratives et militaires : le coup d'Etat a gagné à cela de nouvelles recrues pour ses colonies d'Algérie ou de Cayenne. Cinquante familles environ sont en deuil, et Bonaparte, qui n'avait pas trop dévasté ce département en décembre, a pris, cette fois, sa revanche, derrrière la faim ! Mêmes scènes dans cette pauvre Champagne qui souffrit tant du Cosaque, en 1815, du Cosaque amené par l'autre empereur : Epernay, Rheims et quelques bourgs-cantons ont eu leurs attroupements, et la police a pu jeter là ses filets, en pleine populace, comme dit ce grand COMTE de Persigny, naguères le talon rouge le plus pauvre et le plus éculé de Londres. Et les idées, où en sont-elles? - Au souvenir, à la haine, à la vengeance. Le système-Bonaparte greffé sur la réaction royaliste a porté ses fruits : quoique déjà profondément séparés, les deux sociétés, les deux mondes., il y a trois ans, pouvaient encore se tendre la main sur les urnes ; il est bioo à craindre, aujourd'hui, qu'ils ne se rencontrent plus que pour se détruire ! Ch. Rrn. CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 10 février 1854, .Ainsi que je vous l'annonçais - un peu prématurément, je l'avoue - les ambassade.s russes ont quitté Londres et Paris. Le comte de Clarendon a déclaré, à la chambre des Lords qu'il ne restait plus d'espoir pour la paix, et que les ambass;deurs de France et d'Angleterre à Saint-Pétersbourg allaient demander leurs passeports. Ce n'est pas encore la guerre, mais elle ne peut tarder à éclater. Un officier anglais négocie, avec les grandes compagnies maritimes de Southampton, le nolisement des steamers pour Je transport des troupes. Déjà il est question de 4 grands vapeurs engagés pour transporter 7,000 hommes-ce qui eût exigé, il y a un demisiècle, 80 b~timents ! En outre, le bruit court à Paris que Je préfet ùe police a reçu avis du prochain passage de 10,000 .Anglais qui traverseraient la France pour s'embarquer à Marseille et à . ' L'HO~iIIE. Toulon, à bord de la flotte de l'amiral Corry, en cc momcnf sur les côtes du Portugal. Un des bataillons des garcl, s a reçu ordre de partir le 18 de cc mois pour l'Orient; les bureaux de la guerre et de l'amirauté sont très occupés de recruter et o,gani 0 er l'armée et la marine. On va rap1,elcr au service actif 1,500 vHérans de marine pour garder les côtes, De ce côté-ci de la Mai,c"he, les préparatifs militaires sont poussés avec vigueur. • En France, on ne reste pas en arrière. On appelle sous les drapeaux les conscrits en congé; on arme les .côtes et on equipe les vaisseaux. La banque avance 60 millions sur hou-. ,\1 tiésor, en attendant la conclu.sion d'un emprunt de 200 rnilliu11sa, cc ltots-- chilù,-je vous donne les brnits de Paris pour cr qu'ils valent,- et elle va payer le semestre de rentes <lu 22 mars.-La flotte de l'amiral Brnat a qun.lé Brest Je 6, faisant voile vers l'Algérie, où elle embarquera l O,OGO hommes organisés par le général Pélissier: le "'énéral Féray, ce gendre du général nugeaud, dont le nom jouit d'~ne triste célébrité, comm:u dera la cavalerie. D'antres troupes •sont dirigées sur Toulon : le réglment de chasseur~ rn garnison à Compiè>gne allrait reçu l'ordre de_ se préparer à foin; partie de l'expédition d'Orient. Pendant cette agitation militaire, le Monitrur publie Jes dépêches diplomatiques concernant l'affaire d'On1:nt . .La presse anglaise fait remar,111crque, dès les mois de mars t.:! ,nai 18:i3, avant de savoir sil' Anglett:!rre se décider<1;t à défend· t' la Turquie, le gouver,1ement français avait prévu l'éventualité de l'invasion des p, inripautés, et se préparait à seconder le su!tw cuntrt Je tzë.r, se:ul, ou avec l'appui <lu cabinet anglais. Aujourd'hui <1uetout semble rendre la guerre inévitahle, que le comte: Odoff d vu repousser les propositions même adoucies de la Russie par la con - férencc de Vienne, Louis Bonaparte écrit une lettre rwtograplte à Nicolas, fais:int un dernier appel en favem de la paix .... Le comte Orloff était chargé de s'assurer <les <l,sr,o~itions de Vienne rt de Berlin. Il part, dit le télégraphe, <:mpcrt;mt l'assur:ince <le b neutralité de ces deux cours.-Cette nouvelle c(•ntrarie la presse anglaise qui en conteste l'authenticité. Les flottes sont rentrées à Constantinople : la po1,ufation a été très é~ue de cet acte inexpliqué; les ambassadeurs dt· !'rance et d'Angleterre ont même protesté, laissant aux amiraux· l,, respons:.ibilité de cette démarch•.:, contraire aux instructü,n~ rc-~·1·c<A;.ux dernières nouvelles, et d'après les avis apportt:s pm 1, vapeur français Prométhée venant de Varna, les flottes vont rl:i.trer dans la mer Noire. Un changement de ministres -non de mi11i~th1 - •. en lieu à Constanlinople. Méhémet-Pacha, beau-frère du sultan. ~el'askier (généralissime), est remplacé par Riza-Pacha. Le capudan pacha (minütre de la :narine) est également remplacé. Comme tous deux appartienMnt au parti <lela guerre, on .t prétell<lu que la Turquie allait traiter avec le tzar. l\lais tous <lem{étaient également les chefs de ce vieux p:nti turc, hostile aux réformes, à l'alliance européenne, et, par conséquent à Reschi<l-Pacha, qui a peut-être voulu profiter de l'influence des ambassadeurs pour se débarrasser de toute opposition dans le cabinet. Omer-Pacha a été malade, et s'est assez bien rétabli pour que le b:·uit se soit répandu qu'il avait passé le Danube, à Oltenitza, à la tête <le 50,000 hommes, et coupé en deux l'armée russe-qui n'a pas encore attaqué Kàlafat. Le général Schil<lers, officier de génie, inspecte l'armée russe : elle compte déjà 3,J,000 hommes de moins qu'à son entrée dans les principantés. Elle est encore forte de 150,000 hommes. L'armée d'Omer-Pacha en compte à peu près autant; mais les trois cinquièmefi sont des troupes irrégulières ou des milices, aguerries il est vrai par les combats successifs où les Tmcs ont toujours eu l'avantage. Un combat d'avantposte, à Guirgewo, vient, tout récemment encore, de prouver que les Turcs sont de force à battre leurs eunemis, à nombre égal. Il y a beaucoup d'officiers <111glaisf,rançais, suédois, améri- . cains, etc., dans le camp d'Omer-Pacha, comme volontaires, pour la plupart. Le général Guyon réorganise l'armée d'A~ie. ~lais un plus grand péril pour la Turquie que l'armée rm~e, c'est l'influence russe sur les poptrlations slaves et grecque8 de l'Empire Ottoman, et c'est là cc que l'alliance <les puissances occidentales peut être surtout utile au sultan. Le sultan a déjil, par leur conseil, confirmé, étendu même les droits et privilèges conféré~ à ses sujets chrétiens; il vient de faire promulguer, jnsque dans la principauté quasi indépendante de Servie, ces ~ortes de décrets qui doivent calmer les vieilles haines des Slaves et des Hellènes contre leurs dominateurs. Mais la police turque n'en a pas moins une rude besogne; et elle vient de découvrir une cofüpiration qui s'étend des îles do l' Archipel à la Bulgarie et préparait un massacre général des Turcs. Un officier russe, qui ~e faisait passer pour Jlroscrit, un ancien aide de camp de Botzaris, une quarantaine de Grecs sont arrêtés. On assure que l\,I. .M etaxa, l'emb:issadeur grec à Constantinople, n'est pas étranger à ce complot. Une insurrection a éclaté dans le district d'Ara ta (ancienne !<:pire) poar la croix it l'indi'penclance hellénique. Jusc1u'à pr(·sent, il ne s'agit que de 4 à 500 paysans; mais si ce mouvement se }Jl'Opageait; si les populations grecques n'ont pas l'abnégation <Ir ~acrifier en ce moment Jeurs haines nationalei. à l'intérêt <le la civilisation; si elles ne comprennent pas qu'en se révoltant, ellè~ ne foraient, en triomphant, <Ju'échanger la domination afüiiblie, adoucie des Turcs, contre le knout russe, la Turquie peut se trouver, comme b Hongrie en 181·9, entre les armées étrangères et une in~urrection nationale. La question d'Orient préoccupe, à juste titre, l'attention générale. Je ne dois pourtant pas onb!ier <levous dire qnc h mission de M. Brenier inquiète beaucoup les goùvernement,; italicus, que le roi de Naples laisse espérer une amnistie, même la constitution de 1848, que Radezki fait emprisonner et,juger ·1)a1· /es cours martiales tous ceux qui l'inquiètent, et le nombre s'en accioît tous les jours. L'abstention du cigarre, la réclusion des citoyens dans leurs maisons, tous les indices de résistance pas~ive qui annoncèrent l'insurrection de 1848, sont observés de nouveau par l.t police autrichienne en Lombardie. La Suisse donne plei11s pouvoirs au Conseil exécutif pour en finir avec ]'Autriche, en ce qni concerne l'affaire du Tessin; mais les conseils stipulent en même temps que l'on ne fera rien que ùe compatible avec J'énergiqut dignité qni convient à la 8uisse. En P:émont, on arme, et Je sénat vient <le sanction11er l'application de la conscription aux ecclésiastiques, sauf <1uclquesexceptions, en petit nombre (1 sur 20,000), laissés au choix dei; évêques. ... L:i marine française vient de prendre posse,sio11 cle la nouvelle Calédonie, grande île située près l'Australie, sous le tropique. ... Je remets chaque semaine à vous par]CT en détail des luttes engagèes en1re les ouvriers anglai~ et leurs patron~: l'importance même, la durée de cette lutte me font hésiter i't m'en occuper avant une étude plus approfondie. Pourtant, je ne r,cux pas~èr sous silence un fait nouveau: les patrons-chefs des grande~ manufactures de Preston-ont cru les ouvriers épuisés, vaincus, et ont, de concert, ouvert leurs ateliers ... Il ne s'y est JJrésenté presque personne; mais la fabrique de :M. Almond, qui a accepré les conditions des travaillcms, a repris son antilfle activité, aux applaudissements des ouvriers en grève. Tout à vous, Ph, FAU llF., P.S. On écrit de Paris que Lamennais, très malade C;t obsédé par des âmes timorées, a refusé toute concession au catholicisme; il a signifié à ses exécuteurs testamentaires qu'il entendait être enterré comme les pauvres, parmi les pauvres, "' .<a1•8 Nre porté ù l'iglise. Nous espérons que l'illustre philosophe :ne s,in pas en.. core de si!ôt enlevé à la Démocr,,tie; on nous annonce un pt u de mieux dans ~on état. Voici un incident qui s'est produ:t dans la cité de Londres. il y a dPux jours : Les titres de bourgeoibie ont été offerts par la ci:é de L1rndre, à M. Layarcl, clont les travaux ont mis à découvert les ruiut, ile Nini,e, et qni, dans le Parlement, soutient énergiquement la ca11,t turque. Le ChamlJellan de la cité, Sir J. Rey, en offrant le~ titrt, à M. Layard, a prononcé un discours qu'il a terminé par ce, paroles, très applaudies et très curieuses à noter: "N Nts comptons sur votre talent pour défendre nos droi1, et privilèges; convaincu connue vous devez l'être par l'expérie1m du pas8é, vous défendrez en même temps les droits <-t privili1w du peuple. Nous nous r,:ppelons le temps où un gouvernement tyranmque cherchait à s'emparer des membres du Parlement q11i avaier.t le courage de résister à ses mesures de~potiques: il~ trouvèrent un asîle sûr parmi les habitans de la Cité. Hien que Ir deux règne de notre bien aimée Reine ne 11ous fasse pas craindr, le reno,1Vellement de semblables scènes, pourtant l'e.rpfril'n,·,, 4, ce qtû .,,. pasSP sur le ( 011tine11pteut conduire ù la com1irtir111 q11'u, pareil temps 1ie11t revenir; et ~i cl'la dcrait malln11reu.w,,11r11t ,, rfoliser, lPs r•il/Jyrnsde Londrrs sout aussi dfridés que lwrs aNc1•/r,s i't s'opp s, r au.,· nnpi(te111e11cs,e la Courcnnc, et à maintt·11 ir IP• c!roi'fset Je;; libertés du Peuple. LA 11l'I8SXKCE DES IDÉES RÉVOLUTIO?·r~v .. unj ET L'ANGLETERRE. La démocratie triomphant partout après l 8+f: am une magnanimité sans exemple dans l'histoire, est au· jourd'hui partout vaincue, écrasée, dépouillée, décimée. L'emp~reur d'Autriche chassé de Vienne y est rentré arec le bonrrean et a rétracté tous ses engagevients ; le roi de Prusse a violé les serments solennels qu'il avait faits en saluant le~: funérailles des martyrs de la liberté; ~ l'exemple de res honnête::; potentats, tous les principiculcs d'AJlemagne ont mis en pièces les Constitutions qu'on leur avait arrachées ; le pape, restauré par nos armes sanilèges, a regagné plus qu'il n'avait perdu ; le roi Bom1. est redevenu maître de Naples et de Messine mitraillée~; la glorieuse Italie est de nouveau tout entière et vivanh couchée dans Ja tombe; l'héroïque Hongrie, terrassée 1iar le czar et la trahison, a perdu le fruit de ses victoircb; les duchés de Schleswig-Holstein que nous avons YU~ soulevés avec un admirable feu patriotique, ont été rivti1 une sccornle fois à la monarchie danoise, gràca aux soMaü austro-prussiens ; la France, surprise de nuit par des a~- sassins, ploie sous un joug tellement ignoble que :Nicola~ a cru Je momeut venu <l'assouvir les vieux projet. ru~rs sur Constantinople; la Belgique, r.oumise aux décemùriseurs avec une basse senilité, n'est plus une terre d'asile, et le iils de Marie-Louise d'Orléans pousse l'impudeur jusqn\t se faire le cicerone, d'un agent de l'homme <p1i r:i. dépouillé ( l) ; le Piémont emprisonne ses journali,;tcs, chasse ou i11sultelâchement les proscrits qui lui dem,m- <lent refuge ; la Suisse se ùégrade au point d'interdire la vente des livres où l'on publie les crimes bonapartiste~; l'Espag11e en est à faire un Deux Décembre comme :·'il était dit que tous les trônes dussent être occupés par des parjures; en un mot, l'Angleterre et la Hollande sont Jrs seuls pays encore libres et St respectant eu~-mêmes !... Ainsi, jamais idée ne parut plus abattue que ne srmlile l'être l'idée démocratique avec tous ses chefs proscrit, errant par le monde, et cependant que voit-011? L'Emopc gouvernementale menacée dans son tquilibre, outragfr par l'ambition d'un barbare qui n'ose remuer de peur que le moindre mouvement ne brise les chaines <lu lion rholutionnaire ! Lisez les journaux monarchiques, absolutillltou constitutionnels, tous le disent : Ils veulent éviter 1., guerr<.>,surtout parce qu'elle donne des chances aux pilrtageux, aux anarchistes, aux démagogues, aux eJ1J1cmis de la famille et de la propriété, etc., etc.; on sait tou~ ks noms }H,lisdonnés aux républicains par le bon goût pkiu de rage des modérés. L'attitude que cette crainte a fait prendre aux grandes puissances dans la question d'Orient est vraiment pitoyable. Nicolas, après avoir a1longé sa patte d'ours pour Vl}ler un peu de la Turquie, s'arrête intimidé, et, avec l~ dévotirn des " honnêtes gens," prend le ciel à. témoin qu'on l'attaque! La France et la Grande-Bretagne unies ensemble n'osent pas depuis six mois lui dire: Retirer, v111 troupes des principautés où leur présence nous inquiC:,teet viole les fameux traités de la Sainte-Alliance; l'Autriche voit le despotisme moscovite avancer sur le Danube, l'ar- (1) Le honteux scandale que la gente monarchiste' Yient enton <ledonr.er à Bruxelles mérite d'être noté en passant. - ::\J. Sapoléon Jérôme Bonaparte était représentant du peuple et aYait plusieurs fois spontanément juré de sa il.délité à la Républiqne. il se distinguait à l'Assemblée par l'exagération de son radicalismt, " et nul plug que lui n'attaquait son soi-disant cousin, le présidrnt. Quelques journaux s'obstinent même d'une manière asso ridi. à l'app( Ier "le prince de la Montagne," bien qu'il n'ait jamù fait partie de la. réunion de la Montagne d'où son nom seul l'an. rait exclu. Arrive le Deux Décembre. Si.:.L Napoléon Jérôme a1ait eu le moindre souci de rnn honneur et de sa parole, ~L Loui, Napoléon l'aurait exilé, et s'il s'était réfugié en Belgique. il y aurait subi les avanies qu'elle impose lâchement aux pro~<:rif,, sam doute mêf!1eelle l'aurait chassé. - Mais il a violé sa foi, il 1 pri~ un rôle dans la parade impériale d'un drôle qu'il a souvent déclar~ n'avoir pas m~me une goutte àe sang bonaparte cla11,I" veines; il n'en faut pas davantage pour que la cour et le mini,. tère de Bruxelles lui fasse une réception de "tête couro11nft'' lorsqu'il se présente. Ainsi, qu'il fût venu en honnête homme, c'e,rà-dire en exilé, le roi Léopold l'aurait traité comme un vagabonrl; il vient au contraire souillé d'un parjure, ayant renié avec cynisme toutes les obligations de la plus vulgaire probité, le roi Léopold, ce Nestor des monarques modernes, lui donne à dîner er grand gala et fait battre le tambour au champ quand il pa5;:t< ! Quelle profonde immoralité!! Voilà pourtant les actes de ch:1que jour de ce vilain monde couronné et brodé qui s'appelle " Ir~ honnête~ gens, et les amis de l'ordre!"
.. tèrc vitale rle Vic me, et cherche ét l'attendrir faute dd courage pour le repousser ; enfin, la Prusse avec les mêmes terreurs montre les m~mes tergiversations, et ne peut se réson<lrc i't dire oui ou non. Ces quatre gouvernements, rapprochés par un iiitérèt commun, affectent de ne pas s'apercevoir que l'h01~neur aussi est engage\ et ils enta~sent des projets d'accommodement sur les cadavres et les cendres des escarmouches d'avant-garde. L'autre jour encore les flottes combinées, provoq nées par un acte de piraterie infàme, entrent d'un ,1irmenaçant dans la mer Noirc, mais, s'empressent-e1les de dire, c'est avec des intentions pacifiques; puis le czar, auquel on défend de laisser naviguer ses vaisseaux de guerre, demande aux envahisseurs si c'est un commencement d'hostilités. - Vous me fra1)pez au ,isage, Monsieur, prétendez-vous m'offenser ? Tel est le spectacle que donnent à cette heure les monarques t"k Ja terre ; n'est-ce pas en vérité le plus chétif, le plus misérable dont le monde ait jamais été témoin ! Il sPmhlr ;'i rrgarcler l'Europe qu'on la voie "par le gros bout d'une lorgnette ; tout y est rapetissé, eJle est devenue le royaume <leLiliipnt. Et cela, par peur des révolution11aire:qsue l'on dénonce comme une poignée de brigands aux instincts sauvages, sans tête et sans valellr ! Si nons sommes peu, pourc1uoi Empereurs, Rois et Aristocraties arec leurs armées craignent-ils à ce point de voir sortir notre triomphe de leurs luttes'? Si nos principes sont le désordre, le pillage et l'anarchie, commeut ont-ils pu faire tant de prosélytes qu'on juge leur victoire assurée du moment où les soldats qui compriment les peuples s'en iront aux champs de bataille pour la qnerelle des princes? La masse des nations 11 'est-elle donc plus composée que de scélérats impatients de mettre en pratique des doctrines monstrueuses et de conrir au cliaos ? Ah ! les terreurs actuelles de tous les despotes et de tous les despotismes suffisent à elles seules pour convaincre ceux 11ui douteraient encore que la justice et la vérité sont avec la Démocrate. Puisse le gouvernement anglais surtout enYisager enfin les choses telles qu'elles sont. Il est dupe dn système d'abominable calomnie particulièrement organisé contre les répNblicains français par les factions monarchiques blanche, bleue et tricolore. A ces factions qui nous avaient impitoyablement fermé la lionche, nous donnâmes le lendemain de leur défaite de :Février la liberté illimitée <lela presse ; elles en profitèrent pour dénaturer tous nos actes et nous présenter sous les C'ouleurs les pins odieuses. Les royalistes furent les premières victimes de leur perfidie ; la bande bonapartiste i.'embnsqua une nuit derrière l'armée gorgée <levin et filouta le pouvoir. Ils furent chassés de toutes les positions, Jeurs Iiraves furent bannis et les hommes honorables parmi eux gémissent aujourd'hui de voir la France livrée à un gouvernement plus Yiolent, lllus sanguinaire, plus hidwx que c~lui qn'ils annonçaient comme le résultat inévitable de l'avènement du Socialisme. L' •\.ngleterren'aurait pas moins à regretter de se laisser prendre plus longtemps à cet épouvantail ùu Socialisme. Il lui en coûte déjà trop d'y avoir cru. Si, malgré les plus honorables répugnances, elle a fait une alliance spéciale avec les Tuileries ; si, malgré l'horreur d'un tel rapprochement, elle a mis sa main dans la main des vils coupejarrets de l'Elysée ; si, redoutant d'être trahie à l'heure décisiYepar ces hommes sans foi 11iloi, elle n'a pas repoussé d'une manière plus conforme à sa grandeur l'insolence frauduleuse ùe l' Autocrate, n'est-ce pas uniquement parce qu'elle a craint le so11lèvementdes révolutionnaires au milieu d'une guerre générale ? C'est là une préoccupation mauvaise, impolitique, fatale. L'Angleterre avait deux manières de combattre l'ambition moscovite : faire alliance avec les opprimés ou avec les oppresseurs ; s'unir avec la Pologne, la Hongrie et l'Italie, ou avec les hommes du Deux Décembre flanttués de l' F.mpereurd'Autriche et du Roi de Prusse. Il est constant quele soi-disant empereur des Français comme l'empereur d' Autrithe go,wernent par des moyens dont rougira éternellement l'humanité ; il est constant aussi que le roi de Prusse a forfait à l'honneur en violant tous ses serments pour rester roi absolu ; il est constant de même que tous les gouvernt~mensréYolutionnaires Italien, Polonais, Frauçais, Hongrois, Allemands se sont tous conduits avec une générosité et une sagesse qui feront l'admiration de l'histoire ; et cepelldaut le ministère anglais a mieux aimé s'unir avec les premiers qu'avec les derniers ! Choix inconcevable de la part d'l10mmes d'état qui se glorifient d'être les soutiens du principe constitutionnel et parlementaire, <lela part d'hommes d'honneur q1ii doh·ent haïr l'improbité ! Et, chose non moins étrange, les journaux "honnêtes ", irrités des hésitations de la Prusse et de l'Autriche, menacent le jeune François-Joseph de la Hongrie et de l'Italie, en rappelant au roi de Prusse qu'il doit prendre garde, parce que " 3es peuples " n'ont pas oublié combien il les a trompés! (Voir e11tr'autres le Times du 3 Février.) La loyauté, la morale, le respect de soi-même sont-ils donc de vains mots ? Le vice sur le trône devient-il donc excusallle aux veux des " amis de l'or.Jre" ? Est-il donc permis e11politique de s'associer à des princes avec lesquels on refuserait tout contact comme hommes :privés dans les relations ordinaires de la vie ? 0 puùeur ! les ~crivains qni scandalisent la conscience publique par de telles capitlllations, qui vantent aujourd'hui l'homme auquel il~ appliquaient hier eux-mêmes le L'HOJI~iE. nom de Cartouche, qui donnent aux masses le mauvais exemple de dégradantes et coupables amitiés, coupables, parce qu'elles sont dégradantes, ô pudeur! ces écrivainsvalets prennent effrontément dans tous pays le titre " d'honnêtes gens ", et disent avec superbe des feuilles gardiennes du devoir : feuilles de cabaret !.. . Mais pourquoi nous étonner ? La prostitution n'a-t-elle pas toujours insulté la vertu ? Après tout, que peut donc crainc•re l'Angleterre de ces révolutionnaires pour lesquels le monde officiel a tant de répulsion ? Rien. Nous ne saurions avoir aucun intérêt contre elle, puisqu'elle aime et pratique la liberté. Les gouvernements Russe, Autrichien, Prussien, :Français, au contraire, et tous les tyranneaux à la suite, la haïssent, parce qu'elle seule tient le drapeau constitutionnel et que leur tendance, leur rêve, c'est l'absolutisme. Aussi longtems qu'il y anra une tribune quelque part, ils ne sauraient être en paix. Qu'ils deviennent forts, qu'ils parviennent à étouffer l'élément révolutionnaire par la proscription, la geôle, la transportation, le gibet, qu'ils n'aient plus à s'inquiéter chez eux des ennemis dn mal, et ils se ligueront bientôt contre la Grande-Bretagne. Quand elle seule restera libre en Europe, si puissante qu'elle soit, il ne lui sera pas facile de résü,ter à la coalition des ennemis du bien. Elle n'a véritablement qu'un allié naturel, c'est le grand parti révolutionnaire, le grand parti du progrès. Les démocrates de toutes les nations se rapprocheront toujours d'elle, la défendront toujours, parce qu'elle est libre, parce qu'elle est réformiste, malgré sa constitution aristocratique, et aussi parce qu'elle leur a donné une ho~pitalité courageuse. Qui pourrait les recevoir tous, sauf elle ? Où iraient-ils sans elle ? Aux Etats-Unis, loin de leurs plus chères espérances, et pour y être, hélas ! témoins forcés des douleur-.<d, e trois millions d'esclaves !... Nous le disons avec certitude, si le cabinet de St.- James, l'aristocratie anglaise et ceux qui dirigent l'opiniori publique par la tribune et la presse veulent regarder en face le fantôme dt1 socialisme, ils seront eax-mêmes surpris du néant des images grossières dont ils s'épou- -vantent. Qu'il se soit produit en France après 1848 et au milieu du bouillonnement P.ropre à touiei. les époques de rénovation, des idées peu saines, iles sentences hasardées, des théories étranges ou même blâmables, c'est possible ; (nous l'atlmettons sans avoir la prétention ici de nous en faire juge) mais qu'importe, du moment qu'elles demeurèrent individuelles? Il y a des exagérations partout : le droit divin, la religion en fourmillent. N'est-ce pas M. de Maistre, le grand théoricien du royalisme, qui a écrit : " le Bourreau est l'axe de la société " ? Le régime constitutio.nnel lui-même, malgré ses prétentions à la juste mesure, ne manque pas de docteurs passablement excentriques pour dire par exemple : " La lfgalité nous tne." C'est là une conséquence nécessaire de l'indépendance de l'esprit humuin. Chacun émet sa pensée, sage ou folle, dans les clubs, dans les journaux, dans les livres, à la tribune ; ainsi le veut, ainsi l'exige l'émancipation de l'homme. Et il ne faut pas qu'il en soit autrement. Si vous prétendez interdire les doctrines mauvaises, vous interdirez par là même aux bonnes la faculté de se manifester. Le danger de la répression est mille fois plus grand que le mal lui-même. Montrez-nous donc une loi quelconque, restrictive de la liberté de la presse et de la parole qui n'atteindrait pas l'Evangile et ne condamnerait pas au pilori l'lmitation de Jésus-Christ. On ne doit pas juger une école politique par les propositions plus ou moins hétérogènes que tel ou tel peut avancer, mais bien_ par le crédit qu'on leur accorde; or nous défions de prou-' ver qu'aucune idée attaquant les bases fondamentales de la société ou la morale éternelle ait eu chez nous assez de sectateurs pour qu'on puisse en faire un crime aux républicains nous défions de citer aucun système dont l'acceptation générale au milieu des démocrates puisse inquiéter les bons esprits. C'est par leurs actes qu'il convient d'apprécier les partis ; or nous défions encore qu'on puisse reprocher au nôtre, lorsc1u'il pouvait tout, aucun • acte dont le monde ait à s'effrayer. Nos antagonistes n'oseront jamais nous porter un semblable défi. Il serait bien temps, en vérité, d'en finir avec toutes ces sottes accusations lancées par la haine, propagées par la mauvaise foi, admises par une crédulité vulgaire. Elles se dissiperaient comme une fumée devant le moindre examen sérieux. Nous ne sommes nullement d'lrnmeur à demander grâce ; nous ne nous adressons pas surtout à ces hommes pervers qui nous attaquent parce qu'ils nous haïssent comme les voleurs haïssent le jour ; ceux-là nous les méprisons, mais nous voudrions que nos adversaires honnêtes prissent la peine de réfléchir que le conte de l'Ogre est purement un conte, et qu'il n'est guère permis d'y croire passé la première enfance. " Les amis de l'ordre " auront-ils donc toujours ce coupable ave11glementde mettre Jésus en croix et de se laisser tromper par les Pharisiens et les marchands du temple ? En définitive, pour ne parler que de la France, la République démocratique y a rallié à elle les grandes intelligences nommées François Arago, Victor Hugo, Lamartine, Lamennais, Michelet, Eugène Sue. Le principe monarchique a-t-il à nous opposer beaucoup d'acquisitions de cette valeur? Qu'il réponde. La passion politique peut jug.er à sa guise les autres têtes non moins éminentes et plus anciennes de la démocratie, nous ne leur ferons pas l'injure de les défendre; mais nous adresserons cette simple question à tout conservateur loyal et de \ion sens, quelque soit son pays : Peut-il croire que leii hommes: cités tout à l'heure seraient arrivés de distance plus on moins éloignées jusqu'à la République, l'auraient servie comme ils l'ont fait et couronné de leur gloire universelle,. si notre parti était le parti du crime, selon que disent des. misérables s'adressant au troupeau des niais ? Revendiqueraient-ils encore aujourd'hui hautement le titre de républicains si les républicains étaient un ramas stupide' d'anarchistes, de partageux et de terroristes? Anarchistes, partageux, terroristes ! Les gens qui excitent la colère des peuples et provoquent la guerre civile en déchirant les Constitutior,s qu'ils ont octroyées ou jurées à la face du ciel et de la terre, voilà les vrais, les seuls anarchistes, il n'y en a pas d'antres. Les gens qui écartèlent la généreuse Pologne et s'en partagent les lambeaux ; ceux qui envoient leurs Cosaques dans les provinces danubiennes au mépris des traités garants de la paix générale ; ceux qui s'emparent, leur conseil d'Etat entendu, du gros legs du dernier Condé a.ux soldats de l'armée de Condé ; ceux qui confisquent les biens de Messieurs <l'Orléans et les charges des officiers ministG!riels n<lèles au devoir ; voilà les vrais, les seuls partageux, il n'y en a pas d'autres. Ceux qui ont fait les massacres de Décembre et ceux qui s'en rendent solidaires; ceux qui transportent sans jugement; ceux qui enchaînent à Cayenne et à Naples les meilleurs citoyens avec les forçats ; ceux qui ont relevé en France la guillotine abattue par les "rouges" de Février, en Allemagne l'échafaud renversé par l'Assemblée démocratique de Francfort, àRome la potence b:rtsée par les révolutionnaires rom..ins ; ceux enfil'l dont la fureur sanguinaire couvre encorechaque jour d'échafauds l'Italie, la Pologne, la Hongrie et l'Autriche, voilà les vrais, les seuls terroristes, il n'y en. a pas d'autres. V. SHŒLC}IER. CORRESPONDANCE D'AFRIQUE. Mon cher ami, Vous me demandez des nouvelles d'Afrique; j'en ai de bien, tristes à vous donner. La mort fauche à pleines gerbes les républicains, là-bas, dans les camps et $OUsles tentes des colonies. Les. hommes les plus forts de caractère et de constitution succombent les uns après les autrei:, sous l'action combinée dn climat et du régime intérieur qui affame les corps. Nous somme~ tous aiteints, m'écri(-on, et c'est sur nos tombes que soufflera le sirocco, cet été,. si la révolution ne -vient bientôt nous délivrer. Un des hommes les plus considérables de la transport::ttion pal' l'intelligence, l'indomptable énergie de la foi républicaine et la trempe clu caractère, le citoyen Douard, de Paris, vient de succomber naguère dans le camp-cimetière de Douera. Il était du nombre de ces hommes inflexibles que ui les menaces brutales du sabre,.ni les ténèbres des cachots, ni les promesses de la liberté n'ont jamais pu faire dévier de la ligne des principes démocratiques. Il a tout refusé : internement, travail, liberté; il a préféré se donner à la mort que de demander la vie à Bonaparte. On parle des dévouemens antiques : républicain, je suis fier d'avoir ce.i1ilà à signaler à l'histoire contemporaine. Douard avait du cœur, une foi vigoureuse et de l'instruction. Il ::tvaittout ce qu'il faut pour résister longtemps; il a fallu deux· ans à ce climat pour abattre cette vaillante nature, belle sous tous les aspects. Simple ouvrier menuisier, il_était parvenu à acqué_rirm~e in~- truction variée et solide. Depms l'avènement de la Repnbhque 11 avait en quelque sorte concentré toute l'activité de son intelligence sur l'étude de la science économique. Il possédait à fond les doctrines de tons les savants qui ont écrit sur cette partie de la science humaine. Prisonnier, il a consacré tous ses moments à répandre autour de lui ses nombreuses connaissances. Sa propagande persuasive a formé bien des convictions, rassuré bien des croyances chancelantes et dissipé bien des ténèbres. Il était l'intelligence du camp l'ami et le confident de tous les prisonniers, et à ces titres, de to:1s les transportés, le plus redouté dans le repaire des sergents et du commandant. . , Sa vie entière se résume par ces mots: Travail, combat, etude. Son amour pour l'étude était devenu insatiable. L'hum:mi.té, me disait-il étant parvenue au dernier terme de son éducation, h ' , science, il est honteux pour un homme de rester etranger aux sciences qui sont déjà constituées lé~itimement. Ayan~ r~connu l'utilité des connaissances mathématiquee pour l'exphc:i.tion de certains phénomènes ou l'intelligence de certaines lois, il avait voulu aborder cette étude si aride. Hélas! il est mort à la peine, mais sa mémoire sera fidèlement gardée et dans les camps et dans l'exil, il aura son tombeau ùanr. tous nos cœurs ! A 'Vous, J.-B. :\.:t.nEL. VARIÉTÉS. Nous recevons du citoyen Octave Vauthier, pros-- crit comme nons, et phalanstérien, les lignes suivantes : elles ont pour but de relever quelques. textes inexacts, cités dans l'article sur Fourier qu'a publié ce journal. Disons d'abord que l'opinion du citoyen P ... r, et les citations q1;1'ial_faites, ne da~ent pas d'hier; elles ont paru, v01là dix ans au moms,. dans un livre sur le socialisme (car M. P ... r est un ardent socialiste, à sa manière) et l'école alors fl?rissante né-rectifia pas, que nous sachions du ~oms; d'un autre côté, nous n'avions pas sou.sla m~m, en publiant, tous les volumes de Founer qm. a pu avoir ses Tariaates (il y .en a dans toutes les bibles). et le contrôle nous était difficile; voilà pour li bonne foi du journal. Voici maintenant les rectifications' enYoyées; ..
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